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12/10/2018

Quand l'Obscur se déguise en Ange vengeur

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Flyer évangélique brésilien

Ce qui se passe au Brésil et en Ukraine montre les ravages exercés dans la religion par les diverses formes du national-populisme :


 

 

Rio de Janeiro – La plupart des "dénominations" évangéliques ont jeté le masque : elles soutiennent à 100% le candidat national-populiste Jaïr Bolsonaro, dont le programme de guerre civile et de privatisation à outrance ressemble (disent ses opposants) "à du Trump appliqué par Duterte".  Dans une note du 6/10 je constatais :

<< Bolsonaro veut donner aux fazendeiros, grands propriétaires terriens devenus agro-industriels, le moyen légal d'équiper des armées privées afin de liquider les 'Paysans sans terre'... (Ceux-ci ne cessant de réclamer la réforme agraire, promise faussement par Lula avant que Mme Rousseff ne déclare "terrorisme" leurs manifestations). La guerre civile contre les Paysans sans terre n'ayant jusqu'à présent fait que 2000 morts, Bolsonaro souhaite que l'on soit plus radical : "Nous allons donner des fusils aux propriétaires ruraux", annonce-t-il entre deux gémissements surjoués à la télévision [2]. Il promet également d'autoriser sans frein tous les pesticides, et de déréglementer la déforestation agro-industrielle de l'Amazone : "Pas un centimètre de plus pour les Indiens !" Les grands propriétaires se sentent "les coudées franches pour faire ce qu'ils voudront", s'inquiète le P. Paulo Santos, de la Commission pastorale de la terre à la Conférence des évêques du Brésil [3]... La vraie nature de Bolsonaro est en effet de servir la banca ruralista : le lobby de l'agro-business qui contrôle 45 % des parlementaires brésiliens. Ce groupe d'intérêts n'a cessé de monter en puissance depuis dix ans ; il voit maintenant en Bolsonaro son outil présidentiel. Et ça ne s'arrête pas au monde agricole. Le "populiste de droite" est en réalité le candidat des marchés, désormais flanqué d'un conseiller économique ultralibéral affiché, Paulo Guedes. D'où sa  promesse de privatiser tous les secteurs encore publics, ce qui crée une euphorie inédite à la Bourse de São Paulo... >>

Pourquoi les dénominations pentecôtistes et baptistes sont-elles acquises à Bolsonaro ? Réponse (Le Monde 6/10) de Robson Rodovalho, leader de "l'Eglise Sara Nossa Terra" : "Il y a unanimité sur le fait que Bolsonaro est le seul candidat de la vie, de la famille de l'économie libérale !"  Que vient faire "l'économie libérale" avec "la vie" et "la famille", alors que partout dans le monde le néolibéralisme a produit les avancées sociétales ?  Cela vient des liens étroits entre l'évangélisme brésilien et la Religious Right des Etats-Unis, pour laquelle "Jésus était un capitaliste". Sachant que ce courant nord-américain a déclenché une guerre sale contre François "le pape socialiste", et que les évangéliques brésiliens hypnotisent une fraction du catholicisme français, on voit pourquoi cette fraction relaie aujourd'hui la guerre contre le pape auquel elle devrait être loyale par nature, mais dont elle se détourne – notamment par idéologie économique. La force inique de l'Argent est déchaînée contre le successeur de Pierre et se déguise en courant spirituel... C'est l'heure de relire l'Apocalypse de Jean au chapitre 13, qui évoque l'instant métaphysique où personne ne pourra "acheter ni vendre" sans avoir "la marque, c'est-à-dire le nom de la Bête ou le nombre de son nom" : "Que celui qui a de l'intelligence déchiffre le nombre de la Bête, dit le livre, car c'est un nombre d'homme."

 

Kiev. C'est le grand schisme des Slaves ! Le jeudi 11 octobre, un synode réuni à Istanbul par le patriarche "de Constantinople" – rival symbolique du patriarche de Moscou – prend l'Eglise orthodoxe d'Ukraine sous son obédience canonique et la reconnaît comme autocéphale, c'est-à-dire indépendante du patriarcat de Moscou  dont elle faisait canoniquement partie. C'est le triomphe d'un personnage politique sulfureux : l'évêque Philarète, patriarche autoproclamé de Kiev jusqu'à son excommunication en 1997 pour attitude schismatique (déjà). Philarète avait commencé sa carrière ecclésiastique dans le patriarcat de Moscou, comme agent du Kremlin  ;  l'empire soviétique vacillant, il s'était inféodé aux nationalistes ukrainiens ;  le nationalisme ne cessant de s'enfiévrer avec la guerre du Donbass, Philarète en était devenu la figure de proue spirituelle : un symétrique religieux des chefs de milices qui exaltaient "le Sang et le Sol d'Ukraine". 

Applaudissant le schisme du 11 octobre, le président ukrainien Porochenko l'a présenté comme un acte de guerre "contre l'impérialisme de Moscou". Deux mois plus tôt il avait appelé au schisme, en expliquant sans fard que ce serait le complément religieux "de notre lutte nationale et de notre volonté d'intégrer l'OTAN"...  Depuis 48 heures les villes d'Ukraine s'ornent de grandes affiches associant la nouvelle Eglise autocéphale au nationalisme d'Etat, avec ce slogan sans équivoque : "une Armée – une Langue – une Foi".

Le monde orthodoxe est morcelé par l'histoire. Nombre d'Eglises autocéphales sont nées de l'écroulement de l'empire ottoman. D'autres, de l'écroulement de l'empire soviétique : le schisme de Kiev en est l'exemple le plus récent, et le plus considérable puisqu'il pourrait priver le patriarcat de Moscou de 40 % de ses paroisses. Mais les choses ne se passeront pas facilement : hier les milices nationalistes ukrainiennes parlaient de s'emparer du siège du métropolite, qui se trouve être au monastère des Laures de Kiev, haut-lieu de l'orthodoxie slave remontant au XIe siècle ! "Des gens descendront dans la rue pour défendre leur sanctuaire", répliquait le patriarcat de Moscou, comparant le nouveau schisme à celui de 1054 qui brisa l'unité entre Orient et Occident...

Ce désastre religieux ne vient pas de la religion, mais des vieilles forces obscures du Blut und Boden (le couple "sang-et-sol" des idéologies national-populistes).

 

Leçon de ces actualités :  le bolsonarisme de trop de chrétiens brésiliens, ou le schisme de Kiev, sont deux exemples de fourvoiement blasphématoire. Que le blasphème soit dicté par l'Argent (via l'hérésie consumériste de "l'Evangile de la prospérité") ou qu'il le soit par le culte du Sang, il ne peut qu'effrayer des consciences droites et tourner leurs regards vers le successeur de Pierre : attaqué à la fois par les serviteurs de l'Argent et par les idolâtres du Sang, le pape François montre le chemin du Christ.

 

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Commentaires

MEGACHURCH

> Les états-uniens n'ont pas seulement emmené leur logistique dans l'est de l'Ukraine, ils diffuseraient de l'idéologie "type pentecôtiste (mega church, économie libérale,.." et ce depuis bien avant Trump.
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Écrit par : Raphaël R. / | 12/10/2018

WUERL ET WINTERS

> J'ajouterais à ces deux exemples celui des États-Unis, dont la démission du cardinal Wuerl hier offre une nouvelle illustration des divisions à l'œuvre dans l'Église catholique sous la pression de groupes fondamentalistes.

https://www.ncronline.org/news/accountability/distinctly-catholic/wuerl-hounded-office-becoming-face-abuse-crisis

Je recommande à ce sujet un article de M.S. Winters dans le 'National Catholic Reporter'. L'auteur souligne que la cabale des anti-François contre Wuerl a débuté AVANT le rapport de Pennsylvanie. Il s'étonne également de voir des journalistes américains ouvertement bergogliophobes, dont le PDG d'EWTN, continuer de siéger au sein d'instances vaticanes. Winters s'émeut enfin - il avoue avoir pleuré hier à l'annonce du retrait de Wuerl - de s'imaginer les Tim Busch et consorts de LifeSite et du Napa Institute célébrer au champagne leur victoire sur Wuerl.
On peut donner raison à Winters qui ne comprend pas pourquoi la hiérarchie épiscopale américaine n'a pas empêché, il y a quelques années, la contamination des positions anti-François à EWTN et au 'National Catholic Register', quand il était encore temps : il y dénonce une "négligence dans l'opposition au cancer schismatique".
Prenons garde à ce que cette ligne, déjà installée au 'Figaro' et à 'Valeurs Actuelles', ne métastase pas vers d'autres media français !
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 13/10/2018

PARTI-PRIS

> Votre analyse est aux antipodes de celle entendue vendredi dernier peu après midi sur une radio nationale par la voix d'un "spécialiste en science des religions" actuel directeur d'une grande maison d'éditions dominicaine, qui faisait l'éloge de cette scission en raison du caractère rétrograde et conservateur du patriarcat de Moscou!
La médiocrité de cette intervention et son parti-pris haineux m'ont scandalisé, tout était faux et biaisé, historiquement et factuellement déformé.
La russophobie médiatique et la russophilophobie officielle œuvre y compris dans l'Eglise ...
"Charité que de crimes commet-on en ton nom!"
Mais le plus grave est que cette voix "autorisée" salit l'Eglise qu'elle était censée représenter.

Albert E


[ PP à Albert E - Voix nullement autorisée : il ne représente que lui-même. Chose du reste fréquente chez les laïcs orthodoxes en territoire français, qu'ils soient du parti "Moscou" ou du parti "Constantinople"...
Par ailleurs, la maison en question est de moins en moins dominicaine depuis qu'il l'a reprise. ]

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Écrit par : Albert E / | 15/10/2018

LE SCHISME

> Ukraine : ce schisme dans le schisme oriental va non seulement ravager l'Orthodoxie, mais présage une entreprise d'épuration religieuse menaçant les catholiques.
Et l'affaire du Donbass et Loubiansk n'est pas prête d'être résolue!
Tout cela sera joyeusement soutenu par le camp occidental.
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Écrit par : Pierre Huet / | 16/10/2018

L'HÉRÉSIE NATIONALISTE

> Un catholique ("papiste" !) ne peut voir qu'avec consternation le patriarcat de Moscou et celui de Minsk déclarer que le schisme de Kiev rend impossible liturgies et communion communes avec le nouveau patriarcat ukrainien.

Les catholiques ont vécu eux aussi ce genre d'intransigeance, jusqu'aux dispositions oecuméniques romaines (1993) qui autorisent un fidèle catholique à communier dans une église orthodoxe à quatre conditions : que ce soit "pour la croissance de sa vie spirituelle" (à l’exclusion du tourisme sacramentel) ; qu'il lui soit impossible de participer à une messe catholique ; qu'il n'y ait pas "d'ambiguïté possible" (pas de syncrétisme ou d’erreur) ; et que les sacrements soient valides, ce qui est le cas de l'eucharistie dans les Églises orthodoxes.

Face au schisme national-religieux ukrainien, Moscou s'estime dans l'obligation de marquer solennellement son indignation en proclamant la rupture de communion... Cette mesure semble prendre l'eucharistie en otage, mais vise à empêcher le nationalisme religieux de se répandre et de disloquer le monde orthodoxe – comme le craint le patriarche de Serbie qui sut donner un coup d'arrêt en 1967 au schisme de l'Eglise orthodoxe de Macédoine.

Voilà à quoi mène cette déviance nationale-religieuse qui plaît tant, pour leur propre compte, à certains catholiques français : quand les forces obscures du sang et du sol se mettent à infester le christianisme.
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Écrit par : PP / | 16/10/2018

COMMENT EST-CE POSSIBLE

> Comment le patriarche Bartholomée, homme de paix, pro 'Laudato Si' avant l'heure, a-t-il pu autoriser cela, y compris (par ses conséquences) la scission à laquelle nous assistons dans le monde orthodoxe ?
Certes, l'autocéphalie n'a pas encore été reconnue, mais elle le sera probablement. Le patriarcat de Constantinople aurait-il fait l'objet de pressions (ukrainiennes certainement, américaines peut-être) ?
Vatican News s'est montré peu loquace dans le traitement de cette affaire : neutralité du Saint-Siège devant les questions orthodoxes ou désarroi devant l'incompréhensible ?

PV


[ PP à PV :
Le Vatican connaît très bien le danger que représente le tropisme "sang-et-sol" de l'orthodoxie. La discrétion vaticane s'explique par la volonté de sauvegarder le dialogue oecuménique, qui avait fait des progrès depuis cinq ans (même si le nationalisme religieux orthodoxe lui mettait encore des bâtons dans les roues).
Il s'agit en effet de préserver l'influence de ceux des dignitaires orthodoxes qui ont le sens de l'universalité christique, face à ceux qui clament de plus en plus sous l'emprise des extrêmes droites que "'l'ennemi c'est l'universalisme" : slogan idéologique qui véhicule une hérésie majeure ! (chez nous aussi, d'ailleurs : idole des cathos d'ultradroite et se proclamant catholique en dépit de ses positions, Mme Maréchal invite maintenant comme "grands intervenants" dans son école lyonnaise les chantres de cette idéologie résurgente. Y compris des intellectuels antichrétiens affirmés ! ]

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Écrit par : Philippe de Visieux / | 17/10/2018

LE CHAOS NATIONAL-RELIGIEUX

> C'est la grande fragilité des églises orthodoxes qui ont tendance à avoir une étiquette et un périmètre nationaux. Depuis que les patriarches ont voulus s'installer à proximité du César, du calife ou du tzar, pour avoir son oreille et son soutien, ...eh bien il devient difficile pour un fidèle orthodoxe d'expliquer à son gouvernement qu'il est un fidèle citoyen même si son patriarche (à qui il obéit spirituellement) est de l'autre coté de la frontière et "copain" avec le dirigeant politique ennemi.
Cela a valu même des schismes dans l'Antiquité (les monophysites, si ma mémoire est bonne), quand l'empire perse est allé taquiner l'empire romain d'Orient et a capturé des zones christianisées "romaines" devenant perses.
Il était à craindre, depuis que l'Ukraine est devenue indépendante (il y a près de 30 ans), que les orthodoxes ukrainiens se détachent du patriarche de Moscou, surtout que le passif entre Ukrainiens et Russes est lourd.
Que le patriarche Cyril affirme que "les fidèles orthodoxes vont prendre les armes pour défendre leurs églises" est "gonflé" car il n'est pas sûr de savoir "dans quel sens" les Ukrainiens vont prendre les armes !!
Personnellement je doute que des orthodoxes fidèles à "l'unité œcuménique" prennent les armes contre les milices nationalistes ukrainienne pour défendre leur attachement à un patriarche, présent à Moscou, réputé proche du pouvoir politique russe (que ce soit vrai ou faux), alors que leur propre pays est en situation de guerre civile, et officiellement (est-ce vrai dans les faits ?) attaqué par la puissance russe.
Que des hommes prennent des armes pour "capturer des églises et des monastères", c'est possible ; mais dans quel camp ?....
En tout cas c'est bien triste.
Encore un exemple du détournement (et de la vampirisation) du religieux au profit du politique.
Cdt,
______

Écrit par : Bergil / | 17/10/2018

LES UNIATES

> L'Église catholique se veut universelle, c'est un fait... mais elle comprend également en son sein une Église gréco-catholique ukrainienne qui a par le passé fait part de son peu d'empressement à voir le pape rencontrer le patriarche Cyrille à La Havane ou recevoir le métropolite Hilarion au Palais apostolique. Que pense cette Église catholique orientale de la situation en Ukraine, en particulier après la décision de Constantinople ?

PV


[ PP à PV - Les uniates ne peuvent pas jouer (eux aussi) le rôle de bâton dans les roues de l'universalité chrétienne. Respectons les grandes douleurs du passé, mais il y a aussi une chose qui s'appelle l'avenir... Et si l'Eglise catholique cédait elle aussi à ses "nationalistes", le chaos se généraliserait. ]

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Écrit par : Philippe de Visieux / | 17/10/2018

CHINE : L'ACCORD REJETÉ PAR DES CATHOS "NATIONAUX-COMMUNISTES" !

> http://www.asianews.it/news-en/Former-underground-bishop-becomes-president-of-the-Patriotic-Association-for-an-'independent'-Church-45230.html

En Chine aussi, il faudra du temps pour que le catho-nationalisme face place à un authentique universalisme du message chrétien en communion avec le successeur de Pierre : depuis un mois, les "anti-accord" s'organisent dans certains diocèses chinois pour rappeler que leur autorité ne saurait dépendre d'aucune institution étrangère (le Saint-Siège), se plaçant "sous la direction du Parti communiste".
Par l'accord provisoire, le pape leur a rappelé que le catholicisme implique une authentique communion avec le Siège apostolique : laissons l'Esprit Saint opérer une lente mais certaine conversion des cœurs.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 18/10/2018

TRISTE

> En tous cas, c'est triste. Ce pays, aurait pu être une terre d’œcuménisme avec ses gréco-catholiques, et, de ce fait, de mission car les incroyants y sont majoritaires, semble-t-il!
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Écrit par : Pierre Huet / | 18/10/2018

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