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24/08/2018

Australie : une consolation pour le cardinal Pell

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Embouteillage australien, 2017

Le cardinal climato-négationniste doit apprécier le putsch des ministres australiens, qui viennent de remplacer le chef du gouvernement par un ami des gaz à effet de serre :


En Australie où il attend sous caution son procès pour avoir "couvert des prêtres coupables d'agressions sexuelles dans les années 1970" (ce qu'il nie vgoureusement), le cardinal George Pell – 76 ans, ex-archevêque de Melbourne-Sydney, ex-ministre des finances du pape – a depuis aujourd'hui une consolation : le putsch intra-gouvernemental qui vient de remplacer le Premier ministre Malcolm Turnbull par son rival Scott Morrison.

Pourquoi l'arrivée de M. Morrison est-elle un baume au coeur du cardinal Pell ? Parce que M. Morrison est un négationniste climatique. Ce clone de Donald Trump est également là pour abolir (au nom des "jobs" et de la "libération des entreprises", comme aux USA) le peu de protections environnementales installé auparavant... Sujets qui viennent de coûter son poste à M. Turnbull, lequel avait tenté lundi de faire adopter un objectif de réduction des gaz à effet de serre ; d'où son éviction par les ministres libéraux.

Voici donc M. Morrison aux commandes pour faire à l'Australie ce que font aux Etats-Unis les agents de M. Trump (le corrompu Scott Pruitt puis son successeur à l'EPA Andrew Wheeler). C'est ce qui ne peut manquer de réjouir le cardinal Pell.

Proche des libéraux australiens, ce prélat s'était fait remarquer par sa tournée de conférences pour nier le changement climatique : applaudi par la cathosphère d'ultra-droite, il avait notamment pris la parole à une conférence climato-négationniste anglo-américaine à Londres en 2011. Speech dont j'extrais cet aveu, inconscient mais symptomatique :  "J'ai commencé à m'intéresser à la question dans les années 1990 en étudiant les revendications anti-humaines des deep greens [*] : j'ai depuis longtemps soupçonné que ceux qui prédisaient un accroissement dangereux du réchauffement global d'origine anthropique exagéraient l'affaire..."  Après quoi Son Eminence avait récité l'argumentaire négationniste au grand complet (sans oublier de rejeter le mot "négationnisme" lui-même) ; air connu.

Le cardinal n'a-t-il pas honte d'avoir été démenti par les constats scientifiques des années suivantes ?  C'est peu probable. En  2014, le pape François faisait une erreur de casting en lui confiant le nettoyage des finances vaticanes [**]. Fonction aussitôt détournée par l'Australien qui s'en fit une chaire de critique ultralibérale, d'où il attaquait les analyses sociales, économiques et écologiques du pape. En juillet 2015, dans le Financial Times, Mgr Pell laisse entendre que l'encyclique Laudato Si est illégitime. Raisonnement : le changement climatique est un mythe, donc l'encyclique erre en s'appuyant sur les climatologues (ce que l'Australien appelle "se prononcer sur des questions scientifiques")... C'est aussi le raisonnement des protestants texans de la Religious Right, à ceci près qu'ils ajoutent : "erreur idolâtre normale de la part d'un pape".

Alors que l'encyclique enthousiasmait des millions de gens dans le monde, le cardinal Pell s'est donc joint au "cercle du refus" de la droite libérale : peu nombreux dans la société, mais bien trop présents dans les couloirs du Vatican.

On sait comment la roue de la fortune a tourné pour George Pell. Il doit néanmoins trouver une consolation dans l'idée que l'un de ses amis gouverne désormais l'Australie. Comme nos "libéraux conservateurs", M. Morrison accompagne sa véritable fonction (trumpiser la législation australienne) d'un étalage de vertus familiales et de "défense de l'identité nationale" : pour ces belles raisons, nos libéraux conservateurs le jugent  – bien qu'il soit pentecôtiste – plus catholique que le pape.

__________

[*] 'deep greens' : "ndt: littéralement: 'verts profonds', i.e. les écologistes radicaux", insistait la traductrice francophone (qui paraît souffrir d'un BOC : trouble bergogliophobe obsessionnel compulsif).

[**]  Erreur de casting comparable à celle qu'avait commise le pape Benoît XVI avec le banquier Gotti-Tedeschi, qu'il fut rapidement obligé de débarquer de l'IOR... (cf. mon livre Cathos, ne devenons pas une secte, Salvator, 2018). Comme dit François, "saint Pierre n'avait pas de banque".

 

 

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George Pell

 

Commentaires

LE CAS PELL

> Permettez-moi de vous corriger, Patrice : Pell a été formellement inculpé le 1er mai dernier d'agressions sexuelles (en tant que prêtre puis archevêque, jusque dans les années 1990). La juge australienne a estimé être convaincue du fait qu’il y avait suffisamment de preuves contre lui pour l’inculper. Le cas Pell est un exemple de ce dont nous débattions hier sur ce blog : comment exercer une "saine pression" sachant que l'homme est inculpé et que des preuves tendent à établir sa culpabilité au-delà d'un doute raisonnable ? Le retentissement de cette affaire est mondial ; pour le bien de l'Église, Pell devrait démissionner, tout au moins de ses fonctions vaticanes... Un ami chinois évangélique me demandait encore tout récemment comment l'Église catholique pouvait être audible avec ces histoires de sexe à n'en plus finir : il venait de lire que McCarrick avait une maison en bord de mer dans le New Jersey, qu'il y faisait venir des séminaristes et qu'il couchait avec eux à tour de rôle - toute la hiérarchie américaine de l'époque était au courant.
Pell, pour revenir à lui, fut indiscutablement une erreur de casting. En le nommant, François espérait sans doute donner des gages aux conservateurs. L'Australien, que l'on disait successeur potentiel au trône de Pierre, est aujourd'hui hors course.

PV



[ PP à PV :

Ce n'est pas sous cet angle que ma note envisage le cas Pell... Par ailleurs, son procès est compliqué. Il semblerait (sous toutes réserves) que les accusations d'actes pédophiles commis personnellement par Pell ne tiennent pas la route. Cf. 'La Croix', 01/05/2018 :

" Après quatre semaines d’auditions, l’ancien archevêque de Melbourne et de Sydney a été formellement inculpé pour agressions sexuelles, même si une partie des accusations a été abandonnée. [...]
Sans dévoiler la nature des faits présumés retenus (certains chefs d’accusations ont été écartés), la juge Belinda Wallington a déclaré être « convaincue » du fait qu’il y a suffisamment de preuves pour l’inculper, évoquant de « multiples plaignants ». [...]
Selon l'avocat du cardinal Pell, Robert Richter, « les accusations ont pour but but de punir le représentant de l’Église catholique dans ce pays pour n’avoir pas empêché les agressions pédophiles commises par d’autres. Le cardinal Pell a été perçu comme le visage de cette responsabilité ». Robert Richter a rappelé que l’ecclésiastique a toujours « coopéré avec la police de l’État du Victoria » et qu’« il maintient être innocent ». [...]
L’actuel archevêque de Melbourne, Mgr Denis Hart, a préféré s’abstenir de tout commentaire et indiqué sur le site de son diocèse que la justice doit maintenant suivre son cours, exprimant sa « confiance dans le système judiciaire en Australie ». [...]
Des évêques australiens ont demandé au pape d’organiser un concile particulier afin d’engager la réforme de l’Église locale. Celui-ci a accepté et le concile aura lieu en 2020. " ]

réponse au commentaire

Écrit par : Philippe de Visieux / | 24/08/2018

LE CHARBON

> C'est normal que les dirigeants australiens retournent leur veste et "nient le changement climatique" : l'Australie a d'énormes réserves de charbon. Il va faire son bizness ces prochaines années en vendant de l'énergie "sale" en période de crise du fait de la "décarbonisation naturelle de l'économie" par épuisement des ressources.
Idem pour le Canada qui est sorti de Kyoto, dès qu'il a découvert les "schistes bitumineux de l’Alberta". Du pétrole et du pognon à se faire : alors... l'environnement....
C'est la même réflexion que Bush ou Trump (qui a les premières réserves de charbon mondiales, en plus d'un beau stock de pétrole) : bizness d'abord, les emmerdes pour les autres.
Mais nous, serions nous plus vertueux à leur place ?
Si vous aviez une grosse réserve d'argent dans votre jardin, et que son utilisation entrainerait (automatiquement) le malheur de vos voisins, est ce que vous laisseriez cet argent enterré par philanthropie, tout en continuant de vous serrer la ceinture chaque fin de semaine ?
Comme disait J-J.Goldman : si j'étais né en 17 sur les ruines d'un champ de bataille... aurais-je été meilleur ou pire que ces gens ...
Cdt,
______

Écrit par : Bergil / | 24/08/2018

"HONNÊTE"

> Moins prudent que l'archevêque actuel de Melbourne, le porte-parole des évêques australiens assure que le cardinal Pell est "un homme très honnête".
Est-ce un acte "honnête" (quand le pape vous fait confiance) que de dire des choses venimeuses contre l'encyclique dans le 'Financial Times' ?
Est-ce "honnête" d'utiliser le prestige d'archevêque pour courir les meetings d'agitation climato-négationniste ?
______

Écrit par : Didgeridoo / | 24/08/2018

> On ne peut se réjouir d'un mal si c'en est un.
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Écrit par : Treyville / | 24/08/2018

CONVERSION

> Je lisais ce commentaire du chanoine Alfred Weber sur: "Vous le savez: ceux que l'on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l'esclave de tous » (Marc 10, 42-44)

Le voici:
" L'autorité dans la sainte Eglise, est avant tout la participation à l'amer calice du Seigneur. Ceux qui sont obligés de recevoir ce redoutable dépôt ne l'accepteront qu'avec crainte et tremblement, par obéissance, et pour le pur amour de Dieu et des âmes. Loin de s'en prévaloir pour dominer sur leurs frères; ils devront se considérer comme les serviteurs et les derniers de tous, prêts à tous les dévouements, à tous les sacrifices, à toutes les morts."
('Le Saint Évangile ou Quatre Évangiles en Un Seul', chanoine Alfred Weber)

À la lumière des événements qui impliquent ces évêques on s'aperçoit du total renversement dans la pratique de ces derniers par rapport à la mission qui leur est confiée. Ils agissent à l'exact opposé du commentaire ci-dessus. A moins que ces derniers n'aient lu dévoiement au lieu de dévouement?
Notre devoir spirituel est de prier pour l'Eglise, la conversion de ses ministres ordonnés et surtout la nôtre (nous aussi et moi le premier, nous participons à notre niveau au délitement du catholicisme par nos renoncements et notre relative médiocrité dans nos domaines respectifs).
______

Écrit par : Raphaël R. / | 24/08/2018

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