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09/08/2018

Quand Benetton réfute les pages saumon du 'Figaro'

libéralisme

Carambolage entre un article du Figaro Economie (7/08) et une information divulguée le lendemain même par Le Canard :


 

Le Figaro s'en prend aux Français qui ne parviennent pas à marcher à la même allure que M. Macron : l'homme qui a "changé la donne", dixit M. Algan, "professeur d'économie à Sciences Po". En effet, selon M. Blanchard ("Harvard, MIT, ex-FMI") interviewé aussi par le quotidien, les Français s'étaient laissé influencer par la "résistance marquée à l'orthodoxie libérale" de "nombre d'enseignants de sciences économiques et sociales" (?), Les Français nuisent ainsi au déploiement du système global. "Une note récente de l'institut Sapiens explique que le manque d'éducation financière coûte cher à notre pays en termes de croissance et d'emploi" : car l'ignardise du Français moyen "favorise une allocation peu satisfaisante" de son épargne qui "ne contribue pas efficacement au financement des entreprises"... Si vous imaginiez que les cadeaux macroniens aux plus riches, les paradis fiscaux et le casino spéculatif bancaire jouent aussi un rôle dans le manque de financement des entreprises, détrompez-vous : ce manque vient de la bêtise crasse du contribuable, loser qui ne lit pas les pages saumon du Figaro

Sur ce plan, le Français moyen est malfaiteur par bêtise :  "le grand économiste Edmund Phelps estime que le manque de culture économique des Français fait perdre à notre pays un point de croissance par an", énonce l'institut Sapiens qui est un cercle ultralibéral. Pour ceux qui n'auraient pas l'honneur de connaître déjà ce "grand économiste", l'Américain Edmund Phelps – théoricien du "taux de chômage naturel" – est un francophobe affiché. Ex-complice néolibéral de Milton Friedman, nobélisé en 2006 par la Banque de Suède, M. Phelps méprise la France, son "manque d'esprit d'entreprise et d'initiative" et ses éducateurs "qui ne favorisent pas la créativité ludique" : avec sa "difficulté généralisée à accepter l'idée de gagner beaucoup d'argent", le Français est ainsi l'idiot du village planétaire.

Si la clarté d'expression en français n'était pas en train de s'engluer dans les américanismes de vocabulaire, ce que disent M. Phelps, l'institut Sapiens et Le Figaro serait dit plus clairement. Dans la logique ultralibérale, il ne s'agit pas pour le Français moyen d'accepter de gagner, lui, beaucoup d'argent ; il s'agit d'accepter l'accumulation exponentielle, entre les mains des plus riches, d'un capital qui ne "ruissellera" pas sur l'économie réelle. Telle est la véritable nature du système.

Un exemple caractéristique en est fourni par une information parue le lendemain même de l'article du Figaro, dans Le Canard enchaîné du 8/08. Elle concerne la vente des aéroports Nice-Côte-d'Azur et Cannes-Mandelieu à Benetton et ses alliés... En échange d'un avantage immédiat (le paiement cash d'1,22 milliard en juillet 2016), l'Etat français a consenti à Benetton etc le privilège exorbitant de capter les activités commerciales: restaurants, boutiques, parkings  ! Cette rente énorme, croissante et durable s'ajoutera aux dividendes des actionnaires, tandis que les frais d'entretien des deux aéroports seront payés par les passagers via l'augmentation du prix des billets. Les redevances vont ainsi augmenter de 22 % sur cinq ans.

Les passagers embarquant à Nice ou Cannes auront-ils l'impression de "gagner beaucoup d'argent", comme dirait le "grand économiste" ? Non. Ils devront "accepter l'idée" d'en faire gagner beaucoup aux actionnaires de Benetton etc. Ce sera difficile aux adultes de 2018 ; mais sans doute plus facile à leurs rejetons, quand ils auront été formés à "l'orthodoxie libérale" par les futurs éducateurs de l'ère Macron qui-change-la-donne.

"Mais vendre au privé devait faire baisser les prix pour les usagers ?"  Non, monsieur, non, madame :  ça ne se passe jamais comme ça. Au contraire : les privatisations entraînent toujours un renchérissement... Vous le sauriez si vous aviez mieux écouté les mauvais enseignants d'hier, ceux que méprisent les pages saumon du Figaro.

 

 ps - Les mauvais enseignants d'hier nous apprenaient (sciences éco 2e année, Assas 1967) que les "lois de l'économie" – si tant est qu'elles existent – n'existent que dans la durée. Un gain cash immédiat pour Bercy (fût-il important) ne relève pas des "lois de l'économie", mais des bricolages à court terme d'un gouvernement.

 

 

 

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Commentaires

CES MESSIEURS

> Être injurié par ces messieurs est toujours une intense satisfaction. Mais comme on les comprend ! Les faits prouvant systématiquement la fausseté de leurs prédictions, affirmations et doctrines, ils n'ont plus de recours que l'insulte : "soyons prudents, n'engageons surtout pas la conversation sur le terrain des faits, on s'embourberait, restons-en aux invectives xénophobes et aux affirmations aussi péremptoires qu'arbitraires de nos amis, catapultés sommités par copinage idéologique !"
Car ces éminents scientifiques, dont l'excellence est reconnue par eux-mêmes, au contraire des Français ignares, sont eux très instruits des questions économiques : ils ont en conséquence forcément raison... à la seule condition de ne pas regarder le monde réel, bien sûr.
Ce malaise constant face aux faits rappelle d'autres fanatiques pas si antiques, et on ne dira jamais assez qu'il n'existe aucune différence de structure mentale entre un économiste libéral et un commissaire politique soviétique.
Des insultes, donc, et, bien sûr, ce savoureux petit parfum complotiste de dénonciation des sociétés secrètes malfaisantes. Vous les voyez, vous aussi, ces professeurs crapuleux dans les recoins obscurs de nos collèges, dans les salles sombres de nos lycées de banlieue, grandes ombres antilibérales qui planent au-dessus de l'innocence des enfants avec leurs serres crochues et leur regard vicieux ? Terrifiant !

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Écrit par : Lucas / | 09/08/2018

LIQUÉFACTION

> Votre démonstration est assez éloquente. Le ruissellement, ça n'existe pas ! Le libéralisme se satisfait du consumérisme à outrance. Le consumérisme liquéfie la vie. Nous avons le choix de tourner le dos à une telle société.
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Écrit par : De Vos Alain / | 09/08/2018

LA VOIE EST LIBRE

> Je suis complètement en phase avec ce que vous dénoncez, Patrice. C'est bien le monde dans lequel nous vivons.
Le troupeau avait déjà accepté le scandale des autoroutes, pourquoi pas continuer ? La voie est libre.
Mais je ne commenterai pas plus, il ne me vient plus que des gros mots à clavioter à l'encontre de tous ces... malfaisants.
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Écrit par : Yvan / | 09/08/2018

ZONE DE TURBULENCE

> http://www.lefigaro.fr/societes/2016/07/28/20005-20160728ARTFIG00277-l-etat-fait-la-culbute-sur-les-aeroports-de-nice-et-lyon.php
La vente à la famille italienne avait bien été rapportée dans la presse de juillet 2016, mais pas cette poule aux œufs d'or offerte par la même occasion.
Or, comme le rappelle Le Figaro, le ministre de l'Économie de l'époque n'était autre que l'actuel président de la République.
La macronie entre dans une zone de turbulences, d'autant que les ennuis de M. Kohler ne font que commencer.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 10/08/2018

POURTANT

> Pourtant, je constate au quotidien le manque de culture économique de base de l'immense majorité de nos concitoyens. Il ne s'agit pas seulement d'endoctrinement libéral, mais de savoir de quoi on parle.
Comment voulez-vous que les gens portent une critique efficace du système s'ils ne savent même pas faire la différence entre chiffre d'affaires et bénéfice net ?
Edel


[ PP à Edel - Oui, mais l'imposture consiste à confondre ce problème (réel) avec une "insuffisante adhésion" aux dogmes de l'ultralibéralisme, qui sont autre chose... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Edel / | 10/08/2018

Edel,

> comme le fait remarquer Patrice, le manque de culture économique dont parlent Le Point ou les think-tanks libéraux n'a rien à voir avec la culture économique, mais avec l'obstination d'un grand nombre de Français à refuser la capitulation sans condition devant les diktats du capitalisme dérégulé.
Quant aux brillants savants qui obtiennent des Prix Nobel (enfin, des prix attribués par la banque de Suède en mémoire de Nobel), mais qui continuent de soutenir un régime qui est en crise systémique permanente, ils ont un peu de quoi faire rigoler.
Dans le même ordre d'idée, je travaille dans une micro-entreprise de 4 personnes (un catholique, le patron qui a, disons, un respect distant pour la religion, et deux athées). Nous sommes tous absolument d'accord dans notre analyse du monde actuel et dans notre anticapitalisme, nous lisons Le Monde Diplo, sommes passés à Enercoop, nous pratiquons une gestion par votes et un lissage des revenus de type presque SCOP, le tout dans une entreprise créée sans soutien, sans héritage et sans relations, et nous sommes toujours surpris d'entendre des économistes, des membres du Medef, des présidents de la République et des Prix Nobel qui n'ont jamais créé quoi que ce soit reprocher à ces chiens de Français leur manque d'esprit entrepreneurial (comme ils leur reprochent leur manque de culture économique, parce que, bien sûr, les éditorialistes du Point maîtrisent parfaitement Keynes et Marx).
Tiens, d'ailleurs, une simple parenthèse : dans le "Baromètre des TPE" n°69, 1er trimestre 1918, publication que nous recevons deux fois par an à la boîte, on découvre que le gouvernement Philippe recueille 35% d'opinions favorables auprès des patrons de TPE, notamment parce que 66% d'entre eux sont inquiets de la situation de la pauvreté. Ils sont également 56% à réclamer le maintien des services publics de proximité, quitte à augmenter les impôts, et 69% à approuver l'arrêt de la construction de l'aéroport Notre-Dame des Landes. Ces petits entrepreneurs, quel ramassis de gauchistes ! Et ils commencent à croire que leur ennemi n'est pas le fonctionnaire, mais Bouygues ! Mais avec des tels voyous économiquement illettrés, où va le capitalisme ?
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Écrit par : Lucas / | 10/08/2018

à Lucas:

> l'état de fait que vous constatez va à l'encontre de la volonté néolibérale de nous diviser en niches économiques. (J'imagine que vous parliez du 1er trimestre 2018)
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Écrit par : Raphaël R. / | 11/08/2018

MEDEF

> Les "prix Nobel d'économie" ont de quoi faire rigoler... Que l'on songe: c'est à l'un d'eux, Robert Mundell que l'on doit la brillante réflexion sur les zones monétaires optimales. En clair c'est à lui que l'on doit d'avoir l'euro. Les grecs apprécieront...
Quand au MEDEF, avec EAS, on allait voir ce que l'on allait voir. Le MEDEF avait paraît-il 700.000 adhérents, soit plus que le PS et l'UMP d'alors. Sauf que l'on vient d'apprendre il y a quelques semaines que ces chiffres étaient faux. Le MEDEF n'a jamais eu plus de 150.000 adhérents sur 3 millions d'entreprises en France. En gros le MEDEF, toujours bien accueilli par les media, doit être à peine plus représentatif que la CGT qu'il passe son temps à conspuer...
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Écrit par : ND / | 11/08/2018

BENETTON

> A propos de la famille Benetton, une bien sinistre:
https://fr.finance.yahoo.com/actualites/gestionnaire-viaduc-g%C3%AAnes-g%C3%A9ant-italien-164954588.html
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Écrit par : Pierre Huet / | 15/08/2018

LE PONT DE GÊNES

> Benetton de l'aéroport de Nice, c'est le même Benetton que celui qui accapare des terres en Patagonie, faisait travailler des enfants en Turquie, des Bangladeshis dans le Rana Plaza et qui est propriétaire à 30 % du pont de Gênes qui vient de s'effondrer faute d'entretiens ?
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Écrit par : Nicolas / | 15/08/2018

TRAVAIL DOMINICAL : LES MACRONISTES PASSENT EN FORCE

> http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/08/19/97002-20180819FILWWW00032-travail-dominical-le-choix-de-la-liberte-selon-les-deputes-larem.php

Voici une réforme qu'approuverait sans doute M. Blanchard. Elle est proposée, entre autres, par un député macroniste millionnaire d'origine chinoise, magnat du thé.
Pour avoir vécu une quinzaine d'années dans le monde chinois et en parler la langue, je ne peux que souligner le culte de la réussite, de la fortune, du luxe, qui caractérise cette partie du monde. L'équilibre personnel, le confort du salarié, le concept de revenu minimal n'y existent pas : seule compte la maximisation du profit de l'actionnaire, du patron ou du chef de famille. Un prêtre belge à Taïwan depuis cinquante ans me le disait encore récemment : les hommes catholiques âgés de 30 à 60 ans délaissent les églises pour gagner de l'argent et reviennent à la messe une fois les poches pleines : la vie spirituelle est un supplétif à la capacité de s'enrichir. Le dimanche, on fait des affaires, comme tous les autres jours de la semaine, pendant que Bobonne et les enfants écoutent monsieur le curé.
Je ne connais pas M. Tan ('Chen' en dialecte hokkien), mais je serais très étonné s'il n'approuvait pas cette vision des choses.
Elle n'est pas celle de l'Église : le travail dominical, comme tous les autres 'aménagements' libéraux du code du travail, n'est en aucun cas le "choix de la liberté" défendu par le député Tan. En Asie, un salarié à qui on demande de travailler le dimanche ne peut pas répondre qu'il a un repas de famille, qu'il va à l'église ou qu'il souhaite tout simplement se reposer pour échapper à l'épuisement généralisé du corps et de l'esprit : ou bien il vient travailler, ou bien c'est la porte. Point de choix de la liberté.
Battons-nous contre cette réforme : ne laissons pas le capitalisme brutal - sauce US ou sauce chinoise - envahir notre pays.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 20/08/2018

P.S. Lorsque le député Tan affirme que la première libéralisation du travail dominical "a été une bouffée d’oxygène pour nos commerces et nos centres-villes", il fait preuve d'une dose insensée de cynisme. À Nancy, les seuls magasins qui ne désemplissent pas le dimanche sont les tentaculaires Cora, Leroy-Merlin, Décathlon, etc., qui ont poussé dans les périphéries, en bordure d'autoroute. Parkings géants, sur deux niveaux : summum de déshumanisation. Les centres-villes, eux, dépérissent sous l'effet du tout-bagnole.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 20/08/2018

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