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09/05/2018

Europe-USA : la minute de vérité

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Cette fois, ça y est. L'Union européenne a le choix entre sa vassalité "atlantique" et un avenir exigeant clairvoyance et courage - vertus trop inhabituelles pour que l'observateur soit enclin à l'optimisme :


 

Comment oser prétendre que l'Iran chiite est "le plus grand soutien au terrorisme" ? Menteur dans son fond, minable dans sa forme, le discours "iranien" de M. Trump fait presque regretter le discours "irakien" de GW Bush en 2003.

Ce fatras d'accusations infondées ne veut plaire qu'à deux publics : 1. les gouvernants de Ryad et Tel-Aviv ("nos amis"), 2. l'électorat trumpiste le moins éclairé, auquel le candidat Trump avait promis de "botter des culs"  ("et je tiens toutes mes promesses").

Envers "nos amis", comme il dit, tout se passe comme s'il s'était engagé depuis 2016 à créer les conditions d'un conflit. Le prince Mohammed ben Salmane veut que l'Iran soit brisé au lieu de revenir comme puissance normale sur la scène du monde. M. Nétanyahou veut un casus belli pour attaquer militairement le Liban, la Syrie et l'Iran lui-même... D'où la propagande pre-war déversée par la Maison Blanche depuis six mois. Et d'où le pessimisme des observateurs avertis : Hubert Védrine soulignait ce matin que le discours de M. Trump était sans doute perçu à Ryad et Tel-Aviv comme un feu vert aux "frappes" dont la Syrie et le Liban d'abord vont être la cible.

Envers les Européens, M. Trump est ouvertement menaçant. À ses yeux, nous sommes tenus d'adhérer aux "sanctions"  américaines contre l'Iran. Dans les heures qui ont suivi le discours de la Maison Blanche, l'ambassadeur des USA à Berlin a intimé aux entreprises allemandes l'ordre de déchirer sans délai leurs contrats avec l'Iran. Les entreprises françaises, etc, sont l'objet du même ultimatum : Total, Airbus... Toute désobéissance sera punie : poursuites judiciaires, fermeture commerciale du marché américain, fermeture des banques américaines aux transactions des groupes européens (qui se font en dollars).

C'est donc la panique en Europe dans les conseils d'administration, qui sont tout-puissants auprès des gouvernements. On serait surpris de voir Mmes Merkel et May tenir tête aux grands patrons. Quant à M. Macron, s'il persiste dans sa posture ("nous maintiendrons l'accord iranien"), il risque le désaveu de son milieu naturel - la finance - ainsi que l'isolement face aux autres dirigeants européens.

Voilà la minute de vérité. Car résister à M. Trump, "maintenir l'accord" (avec quels alliés dans l'UE ?), serait un choix redoutable : poursuivre la coopération économique Europe-Iran impliquerait de se passer du dollar, et l'UE devrait trouver sur ce plan d'autres moyens et partenaires ; par exemple la Chine. Révolution copernicienne qui équivaudrait, en portée économique et géopolitique, à la chute de l'URSS il y a presque trente ans.

Cette perspective est très improbable. En France, l'américanisation de la moitié de l'opinion publique est peut-être déjà trop profonde pour qu'un gouvernement tente l'aventure - à supposer qu'il en ait même le désir. Notre ami Feld écrit ici dans un commentaire : "J'ai regardé les photos de la remise de diplôme d'une école de commerce française de province. Grand show à l'américaine, toges et coiffes d'étudiants américains..." Dans ce milieu-là, on dit "relâcher" (release) une information, au lieu de la "communiquer" ; on dit "faire une expression" (make an expression), au lieu de "manifester" quelque chose. On "implémente". On "disrupte". Et on vote LREM. Les voyez-vous appuyer une déclaration d'indépendance de la République française ? Même Marine Le Pen se déclare "épatée" que sa nièce soit allée faire la belle chez les trumpistes près de Washington. Force est de constater que, des deux seuls à tenir des propos honorables ce matin, l'un ne vient pas de la droite (Hubert Védrine), l'autre est très à gauche (Adrien Quatennens), et les deux sont loin du pouvoir.

La France est-elle capable de choisir une voie digne d'elle ? Ou au moins, d'échapper à la guerre la plus folle, lancée par un empire rendu dangereux par son propre déclin ?

 

 

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11:35 Publié dans Iran, Proche-Orient, Trump, USA | Lien permanent | Tags : trump