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09/03/2018

Responsabilité sociale-environnementale des entreprises: chiche !

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Sujet crucial, ou enfumage ?

En tout cas nos "libéraux-conservateurs" n'en parleront pas :


 

Ce vendredi, Mme Notat (ex-CFDT) et M. Senard (Michelin) remettent à quatre ministres (MM. Hulot et Le Maire, Mmes Pénicaud et  Belloubet) leur rapport sur un sujet qui pourrait devenir crucial s'il n'est pas étouffé : ce sont les conclusions de leur mission intitulée "entreprise et intérêt général". Certaines d'entre elles devraient être reprises dans une loi baptisée - de façon oxymorique - "plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises". Qu'y aura-t-il dans cette loi ?

Et d'abord, qu'y a-t-il dans le rapport Notat-Senard ? Préconise-t-il de légiférer sur la responsabilité sociale-environnementale de l'entreprise ? Envisage-t-il de libérer l'entreprise de la tyrannie d'actionnaires nomades prédateurs ?  À peine... "Nous voulons, dit M. Senard, inscrire dans le marbre le principe que l'entreprise doit être attentive aux enjeux sociaux et environnementaux de son activité" car "son intérêt propre" ne se confond pas avec celui des actionnaires... Éléments de langage qui n'engagent à rien, puisque le management le plus implacable sait se donner l'apparence d'être "attentif" à l'humain et à l'environnement (cf Boltanski et Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard 1999)...  Le rapport se borne à souhaiter que les entreprises "considèrent les enjeux" sociaux et environnementaux ; il ne demande pas que la loi mène concrètement les entreprises à assumer les conséquences de leurs activités. Le choix des mots n'est pas innocent.

Pourquoi des recommandations aussi faibles ? Parce que Mme Notat est une ex-syndicaliste passée depuis longtemps au libéralisme, que M. Senard préside une multinationale, et  que Bercy et le Medef rejettent toute réforme non libérale du code civil.

"Nous ne sommes pas là pour mettre de nouveaux boulets aux entreprises", tranche-t-on chez M. Le Maire contre l'idée de responsabilité sociale-environnementale.

"On ne touche pas sans conséquences à un fondement juridique vieux de près de deux siècles", menace M. Gattaz pour sauvegarder le règne des actionnaires. Pour le code civil, charte du libéralisme datant du régime napoléonien, l'entreprise (organisme complexe aux multiples responsabilités : salariés, sous-traitants, riverains, environnement) se résume à la société anonyme qui la contrôle (organe simpliste et irresponsable) : et cet état de choses ne doit pas changer au XXIe siècle, déclarent le Medef et Bercy.

"Aujourd'hui l'entreprise est gérée dans l'intérêt de la société anonyme alors que ce devrait être l'inverse", soulignent au contraire des économistes dans la presse de ce matin. Le député (Nouvelle gauche) Dominique Potier  rappelle la proposition de loi qu'il avait déposée en janvier : "La société doit être gérée dans l'intérêt de l'entreprise en tenant compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de son activité..."  Le député Potier est un catholique, n'en déplaise aux étriqués de la MLP Gefolgschaft et à leurs revues associées ; et ce catholique est en plein accord avec son Eglise, qui ne cesse depuis des décennies [*] de demander que l'entreprise élargisse sa raison d'être à autre chose que la "valeur pour l'actionnaire" (euphémisme qui veut dire : prends l'oseille et tire-toi).

On ne s'étonnera donc pas que le méga-groupe des députés LREM - dont plusieurs "catholiques revendiqué(e)s" tournant le dos à la pensée sociale catholique - s'oppose lui aussi à la révision du code civil. Comme le ministre Le Maire, le député LREM de Paris Stanislas Guerini refuse que l'on fixe à toute entreprise une responsabilité sociale-environnementale ; tout au plus envisage-t-il que puissent apparaître, oiseaux rares, quelques "entreprises à mission" qui se donneraient un "objet social élargi".  M. Le Maire dit la même chose en termes plus méprisants : "Il faut laisser cela à la faculté des entreprises qui le souhaitent", autrement dit si peu que rien.

Et ceci durera tant que l'Etat, en France, se fixera pour mandat de se déconstruire lui-même : sabordage contre lequel le pape a des mots sévères dans Laudato Si'.

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[*]  par exemple les encycliques Centesimus annus (Jean-Paul II), Caritas in veritate (Benoît XVI), Laudato Si' (François)...

 

 

 

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Commentaires

ARCHAÏSMES

> Il est fort délectable de voir M. Gattaz proclamer sa vénération pour "un fondement juridique vieux de près de deux siècles". Il lui était même possible de dire "de plus de deux siècles", puisqu'il s'agit du Code civil de 1804 et du Code de commerce de 1807. Passons. Ne boudons pas notre plaisir de contempler, soudain, un tel attachement au début du XIXe siècle chez des gens qui, d'ordinaire, regardent l'esprit de la Résistance et les réformes de la Libération comme d'encombrants archaïsmes.
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Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 12/03/2018

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