07/03/2018
"Avalonys" : daube commerciale contre paysans bretons
Un projet de parc d'attractions pseudo-arthurien (entre BD et jeux vidéo) mobilise contre lui les éleveurs de vaches armoricaines... et les connaisseurs du Cycle du Graal :
La presse commence à en parler (Ouest France, France 3, Libération...) parce que ce dossier divise. Pour le projet : des commerciaux, suivis de notables de la communauté de communes, qui argumentent comme d'habitude "'innovation" et "emplois". Contre le projet : les agriculteurs, leurs syndicats, et les connaisseurs des légendes arthuriennes. De quoi s'agit-il ? De 82 hectares à Cormeré, près du bourg de Guipry-Messac en Ile-et-Vilaine : terrains appartenant à Butagaz qui envisage de les vendre à un promoteur. Ce dernier veut y construire, sous le nom d' "Avalonys" (Avalon + Ys), un parc d'attractions et de "réalité augmentée" voué "à la magie des contes et légendes de Bretagne, du monde de Merlin et de la fée Morgane". L'idée pourrait paraître jolie, mais ne résiste pas à l'examen :
1. Butagaz vendrait ces 82 hectares "au prix des terres agricoles" : beaucoup moins cher qu'en terrains à bâtir... La décence voudrait donc qu'il les propose à des agriculteurs. Il omet de le faire, et menace ainsi de porter atteinte à la sauvegarde du foncier agricole : problème brûlant dans un Hexagone en proie au bétonnage par les promoteurs... alors que le réseau Terre de Liens recense quelque 1300 jeunes désireux de s'installer agriculteurs en Bretagne ! D'où protestations vigoureuses. Par exemple (Libération 7/03) celle de Sébastien Vétil, éleveur de vaches armoricaines à Guipry-Messac : "Il faut préserver ces terres agricoles, c'est un enjeu d'avenir. Et si on pense aux nuisances, au bruit, aux problèmes de circulation, ce projet de parc est une aberration !".
2. Les opposants groupés dans l'association citoyenne 'La Puce de Cormeré' [1] s'opposent à la communauté de communes : acquise au projet, elle voudrait (disent-ils) "passer en force" en procédant à une déclaration d'intérêt général "biaisée" et en court-circuitant la SAFER [2] : "contradictions, manque de transparence, engagements non respectés envers les citoyens, SCOT (schéma de cohérence territoriale) illégal..." Une situation que nombre d'autres riverains connaissent déjà dans toute la France.
3. Sur le plan culturel, le projet Avalonys se présente comme une daube consternante. La matière de Bretagne y est "folklorisée", comme le dit Jean-Marc Feunteun [note 2] : et folklorisée au plus bas niveau, celui des BD d'heroic fantasy ignare et racoleuse [dessin ci-dessus, extrait du document de présentation]. D'où la grande réticence des historiens connaissant la question arthurienne, qui n'ont - bien entendu - pas été consultés par le promoteur... Celui-ci n'a pas besoin des connaisseurs : il a dans sa manche, claironne-t-il, " le directeur artistique canadien de la trilogie 'Le Seigneur des anneaux' et le compositeur de l'opéra-rock 'Excalibur' ". Quand on connaît le kitsch numérisé de la trilogie (et la platitude de l'opéra-rock), on comprend de quoi aurait l'air ce parc d'attractions.
Au nom des lieux magiques de la légende du Graal,
pour la sauvegarde de l'agriculture,
non à Avalonys !
oui à l'installation de jeunes paysans sur les 82 ha de Cormeré !
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[*] La Puce de Cormeré : https://lapucedecormere.wixsite.com/site
. Son cofondateur Jean-Marc Feunteun explique : "Dans un département où disparaissent entre 700 et 800 hectares de terres agricoles chaque année, notre première préoccupation est la préservation de ces terres. Il faut permettre aux agriculteurs d’acquérir les 80 hectares concernés par le projet. D’autant qu’avec les routes et les parkings à aménager, ce ne sont pas 80 hectares qui disparaîtraient, mais le double, avec une artificialisation irréversible. Qu’on aille faire de la réalité augmentée dans des friches industrielles, d’anciens bâtiments, dans une logique de développement durable plus cohérente ! On nous parle d’emplois induits, mais l’agriculture aussi en génère. Les parcs d’attractions sont dans un modèle de développement des années 70-80, d’un autre temps, avec une rentabilité très aléatoire. Quant à la chasse aux Pokémons, dont Avalonys semble s’inspirer, on n’en parle déjà plus. On se retrouve face à un projet qui sort de nulle part et qui ne vise qu’à la folklorisation de notre patrimoine culturel alors que la clé d’une réussite économique et touristique, c’est l’authenticité. Ici, nous avons déjà des circuits verts, un patrimoine culturel riche, un maillage très dense d’artisans et de producteurs locaux qui fonctionnent en circuits courts et ont besoin de terres pour produire, pas pour organiser du camping ou des gîtes."
[**] Court-circuiter la SAFER (chargée en principe de préempter les terres agricoles pour les maintenir en agriculture) : manoeuvre utilisée dans d'autres régions françaises pour vendre des terres à des firmes chinoises.
12:27 Publié dans Ecologie intégrale | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bretagne
Commentaires
BOURGES
> svp faites aussi un "papier" sur ce phénomène, c'est de pire en pire
https://pbs.twimg.com/media/DXsksstX0AAtihn.jpg:large
les gens en concluent que l'Eglise "est pour les bourges" !
EL
[ PP à EL - Excellent ! C'est de vous ? Je vous l'emprunte. ]
réponse au commentaire
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Écrit par : e levavasseur / | 07/03/2018
ILS JOUENT AU CASINO
> Les parcs d'attractions sont de moins en moins rentables, donc on en construit de plus en plus.
Illogique ? Peut-être, mais pas obligatoirement. Plutôt que d'investir de façon raisonnable, les hommes d'affaires jouent au casino, dans l'espoir de s'enrichir très vite. On achète la terre pas cher grâce à un miroir aux alouettes, et quand le parc d'attraction fermera, la terre n'étant plus apte à l'agriculture, on y bâtira des maisons. Un site de villégiature pour Parisiens fortunés en manque d'authenticité et de ruralité par exemple. Un genre de village gaulois où l'on reste entre soi, avec poissonnerie à l'ancienne ravitaillée directement de Massilia par char à bœuf - pardon, directement de fermes d'élevage du Vietnam par avion.
Evidemment, ça peut foirer, mais si ça marche c'est le jackpot.
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Écrit par : Bernadette / | 07/03/2018
UN DE PLUS
> Juridiquement, le problème semble se trouver au niveau du droit de préemption des SAFER : la loi ne le prévoit qu'en cas de vente de l'ensemble des parcelles agricoles. Dans le cas des terres vendues aux Chinois, les SAFER n'ont pas été informées, la vente portant sur la quasi-totalité des terrains : il est temps que le gouvernement procède à une réforme !
Au plan écologique comme au plan culturel, ce projet est indéfendable. Un Center Park de plus !
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 07/03/2018
GONESSE
> Gardons espoir, le projet de Gonesse est abandonné :
https://reporterre.net/Fin-de-partie-pour-Europacity?utm_source=actus_lilo
Pascal
[ PP à Pascal - Pas encore. Macron peut voler au secours de la holding Mulliez... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pascal / | 08/03/2018
JÉSUS N'EST PAS UN STARTUPEUR
> Le sujet est GRAVE !
Car il s'agit :
1. de la réduction de l'évangélisation à la Communication : comme un domaine où l'image est primordiale= comme Hollywood ! il faut avoir l'air jeune, dynamique, globish
Jésus n'avait pas de conseiller en communication.
2. du détournement, de la confiscation de la nouvelle évangélisation
-par les "starteupeurs" (new evangelization is an opportunity)
-par le jeunisme
-par l'esprit de facilité c'est-à-dire la LÂCHETÉ
car on présente la foi
-comme une euphorie continuelle (c'est FAUX !),
-comme comme faire partie du camp des winners, NON nous sommes d'abord avec les souffrants
la vie chrétienne est un combat spirituel
je suis consterné de cette réduction de la Nouvelle Évangélisation
-à des remises d'oscar cathos
-à un langage globish "djeuns"
-de la vie chrétienne à de l'événementiel.
C'est faux et puéril
C'est aussi con que les messes-kermesses avec chants cul-culs sirupeux où l'on se fait plaisir /on se contemple soi-même, que dénonce le cardinal Sarah.
Con et spirituellement criminel : ça n'arme pas.
Des outils oui mais ce n'est pas l'outil qui fait l'artisan.
Le cœur de l’évangélisation est la messe et l'amour du prochain et la messe où l'on puise le nécessaire pour aimer en vérité.
La messe c'est le rassemblement des fidèles qui assistent au renouvellement sous une forme non sanglante du sacrifice du Christ sur la croix pour nous ouvrir les portes du paradis.
On est heureux qu'Il l'ait fait mais on sait que pour avoir une victoire il faut passer par le combat.
Jésus n'est ni Casimir ni un "startupeur".
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Écrit par : e levavasseur / | 08/03/2018
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