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01/03/2018

Pour y voir clair dans ces histoires d'identitaires

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► Maxime D. :

<< Je ne trouve pas d'équivalent à "identitaire", mot omniprésent depuis quelques années dans les débats publics, employé désormais par tous, et dont la croissance est toujours ascendante, en français d'avant. "Traditionnel" ou "essentiel" ne désignent pas cela, ni "historique" (car "identitaire" se réfère bizarrement tantôt aux moeurs du présent (des Français d'aujourd'hui), tantôt à celles du passé (des Français d'avant X. date) : l'"identitaire" est à géométrie variable, du moins dans le temps)...

Du reste, je ne vois pas non plus vraiment d'équivalent à "identité" employé au sens actuel - assez récent aussi : jusqu'à peu "identité" voulait dire "similitude", "parenté" : "l'identité de l'homme et de Dieu", etc., et ne voulait dire que cela, sauf acceptions précises (la carte d'identité, le contrôle d'identité) - en français : "essence" ? "tradition" ? "culture/civilisation" ? Mais tout cela désigne plus ou moins le passé et l'héritage, alors qu'"identité" est plutôt au présent (on pourra dire que Trump défend l'"identité" américaine par exemple, alors qu'il est en parfaite rupture avec elle).

Le seul équivalent qui irait serait "völkisch", avec en plus le petit côté païen qui va bien. A chaque fois que vous lisez "identitaire", pensez "völkisch", vous verrez, ça marche en général. >>

 

► Ma réponse :

Vous avez parfaitement raison de mentionner l'idéologie "völkisch", car c'est la clé du problème !
La notion germanique de "Volk" est intraduisible dans les langues latines, parce que subjective et très vague. Le "Volk" n'est pas le "peuple" (notion française objective et compréhensible des étrangers). Le "Volk" est une entité vague et close, compréhensible seulement (ou plutôt "ressentie") par ceux qui en font partie - de même que "Heimat" veut dire autre chose que "patrie". Ce vague permet au "clos" de changer éventuellement de contenu. Entre le début et la fin du XIXe, la notion de "Volk" est passée du spirituel-moral (Fichte) au racial (H.S. Chamberlain).

Or c'est l'idéologie germanique du "Volk" qui inspire le noyau dur de nos "identitaires" : courant qui revendique ce mot et s'en fait un étendard... (ne laissons pas les zozos ultracathos dire que le mot est seulement une invention des journalistes).

Et c'est pour cette raison que l'identitarisme, appliqué à des populations françaises pour lesquelles il n'est pas fait, est impossible à définir de façon synthétique mais se décline au gré des "sensibilités" et des tendances...

On trouve ainsi un identitarisme catholique qui met l'accent sur le groupe et ses fantasmes, non sur l'Evangile : problème que j'analyse (entre autres) dans Cathos, ne devenons pas une secte.


Et cet identitarisme pseudo-catho, étant un sous-produit de l'identitarisme en soi, cousine sans effort avec l'identitarisme néopaïen : cf par exemple la manif de Ploërmel, dont je parle dans mon livre et dans une note de ce blog. Ou l'approbation de catholiques envers le suicide de D. Venner à Notre-Dame de Paris...

Pourtant l'identitarisme appliqué au catholicisme est contre-nature : il engendre un catholicisme non chrétien, malgré l'appui ostentatoire des identitaires aux chrétiens d'Orient, et leur présence systématique dans certains événements catholiques (jamais dans les autres).

Comment assainir la situation ? Le désarroi régnant actuellement dans certains milieux catholiques français permet toutes les dérives, on l'a vu dans l'odieuse campagne contre la jeune Mathilde à Orléans. Et il rend ceux qu'il contamine réfractaires à toute discussion franche sur les fondamentaux de la foi au Christ... On en fait l'expérience tous les jours sur Facebook.


Néanmoins il faut discuter, discuter, discuter ! Ce n'est jamais perdu.

 

 

identitaire

 

19:04 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : identitaire

Commentaires

RÉSEAUX SOCIAUX

> Juste un commentaire sur les réseaux sociaux. Même si les phénomènes de crispation et de haine sont bien réels, l'effet de Facebook et de Twitter, comme celui des commentaires au bas des articles sur les sites de presse est aussi de créer des bulles ou des baudruches dont on se demande quel est leur poids véritable.
Cela ne concerne pas seulement les identitaires et les cathos, on le constate en réalité sur tous les sujets polémiques. Dans quelle mesure cette amplification exponentielle est-elle représentative ? Je me pose la question, mais il me semble qu'il y a un parfois gouffre entre la vie numérique et la vraie vie.

Benjamin


[ PP à Benjamin - Dans 'cathos, ne devenons pas une secte', j'analyse justement l'effet-bulle des réseaux sociaux dans ses deux effets :
1. segmenter et coaguler le public par "affinités" algorithimiques, ce qui pousse à la surenchère (pérorer agressivement sur les choses de l'Eglise sans tenir compte de ce que dit et fait cette même Eglise) ;
2. fabriquer une cathosphère certes factice mais très visible, donc scrutée par les médias, et qui s'interpose ainsi entre l'Eglise réelle et l'opinion publique : on l'a encore vu tout récemment dans l'affaire de la campagne anti-Mathilde. Cet effet 2 est un phénomène grave pour l'image du catholicisme en France. ]

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Écrit par : Benjamin / | 01/03/2018

PÉLAGIENS ?

> Pour les identitaires catholiques; voir l'avis du pape sur le néo-pélagianisme et le néo-gnosticisme. Là: http://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2018-02/une-lettre-pour-rappeler-la-doctrine-du-salut-chretien.html#.WpftSl76AoY.Facebook
______

Écrit par : ND / | 01/03/2018

PASOLINI

> Je vous félicite pour la conclusion de votre intervention! (Puis pour polémiquer sur FB où règne le narcissisme, il faut les nerfs solides!)
Certains font le même genre d'analyse que vous sur le phénomène mais condamnent à jamais ceux qui (souvent jeunes) peuvent se laisser entraîner dans "l'identitarisme". Tous ne viennent pas de milieux bourgeois et quand bien même... La "tactique" de l'enfouissement (qui est parfois à la limite du reniement) de la plupart des cathos de base occidentaux pousse un peu plus ces jeunes vers une radicalité, ici aussi (parallèle avec l'islamisme), déviée, manipulée.
Il y a aussi des idéalistes chez ces jeunes. Le cynisme provenant selon moi des vieux bourgeois trop heureux de trouver du sang neuf à envoyer en première ligne pour défendre leurs intérêts de classe.
Je retiens aussi l'appel de Pasolini (notamment dans 'Écrits Corsaires') à dialoguer avec la jeunesse néo-fasciste à son époque. Une attitude vraiment chrétienne !

Raphaël R.


[ PP à RR - Vous avez parfaitement raison de citer les 'Ecrits corsaires" : texte prophétique sur la décomposition de la modernité. ]

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Écrit par : Raphaël R. / | 01/03/2018

FOLKLORE ?

> Peut-être, pour tenter de mieux comprendre cette notion floue de « Volk » et de « völkisch », peut-on l'attaquer par l'angle du « folklore ». Un mot anglais, dit wikipédia, apparu fin 18ème et qui se développe dans « le contexte du nationalisme romantique et de l'émergence des nations européennes. »
Wikipédia explique :
« Dans une vision universaliste, Herder soutient que chaque peuple possède son « génie » unique et singulier, lequel apparaît comme le fondement par excellence du renouveau culturel qui doit permettre de réunifier les peuples germaniques. »
Et encore ceci :
« C'est sur les incitations de Herder que les frères Jacob et Wilhelm Grimm s'engagent, en pionniers, dans de vastes entreprises de collecte de traditions orales, devant mener à la découverte de l'essence de ce « génie du peuple », qu'on conçoit alors comme devant permettre de renouer avec le caractère authentique d'une culture nationale perdue par les élites. »
Et finalement ceci (et je m'arrête avec wikipédia) :
« Rapidement, l'initiative des frères Grimm sera imitée dans toute l'Europe (de l'Est et de l'Ouest) et dans les pays scandinaves. Dès le XIXe siècle, on entreprend de faire l'éducation du peuple à son propre folklore, lequel apparaît comme menacé de disparition sous les effets de la modernité et de l'urbanisation. Les démarches visant à la diffusion du folklore prennent la forme de véritables propagandes nationalistes, s'attachant essentiellement à faire ressortir l'originalité et les spécificités du folklore propres à chaque peuple, permettant de le distinguer des peuples voisins et de le rattacher à ceux que, dans le contexte de mise en place des identités nationales, on désigne comme ses lointains ancêtres. »
« ... le folklore est le savoir que détient le peuple, alors que pour d'autres, c'est le savoir qu'on (les élites) possède sur le peuple, pris comme objet de connaissance. »
Il y a là un enjeu de pouvoir, qui a à voir aussi avec le populisme.
Je rajoute que le folklore, c'est aussi le peuple qui se met en spectacle lui-même pour lui-même (je ne sais pas si Guy Debord en a parlé). Les groupes de danseurs et de musiciens folkloriques sont composés de personnes anonymes mais immédiatement reconnaissables grâce à un code connu de tous et fortement valorisé : costumes, style musical, pas de danse, ... A l'inverse des spectacles habituels, dans lesquels l'artiste s'individualise et est starifié.
Le folklore (ou le völkisch) peut être compris comme la nostalgie d'une culture naturelle, alors que les Européens ont depuis longtemps pris une grande distance par rapport à toute culture naturelle. Ou encore compris comme un regret de la déculturation populaire acceptée ou subie depuis deux siècles.
En tout cas, il s'agit bien d'un levier de pouvoir qui, bien actionné par des militants populistes, peut faire bouger beaucoup de monde.

Pierrot


[ PP à Pierrot - Le folklore est largement tributaire de ses réinventions au XIXe siècle.
Pour la Bretagne, par exemple, ça a commencé avec le 'Barzaz' de La Villemarqué, qui n'hésite pas à faire remonter à la préhistoire des ritournelles dont on ne sait rien en réalité.
En Allemagne (autre exemple), l'abondant folklore "Landsknecht" repose sur des chants composés en 1880, ou encore plus tard par les Wandervôgel - non sous Frundsberg ou pendant la Guerre des paysans...
Par ailleurs, le prétendu enracinement historique du folklore ne fournit qu'un cadre onirique, que chaque période successive de la modernité a rempli de ses propres fantasmes.
Ainsi les régionalismes : avant-guerre l'Emsav exaltait la hache de bataille de Jean de Montfort ("Neb a drouc'h 'vel a douc'hez-te / N'en deus aotrou nemet Doue !") ; après 1968, au contraire, les militants bretons expliquaient que la "culture celte" était féminine et tolérante...
Tout ça n'ayant en fait aucun ancrage dans l'histoire attestée.
D'où la circonspection extrême des historiens. ]

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Écrit par : Pierrot / | 02/03/2018

ANGOISSES D'UNE OCTOGÉNAIRE

> Je connais une dame de presque 90 ans qui, l'air de rien, tient des discours qui pourraient être caractérisés "identitaires". Elle a sa carte à LR mais reste nostalgique de Sarkozy, déteste Wauquiez, aime bien Macron. Au fond, j'ai surtout l'impression qu'elle a peur, terriblement peur des musulmans (et des Noirs, au passage), de ceux qui ont l'air "autres". Pour elle, le 'grand remplacement' est une évidence. Elle lit 'Le Point', en général... Elle ne comprend pas quand je lui dis que le christianisme, et le catholicisme, dont elle se revendique, ne sont pas la religion des Blancs d'Europe, mais une maison universelle ouverte à tous ceux qui veulent s'y convertir, y compris d'ex-musulmans, d'ailleurs.
Mais elle a 90 ans : l'évolution de la France depuis 1928 doit être, de son point de vue, proprement ahurissante, voire terrifiante, surtout du fait de la rupture de transmission d'une culture chrétienne qui faisait le fond commun de la société, et qui n'est plus.
Ce n'est pas à elle de ré-évangéliser la France, elle n'a plus l'âge, mais il faut essayer de la réconforter, lui donner des raisons d'espérer.
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Écrit par : Alex / | 02/03/2018

À Alex :

> Ma grand-mère a le même âge que votre amie ; elle aussi a vécu la formidable transformation de la France, y compris le bouleversement de l'exode rural, chanté par Jean Ferrat, ainsi que la lente déchristianisation des campagnes. Néanmoins, profondément croyante, elle n'a jamais cessé d'espérer. La lucidité, tout comme l'espérance, nous sont en effet nécessaires. Relisons ce qu'écrivait, dès 1968, l'abbé Ratzinger : "Pour moi, il est certain que l’Église va devoir affronter des périodes très difficiles. La véritable crise vient à peine de commencer. Il faudra s’attendre à de grands bouleversements. Mais je suis tout aussi certain de ce qu’il va rester à la fin : une Église, non du culte politique car celle-ci est déjà morte, mais une Église de la foi." ('La foi chrétienne hier et aujourd'hui').
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Écrit par : Philippe de Visieux | 07/03/2018

SUCCESS STORY ?

> La confiscation de la nouvelle évangélisation par les cathos-winners-startupers ou bien la réduction de la nouvelle évangélisation à leur success-story est aussi une histoire d'identitaires. On parle globish, on est jeune, bourgeois et en bonne santé, on fait de l'événementiel-catho etc = secte !
Ce n'est pas de une secte ça ? ce n'est pas de l'identitaire ça ?
et avec la bénédiction des autorités religieuses & de KTO !
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Écrit par : e levavasseur / | 08/03/2018

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