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24/01/2018

Une de ces "propositions qu'on ne peut pas refuser"

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Même Libération tique. En prétendu "hommage aux victimes de novembre 2015", Koons "offre" aux Parisiens une m... en bronze de 35 tonnes et douze mètres de haut, encensée par Mme Hidalgo comme signe de notre allégeance américaine :


 

Saloperie monumentale de douze mètres de haut représentant un bouquet multicolore brandi par une main gigantesque couleur chair, ce bronze  sera si moche qu'il aura l'air en plastique : oeuvre artistiquement nulle, comme toute la production d'un Jeff Koons que Mme la maire de Paris appelle "immense artiste".

Pourquoi faut-il (à tout prix) installer cette chose devant le Palais de Tokyo ?  Pour montrer "l'attachement irrévocable entre notre capitale et les Etats-Unis", répond Mme Hidalgo. La gauche 2018, en effet, se distingue de la droite en ce qu'elle se prosterne encore plus... L'érection de Bouquet of tulips en plein Paris prend la forme d'une injonction semi-officielle de Washington : c'est carrément à l'ambassade des Etats-Unis qu'elle a été annoncée, par une Anne Hidalgo éperdue d'allégeance, au cours d'une conférence de presse en forme de cérémonie coloniale.

Mais cette opération indigne le monde culturel français. Dans Libération du 21/01, un manifeste signé d'un "collectif" de 24 personnalités proteste contre l'annexion de l'esplanade du Palais de Tokyo : "Non au 'cadeau' de Jeff Koons", fulminent Frédéric Mitterrand, Olivier Assayas, Christian Boltanski, Marin Karmitz, Jean-Luc Moulène, Dominique Perrault etc  ; il y a même la députée LREM Emilie Cariou.  Ils expliquent notamment cinq points :

"Si une œuvre d’une importance inédite devait être placée dans ce lieu culturellement et historiquement particulièrement prestigieux, ne faudrait-il pas procéder par appel à projets, comme c’est l’usage, en ouvrant cette opportunité aux acteurs de la scène française ? D’une formidable vitalité, la création de notre pays bénéficierait grandement d’une telle proposition..."

"Architecturalement et patrimonialement, par son impact visuel, son gigantisme (12 mètres de hauteur, 8 de large et 10 de profondeur) et sa situation, cette sculpture bouleverserait l’harmonie actuelle entre les colonnades du Musée d’art moderne de la ville de Paris et le Palais de Tokyo..."

"Jeff Koons est l’emblème d’un art industriel, spectaculaire et spéculatif. Son atelier et ses marchands sont aujourd’hui des multinationales de l’hyper-luxe, parmi d’autres. Leur offrir une si forte visibilité et reconnaissance ressortirait de la publicité ou du placement de produit, et serait particulièrement déplacé dans ce lieu très touristique, entre deux institutions culturelles majeures, dévolues notamment aux artistes émergents et à la scène artistique française..."

Financièrement, cette installation serait coûteuse pour l’État, et donc pour l’ensemble des contribuables. Car l’artiste ne fait don que de son 'idée', la construction et l’installation de la sculpture - estimées à 3,5 millions d’euros au minimum - étant financées par des mécènes, notamment français, qui bénéficieraient d’abattements fiscaux à hauteur de 66 % de leur contribution [*]. De plus, les travaux préalables, pour renforcer le sous-sol du Palais de Tokyo, immobiliseraient longuement certains de ses espaces et entraîneraient pour le centre d’art un important manque à gagner..."

"Techniquement en effet, placer 35 tonnes au-dessus des salles d’exposition du Palais de Tokyo est un défi important. Déjà incertaine, la sécurité d’une telle entreprise à long terme est impossible à garantir."

"Nous apprécions les cadeaux, mais gratuits, sans conditions et sans arrière-pensées", concluent les signataires : ce qui équivaut à prendre position contre l'invasion (de plus en plus massive) de l'industrie sous-culturelle américaine depuis les années 1950.

Mais un vassal peut-il refuser les "cadeaux" du suzerain ?  Mme Hidalgo s'en cache à peine : l'opération Koons doit passer en force, quitte à bousculer les procédures légales en matière de protection des sites... Alors que les milieux culturels - voire le gouvernement - émettent des réserves, la maire de Paris et ses protecteurs américains font comme si la cause était entendue. Le monument de douze mètres est déjà en cours de fabrication "dans une usine allemande" (sic) et sera installé qu'on le veuille ou non : America first !

Mais l'élan était donné à partir de l'année 2008 où les proches de M. Sarkozy offrirent le château de Versailles à Jeff Koons. Droite, gauche... La vassalité n'a pas de parti.

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[*]  Les donations étant déductibles des impôts, ce manque à gagner pour le fisc sera compensé par les contribuables...

 

 

 "Jeff Koons est un immense artiste" (Anne Hidalgo)

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Versailles, 2008

 

19:32 Publié dans Idées, USA | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : koons

Commentaires

ALAIN BORER

> En marge de ces 'koon(s)eries'...
Je viens de finir "De quel amour blessée... - réflexions sur la langue française" (2014) d'Alain Borer. Dans ce roboratif livre sur notre langue et son altération contemporaine par l'"anglobal" mondialisé, je pense que, si vous ne l'avez pas déjà lu, cher PP, vous trouverez de l'eau pour votre moulin.
À bien des moments, la réflexion de Borer sur la langue et la culture croise le politique et stigmatise notre asservissement au néolibéralisme contemporain, en insistant sur le fait que le projet fondamental de la langue française y est allergique, voire en constitue l'antithèse (anthropologique, notamment).
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Écrit par : Alex / | 24/01/2018

INTELLIGENTSIA

> L’exposition versaillaise était déjà un scandale, un summum du mauvais goût. Je suis heureuse de voir que pour une fois l’intelligentsia parisienne n’applaudit pas comme un seul homme et n’impose pas son goût politiquement correct à une province qu’elle juge ringarde. Il y a donc ce l’espoir !
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Écrit par : Angéla / | 24/01/2018

ALIMENTAIRE

> Délirant, il n'y a pas d'autre mot.
Il se pourrait même que "l'artiste" se soit auto-persuadé qu'il offre réellement un cadeau à la France. Ce qui est assez révélateur de son ego comme de son état mental.
Un bouquet de tulipes, cette réalisation indigente, digne tout au plus d'un enfant de maternelle ? Je pensais que c'était une poignée de sucettes bourrées de colorant, comme sait si bien en faire l'industrie qualifiée d'agro-alimentaire.
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Écrit par : Bernadette / | 25/01/2018

RECYCLER ÇA

> S'il en fait cadeau à la France (de son truc en bronze), ne pourrait on pas l'amener à la déchetterie pour recycler le métal ? quelques tonnes de bronze ça vaut pas mal d'euro, non ? de quoi aider à remplir le tonneau des Danaïdes (pardon, rembourser la dette de l'Etat français).
Cdt,
(-;
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Écrit par : Bergil / | 25/01/2018

CADEAU À KOONS

> Jeff Koons n'offre… que de la publicité à lui-même. À un "artiste" aussi célèbre que lui, il ne manquait qu'une installation permanente à Paris, de préférence dans un lieu prestigieux. Et c'est nous qui lui en faisons cadeau ! Maintenant, il est sûr d'avoir des commandes pharaoniques de toutes les grandes villes du monde, en particulier en Asie ou dans le golfe Persique.
Il est malheureusement probable qu'il a déjà réussi son coup et qu'on ne pourra pas s'y opposer, tant il est soutenu par les puissants de ce monde. Il est l'un des premiers artistes officiels du néolibéralisme mondialisé. Son indigence en dit long sur l'absurdité du monde actuel. Son "œuvre" illustre bien la bizarre contradiction de la nouvelle prétendue "culture". On détruit tout l'esprit qui pourrait venir du passé pour faire du nouveau absolu, mais on a le conformisme bête de se vanter de couler ça en bronze à la manière des chefs d'œuvre de la Grèce antique ou de la renaissance italienne. L'Art, pour les gens d'aujourd'hui, n'est plus dans l'esprit, mais dans certaines données matérielles auxquelles s'ajoutent un succès de communication, exactement comme une valeur boursière.
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Écrit par : Guadet / | 25/01/2018

> Votre vocabulaire se relâche ! Il y a de quoi !
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Écrit par : Pierre Huet / | 25/01/2018

LEPAGE

> Si vous voulez vous amuser et avoir une analyse intéressante de l'art contemporain (et accroître votre culture, lol), regardez Franck Lepage: https://www.youtube.com/watch?v=n3gOLGzMChU Ca vaut le détour.
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Écrit par : ND / | 25/01/2018

@ Bernadette

> Les artistes contemporains à succès gèrent leur carrière comme les stars télé. Ce ne sont pas des imbéciles ni des pervers narcissiques mais juste des gestionnaires d'écho médiatique. Un présentateur télé ne montre pas ses fesses par dépravation mais parce qu'il sait que ça fera monter ses points d'audience, plus que d'écrire un livre intelligent par exemple.
Les présentateurs ont du moins le mérite de ne pas avoir l'hypocrisie des soi-disant artistes contemporains, qui profitent des conformismes de la critique artistique, comme quand ils passent pour des génies du seul fait que beaucoup dénoncent la nullité de leur œuvre. Plus Jeff Koons sera attaqué et plus Mme Hidalgo sera persuadé de soutenir un nouveau Monet ou un nouveau Picasso.

Guadet

[ PP à Guadet - Mon impression personnelle (venue des rumeurs de l'Hôtel de Ville) est que Mme Hidalgo est surtout désireuse d'obéir à l'ambassade US... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Guadet / | 26/01/2018

@ ND

> Lepage: merci pour me l'avoir fait découvrir!
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Écrit par : Pierre Huet / | 26/01/2018

@ PP

> Je vous crois tout à fait : l'un n'empêche pas l'autre.
À propos des Américains, vous avez vu l'histoire des wc en or proposés à la Maison Blanche. C'est un coup de pub plus original dû au "génie" de Maurizio Cattelan, cet Italien rendu célèbre par son Jean-Paul II écrasé par une météorite. Grâce à lui, l'art est tombé dans la plus grande vulgarité et n'est plus réservé à une élite cultivée. La nouvelle soi-disant "élite" au pouvoir l'apprécie beaucoup, car elle est tout autant populiste (au plus mauvais sens du terme) que conformiste. Elle ne veut des réformes et du changement que pour détruire ce qui freine son enrichissement.
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Écrit par : Guadet / | 26/01/2018

Guadet,

> si je vous suis bien, les artistes contemporains à la mode comme les présentateurs à succès ne sont rien d'autre que des animaux de cirque conditionnés. Des marionnettes à faire du fric. Ils ont abdiqué leur statut de roseau pensant pour se faire esclaves du dieu Mammon.
Et ce faisant ils se pensent très intelligents, la valeur d'un homme se mesurant au chiffre de son compte en banque, n'est-il pas vrai ? Du moins c'est le bourrage de crâne (ou lavage de cerveau, selon comment on veut le nommer) actuellement en cours dans nos sociétés.
Je ne connais pas ces gens célèbres, mais j'ai côtoyé des gens moins en vue qui comme eux voulaient se faire passer pour des génies. A la longue, ils ont fini par y croire eux-mêmes. J'en suis arrivée à la conclusion que c'était forcément ce qui arrivait quand on adoptait un tel comportement. Parce que sinon il faudrait avoir l'humilité de reconnaître qu'on s'est fait avoir, qu'on a renoncé à être un homme libre pour devenir un esclave, une coquille vide. Et tout cela par appât du gain, pour une richesse illusoire qui ne comble pas, et qui n'a aucune valeur dans le monde à venir.
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Écrit par : Bernadette / | 26/01/2018

SECRETS

> Ayant regardé et écouté la video de Lepage, dont ND nous a donné le lien,
il me semble que le point le plus choquant pour nous, Français, est que les montants des achats faits par les Fonds publics de soutien à l'art contemporain sont tenus secrets! Or, il s'agit de fonds d'Etat donc publics, qui vont dans des poches bien privées, elles.
Est-ce parce que nos départements d'Outre-mer produisent des bananes que nous avons des pratiques de république bananière?
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/01/2018

KOONS ET LES INTÉRÊTS U.S.

> Excellente charge de l'historienne de l'art (spécialiste des avant-gardes) Béatrice Joyeux-Prunel contre la "géopolitique du bouquet de tulipes" :

" Non au “cadeau” de Jeff Koons », signé ce 21 janvier dans Libération, a relancé la polémique contre le Bouquet of Tulips offert par l’artiste new-yorkais à la Ville de Paris. Touché par les attentats terroristes de 2015, le plasticien, inspiré par l’ancienne ambassadrice des Etats-Unis à Paris, Mme Jane D. Hartley, veut offrir son monument « au peuple de France et à la Ville de Paris ». Les vingt-cinq personnalités de la culture signataires déploient des arguments convaincants. On peut ajouter que le cadeau de Jeff Koons, avec ­l’innocence qu’on prête à la création artistique, est aussi l’exploitation de l’innocence des victimes des attentats de Paris au profit d’une géopolitique états-unienne qui a structuré la création culturelle depuis les années 1960.
Ce bouquet de tulipes/ballons aux couleurs acidulées ­devrait être installé sur le parvis du Palais de Tokyo. La main qui le tient rappelle la statue de la Liberté, donc l’amitié franco-américaine. L’ambassadrice des Etats-Unis déclarait avoir envisagé un cadeau dans un esprit de communion. ­11-Septembre, 13-Novembre : voici donc la France aux côtés des Etats-Unis dans le camp des victimes éprises de liberté, de culture et de démocratie contre la barbarie. Mais l’opération transmute ce qui est un acte économique, voire vénal, lié à une géopolitique douteuse, en don compassionnel.
Du point de vue d’un historien, l’« affaire du bouquet » s’inscrit dans un récit canonique qui accorde aux Etats-Unis une position centrale dans la culture et le marché de l’art mondiaux depuis les années 1960. Cette lecture en termes de centre/périphéries a pris pour argent comptant le discours conquérant qui accompagnait le développement du pop art new-yorkais et son exportation vers l’Europe après 1964.
Oubliant que cette exportation s’appuyait déjà sur des moyens financiers et diplomatiques considérables, elle a contribué à lire l’histoire mondiale de l’art depuis 1945 selon une échelle de valeurs régulée par le mythe du 'made in USA' (...), prime à l'argent décomplexé, au mépris pour le passé et le reste du monde..."

Le reste de l'article : http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/02/02/beatrice-joyeux-
prunel-l-art-de-koons-c-est-la-philosophie-du-jus-de-carotte_5250696_3232.html#jQx1bl6uixdSetoS.99
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Écrit par : Amicie Terray / | 06/02/2018

A P.H. :

> il parait que Bercy vient de négocier un accord avec Amazon pour son redressement fiscal mais que là aussi, c'est secret...
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Écrit par : VF / | 06/02/2018

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