06/10/2017
La dérobade
Confondre les problèmes et les responsabilités pour échapper aux devoirs évangéliques du chrétien devant la personne de l'immigré : c'est la réaction de certains face aux paroles de Mgr Jachiet...
C'était couru : publier les extraits de l'entretien de l'évêque auxiliaire de Paris (notre note du 5/10) allait attirer les irritations, non de simples catholiques, mais de l'ultra-droite qui arbore un catholicisme sans Evangile ni pape ni évêques depuis une cinquantaine d'années.
Que reprochent ces gens à Mgr Jachiet ? De n'avoir pas dit ce qu'il a pourtant dit.
Il a dit, entre autres choses, que le devoir du politique était de réguler les flux migratoires. Mais des ultras m'écrivent sur Facebook (contre l'évidence) que "cet évêque omet le rôle du politique et la dimension politique du problème".
Pourquoi lancent-ils cette accusation fausse ? Parce qu'ils ont besoin de déplacer ledit problème. Pour empêcher l'Eglise de dire certaines choses aux diocésains, ils l'accusent d'être plus ou moins coupable de l'immigration. Ne pouvant sérieusement imputer l'immigration à l'Eglise, ils font semblant de croire que l'Eglise est coupable de "se taire sur le rôle du politique" et de laisser ainsi le gouvernement dans l'ignorance de son devoir en la matière ; comme s'il avait besoin des évêques pour le connaître, et comme si un conseil politique d'évêque (?) avait la moindre chance d'être écouté à Matignon.
C'est la confusion mentale. Après avoir accusé (à tort) Mgr Jachiet d'oublier le politique, ses accusateurs l'oublient eux-mêmes (mais réellement) en confondant deux choses : le métier de l'Etat et le métier de l'Eglise. Le métier de l'Etat est de gouverner concrètement dans le sens du bien commun : c'est une action collective. Le métier de l'Eglise est d'incarner l'Evangile dans la vie quotidienne : ce sont des milliers d'actions individuelles. Tout laïc membre de l'Eglise catholique est censé regarder l'immigré comme son prochain et le secourir si besoin est : "Une fois qu'une personne est entrée sur notre territoire, nous ne pouvons pas la considérer comme une chose", souligne Mgr Jachiet. Nous ne le pouvons pas parce que nous sommes chrétiens. D'autres - qui ne sont pas chrétiens - ne verraient-ils aucune objection à traiter l'immigré "comme une chose" ? je n'en sais rien, je ne suis pas à leur place ; mais pour un chrétien la situation est claire et ne permet en théorie aucune dérobade.
Hélas les dérobades existent en pratique. Elles s'expriment sur les réseaux sociaux ou - obliquement - dans tel ou tel périodique. Comment ne pas dire ouvertement que, si l'on rencontre un immigrant, on ne voudra pas le traiter comme une personne ? En déplaçant le sujet. On ne parlera pas des gens, on parlera de "l'islam" et de l'urgence de l'effacer de l'Hexagone (comme si c'était faisable) ; ce qui permettra d'esquiver les personnes concrètes et de n'avoir pas à se comporter en bon Samaritain [*] là où c'est nécessaire. Se dérober aux devoirs évangéliques en noyant les faits dans des théories : voilà le point où sont rendus certains milieux catholiques français, dans la dérive où ils s'enfoncent depuis trois ou quatre ans.
Effacer une personne humaine derrière un problème général est le moyen le moins franc de la réifier - et c'est le contraire de l'Evangile, comme Mgr Jachiet nous le dit sans ambiguité. Il ne nous parle pas de la politique que l'Etat devrait mener : il nous parle de nos devoirs de Christifideles laici. Quel chrétien croyant voudrait s'y soustraire ?
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[*] On pourra aussi s'en remettre à l'autorité du Pr Rémi Brague. L'éminent historien de la philosophie expliquait récemment dans Le Figaro que le catholique ne devrait pas lire de façon "naïve" l'évangile du bon Samaritain (Luc 10:25-37), car il ne s'agirait pas d'un appel à la charité concrète mais d'une allégorie spirituelle. C'est tout de suite plus chic.
ps - L'Evangile (comme le reste de la Bible) peut être lu à divers niveaux : exercice pratiqué par tous les exégètes depuis deux mille ans. Mais, précisément, l'erreur consisterait à bannir l'un de ces niveaux parce qu'il ne nous conviendrait pas pour une raison ou une autre ! Regrettons que l'éminent historien de la philosophie - devenu censeur du pape et invité occasionnel de Radio Courtoisie - semble tomber dans cette erreur.
19:55 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : migrants
Commentaires
BERNANOS
> Ne pas considérer le réfugié comme une personne? Si on est partisan du libéralisme, voilà qui ne doit pas être bien gênant, puisqu'en bon disciple des utilitaristes on ne se considère pas les autres comme tels, ni d'ailleurs soi-même(voir ce que dit Saint Jean-Paul II sur ce sujet).
Peut-être y-a-t-il là quelques gênes occasionnées par les migrants. Un commentaire avec un article de Guillebaud disait ceci, il y a quelques temps: "Vous consacrez également un chapitre à la médiocrité des chrétiens, vous référant à l’écrivain Georges Bernanos. Comment peuvent-ils l’être moins ? C’est une expression que j’emprunte effectivement à Georges Bernanos. Je le lis depuis que je suis adolescent. Il y a quelques années un ami m’a offert ses Écrits de combat publiés dans la Pléiade. J’ai alors découvert plusieurs textes de lui que je ne connaissais pas avant. Bernanos répétait que le pire pour le christianisme est la médiocrité de certains chrétiens. En disant cela, il s’incluait dedans. Il ne faisait pas la leçon aux autres. Il parle de la médiocrité de plusieurs façons. Il y a cette fameuse phrase, que je trouve magnifique et que Bernanos aimait beaucoup également, de Charles Péguy : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme perverse, avoir une âme habituée ». C’est vrai que la routine est l’une des choses qui constituent la médiocrité chrétienne. En province, où j’habite, c’est trop souvent le cas dans les familles catholiques.
Il y a une deuxième façon, dont j’ai parlé dans d’autres livres, et dont parle aussi Bernanos. La tradition maurrassienne est trop importante encore en France. Charles Maurras a joué un rôle important dans la vie intellectuelle française des années 1920-1930, y compris dans les grandes écoles, comme l’École normale supérieure (ENS). Il disait : « Je suis athée, mais catholique ». Il était athée, car le message évangélque ne l’intéressait pas du tout. Mais l’Église catholique l’intéressait comme institution capable de structurer la société française. Bernanos a eu une phrase magnifique et cruelle pour répondre à cela. Quand il rompt avec l’Action française et Maurras, il écrit dans une lettre : « Il y en a certains qui pensent que le Christ est mort sur la croix pour permettre aux propriétaires de dormir tranquille ». Il se moque ainsi des catholiques athées." Voilà; je pense que la tableau est complet.
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Écrit par : ND / | 06/10/2017
COMPLIQUÉ
> Pfff… M’enfin… Accueillir les migrants, c’est compliqué !
« Sans blague ? », comme dirait le frère Adrien Candiard, o.p.
Je recommande à tous les lecteurs de votre blog, cher Patrice, son excellent ouvrage : « Quand tu étais sous le figuier… Propos intempestifs sur la vie chrétienne » (Cerf, juin 2017, 168 pages).
Extrait :
« On raconte, dans la tradition ancienne des moines d’Egypte – les “Pères du désert” – que le diable, déguisé en pauvre, était venu frapper à la porte d’un monastère pour tenter les frères. Il frappe, pas de réponse. Il frappe à nouveau, sans plus de succès. Il frappe, il appelle ; derrière la porte, on lui répond enfin : “Que veux-tu ?” “Je suis un pauvre (un pauvre diable ?), dit le diable. J’ai besoin de votre aide.” On lui répond : “Laisse-nous, nous sommes en train de prier.” Alors le diable se réjouit : “Inutile d’entrer, remarque-t-il. Je suis déjà à l’intérieur.” Comme il se cache à l’intérieur de toute enceinte dont la porte est solidement close.
« L’amour que nous devons au prochain est toujours dérangeant ; s’il ne nous dérange jamais, c’est que nous n’avons pas commencé à l’aimer. J’y pensais, il y a quelques mois, quand des centaines de milliers de migrants fuyant la guerre ont commencé à affluer en Europe. Le pape François a appelé les catholiques du continent à accueillir ces réfugiés. Beaucoup l’ont entendu, mais cet appel a parfois troublé quelques chrétiens sincères, qui répondaient qu’un tel accueil, pour des raisons économiques ou identitaires, était tout de même bien compliqué. Sans blague ? Bien sûr que c’est compliqué, bien sûr que cela remet en question un confort, matériel ou non, par ailleurs parfaitement légitime ; mais précisément, c’est le principe, c’est l‘idée, la charité n’est pas autre chose. Car non seulement l’amour fait du bien au prochain – le réfugié que l’on accueille se réjouit d’être accueilli – mais cela fait encore du bien à celui qui aime, parce qu’il a là l’occasion de sortir de la prison de ses habitudes confortables. L’alternative au dérangement, ce n’est pas la tranquillité ; l’alternative au dérangement, c’est l’enfer, qui n’est que le nom technique de l’isolement choisi et accepté pour l’éternité. (…) » (pp. 27-28)
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Écrit par : Denis / | 06/10/2017
NE PAS OPPOSER
> Il me semble qu'il est un peu rapide d'opposer la responsabilité de chaque chrétien vis-à-vis de son prochain, notamment immigré, et la responsabilité du politique, qui est de servir le bien commun, lequel ne peut pas être en contradiction avec le bien de chaque personne, y compris immigrée.
MG
[ PP à MG - Mais justement, je ne l'oppose pas... ]
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Écrit par : Michel de Guibert / | 07/10/2017
NON-CHRÉTIENS
> Est-ce que des non-chrétiens pourraient considérer les immigrés comme des choses ?
D'après ce que je constate, certaines personnes, et ce quelle que soit leurs convictions (ou absence de convictions) religieuses affichées, traitent leurs concitoyens (du moins certaines catégories d'entre eux) comme des choses.
Alors des immigrés...
Bernadette
[ PP à Bernadette - Mais beaucoup de ceux qui viennent en aide à des immigrants sont des non-chrétiens (comme 90 % de la population française, d'ailleurs). ]
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Écrit par : Bernadette / | 07/10/2017
PÉGUY
> En lisant le commentaire de ND, je ne résiste pas au plaisir de citer plus largement le passage du cher Péguy sur les "âmes habituées" qui "ne mouillent pas à la grâce" :
"Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C'est d'avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée.
On a vu les jeux incroyables de la grâce et les grâces incroyables de la grâce pénétrer une mauvaise âme et même une âme perverse et on a vu sauver ce qui paraissait perdu. Mais on n'a jamais vu mouiller ce qui était verni, on n'a pas vu traverser ce qui était imperméable, on n'a pas vu tremper ce qui était habitué.
Les “honnêtes gens” ne mouillent pas à la grâce.
C'est que précisément les plus honnêtes gens, ou simplement les honnêtes gens, ou enfin ceux qu'on nomme tels, n'ont point de défauts eux-mêmes dans l'armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale, constamment intacte, leur fait un cuir et une cuirasse sans faute.
Ils ne présentent pas cette ouverture que fait une affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal joint, une mortelle inquiétude, une invincible arrière-anxiété, une amertume secrète, un effondrement perpétuellement masqué, une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent pas cette rentrée à la grâce qu'est essentiellement le péché. Parce qu'ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables. Parce qu'ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien. Parce qu'ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout.
La charité même de Dieu ne panse point celui qui n'a pas de plaies.
C'est parce qu'un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C'est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l'essuya d'un mouchoir. Or celui qui n'est pas tombé ne sera jamais ramassé ; et celui qui n'est pas sale ne sera pas essuyé."
Charles Péguy (dans la "Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne")
Merci aussi à Denis pour sa citation du livre du frère Adrien Candiard, o.p. : "Quand tu étais sous le figuier… Propos intempestifs sur la vie chrétienne" ; cela donne envie de le lire !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 07/10/2017
ALLÉGORIQUE
> La lecture allégorique de la parabole du bon Samaritain par Remi Brague m'avait surpris. Elle me paraît difficile à tenir dans la mesure où cette parabole répond à la question "qui est mon prochain que je dois aimer comme moi-même?". Difficile dès lors de croire que le bon Samaritain n'incarne que Dieu et pas nous.
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Écrit par : Luc / | 07/10/2017
IMMIGRÉS
> Vous avez raison, mais je voulais seulement souligner que lorsque déjà on ne considère pas certaines catégories de citoyens comme des personnes humaines égales en dignité à soi-même, cela sera d'autant plus le cas pour des immigrés, qui cumulent plusieurs des raisons pour les quelles certains concitoyens sont rejetés : ils sont d'origine étrangère, ils sont pauvres (s'ils avaient des richesses, elles sont restées au pays), ils n'ont plus d'emploi, ils ne sont pas forcément en admiration devant les très riches parce qu'ils sont très riches, ils n'ont pas forcément pour ambition de devenir milliardaires en écrasant les autres.
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Écrit par : Bernadette / | 07/10/2017
Responsabilité personnelle du chrétien et responsabilité du politique
> Chaque chrétien devrait se comporter comme le bon samaritain c'est entendu.
Cependant cette attitude ne peut pallier les conséquences des carences du "politique" pour deux raisons essentielles:
-le chrétien en tant que tel même s'il agit au sein d'une assoc ne peut agir que sur de petits nombres sans comparaison avec les masses immigrées en mouvement
-l'action du chrétien est dans l'immédiat alors que les carences du politique viennent de loin et ne pourront agir que sur le moyen long terme.
D'où des situations difficiles toujours plus nombreuses et un afflux dont on ne voit pas le tarissement.
Ce qui fait au total dans certaines parties du territoire apparaître un sentiment d'invasion submersion inexorable.
J'habite une station balnéaire vendéenne "bien tranquille" et je constate depuis peu un fait nouveau: l'arrivée depuis la côte d'azur et de Nice particulièrement de familles fuyant des conditions de vie qui leurs semblent insupportables: répétition des canicules,cherté de la vie ,incivilités ,insécurité et souvent surtout situation de minorité dans des quartiers où les nouveaux arrivés imposent de fait leurs modes de vie avec les frictions que l'on devine.
Voyez-vous je crois que le nombre en soi des nouveaux arrivants est un immense problème sans parler des questions ethnico-religieuses.
Souvenez-vous des difficultés de tous ordres lors de l'arrivée en masse des pieds noirs au début des années soixante.
Et là il s'agissait de populations à modes de vies comparables pour l'essentiel et le volume à accueillir était bien connu tout ceci dans une économie en croissance.
Philou
[ PP à Ph. - Mgr Jachiet le dit nettement : l'Etat a le devoir de réguler les flux migratoires... ]
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Écrit par : philou / | 07/10/2017
ET PUIS
> Il parle du bon samaritain, de l'Espérance, du futur et du pouvoir...
Il te regarde avec un regard qui invite tellement... et qui ne sent ni la complaisance ni la mièvrerie...
J'étais sceptique sur ma capacité à écouter ce mec 15 minutes et puis...
https://www.ted.com/talks/pope_francis_why_the_only_future_worth_building_includes_everyone?language=fr#t-1059341
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Écrit par : Antoine R. / | 08/10/2017
PIEDS-NOIRS
> En tant que fils de Pieds-noirs, issus d'une famille d'ouvriers de Bal el Oued qui a débarqué en France sans un sou ni une chemise de rechange, je présente toutes mes excuses à Philou pour les "difficultés" que nos parents lui ont collectivement posées. La prochaine fois, nous tenterons de nous noyer dans la Méditerranée pour éviter d'infliger de trop grands désagréments aux "stations balnéaires vendéennes bien tranquilles".
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Écrit par : Lucas / | 09/10/2017
NI PLUS NI MOINS
> L'immigration est encadrée par la loi française. L'immigration clandestine, est, quant à elle, réprimée. Il suffit d'appliquer les textes en vigueur, ni plus ni moins.
TM
[ PP à TM - Exactement. Et s'en prendre à l'Eglise (comme le font certains) n'a aucun sens. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Thomas Mousset / | 09/10/2017
@ ND, entre autres :
> https://www.la-croix.com/Voiture-police-brulee-jusqu-7-ans-prison-3-ans-ferme-militant-Antonin-Bernanos-2017-10-11-1300883316?from_univers=lacroix
Étonnant, de retrouver deux frères Bernanos dans la violence antifa ; il faut dire que leur aïeul maniait une violence verbale et un art de l'invective particulièrement féroces et savoureux. Mais là...
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Écrit par : Alex / | 11/10/2017
LÉPANTE ?
> Sur un célèbre site de "réinformation", deux articles assez "fun" (?).
La jeune (et qui a l'air très sympathique au demeurant) auteur(e) du premier invite l'Eglise "à retrouver le souffle des voiles de Lépante" :
http://www.bvoltaire.fr/leglise-face-a-lislam-bataille-de-lepante-bien-loin/
Dans le second, les Français sont littéralement invités à devenir des ...migrants, hors sol et hors attaches. Pour ...retrouver leurs racines ! Hé bé...
http://bvoltaire.com/francais-arrachez-vos-boulets/
Feld
[ PP à Feld - Leur ignorance de l'histoire est sans limites : la bataille de Lépante n'a servi à rien sur le plan stratégique.
Mais, évidemment, casser du muz... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Feld / | 11/10/2017
@ Feld et PP
> Lépante, pour mémoire (histoire spirituelle) : la fête de Notre-Dame de la Victoire fut établie par le pape Pie V pour commémorer la bataille de Lépante – en Grèce – en 1571, où une coalition d’armées chrétiennes l’emporta sur la flotte ottomane.
Pie V, pape dominicain, faisait prier le Rosaire partout en prévision de cet affrontement. La bataille décisive eut lieu le dimanche 7 octobre 1571, précisément aux heures où le Pape voyait défiler en procession sous ses fenêtres les confréries du Rosaire. De façon surnaturelle, le pape eut d’ailleurs connaissance, dans la soirée de ce même dimanche, de la victoire et en avertit ses conseillers – la confirmation vint quelques jours plus tard.
Avec le successeur de Pie V, Grégoire XIII, la fête de Notre-Dame de la Victoire devint celle de Notre-Dame du Rosaire, fêtée chaque 7 octobre.
A Lépante, c’est clair, l’arme déterminante, contrairement aux apparences, est la prière. C’est elle qui fait pencher la balance du bon côté. « Les soldats guerroient, Dieu donne la victoire », de notre Jeanne d’Arc, s’actualise en « les fidèles prient, Dieu donne la victoire ». En tout état de cause, pécheurs et infidèles étant, quelle que soit la bataille, présents dans chaque camp, il ne paraît pas illégitime de remettre victoire et défaite, avec leur lot de grâces et de pénitences, au saint vouloir du Seigneur.
A noter qu’en France, le roi Louis XIII s’est inscrit dans cette filiation spirituelle en fondant en 1629 l’église de Notre-Dame des Victoires, à Paris. Dans le sillage de Lépante, La Rochelle avait, aux yeux du roi, cette dimension d’une victoire acquise – en l’occurrence contre la rébellion protestante – grâce à l’intercession de la Vierge Marie. Le roi, comme il se doit, fut dépassé dans son attente : Notre-Dame des Victoires, lieu de conversion bien connu, célèbre basilique abritant, depuis 1836, l’association du très saint et immaculé Cœur de Marie, est un sanctuaire où la Miséricorde divine se déploie avec une force et une fécondité extraordinaires. Sans violence mais pas sans larmes. Sans arme autre que la prière.
Denis
[ PP à Denis - Si l'arme déterminante a été la prière, la bataille de Lépante n'a pas été déterminante sur le plan stratégique ! Son élévation au rang de mythe ne correspond pas à son poids réel dans l'histoire... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Denis / | 12/10/2017
LÉPANTE
> La bataille de Lépante n'aurait servi à rien sur le plan stratégique ? Si les Turcs ont refait rapidement leur flotte, Lépante les a détournés de l'Europe. Ce n'est pas rien.
Ne répondons pas à l'outrance par l'outrance...
GT
[ PP à GT - Ne me morigénez pas : demandez-vous plutôt pourquoi François Ier était l'allié du Grand Turc ! ]
réponse
Écrit par : Gilles Texier / | 12/10/2017
@ Feld :
> Ces articles sont assez "fun", en effet, si l'on veut. Ou alors navrants. Il faut sans doute croire (à propos du premier) qu'il est plus amusant et plus confortable de rêver du "souffle des voiles de Lépante"(1) chez soi, devant une glace, peut-être même avec une épée, histoire de voir quelle allure on aurait ainsi, que de voir dans les musulmans présents en Europe aujourd'hui des personnes à évangéliser.
Observons au passage la citation - rituelle ? - du prophète Dandrieu, qui, après avoir enfoncé une porte ouverte (sur le fait de ne rien avoir à gagner de l'islamisation de l'Europe) préfère parler de défense de la chrétienté plutôt que d'illustration du christianisme(2).
En somme, à première vue, il manque peu à ces "réinformateurs", mais le peu qui leur manque est essentiel.
(1)Tiens, c'est à coup de voiles qu'on s'est battu à Lépante ? Bon, je veux bien admettre mon faible sens de la métonymie.
(2)Toute cette "défense de la chrétienté" dans une publication nommée "Boulevard Voltaire", voilà qui ne manque pas de piquant.
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Écrit par : Sven Laval / | 12/10/2017
NICE
> Et je précise, cher Gilles, que chez-moi, à Nice on se rappelle fort bien de Catherine Ségurane qui repoussa les Turcs de Barberousse à grand coups de battoir quand ils firent le siège de Nice et qu'ils logeaient à Toulon (la cathédrale fut même, pour l'occasion, transformée en mosquée sur ordre de François 1er....).
Quant à Lépante, je ne me suis jamais penché sur l'histoire des visions du pape mais la bataille n'empêcha pas les Turcs de repartir à l'assaut de l'Europe (second siège de Vienne 1683) qui fut sauvée par les Polonais.
Alors, de grâce, arrêtons de mélanger spiritualité et guerre. Ras-le-bol de ces frustrés incapables de s'engager dans l'armée et qui ne rêvent pourtant que de combattre et de tuer du musulman... De même qu'ils ne parlent que de lutter contre l'islamisation des banlieues mais je n'en vois guère dans les "quartiers" ou dans les collèges sensibles...
Elle est mignonne cette "autrice", mais ces "bobos" d'extrême-droite qui ré-écrivent l'histoire ferait mieux de l'apprendre avant...
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Écrit par : VF / | 12/10/2017
à Gilles Texier
> Plus décisif fut l'arrêt de la conquête ottomane à Vienne...
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Écrit par : Michel de Guibert / | 12/10/2017
PRINZ EUGEN
> Lépante a si peu détourné les Turcs de l'Europe qu'aux XVIIe-XVIIIe siècle il a fallu les campagnes du généralissime du Saint-Empire Eugène de Savoie Carignan pour continuer à les refouler ! D'où la victoire sur l'armée d'invasion de Mustafa II à la bataille de Zenta près du fleuve Tisza (1697). Cette nouvelle "bataille décisive" avait été précédée du siège de Buda (1686), de la bataille de Mohacs (1687) et du premier siège de Belgrade (1688). Il y eut ensuite le siège de Timisoara (1716), etc.
Fait d'armes particulièrement spectaculaire du prince Eugène, un deuxième siège de Belgrade (1717) est passé à l'histoire grâce à la chanson 'Prinz Eugen der edle Ritter' devenue marche de parade de la cavalerie impériale :
" Prinz Eugen der edle Ritter,
wollt dem Kaiser wied'rum kriegen
Stadt und Festung Belgerad !
Er ließ schlagen eine Brukken,
daß man kunt hinüberrucken
mit der Armee vor die Stadt
Als die Brucken nun war geschlagen,
daß man kunnt mit Stuck und Wagen
Frei passir'n den Donaufluß,
Bei Semlin schlug man das Lager,
Alle Türken zu verjagen,
Ihn'n zum Spott und zum Verdruß..."
C'est seulement à partir de cette reconquête que la Turquie est sur la défensive en Europe, et il faudra toute les guerres balkaniques pour qu'elle commence à lâcher prise.
Il y aura ainsi une troisième prise de Belgrade en 1789, par le Feldmarschall Ernst von Laudon (après quoi il fallut rendre la ville aux Turcs selon les termes du traité de 1791).
Comme quoi l'affaire de Lépante n'avait vraiment pas été décisive pour l'Europe...
Je n'ai pas l'habitude de parler de ma famille, mais je me permets d'indiquer à Gilles Texier qu'elle a perdu au troisième siège de Belgrade un Plunkett de 26 ans, officier au 13e régiment des chevau-légers de Modène commandés par Andreas O'Reilly von Ballinlough.
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Écrit par : PP / | 13/10/2017
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