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04/10/2017

Santé-écologie : 1. une bonne nouvelle, 2. un souci

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Bonne nouvelle judiciaire pour la liberté d'expression face aux entreprises pollueuses. Mais souci à propos du glyphosate :


 

1. Bonne nouvelle : l'arrêt rendu le 28 septembre par la cour d'appel de Paris dans l'affaire Chimirec c/Neyret. Je résume :

le professeur de droit Laurent Neyret (université de Versailles), spécialisé dans le droit de l'environnement et de la santé, a été membre d'un groupe de travail de la Cour de cassation ; il est le père des recherches juridiques sur les effets du Distilbène (2010) et de la notion de préjudice écologique (arrêt Erika en 2012). En 2014, il publie dans une revue juridique un article intitulé : Trafic de produits dangereux - Quand les dépollueurs se font pollueurs : c'est une étude du jugement de condamnation en première instance rendu contre la société Chimirec (pour perception indue de subventions publiques à la dépollution, livraison d'huiles polluées et falsification de documents administratifs). L'article conclut en proposant l'alourdissement des peines pour infraction environnementale.

Riposte de Chimirec : assigner en diffamation le Pr Neyret devant le tribunal correctionnel de Paris ! Cette assignation s'inscrit dans une série de procédures du même genre en Europe, lancées par des entreprises pour faire taire les lanceurs d'alertes. Généralement ces procédures visent des auteurs de fuites ou des journalistes ; mais là, Chimirec s'en prend à un juriste dans l'exercice de ses fonctions. Le 13 janvier 2007, le tribunal déboute l'entreprise plaignante et la condamne pour procédure abusive : Chimirec devra verser 12 000 et 8 000 euros de dommages-intérêts au Pr Neyret et à la revue juridique. Le jugement souligne que Chimirec a fait preuve d'une "particulière témérité" en "choisissant d'agir en diffamation contre le commentaire d'une décision de justice par un enseignant en droit". Témérité symptomatique de l'état d'esprit régnant désormais dans certaines sphères du secteur privé...

Chimirec n'a pas renoncé à sa manoeuvre d'intimidation : il a fait appel. Mais la cour d'appel vient de confirmer le jugement de première instance, et de barrer la route aux tentative d'entreprises pour bâillonner toute critique. Selon l'arrêt, le seul fait d'envisager qu'un article factuel comme celui du Pr Neyret puisse être "diffamatoire" constitue une atteinte à la liberté d'expression.

Sans ce coup d'arrêt, toute critique (justifiée) à l'encontre d'entreprises exposerait dorénavant son auteur à des peines financières ruineuses ; perspective inique mais conforme à l'esprit de traités de  libre-échange qui donnent aux multinationales les moyens pseudo-judiciaires de faire plier les gouvernements... Cependant la jurisprudence de la cour d'appel ne protège que les enseignants des facultés de droit ;  elle ne s'applique pas aux cadres d'entreprise lanceurs d'alerte, sans lesquels les journaux et les juges n'apprendraient pas grand'chose.

 

2.  Souci : le glyphosate. La Commission européenne persiste à vouloir ré-autoriser l'herbicide Monsanto (Roundup) contenant cet élément, déclaré "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer.  L'impressionnant acharnement bruxellois est freiné par la résistance de quelques gouvernements, et surtout par la révélation du fait que la Commission se fonde sur les conclusions de son agence de sécurité alimentaire, alors que celle-ci a basé ses conclusions pro-glyphosate sur un rapport allemand comportant un copié-collé... d'un document du lobby des pesticides.

Mais la décision européenne devrait être prise le 23 octobre, et d'ici là Bruxelles appelle les "syndicats agricoles" - ceux de l'agro-business - à "concentrer leur communication" (autrement dit faire pression)  sur les gouvernements récalcitrants. Sachant par exemple la toute-puissance de la FNSEA sur les gouvernements français, la suite se laisse deviner. Quant aux nombreuses poursuites intentées contre Monsanto par des victimes du glyphosate, elles tomberont si Monsanto réussit à se dissoudre dans Bayer... Et seule la Commission européenne pourrait mettre un veto à cette opération.

 

 

 

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Commentaires

MISE AU POINT

> "Quant aux nombreuses poursuites intentées contre Monsanto par des victimes du glyphosate, elles tomberont si Monsanto réussit à se dissoudre dans Bayer". Cette affirmation est juridiquement fausse. Soit Monsanto continue d'exister juridiquement et continuera d'être responsable vis-à-vis de victimes potentielles ; soit Monsanto sera fusionnée avec Bayer et dans ce cas la nouvelle entité résultant de la fusion sera responsable vis-à-vis desdites victimes. L'autorisation ou l'interdiction par la Commission au titre du contrôle des concentrations est sans effet sur les procédures actuelles ou à venir de mise en jeu de la responsabilité de Monsanto. Restons précis.
RN


[ PP à RN - Merci de cette mise au point. J'avais repris une interrogation exprimée par Marie-Monique Robin. ]

réponse au commentaire

Écrit par : RN / | 05/10/2017

LOTO

> En bref, Chimirec a joué au loto et a perdu.
Je rappelle le principe du loto:
1/ On peut miser une somme suffisamment faible pour que la perte soit sans souci (évidemment, ne s'applique pas aux malades du jeu): Qu'est ce que 20000€ + frais d'avocats (très certainement des salariés) pour une grosse société ?
2/ On peut gagner très gros.
Je sais, les gains au loto on quelque chose d'indécent, et les jeux d'argents sont moralement condamnables. Raison de plus pour que ma comparaison s'applique, non ?
______

Écrit par : olivier / | 05/10/2017

COMIQUE

> Et le comique du jour est le ministre de l'environnement climato-sceptique du gouvernement anglais :
"il faut faire prévaloir la croissance sur le réchauffement climatique pour que, le moment venu, nous soyons assez forts pour faire face aux conséquences du changement climatique."
Il n'est rien qu'un esprit rationnel puisse répliquer à un argument de cette sorte...
https://www.desmog.uk/2017/10/03/gove-climate-policy-must-not-come-expense-economic-growth
______

Écrit par : Lucas / | 05/10/2017

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