02/10/2017
La "rentabilisation" nuit gravement aux hôpitaux
Un documentaire alarmant et révélateur (Arte demain soir) :
Burning out est le titre de la longue enquête documentaire (un an de tournage) filmée par l'équipe de télévision de Jérôme Le Maire autour d'un bloc opératoire de l'hôpital parisien Saint-Louis... avec l'assentiment de l'AP-HP. Sujet : la dégradation des conditions de travail du personnel hospitalier, à cause des normes managériales et des "schémas organisationnels" qui imposent un objectif de rentabilité étranger à la médecine.
Les témoignages du film sont révélateurs. Un chirurgien : "Avant il y avait beaucoup moins de pression. Maintenant on a une obligation de résultats, les gens sont plus stressés, ils ont peur, et on fait des conneries avec la peur." Une anesthésiste : "Le système est complètement fou, ce sont des choix financiers... Mon travail n'a plus de sens." Un autre médecin : "On est dans des injonctions paradoxales. Non seulement on maintient l'activité mais on l'augmente, c'est ce qu'on nous demande, et en même temps on n'a plus les moyens..." Une aide soignante : "Maintenant j'ai sept minutes pour nettoyer le bloc avant l'arrivée de la prochaine intervention. Je nettoie les blocs les uns après les autres, mais ce n'est pas trop bien ce que je fais..."
Interrogé par la presse [*], le vice-président de la commission "vie hospitalière" de l'AP-HP explique : "Les établissements sont confrontés à des obligations de résultats et de rentabilité. Cela pose problème pour l'hôpital public, qui a des missions de service public. La tarification à l'activité (T2A), issue de la réforme de 2007, est par exemple inadaptée à la prise en charge des maladies chroniques, qui demande du temps... À l'hôpital on voit vite les conséquences des difficultés organisationnelles, managériales ou budgétaires sur les patients. On est alors face à une souffrance éthique quand le soignant se sent empêché de faire son travail, lorsqu'il perd son sens."
Détruire le sens du travail (voire le travail lui-même) : conséquence de la financiarisation, stade suprême du libéralisme.
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[*] Libération 02/10. L'interviewé est le Pr Rémi Salomon, chef de service en néphrologie pédiatrique (Necker).
15:51 Publié dans Ecologie intégrale, Santé | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : hôpitaux
Commentaires
"EFFARANT"
> Ma mère, âgée de 89 ans, que j’ai baladée pour cause de Levothyrox de contrebande dans les hôpitaux de l’Ouest parisien en mai et juin (Mignot au Chesnay, Foch à Suresnes, Garches…, sans succès diagnostique), a une expression pour décrire les médecins d’aujourd’hui, et pas seulement ceux des hôpitaux : « Les brutes en blanc ». Trait le plus partagé, chez le médecin traitant lambda, même le généraliste : il vous écoute mais ne vous touche pas. C’est tout juste s’il vous prend la tension. Et deux fois sur trois, il vous engueule, ou peu s’en faut. Il paraît enfin que nombre d’étudiants en médecine sont dégoûtés et frisent la dépression après leurs quinze premiers jours dans un service hospitalier, en raison du rythme qui leur est imposé et de la pression psychologique qui pèse sur leurs épaules. Effarant…
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Écrit par : Denis / | 02/10/2017
CONTRE-PRODUCTIVES
> Ne nous y trompons pas: ces obligations de rendement imposées d'en haut sont totalement contre productive car elles oublient le facteur humain
L'exemple d'en Buurtozrg aux Pays Bas est édifiant : cette entreprise a choisi de laisser beaucoup plus de liberte et d'initiatives aux infirmières: plus de cadence de rendement imposée, plus de contrôle tatillon
Un ultra libéral technocratique vous dira que cela conduit à une moindre productivité et du gâchis : c'est le contraire qui s'est produit, l'efficacité de ce réseau a écrasé tous les concurrents. pourquoi ? Parce que les infirmières passaient le temps adapté par patient, elles ont humaniser la relation, et d'en ce fait les patients mieux accompagnes ont été moins malades !!!
Par ailleurs, ce que l'on ne prend jamais en compte dans ces rationalisations hâtives est le gâchis engendré par l'inefficacité des structures de directions qui se tirent dans les pattes , et cet impact est incomparable avec celui d'imposer une cadence horaire à l'exécutant de base.
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Écrit par : Ludovic / | 02/10/2017
"CRIMINEL"
> Les anciens pontes de la médecine avaient alerté sur le virage technique pris par la médecine. On les avait alors accusés d'être rétrogrades, d'être des Diafoirus refusant le progrès médical.
Et pourtant...
Il y a moins d'un siècle, le médecin avait un microscope. S'il suspectait une tuberculose pulmonaire, il examinait un crachat du patient et il y observait ou non le bacille de Koch.
Maintenant, quand bien même il suspecterait une tuberculose pulmonaire (voyons messieurs, cela n'existe plus dans nos contrées ou tout le monde est vacciné), il doit demander un examen de laboratoire, lequel sera coûteux pour le système de santé et retardera le diagnostic.
Semmelweiss et Pasteur ont été des pionniers en matière d'hygiène. Nous connaissons maintenant l'existence des germes infectieux et leurs dangers. Nous savons (ou devrions savoir) que l'hygiène est primordiale, d'autant que les germes développent une résistance aux antibiotiques.
Et alors ? Eh bien nous bâclons le nettoyage des salles d'op' et diminuons le temps de stérilisation des instruments. Ainsi les patients qui seront contaminés le seront uniquement par des germes très agressifs, puisqu'on aura éliminés les autres. Presqu'aussi criminel que les médecins qui passaient de la salle de dissection à la salle d'accouchement sans même se laver les mains. Eux au moins avaient l'excuse de ne pas savoir. Quoique s'ils avaient eu moins de morgue, ils auraient appris des petites gens. Beaucoup savaient que la malpropreté faisait le lit des maladies en tous genres.
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Écrit par : Bernadette / | 03/10/2017
LA FIN DE LA MÉDECINE
> Témoignage d'un médecin de ma connaissance à propos de la prochaine ouverture de la PMA "pour toutes" et des ivg non thérapeutiques : "J'accepte de ne plus être médecin, et d'être dans ce cas un pur technicien au service du droit français". Tout est lié. Que les médecins acceptent sans broncher qu'on les transforme ainsi en "techniciens" de la reproduction artificielle de l'humain montre que leur métier est devenu, depuis longtemps, un simple moyen technique, et non la belle "technè" dont parlent Platon et Aristote à propos de la médecine.
Entre le vieux concept et le nouveau, c'est l'idée d'une finalité de la médecine qui a disparu. Ne restent plus que les formidables moyens "bio-médicaux", à notre disposition.
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Écrit par : Maud / | 03/10/2017
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