01/06/2017
"Relancer l'Europe" : vers où, et pour quoi faire ?
Sur quelle musique danse le couple Merkel-Macron ? Peut-être celle du rapport de la Commission publié hier. Une musique qui ressemble à un cliquetis d'engrenage :
Panique en Europe ? Trump et ses éructations (sa "diplomatie de touriste saoul") donnent à nos dirigeants le sentiment d'être orphelins de l'Amérique. Dès novembre 2016, l'ambassadeur français à Washington - fanatique du globally correct - déclarait : "Après cette élection et le Brexit, un monde s'effondre devant nos yeux. Un vertige..."
Depuis quelques jours, nos médias lancent l'idée que c'est au contraire "une chance pour l'Europe" : obligés de nous prendre en main, nous devrons, selon l'expression étrange de Mme Merkel, "lutter pour nous-mêmes en tant qu'Européens, pour notre avenir et notre propre destin". [1]
Mais quel avenir et quel destin ? On sait le genre d'Europe que veut Mme Merkel. On ne sait pas dans quelle mesure Paris, sous M. Macron, va suivre Berlin.
On sait en tout cas ce que veut la Commission de Bruxelles : son rapport de 48 pages, publié hier 31 mai, fixe trois objectifs à atteindre avant la prochaine crise systémique rendue encore plus inévitable par la politique Trump : 1. une union bancaire et financière (sachant aussi que Berlin s'oppose à un système de garantie des dépôts lors des faillites bancaires, et que Bruxelles n'ose défier Berlin) ; 2. un budget de la zone euro (socle d'un super-Etat fédéral) ; 3. un ministre des Finances de la zone euro, fusionnant le poste de président de l'Eurogroupe et le poste de commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires - actuellement détenu par M. Dijsselbloem : l'homme qui confisqua les comptes en banque des Chypriotes (2013) en déclarant que "les marchés verraient cela comme une approche raisonnable".
Ce projet 3 retient l'attention par un énorme "oubli". Pour le poste de ministre européen des Finances (issu de deux instances non-élues : Commission et Eurogroupe), il n'envisage aucune espèce de contrôle démocratique sur le futur ministre, qui sera cependant doté d'une autorité quasi-fédérale... Tout juste le rapport envisage-t-il un "dialogue" avec les députés européens : le mot "dialogue" - notion psychologique et non politique - n'engageant évidemment à rien.
Donc, dans l'état actuel des choses, la crise existentielle où Mr Trump plonge l'UE semble avoir pour issue une aggravation des défauts de cette même UE : technocratie financière, arbitraire bruxellois, déficit de démocratie, hégémonie allemande. L'échec électoral de l'extrême droite en Autriche, aux Pays-Bas et en France a persuadé l'eurocratie que l'heure était venue d'accélérer son engrenage.
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[1] La formule rappelle une autre époque : elle est donc étrange dans la bouche d'une dirigeante allemande contemporaine. De même lorsque l'insoupçonnablement bruxellois Jean Quatremer se met à parler de "nouvel ordre européen" ! Ça rappelle, par antiphrase, l'époque lointaine (1969) où nous collions sur les murs de Paris des affiches sérigraphiées disant : "Non à l'Europe IVe Reich"...
10:30 Publié dans Europe, Macron | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : union européenne, marcon
Commentaires
PAS DE PEUPLE
> Pas de contrõle démocratique.... bien sur que non puisqu'il n'y a pas de demos européen, c'est à dire de peuple ayant forte conscience d'un destin et de "valeurs" communes.
PH
[ PP à PH - Aussi factice que soit le Parlement européen, la Commission l'esquive quand même. C'est dire. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 01/06/2017
> J'oubliais: quand les Bundesklern parlent, ils mélangent Allemagne et Europe.
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Écrit par : Pierre Huet / | 01/06/2017
ON BRADE
> Ce matin, on annonce que la cristallerie de Baccarat, l'un des fleurons du luxe français, vient d'être rachetée par le holding chinois Fortune Fountain Capital.
Voilà exactement ce que les normes européennes devraient devoir empêcher, au nom de la préservation du tissu industriel et, dans le cas de Baccarat, d'un patrimoine historique inaliénable.
On sait ce qu'il en adviendra : les Chinois viendront sur place étudier dans le détail les secrets de fabrication pour les reproduire à la lettre dans une manufacture asiatique, moyennant un coût de revient nettement inférieur. Il ne leur restera plus qu'à fermer la cristallerie lorraine, celle-ci faisant les frais d'un défaut patent de compétitivité.
La Chine, de ce point de vue, est bien plus vigilante que Bruxelles : elle n'autorise les investissements étrangers qu'à hauteur de moins de cinquante pour cent des parts sociales. Cela permet à la partie chinoise, forcément majoritaire, de rester maître du jeu. Il est d'ailleurs très improbable que la Chine autorise à aucun de ses fleurons industriels un rachat tel que celui qui vient d'avoir lieu à Baccarat.
Comme vous le rappelez souvent, Patrice, l'Union européenne post-Maastricht s'est engluée dans le culte du libre-échange à tous vents et quasiment sans restriction aucune - y compris à l'égard d'investisseurs dont les pays d'origine sont ouvertement protectionnistes. Voilà, entre autres, comment Arcelor s'est fait dévorer par l'Indien Mittal il y a dix ans ou, plus récemment, Alstom par General Electric. Les ouvriers de Gandrange et de Florange qui pointent aujourd'hui à Pôle Emploi sans avoir été protégés s'en souviennent ; ils votent aujourd'hui pour Marine Le Pen.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 02/06/2017
IRONIE
> Cit. : "l'insoupçonnablement bruxellois..."
Une ironie pour écrire "le fanatiquement..." ?
F.
[ PP à F. - Une ironie bien sûr. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Fondudaviation / | 02/06/2017
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