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11/01/2017

Tarnac : rideau sur un guignol politico-judiciaire

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Aucun des huit prévenus de l'affaire Tarnac ne sera jugé pour "terrorisme". Cette décision de la Cour de cassation  (10/01) met fin à un guignol acharné qui aura duré... sept ans :


 

 

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Le 15 novembre 2008, le procureur Jean-Claude Marin accuse l'intellectuel libertaire néo-rural Julien Coupat, 42 ans, d'être le chef d'une "cellule invisible" qui aurait posé un fer à béton sur une caténaire de ligne TGV en Seine-et-Marne. Acte qui n'eut guère d'effets, mais que le parquet assimile à du "terrorisme"... Coupat fait six mois de détention provisoire. Le dossier de l'enquête reste vide. Bientôt la presse y voit une bouffonnerie d'Etat : "affaire artificielle" (selon Le Monde), "fiasco judiciaire" (selon Libération [1]), "enquête au point mort" (selon Le Figaro)...  En avril 2010 les avocats demandent l'annulation de la procédure. La cour d'appel de Paris rejette cette demande. Et les enquêteurs s'acharnent. En vain. Ils ne trouvent rien, sans doute parce qu'il n'y avait rien à trouver... Contrairement à ce qu'affirme l'instruction, la présence de Coupat et sa compagne sur les lieux du pseudo-attentat n'est pas établie, et les traces de pneus ne sont pas celles de leur voiture.

En août 2015, le juge d'instruction renvoie simplement les accusés en correctionnelle pour divers griefs : la charge de "terrorisme" est abandonnée. Le parquet fait appel ! En juin 2016, la cour d'appel de Paris confirme la décision de 2015. Le parquet va en cassation ! Et c'est l'arrêt rendu hier, qui écarte définitivement la qualification de terrorisme.

Comment cette absurdité politico-judiciaire a-t-elle pu avoir lieu ? et se prolonger aussi longtemps, hors des réalités et du bon sens ?

Relisons l'affaire du côté de l'Etat. Quand la police antiterroriste - cagoules, gilets pare-balles, armement lourd - envahit la ferme de Corrèze où vivent Coupat et ses amis (qui tiennent l'épicerie du village de Tarnac), Nicolas Sarkozy est au pouvoir. Michèle Alliot-Marie est ministre de l'Intérieur. C'est elle qui installe la fable terroriste. Le "dossier" est confié au juge anti-terroriste Thierry Fragnoli. La cause semble entendue d'avance : Coupat est mis en examen pour "direction de structure à vocation terroriste, association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", etc. Le dossier ne contient rien (sauf un livre de théorie révolutionnaire sans rapport avec le sujet) : mais Coupat et sa compagne seront quatre fois maintenus en détention, au même régime que, plus tard, le coordinateur du massacre djihadiste du 13 novembre 2015 à Paris ! On finit par les libérer, de guerre lasse, en 2009... mais en persistant dans l'idée que Coupat dirige une cellule terroriste : incohérence qui amuse les journaux.

Des policiers et des gendarmes  constataient eux-mêmes le vide du dossier en termes de terrorisme :  à supposer que "cette histoire de caténaire" ait réellement été commise par Coupat, "ce n'était jamais que du vandalisme", déclarait un gendarme au JDD dès novembre 2008. Le 16 mars 2012, les avocats de Coupat déposent une requête en récusation contre le juge Fragnoli, à la suite de la divulgation d'un courriel où celui-ci parle contre Coupat sur un ton étrange [2].

D'où venait la volonté d'ériger en péril le petit groupe de Tarnac ? De Mme Alliot-Marie. Sans doute aussi de M. Sarkozy. Vieux réflexe du Parti de l'Ordre, qui criait au "complot communiste international" en mai 1968... Obsédée du désir de voir un "terrorisme d'extrême gauche", la droite de 2008 s'apprêtait à ne pas voir venir le véritable terrorisme. "La hâte avec laquelle le groupe de Tarnac a été supposé coupable et assimilé à la bande à Baader [autre référence antédiluvienne] témoigne d'une étrange confusion dont ne peuvent se réjouir que les terroristes, les vrais", soulignait le Canard enchaîné du 19/11/2008 (il faisait alors allusion aux Corses). D'où la fabrication d'un épouvantail par le ministère de l'Intérieur...  Drame de la bêtise.

Et persévérance dans la bêtise sous François Hollande. Celui-ci avait traité "d'hystérie sécuritaire" la posture de MAM en janvier 2009. Mais après 2012 ? Sous Mme Taubira, la procédure anti-terroriste continue pendant trois ans contre Coupat et ses amis. Quand la juge Duyé décide enfin de correctionnaliser l'affaire, le parquet fait appel de cette décision : et c'est toujours sous Mme Taubira...  Jusqu'à la dernière limite (la décision de la Cour de cassation), la classe politique de gauche a donc couvert la classe politique de droite - bien que toute cette affaire soit une baudruche : "Il n'y a ni flagrant délit, ni preuves, ni aveux que Julien Cioupat et sa compagne ont participé à ce sabotage. En outre, les experts admettent que cet acte de malveillance ne menaçait en rien des personnes..." Quant à l'enquête, elle a comporté "bien des irrégularités et des incohérences, opportunément couvertes par le secret défense, au point de jeter le doute, voire le discrédit, sur les méthodes de la DCRI." (Le Monde, 10/08/2015).

Sur la connivence de la droite et de la gauche, il y a un livre à lire : le nouvel essai de Jean-Claude Michéa. Il s'intitule Notre ennemi, le capital, et il paraît ces jours-ci chez Climats. Michéa rappelait ce matin à France-Culture que Mme Taubira  - aujourd'hui "icône de la gauche" -  a soutenu naguère Tapie et Balladur.

 

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[1]  Mais Libération avait commencé par emboîter le pas au ministère de l'Intérieur, avec cette une du 12/11/2008 : "L'ultra-gauche déraille".

[2]  Thierry Fragnoli n'avait pourtant pas un tempérament d'acharné. En mai 2015, Coupat signalera au Nouvel Observateur que ce magistrat avait accordé un non-lieu à l'un des frères Kouachi : les futurs assassins du 7 janvier 2015.

 

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11:34 Publié dans Idées, Politique, Terrorisme | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : tarnac

Commentaires

ABSENCE

> "Liberté, Égalité, Fraternité" pris comme devise par la république française, c'est comme "gaulliste" et "chrétien" dans la bouche de Fillon : il s'agit de pallier l'absence funeste d'une chose, de conjurer cette absence, en prononçant le mot qui la signifie.
C'est un rite archaïque et superstitieux très pratiqué dans notre monde post-moderne pour faire accepter le règne de la marchandise.

Guadet


[ PP à Guadet - Un ouvrier boulangiste de 1888 disait que la devise sur la façade des mairies devait se lire avec la ponctuation. "Liberté : point. Egalité : point. Fraternité : point". En français d'autrefois... ]

réponse

Écrit par : Guadet / | 11/01/2017

@ PP

> Dans votre réponse à Guadet… L’ouvrier boulangiste qui était peut-être maçon… s’en prenait peut-être à la maçonnerie ! En d’autres termes, « Liberté. Egalité. Fraternité. », selon lui, ne se comprenait que si l’on adhérait à la philosophie des « Frères trois points », souverains maîtres déjà dans la IIIe République naissante… et prêts, pour conserver leur pouvoir, à bafouer nos droits fondamentaux… ;-)
A ce compte-là, je préfère être gaulliste et chrétien.
Quant à la liberté, l’égalité et la fraternité, je me répète (qui sait… François Fillon et le groupe de Tarnac seraient peut-être d'accord avec moi !) :
« Quand j’entends “Liberté”, j’entends que le Père éternel m’a créé libre de répondre ou non à son appel.
Quand j’entends “Egalité“, j’entends que par le Fils, égal au Père, je suis moi-même appelé à partager leur vie divine.
Quand j’entends “Fraternité”, j’entends que dans l’Esprit Saint, qui est l’Amour du Père et du Fils répandu dans le monde, je suis capable d’aimer Dieu et mon prochain en toute vérité.
“Liberté, Egalité, Fraternité”, oui, mais à la gloire et à la louange de notre Dieu !
Et vive la République… quand même ! »
______

Écrit par : Denis / | 12/01/2017

JAMAIS

> Après cela le ministère de la Justice se plaindra d'être submergé par les dossiers et de manquer de crédits .Un deuxième point à souligner est que la justice ne reconnaît jamais ses erreurs .C'est aussi de l'argent public gaspillé en des procédures inutiles.
______

Écrit par : Beaux / | 12/01/2017

FONCTIONNAIRES SOMMÉS DE "FAIRE DU CHIFFRE"

> En ce qui concerne les procédés tarnaciens (mes excuses pour cette appellation toute personnelle), quiconque peut se rendre compte qu'ils sont au goût du jour, alors qu'on eût pu penser qu'il seraient bannis de la République suite à cette malencontreuse imbécilité.
Et ce, sans chercher, chacun dans sa région en trouvera quelques avatars, certes souvent de moindre portée, qui émaillent chaque mois l'actualité, comme en Aquitaine la bévue de l'intervention policière visant à démanteler...ceux qui se sont donné pour objectif le démantèlement des armes d'ETA:
http://mediabask.naiz.eus/fr/info_mbsk/20161216/la-destruction-des-armes-d-eta-empechee-par-les-polices-francaises-et-espagnoles
Ou encore tout le nerveux de l'arrestation de Jon Palais et du procès qui lui fut intenté, heureusement les juges ont eu nettement la tête plus froide:
http://www.liberation.fr/france/2017/01/09/jon-palais-ce-n-etait-pas-un-vol-mais-une-protestation_1540243
Je crois que, sous le harcèlement de la chefferie, elle-même sous injonctions permanentes de produire du chiffre, chiffre qui soit traduisible en résultat politique par nos hautes sphères, nos fonctionnaires chargés du maintien de l'ordre sont et seront de plus en plus conduits à ce type d'actions, au résultat pouvant aller de risible à véritablement fâcheux.
Je m'interroge:
Ce qui importe au fond, en notre temps et en notre lieu, serait que l'action puisse être citée comme spectaculaire et démonstrative, donc positivement, une fois, en 20 secondes, dans les titres de nos médias, et ainsi récupérable en communication quelque soit l'issue finale ?
Sans doute d'aucuns signaleront que cela participe de la société du buzz et de l'instant, ou flûteront que c'est pour partie contextuel, par obligation à montrer les muscles de l'État du fait de la tension sécuritaire qui agite notre temps et notre lieu.
"O tempora, o mores! Senatus haec intellegit. Consul uidet... " (Vous connaissez la suite)
______

Écrit par : Aventin / | 14/01/2017

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