10/01/2017
"François, pape enraciné" : excellent pavé dans la mare aux grenouilles bergogliophobes
Nous avions reproché à Thibaud Collin des jugements sur le pape aussi négatifs que ceux de Chantal Delsol ; or le voilà qui signe un article bergogliophile, et précisément sur le "sujet qui fâche" (le peuple, la nation etc) ! Extraits :
Thibaud Collin dans Causeur (9/01) :
<< Il est nécessaire de se déprendre d’une image médiatique du pape [...] promoteur du mondialisme, bête noire de Marine Le Pen. Au cœur de la vision politique du pape argentin, il y a les peuples comme sujets de résistance au néo-colonialisme qu’est la globalisation libérale... >>
Citations de François, réunies par Collin :
« Les peuples du monde veulent être artisans de leur propre destin. Ils veulent conduire dans la paix leur marche vers la justice. Ils ne veulent pas de tutelles ni d’ingérences où le plus fort subordonne le plus faible. Ils veulent que leur culture, leur langue, leurs processus sociaux et leurs traditions religieuses soient respectées. Aucun pouvoir, de fait ou constitué, n’a le droit de privé les pays pauvres du plein exercice de leur souveraineté. »1 Peuple est donc pour le pape un terme qui désigne indissociablement populus et plebs. Fortement influencé par « la théologie du peuple »2, il considère que les pauvres et les opprimés de la société ont davantage conservé la culture nationale que les nantis participant aux flux du village global. Le pape perçoit la globalisation comme éminemment destructrice des équilibres culturels, nationaux et naturels : « Le nouveau colonialisme adopte divers visages. Parfois, c’est le pouvoir anonyme de l’idole argent : des corporations, des prêteurs sur gages, certains traités dits "de libre commerce" et l’imposition de mesures d’ "austérité" qui serrent toujours plus la ceinture des travailleurs et des pauvres. Les institutions financières et les entreprises transnationales se fortifient au point de subordonner les économies locales, surtout, en affaiblissant les États, qui apparaissent de plus en plus incapables de conduire des projets de développements au service de leurs populations. De la même façon, la concentration, sous forme de monopoles des moyens de communication sociale, qui essaie d’imposer des directives aliénantes de consommation et une certaine uniformité culturelle est l’une des autres formes que le nouveau colonialisme adopte. C’est le colonialisme idéologique. »
Collin qualifie François de "pape enraciné" :
<< Le pape François loin d’être un mondialiste hors-sol, ne cesse de critiquer l’homogénéisation qu’engendre la logique de la marchandisation : "La vision consumériste de l’être humain, encouragée par les engrenages de l’économie globalisée actuelle, tend à homogénéiser les cultures et à affaiblir l’immense variété culturelle, qui est un trésor de l’humanité."3 Alors, d’après lui, comment résister ? En refusant l’économisme intrinsèque à l’anthropologie libérale et en retrouvant la dignité du politique, protectrice de la vie des peuples et de leurs ressources culturelles et naturelles. Cette attention aux populations périphériques les plus fragiles est une des missions essentielles du pouvoir central. "Si l’État ne joue pas son rôle dans une région, certains groupes économiques peuvent apparaître comme des bienfaiteurs et s’approprier le pouvoir réel, se sentant autorisés à ne pas respecter certaines normes." La globalisation voulue par un occident dévoré par la cupidité engendre une brutalisation des peuples et jette sur les routes des millions de personnes "souffrant aujourd’hui du douloureux déracinement de leur patrie."4 Or "personne ne devrait être obligé de fuir de sa propre patrie..."5 >>
Alors : François est-il "populiste" ?
<< A cette question que lui pose son proche collaborateur, le Père Spadaro6, il fait cette réponse sibylline, riche de présupposés philosophiques et politiques: "Il y a un mot très maltraité: on parle beaucoup de populisme, de politique populiste, de programme populiste. Mais c’est une erreur. Le peuple n’est pas une catégorie logique, ni une catégorie mystique. (…) Le peuple est une catégorie historique et mythique. Le peuple se construit dans un processus, avec un objectif et un projet commun. L’histoire est construite de ce processus de générations qui se succèdent à l’intérieur d’un peuple. Il faut un mythe pour comprendre le peuple." En reprenant ici le langage de Georges Sorel lui-même influencé par Bergson, le pape manifeste que la politique ne se limite pas à la gestion mais exige de l’intuition. Il faut sentir le peuple pour le guider. Il faut lui proposer une vision à laquelle s’identifier pour mobiliser ses énergies vers le bien commun. L’imaginaire politique du pape est loin de la technocratie procédurale... >>
On a reconnu ces divers propos de François : ils ont été plusieurs fois cités dans notre blog, ce qui est normal. Mais les voilà cités anormalement : c'est-à-dire dans une revue "libérale conservatrice" qui d'habitude snobe ce pape ; et par un auteur qui avait semblé nourrir des préventions contre lui ; et juste au moment où Le Monde, La Croix et Le Figaro font la pub du livre de Dandrieu, compendium de bergogliophobie bourgeoise...
Alleluia ! Il n'y a pas de hasard. L'heure vient de mobiliser toutes les forces de l'intelligence catholique contre la montée de la bêtise et de la haine de clan.
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Notes de Th. C. :
1 - Discours aux mouvements populaires du 9 juillet 2015 à Santa Cruz de la Sierra (Bolivie).
2 - D’origine sud-américaine, principalement argentine, elle est une des branches de l’arbre touffu de ce que l’on nomme par commodité "la théologie de la libération". Elle refuse de se laisser enfermer dans l’alternative marxisme/libéralisme et met au cœur de sa réflexion la nation comme sujet historique et culturel.
3 - Encyclique Laudato si, § 144.
4 - Discours aux mouvements populaires, Rome, le 5 novembre 2016.
5 - Dans L’illusion populiste Pierre-André Taguieff étudie la spécificité du paradigme populiste latino-américain, Flammarion, 2007, p.124-134.
6 - "Les traces d’un pasteur", in Nei tuoi occhi é la mia parola, Ripoli, 2016.
18:39 Publié dans AVEC LE PAPE FRANÇOIS | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : pape françois
Commentaires
LE SUJET
> Cependant, l'article complet est paru sur le site de "Causeur" sous un titre curieux qui ne lui rend pas justice : "Marine Le Pen et le Pape François : le grand pardon ?"
Au premier abord, on pourrait croire à un rapprochement incongru entre le pape et Marine Le Pen. Mais, à la lecture, il paraît plutôt couper de manière pertinente l'herbe sous le pied de certains critiques "identitaires". Et l'on y trouve aussi une réflexion intéressante sur certaines réactions peu subtiles à un vrai problème : "L’impressionnante progression électorale du Front national est le fruit de la nouvelle conjoncture : la brutalisation structurelle des peuples par la globalisation libérale."
SL
[ PP à SL - Je n'ai reproduit que les passages de l'article qui concernent la pensée du pape. Le reste n'était pas dans le sujet ! ]
réponse au commentaire
Écrit par : Sven Laval / | 10/01/2017
LE SITE DU VATICAN
> Il me semble, mais ma mémoire peut défaillir car je n'ai pas gardé de traces, qu'il y a quelques temps, en allant sur le site du Vatican le tracker (et unique d'ailleurs) mis en œuvre était celui de l'économie mondialisée à savoir celui de Google : GoogleAnalytics.
En lisant votre article, j'ai voulu vérifier si tel était bien le cas.
Or bonne surprise, le tracker est Piwik (extrait du résultat fourni par µBlock Origin :
23:21:40 /piwik/*$domain=~github.com|~piwik.org -- script http://analytics.catholica.va/piwik/piwik.js
Piwik est "open source" :
https://piwik.org/
Et ce tracker est validé par la CNIL pour ne pas avoir à demander l'accord préalable de l'internaute sous réserve de son paramétrage:
https://www.cnil.fr/sites/default/files/typo/document/Configuration_piwik.pdf
et
https://www.cnil.fr/fr/solutions-pour-la-mesure-daudience
Donc ca c'est vraiment cool et le site du Vatican est en parfaite adéquation avec sa "philosophie" et son discours :-)
Une page du Huffington Post peut dépasser les 40 trackers !!!!
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Écrit par : Pierre O. / | 10/01/2017
RELATIVISME
> La bergoliolâtrie ne vaut guère mieux que son ennemie...
ab
[ PP à l'anonyme :
Traiter de "lâtrie" l'adhésion à l'Eglise unie au pape, et mettre cette adhésion sur le même plan que son rejet, c'est du pur relativisme.
Incapables de dépasser le sujectivisme des étiquetages en "tribus", les ultra-cathos réagissent comme les grands médias commerciaux. Réflexe d'époque... ]
réponse au commentaire
Écrit par : ab / | 11/01/2017
ALLELUIA
> Alleluia, en effet ! Je suis moi aussi réjoui de voir Th. Collin remonter peu à peu vers la source, si je puis dire. Je sais depuis longtemps que c'est un esprit brillant (quoique pinailleur parfois) et fervent. S'il vante ainsi la pensée socio-politique du pape, il appréciera mieux, sans doute, 'Amoris Laetitia'... en voyant qu'on ne peut brandir d'abord la morale catholique, sans avoir au préalable lutté pour assurer des conditions de vie décentes aux peuples, et donc aux familles. Gradualité, donc...
Ainsi, comme le pape, nous devons lutter sur tous les fronts, car "tout est lié".
Nous avons mis trop l'accent, sans doute, sur la défense de la vie au sens restreint du terme (naissance, handicap, famille, mort), sans l'élargir assez, jusqu'à présent, à toute la vie humaine, individuelle et collective, et notamment dans ses composantes sociales, économiques, politiques.
3T : Terre, Toit, Travail.
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Écrit par : Alex / | 11/01/2017
CITATIONS
> Vous citez partiellement mais aussi partialement l'article de Collin - comme, à mon sens, vous l'aviez fait pour certains articles de Hude, où il roulait franchement pour Fillon. OK pour dézinguer Marion MLP, mais s'il s'agit de me ramener au bercail filloniste...
Ici, le titre donné par Causeur (qui accueille bien des auteurs, et pas seulement "libéraux et conservateurs", même si, il est vrai, c'est la position de la rédactrice en chef) ne fausse pas l'article de Collin : il s'agit quand même de montrer que "François n'est pas si anti-nation qu'on le dit, de même que Marine le Pen n'est pas xénophobe comme on l'assène sans cesse" (citation de mémoire). Comment le lecteur doit-il interpréter le "de même que"? En tout cas, c'est assez clair, lui ne roule pas pour Fillon. Une citation tirée de son contexte peut être trompeuse.
Maud
[ PP à Maud
Je ne saisis pas ce que vous voulez dire.
En effet :
- je ne crois ni à M. Fillon ni à Mme Le Pen (mes lecteurs le savent tous) ;
- dans cette citation d'extraits, mon point focal était la pensée du pape François. L'article m'intéressait dans la mesure où il lui rendait justice sur ce point, où la pensée du pape est trop souvent ignorée ou calomniée. (Par des catholiques, soulignons-le).
Je n'ai donc pas été "partial" en écartant ce qui ne concernait pas le pape. Mme Le Pen n'avait rien à faire dans mon propos...
ps - Je rappelle par ailleurs qu'on n'a pas le droit de citer in extenso l'article d'un autre blogueur (à moins d'avoir une raison de demander à l'auteur son accord : ce qui n'était pas le cas). ]
réponse au commentaire
Écrit par : Maud / | 17/01/2017
JEAN-PAUL II
> Si certains avaient lu 'Mémoire et Identité' de St Jean-Paul II, sorte de charte du patriotisme insoupçonnable d'un chrétien, ils ne s'en seraient pas pris à la suite de papes.
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Écrit par : Pierre Huet / | 18/01/2017
TRUMPOMANES
> Une bien bonne pour vous divertir:
http://www.medias-presse.info/des-journalistes-catholiques-demandent-une-enquete-a-trump-concernant-lelection-de-francois/68511/
PH
[ PP à PH - La trumpomanie est une obscénité. Je constate qu'elle n'épargne pas les milieux ultra-intégristes (ici on a affaire au clan de lefebvristes opposés à une réconciliation avec Rome). Si Trump tombe dans ce panneau, c'est qu'il est encore plus Ubu qu'on ne le pensait. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre Huet / | 30/01/2017
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