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18/09/2016

"L'argent rend esclave, Dieu rend libre"

jésus-christ, évangile,christianisme

Amos, saint Paul et Luc 16 (1-13) :


 

 

Les textes de ce dimanche mettent le chrétien en face du choix : Dieu ou l'idole Argent. Et ce ne sont pas des textes à saluer distraitement avant de retourner à "nos valeurs" (qui "ne sont pas socialistes") :  ce sont des textes explicites et incisifs.

 

Huit siècles avant le Christ, le prophète Amos (8, 5-7) parle du business avec une violence explicite [*]

<<  Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays, car vous dites : "Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment !" Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits... >>

Le passage liturgique s'arrête là mais on peut connaître la suite, qui ajoute une dimension cosmique (écologique) à la dimension économique et sociale :

<< À cause de cela, la terre ne va-t-elle pas trembler, et toute sa population, prendre le deuil ? Ne va-t-elle pas monter, tout entière, comme le Nil, déborder, inonder, comme le fleuve d’Égypte ?  Ce jour-là – oracle du Seigneur Dieu –, je ferai disparaître le soleil en plein midi, en plein jour, j’obscurcirai la lumière sur la terre... >>

Commentaire de Hans Urs von Balthasar : "Il ne s'agit pas seulement de manipulations sans scrupule dans la vie économique, mais de fraude caractérisée, les gens pauvres étant en outre évalués comme une marchandise. Tout ceci viole en son centre l'Alliance avec Dieu, qui ne condamne pas seulement le mensonge et le vol, mais exige d'aimer son prochain comme on s'aime soi-même. Dans la pensée du monde hors de l'Alliance, beaucoup de ces manières d'agir peuvent être considérées comme 'normales', bien que des chefs d'Etat se soient efforcés de promouvoir la justice pour tous..."

 

L'évangile de l'intendant infidèle (Luc 16, 1-13)  a donné lieu à un contresens d'interprétation prolongé durant plusieurs siècles chez les Occidentaux : ainsi les ânes du Tea Party en 2013, disant que "Jésus était un capitaliste" puisqu'il soulignait "l'habileté" de l'intendant réduisant les dettes dans le dos du créancier !  Ce n'est pas ça du tout. Dans la Palestine antique, l'intendant (gérant) pouvait consentir des prêts sur les biens du maître : on admettait qu'il se rémunère en gonflant le montant du prêt et en empochant la différence au remboursement. Dans la parabole, l'intendant - chassé par le maître pour d'autres raisons - se prive d'un gain afin de se faire des amis pour l'avenir. C'est une habileté sociale, et le contraire d'une malhonnêté.  C'est même le contraire du "capitalisme" des idolâtres, au Tea Party et ailleurs ! Jésus peut donc dire (et son auditoire de l'époque le comprend à demi-mot)  : dommage que les "fils de lumière" ne soient pas aussi actifs pour leur avenir surnaturel, que les "fils de ce monde" pour leur avenir matériel...

Le discours de Jésus s'achève sur un avis valable pour tous les temps : "Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l'argent". En 2016, on "sert l'argent" en servant sans souci le système économique et financier contemporain, cette structure de péché ; relire à ce sujet Jean-Paul II (Centesimus annus), Benoît XVI (Caritas in veritate) et François (Evangelii gaudium, Laudato Si'). A la messe de ce dimanche, le curé de ma paroisse indiquait trois repères pour suivre l'avertissement de Jésus : 1.  oeuvrer à la la justice sociale ; 2. au-delà de la justice, vivre la charité qui implique toutes les formes du don (jusqu'à la destination universelle des biens puisque cette Terre - confiée aux créatures par le Créateur - est destinée à tous) ; 3. savoir que "l'argent rend fou dès qu'il devient une fin en soi, comme le montre l'affaire Cahuzac".  Dans le libéralisme réalisé l'argent est une fin en soi, et le système ultralibéral a tout financiarisé... D'où la sévérité des papes à son encontre.

Parole et prière [2] de septembre 2016, dimanche 18 septembre : "L'intendant est celui qui sert. Il ne possède pas les biens qu'il gère. Il en est ainsi de notre propre vie, de la vie des autres, de tous les biens de cette terre. Nous n'en sommes pas les propriétaires mais les intendants, appelés à servir. Quand il s'agit de Dieu, le mot 'servir' prend une force toute particulière : le 'service' qu'on lui doit engage l'homme jusqu'au plus profond de sa personne, et il ne saurait être rendu  à d'autres sans qu'il y ait blasphème contre Dieu et aliénation de l'homme lui-même. Nous sommes devant une alternative radicale qui oppose service de Dieu et service de ce Mammon, argent déifié, dont les adorateurs idolâtres font un concurrent du vrai Dieu. Traduit de l'araméen, Mammon vient d'une racine désignant 'ce qui est mis en sécurité'. Jésus dénonce ici l'illusion de la sécurité. Que nous, chrétiens, 'fils de la lumière',  nous sachions en quel maître nous mettons notre foi : Dieu ou l'argent, celui qui rend libre ou celui qui rend esclave !"

Argent et Sécurité, deux idoles sur le petit autel de "Nos Valeurs". Paganisme domestique ?

 

Le dernier mot à deux théologiens :

Saint Grégoire de Nazianze sur l'évangile d'aujourd'hui : "Alors que Lui, notre Dieu et Seigneur, n'a pas honte d'être appelé notre Père, allons-nous renier nos frères ? Ne soyons pas des gérants malhonnêtes des biens qui nous sont confiés."

Hans Urs von Balthasar sur l'épître d'aujourd'hui (Luc 16,1-13) : "L'Eglise doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que l'égale dignité de tous les hommes mise en lumière par le Christ soit reconnue dans les domaines de la politique, de l'économie, des problèmes de société. Puisque le plan divin de salut inclut tous les hommes, l'Eglise doit, au-delà de son domaine propre, se soucier de l'humanité tout entière. Paul se nomme ici 'docteur des païens' : cela signifie non seulement qu'il veut convertir quelques-uns d'entre eux à la foi, mais qu'il veut faire reconnaître, au-delà des frontières de l'Eglise, les normes d'une humanité authentique qui brillent dans la Nouvelle Alliance".

 

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[*]  La violence prophétique d'Amos est inouïe envers les riches de l'époque.  Contre leurs épouses (4,1-3) : "Ecoutez cette parole, vaches du Bashane, vous qui exploitez les faibles, qui maltraitez les malheureux... Le Seigneur Dieu le jure par sa sainteté : oui, voici venir des jours où l'on vous enlèvera avec des crocs... et vous serez poussées vers l'Hermon ! Oracle du Seigneur." Et contre la religiosité de ce milieu social (Amos 5, 21-24): "Je déteste, je méprise vos fêtes, je n'ai aucun goût pour vos assemblées. Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je ne les accueille pas... Eloignez de moi le tapage de vos cantiques ; que je n'entende pas la musique de vos harpes. Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais !" Leçon permanente, pour tous les temps.

 

Commentaires

LE P. GUIGUAIN

> je vous envoie au sujet de la parabole une explication vraiment éclairante à partir du travail du Père Guiguain.
http://www.eecho.fr/video-la-parabole-de-lintendant-malhonnete/
Cela correspond à tout ce que vous dénoncez sur l'idole argent.
Bien à vous,
______

Écrit par : elgrigos777/ | 19/09/2016

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