Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/05/2016

L'entretien du pape : [3] migrants, Europe, économie

Cctvw8BXIAAZHIL.jpg

"Déconcertant" ? oui, puisqu'évangélique :


Ce matin à RND dans l'émission de Louis Daufresne, l'écrivain Philippe Le Guillou [1] rend hommage à la puissance évangélique incarnée par le pape François. Et il constate que cette puissance évangélique indispose une fraction du public français... catholique ! Le Guillou raconte ainsi cette anecdote : dans une librairie pieuse, il discute avec la libraire et mentionne son admiration envers le pape François ; aussitôt la dame éclate en récriminations. Sous quel angle récrimine-t-elle ? Le Guillou ne le précise pas. Les surprises bergogliennes irritent tant la droite catho qu'on a l'embarras du choix des angles : le plus probable (car le plus fréquemment exprimé) est la question des "migrants".

Sur cette question, l'entretien du pape à La Croix [2] apporte de nouveaux éléments. 

 

Extrait 1 :  <<  [S'interroger sur la capacité d'accueil] est une question juste et responsable parce qu'on ne peut pas ouvrir grand les portes de façon irrationnelle. Mais la question de fond à se poser est pourquoi il y a tant de migrants aujourd'hui... >> 

A cette question, le pape propose plusieurs réponses : les guerres, rendues possibles par le trafic d'armes ; la faim en Afrique, liée à l'absence d'investissements et d'emplois ; et le fond de décor constitué par un monde "tombé dans l'idolâtrie de l'argent" par la faute du système économique et financier global. "Plus de 80% des richesses de l'humanité sont aux mains d'environ 16% de la population", souligne le pape en inculpant le marché "complètement libre", c'est-à-dire l'ultra-libéralisme.

Que prône François ? Le retour du politique : << Il faut un tiers, l'Etat, pour contrôler et équilibrer [le marché]... >> C'est l'antithèse du dogme libéral. Et c'est dans le droit fil des interventions précédentes de François, notamment Evangelii gaudium et Laudato Si'.

 

Extrait 2 : << Le pire accueil est de ghettoïser [les immigrants]... Cela montre pour l'Europe l'importance de retrouver sa capacité d'intégrer. Je pense à Grégoire le Grand [3] qui a négocié avec ceux qu'on appelait les barbares, qui se sont ensuite intégrés. Cette intégration est d'autant plus nécessaire aujourd'hui que l'Europe connaît un grave problème de dénatalité, en raison d'une recherche égoïste de bien-être. Un vide démographique s'installe... >> 

Ce "vide" européen appelle les peuples jeunes, selon une mécanique des fluides qui fonctionne depuis l'aube des temps. Avoir le courage de le reconnaître ouvre une perspective que Gérard Leclerc qualifiait ce matin de "vertigineuse" - mais qui correspond à la réalité la plus crue : celle que refusent de voir les partis de droite et de gauche [4], pris dans l'anti-natalisme de la société consumériste !

Vu sous cet angle, le phénomène de l'immigration est une concrétisation - très dérangeante mais incontournable - du principe de réalité. Récuser cette réalité ne mène à rien. Il y eut un moment où l'empire romain cessa d'exister, et ce fut pour le christianisme le début d'une nouvelle histoire spirituelle et humaine... L'écrivain gallo-romain Sidoine Apollinaire se plaignait du bruit et des odeurs de tous ces Goths "énormes" qui faisaient leur tambouille à l'ail dans son jardin de Clermont-Ferrand ; mais il négociait avec Théodoric, et ne réclamait pas un retour utopique à l'époque de Marc-Aurèle. Sidoine a fini évêque et canonisé.

Le pape souligne que l'Europe doit retrouver sa capacité d'intégrer. C'est donc qu'elle l'a perdue. Pourquoi ? François Sureau [5] l'explique par le système européen lui-même qui a fabriqué une Europe "indéfinissable"... "L'Europe n'est pas un véritable projet politique, seulement un miroir où les dirigeants contemplent l'idée qu'il se font du bien, et qui s'incarne dans une utopie néo-libérale qui restera comme l'une des plus étranges religions de ce siècle."

 

 

   Prochaine note  : 

François et la laïcité

 

vatican_logo.jpg

 

 

_______________

[1] Romancier. Il a publié en 2015 François, le pape des surprises (Gallimard).

[2]  Voir les deux notes précédentes de ce blog.

[3]  pape de 590 à 604.

[4] Remarquons au passage l'incohérence de nos deux ultradroites : la "moderne", résignée aux moeurs malthusiennes attirant une immigration qu'elle condamne par ailleurs ; et la "tradi-bcbg", partisane du libéralisme économique qui crée le malthusianisme.

[5]  La Croix, 17/05. Une telle charge euro-critique dans un journal euro-libéral a de quoi surprendre. Effet François ? Les lignes bougent. Même là où elles semblaient figées.

 

Commentaires

CE QUI ÉTONNE

> Vertigineux ? En fait de bon sens évangélique, ce qui m'étonne le plus n'est pas ce que dit le pape, c'est qu'aussi peu de personnes le disent.
Intégrer les personnes par la charité, la culture et l'évangélisation, accueillir les personnes avec discernement notamment en vis à vis des capacités du pays d'accueil, accepter nos limites (dénatalité), tout cela est dans le catéchisme de l'Eglise catholique...

Ludovic


[ PP à Ludovic - Vous avez parfaitement raison. Pour réagir autrement (réticences etc), il faudrait superposer on ne sait quelles "valeurs" à la seule et unique nécessaire : la foi au Christ. Qui n'est d'ailleurs pas une "valeur", mais une ligne de vie... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Ludovic / | 18/05/2016

LE PAPE ET LE SYSTEME

> Regardez cela: http://www.news.va/fr/news/le-pape-met-en-garde-contre-lexploitation-des-trav
"Exploiter les travailleurs pour devenir riche est un péché mortel, a souligné le Pape François lors de l’homélie de la messe, ce jeudi 19 mai matin, dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe.(...) Le Pape a dénoncé le travail au noir sans cotisation à la retraite, sans assurance sociale."
Que faut-il alors penser du libéralisme qui vise à détruire la protection sociale, ou qui la déclare inefficace par définition ou inutile...etc.
Et des politiques qui sont mises en place et qui visent à en saper les fondements, les modes de financement, etc... C'est la politique par exemple de toute la classe politique européenne.
Que penser de pays qui arrivent concrètement à ce que 15% de la population n'ait pas de protection sociale (ce dont rêvent tous les hommes politiques européens)?
Quant à exploiter les travailleurs pour devenir riche, c'est tout simplement ce que l'on apprend dans les écoles de commerce, les facs d'éco...
Voilà qui laisse songeur.
On rappellera que selon le catéchisme de l'Eglise catholique, le péché mortel à pour conséquence la peine éternelle de l'enfer. Qu'il se remet normalement par le sacrement de réconciliation. Exception toutefois pour la contrition parfaite en cas de danger imminent.
______

Écrit par : ND / | 19/05/2016

à "FD"

> Monsieur,
Je ne peux publier votre catalogue de récriminations contre le pape. Ces récriminations sont toutes infondées : vous pourriez le comprendre en consultant le site du Vatican et en étudiant les textes réels de François, plutôt que de vous en tenir aux désinformations de sites dont la malveillance vient de mobiles étrangers à la parole du Christ.
Vous pourriez aussi lire ce que l'abbé de Tanoüarn a écrit de l'exhortation apostolique 'Amoris laetitia' ; et ce qu'Henri-Paul Hude a répondu aux arguties de Spaemann. Ces liens sont indiqués en page d'accueil de mon blog, dans des notes publiées il y a peu de jours.
Je m'étonne que vous ne connaissiez pas ces réponses aux "interrogations" d'une certaine ultra-droite, avide de détruire la réputation d'un pape qui met en l'oeuvre l'Evangile.
______

Écrit par : PP à "FD" / | 24/05/2016

Les commentaires sont fermés.