04/05/2016
"Si tu veux voir Trieste, achète la carte postale !"
Quand le PS à bout d'idées essaie le marketing :
« Le général Cadorna a écrit à la reine / "Si tu veux voir Trieste, achète la carte postale !" » [1]... Cette chanson de soldats en 1917 visait le responsable de la débâcle de Caporetto : d'où l'image devenue légendaire de la carte postale en guise de victoires.
La dernière trouvaille du PS fait penser à la cartolina di Cadorna. C'est une série de soixante cartes postales, intitulée Du progrès en plus et censée montrer le bilan de gauche du quinquennat Hollande.
Deux exemples :
► « Maintenant, la France est le leader européen de la création d'entreprises »... Mais les entreprises en question sont des auto-entreprises dont 95 % n'ont aucun salarié, et les deux tiers d'entre elles disparaissent dans les trois années qui suivent. D'autre part, le chiffre Insee de créations d'entreprises a reculé en 2015. [2]
► « Maintenant, les banques doivent séparer leurs activités spéculatives et leurs activités de dépôt »... C'est faux. Banque d'affaire et banque de détail n'ont pas été séparées. Tout au plus a-t-on filialisé certaines activités spéculatives, celles des banques à leur propre profit (non celui de leurs clients) ! simple déplacement comptable et qui n'a touché que 0,75 % des revenus totaux. [3]
L'opération cartes postales a été présentée à la presse en grandes pompes hier matin, rue de Solférino, par Bruno Le Roux (chef de file des députés PS) et Jean-Christophe Cambadélis (premier secrétaire du parti). Le moins qu'on puisse dire est que la presse réagit fraîchement : même les journaux proches de l'Elysée ont perçu cette campagne comme le produit d'une agence de com'. Témoin le commentaire de Didier Péron [4] : « Il est toujours troublant de voir comment un Etat ou un parti cherche à capter l'attention des citoyens en les représentant par des images censées procurer […] un sentiment narcissique de plaisir. […] On essaie de nous faire comprendre […] que le pays et les Français vont mieux. Le choix des photos a volontairement consisté à ne pas en faire trop, à puiser dans un registre normcore avec gens toujours propres qui sourient, lèvent les pouces en signe de victoire […] Ce monde aseptisé est évidemment une création de com' de faible intensité, […] tout aussi factice que n'importe quelle pub pour parfum ou sac en croco. Ce déploiement de saynètes en rappelle un autre, martelé en début d'année par le groupe Carrefour avec le slogan "J'optimisme"... »
Si tu veux voir Trieste, achète la carte postale ! Et si la propagande des partis est une annexe de la pub (depuis l'époque lointaine des Jeunes giscardiens ridiculisés par la chanson de Ferrat), c'est que le politique s'est inféodé au commercial. Moins les partis ont à dire, plus ils font parler les agences. Devant cette lyophilisation d'une politique conditionnée sous vide, comment s'étonner que les simples citoyens aient une impression d'asphyxie – et cherchent une issue : par exemple place de la République ?
_______________
[1] « Il general Cadorna ha scritto alla regina / Se vuol'veder Trieste, compra la cartolina. » Il aurait fallu reprendre Trieste aux Autrichiens... Archétype du général-catastrophe, Cadorna est présent (sous le nom de Leone) dans un excellent film italien de 1970 : Les hommes contre, de Francesco Rosi. Le rôle est tenu par Alain Cuny.
[2] Mais les chiffres n'était pas meilleurs avant 2012, quoi qu'en disent les tweets sarkozystes.
[3] « de l'aveu du PDG de la Société Générale » (Libération, 4/04).
[4] ib.
12:42 Publié dans Histoire, Idées, Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : parti socialiste, hollande
Commentaires
Sur le Front Populaire :
> Le cardinal Verdier, lui en 1936, ne cherchait pas à maximiser son profit, son plaisir ou ses intérêts(ce qui revient au même) :
https://books.google.fr/books?id=2AT0UdtmI_MC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=et+%C3%A0+sacrifier+nos+ranc%C5%93urs,+nos+pr%C3%A9f%C3%A9rences+politiques+ou+sociales,+et+dans+une+certaine+mesure+nos+int%C3%A9r%C3%AAts+eux-m%C3%AAmes.&source=bl&ots=0v-XlTQjTv&sig=_C9aLysK09xot1VJ13SKw-WgbiI&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiO9ejMjcHMAhVjLMAKHUx_BdUQ6AEIIzAB#v=onepage&q=et%20%C3%A0%20sacrifier%20nos%20ranc%C5%93urs%2C%20nos%20pr%C3%A9f%C3%A9rences%20politiques%20ou%20sociales%2C%20et%20dans%20une%20certaine%20mesure%20nos%20int%C3%A9r%C3%AAts%20eux-m%C3%AAmes.&f=false
Un vieux prêtre m’a laissé entendre, qu’il a parfois été entendu dans la bourgeoisie de l’époque ; certaines familles ont fini par s’ouvrir.
Qu’en serait-il si l’épiscopat français se fendait d’une telle missive aujourd’hui ?
Je serais curieux de voir ça.
Sur la loi El Khomri, et le PS, et les présidentielles de 2017 :
> On a parlé sur ce blogue du sophisme de l’équivoque. La traduction grecque donne plutôt le mot « homonyme » qu’ « équivoque » (qui vient du latin). C’est, dit en quelque sorte Aristote, quand il y communauté de nom et diversité de notions. En bref, un même mot a plusieurs significations. A l’inverse, il y a le synonyme : communauté de notion et diversité de nom. La notion ou concept est « dans l’esprit » la ressemblance de ce qu’il y a dans la réalité pour faire simple. Le sophisme commence quand on truque avec les mots: car les mots sont censés refléter les concepts; mais pas toujours...notamment quand on triche.
Il est bien évident que la loi El Khomri repose…elle aussi sur ce sophisme de l’équivoque. Et que l’on retrouve ce genres de pratiques à longueur de journaux, de discours politiques…etc.
Concept (ou notion) de CDI : le CDI est un contrat qui garantit, que sais-je, telle et telle protection, en cas de licenciement, d’avoir un salaire minimum, etc.
Concept ( ou notion) de CDI Loi El Khomri : le CDI est un contrat qui permet de se faire virer facilement, d’être mal représenté face à son patron…tec.
Mettez le même mot sur les deux, et on tombe dans le même sophisme. Moi, Président de la République, je promets le CDI pour tous… Voilà qui signifie en réalité et non dans les mots : moi Président de la République, je promets l’abaissement de la protection du salarié pour tous. La précarité pour tous.
Sur l’aspect psychologique de la manœuvre :
Edward Bernays, neuveu de Sigmund Freud a écrit un livre intitulé « Propaganda, comment on manipule l’opinion en démocratie ». L’ouvrage figurait en bonne place, dans la bibliothèque de Joseph Goebels qui en a fait un usage immodéré, avec le succès que l’on sait… Que dit Bernays ? C’est simple, il est pour un combat de retardement du progrès social. Il parle donc d’un gouvernement invisible, dont les membres ne se connaissent pas forcément tous entre eux. Bernays avait été initialement contacté par l’industrie du tabac qui avait un problème : celui d’augmenter son chiffre d’affaires. Or comme les femmes ne fumaient pas et qu’un homme sur deux est une femme… Il contacte donc (années 20), un vieux psychanalyste américain qui lui fournit la solution : il faut aux femmes un phallus de substitution qu’elles pourront brandir contre le pouvoir masculin. Sitôt dit, sitôt fait : des suffragettes se réunissent sur les trottoirs de New-York, la presse est là, contactée par on ne sait qui exactement. Sur un signal donné, elles sortent toutes un cigarette et l’allument devant les appareils photos. Le lendemain les journaux titrent : « les suffragettes allument le flambeau de la liberté ». Les femmes se sont mises à fumer.
Bernays voyait dans la société, tous ceux qui y exerçaient quelque influence, comme ceux sur qui il convient d’exercer une influence : les chefs d’organisations de patronales, de fédérations de je ne sais quoi, conférences d’associations de ceci ou de cela, les leaders syndicaux, les artistes, les hommes politiques, etc.. Il explique que jadis le vendeur de piano disait : « achetez moi un piano ». Désormais c’est l’acheteur qui dit : « je vous en supplie : vendez moi un piano ». On procède ainsi : on contacte des architectes pour que les maisons prévoient une alcôve pour mettre le piano, on contacte des artistes et des radios, et on diffusera des concerts de piano de la marque concernée, les écoles de musiques seront contactées…
Il faut que l’acheteur croie qu’il a de bonnes idées. Alors qu’on les lui a soufflées dans le creux de l’oreille.
C’est ainsi, par exemple que l’on ne voit jamais de tramways dans les images cinématographiques tournées aux Etats-Unis sauf au début du XXe siècle,…époque à laquelle …il y avait des tramways aux Etats-Unis, avant que des compagnies telles GM de mémoire, ne développent un nouveau produit que personne ne connaissait et que l’on appelle la voiture, et qui accessoirement pollue. Les dites compagnies au nombre de 4 ou 5 ont bien été condamnées après avoir donné le goût aux américains pour un produit que personne n’aurait acheté faute de le connaître. Condamnées en justice à quelques dizaines de milliers de dollars après la seconde guerre mondiale ? Pour avoir fermé, après les avoir rachetées, toutes les compagnies de tramway. Ce qu’il ne faut pas négliger, c’est le rôle de la publicité. Comment quelqu’un qui prend le tramway peut-il avoir le goût d’essayer un produit, la voiture, qu’il ne connait pas ?
Bernays utilisait diverses approches psychologiques. La psychanalyse dans le cas du tabac. Sa méthode préférée, qui en dérive, consistait à associer un produit à un symbole désirable n’ayant rien à voir, comme dans le cas du tabac au produit à vendre. Dans la même veine on ne s’étonnera pas de voir une compagnie qui vend des produits phytosanitaires pour l’agriculture faire de l’aide aux sans-domiciles fixes , éventuellement par organismes écrans interposés… et tout ce que vous pouvez imaginer d’autre.
Voilà comment Bernays a inventé le spin, les spin doctors. On les sait nombreux, tout particulièrement auprès des hommes politiques.
Laissons Bernays et revenons à François Hollande : il utilise le mot CDI, qui plaît : qui ne voudrait un CDI , qui ne serait pour le CDI? Mais il en change le sens, en glissant au-dessous du mot tout autre chose, une toute autre notion, qui renvoie dans la réalité à une tout autre chose, un tout autre contrat. Il troque la sécurité contre la précarité à l’aide d’un mot. Ce qui induit bien évidemment une confusion. Ici le symbole qui plait, c’est le mot CDI lui-même et tout ce qu’il évoque. La réalité qu’on veut vendre, c’est la précarité pour tous. Voilà comment en 2016, on s’essaye à manipuler l’opinion en démocratie.
Pour les présidentielles :
Il est bien évident que le seul candidat qui a un tant soit peu de crédit dans les sondages est Juppé. Tout simplement car il n’est pas trop associé à quelque chose qui déplaît : une époque où l’on découvre que toute la classe politique est tout d’un coup libérale, et probablement depuis longtemps. Il est encore associé au gaullisme à l’ancienne, à Chirac, etc… C’était le bon vieux temps. Il est certain, qu’une fois élu, il fera pire que Hollande dans les sondages, et la réalité.
Fillon est d’une malhonnêteté à toute épreuve. Il pourrait sembler au premier abord honnête. Il annonce la couleur : le libéralisme. Ça ne fait pas un pli, il le paie dans les sondages; 9% du corps électoral, c'est selon moi, le vrai score réel du libéralisme dans une France encore attachée au programme du Conseil National de la Résistance. Sa malhonnêteté vient de l’ expression «gaullo-thatchérisme », qui est un foutage de gueule intégral. De Gaulle avait été clair : « on ne fait pas la politique à la corbeille » (corbeille= la Bourse). Fillon aussi s’essaie à manipuler l’opinion. S’il était vraiment gaulliste, il ferait comme de Gaulle qui a pris les communistes au gouvernement : il prendrait Mélenchon.
La classe politique est en train de tendre un ressort qui, vu ce que j’entends autour de moi, va bientôt lâcher. Elle risque de le prendre en pleine poire. Il est évident qu’elle en portera l’entière responsabilité. Il ne faut pas croire qu’ils sont inconscients (sauf peut-être chez les idiots utiles du PCD et de Sens commun). Jacques Attali a écrit 2015 que les Français votent contre depuis 25 ans ; depuis Delors et l’Europe libérale, en clair. A bon entendeur…
PS : pour une preuve que la classe politique est libérale depuis au moins 1996 à droite (oui, le bon RPR et la bonne UDF à Papa) : http://www.senat.fr/ga/ga-027/ga-0272.html
______
Écrit par : ND / | 04/05/2016
@ ND
> Vous avez raison :
une loi a changé le sens du mot mariage,
une autre peut bien changer le sens du mot CDI.
(Dieu a donné aux hommes de nommer [différencier] les choses, et le diable de les embrouiller. "Mal nommer les choses c'est participer au malheur du monde". A croire que c'est l'objectif que s'est fixé ce gouvernement).
ND
[ PP à ND - Ce gouvernement n'a pas le monopole de l'embrouille mentale. Elle a commencé sous Giscard et n'a fait qu'enfler depuis... ]
réponse au commentaire
Écrit par : franz / | 06/05/2016
Les commentaires sont fermés.