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09/04/2016

Les médias et 'Amoris laetitia'

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L'article du Monde (9/04) et celui de Libération (9/04) :


 

 

Soulignant avec pertinence qu'Amoris laetitia rejette, à la fois,"un désir effréné de tout changer sans une réflexion suffisante" et "la prétention de tout résoudre en appliquant des normes générales", l'article de Cécile Chambraud dans Le Monde, sur une pleine page 2, met en exergue cet extrait de l'exhortation apostolique (je surligne en gras deux passages) :

 << En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, pour être à la mode, ou par complexe d'infériorité devant l'effondrement moral humain. Nous priverions le monde de valeurs que nous pouvons et devons apporter. Certes, rester dans une dénonciation rhétorique des maux actuels, comme si nous pouvions ainsi changer quelque chose, n'a pas de sens ; mais il ne sert à rien non plus d'imposer des normes par la force de l'autorité. Nous devons faire un effort plus responsable et généreux, qui consiste à présenter les raisons et les motivations d'opter pour le mariage et la famille, de manière que les personnes soient mieux disposées à répondre à la grâce que Dieu leur offre. >>

 

Quatre extraits de cet article, qui résume ainsi la démarche du pape :

<< La doctrine catholique demeure inchangée, mais l'Eglise, à travers ses prêtres, doit se montrer plus compréhensive envers les multiples réalités familiales contemporaines. C'est l'idée-force de l'exhortation apostolique... >>

<< Ce n'est pas un texte tiède. Il réaffirme “l'idéal complet du mariage”, mais il met en garde à plusieurs reprises contre “la pure défense d'une doctrine froide et sans vie”. S'il n'énonce pas de recettes toutes faites pour résoudre des cas aussi complexes – et symboliques – pour l'Eglise que l'accès à la communion, aujourd'hui dénié aux divorcés remariés, il ouvre en revanche toute grande la possibilité d'un “traitement” au cas par cas des personnes placées dans des situations matrimoniales irrégulières aux yeux de l'Eglise... >>

<< Le souverain pontife argentin défend le mariage catholique comme une sorte d'antidote aux maux de notre modernité, caractérisée, selon lui, par la “culture du provisoire”. “Ce qui arrive avec les objets et l'environnement se transfère sur les relations affectives, écrit-il : tout est jetable, chacun utilise et jette, paie et détruit, exploite et presse, tant que cela sert. Ensuite, adieu !” >>

<< François y conduit aussi une critique assez fouillée du discours de l'Eglise sur le mariage. Selon lui, il est, bien souvent, marqué par “un accent quasi-exclusif sur le devoir de la procréation” au détriment de sa dimension affective et spirituelle, ainsi que par une “idéalisation excessive”. “Nous avons du mal à présenter le mariage davantage comme un parcours dynamique de développement et d'épanouissement que comme un poids à supporter toute la vie”, ajoute-t-il... >>

 

Cependant l'article ne dit rien de la dimension principale du document : la vocation missionnaire de la famille quand elle repose sur le sacrement du mariage. Or c'est l'essentiel... La pierre angulaire (et le critère de valeur) du mariage chrétien, c'est l'adhésion à la personne du Christ : là seulement est le sens de ce sacrement que les époux se donnent l'un à l'autre lors de la cérémonie. A contrario, le dépérissement du "mariage à l'église" dans nos pays est l'une des conséquences du recul de la foi au Christ, avant d'être l'un des aspects de la dislocation sociétale hyper-individualiste due au système économique*. Et la lutte pour la redécouverte du mariage chrétien passe par la nouvelle évangélisation...

Pourquoi ce silence de l'article sur le noyau spirituel d'Amoris laetitia, c'est-à-dire sa raison d'être ? Voyons-y l'effet du fonctionnement des médias. Leurs normes de traitement de l'actualité excluent les contenus de foi : par ce mécanisme ils excluent l'élément proprement religieux comme s'il était en trop, ou indicible, alors qu'il est la clé de tout le reste ; ils réduisent les faits religieux à leur contexte socio-politique**, interprété lui-même de façon arbitraire.

Cette désinformation vient plus souvent de la machinerie médiatique que des choix personnels des journalistes. Dans certains cas, pourtant, ces choix interviennent : soit dans le contenu de l'article, soit dans le titre ajouté par la rédaction... Ainsi le minuscule encadré de Libération qui prétend résumer Amoris laetitia. Sous le titre : "La synthèse molle du pape sur la famille", B.S. (Bernadette Sauvaget) évacue le sujet en trois slogans : 1. le document "risque de mécontenter à la fois les convervateurs et les progressistes" ; 2. il "n'ose pas toucher à la doctrine" ; 3. c'est "du jésuitisme à la sauce Bergoglio". Cette journaliste est trop au fait des questions d'Eglise pour ignorer que : 1. la dichotomie conservateurs-progressistes ne rend pas compte de la nature profonde du catholicisme ; 2. l'Eglise universelle ne va pas "toucher à la doctrine" pour faire plaisir au 4e arrondissement de Paris ; 3. c'est une grossièreté que de qualifier de "jésuitisme" *** ce qu'on appellerait "réalisme" s'il ne s'agissait pas d'Eglise et de moeurs ! Libération se montrait plus objectif au printemps dernier, à propos de l'encyclique et de l'écologie.

 

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* La raréfaction du mariage à l'église n'a fait que précéder celle du mariage à la mairie. La société de marché corrode le lien familial : elle ne veut que des individus sans attaches, mobiles et jetables. Ce qui n'empêche pas le libéral catholique – fervent militant du « mariage traditionnel » – de militer aussi pour la société de marché, depuis qu'il est sorti de son école de commerce.

** Contexte que les médias voient d'ailleurs de façon déformante. Durant la même semaine du mois d'août 2015, ils accordent une importance démesurée à cinquante chrétiens venus écouter Marion Maréchal Le Pen pendant une heure – et ne disent pas un mot sur 2500 chrétiens participant pendant trois jours aux Assises chrétiennes de l'écologie.

*** Le grand public prend « jésuitisme » pour synonyme d' « hypocrisie ». Ce sens vulgaire n'est pas celui des Provinciales, pamphlet brillant et injuste où Pascal attaquait théologiquement les spécialistes (jésuites) de l'étude des cas de conscience. Connaissant ces choses, Mme Sauvaget joue sur la confusion entre le sens pascalien et le sens vulgaire du mot « jésuitisme » : méthode qu'elle me pardonnera de trouver... jésuitique.

 

 

Commentaires

ÉDITO

> Dans Le Monde du week-end, c'est au tour de l'éditorial. Son auteur n'a pas l'air de savoir que la "vie ecclésiale" n'a jamais été fermée aux "familles monoparentales" ou aux "homosexuels". Se posant la question de savoir si celles-ci ou ceux-là sont compris dans le "intégrer tout le monde" du pape François, il laisse ainsi comprendre qu'il n'a pas lu le chapitre de l'exhortation apostolique concernant ce sujet.
En revanche, il s'indigne que l'exhortation apostolique ne parle pas de la place des femmes dans la vie de l'Eglise" (*)... En fait, le tort d' 'Amoris laetitia' est d'être un document sur la famille aujourd'hui, et non un acte d'allégeance aux thèmes décidés par la conférence de rédaction du 'Monde'.

(*) Cette indignation-là montre que l'auteur n'a jamais mis les pieds dans une église paroissiale. On aimerait alors savoir à quel titre il parle de ce sujet.
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Écrit par : PP / | 09/04/2016

PAS ÉTRANGE

> Mais d'où vient cette idée étrange que "le discours de l'Eglise" serait "marqué par un accent quasi-exclusif sur le devoir de la procréation" au détriment de sa dimension affective et spirituelle ?
Je suis croyant, catholique, et je n'ai jamais ressenti cela. Je ne vois rien dans les textes qui viendrait appuyer cette affirmation, y compris ceux datant de plus 50 ans (que presque tout le monde ignore de toute façon). Après, qu'une frange restreinte de catholiques commette cette erreur réductionniste c'est une autre histoire. Personnellement je préfère lire et étudier l'Ecriture et les textes magistériels que de me laisser impressionner par ces gens.

TM


[ PP à TM :
- Le réductionnisme en question est professé par un nombre non négligeable de catholiques, clercs ou laïcs, qui connaissent bien mal leur propre religion ; je pourrais vous citer des cas consternants, attestés en milieu scolaire catho.
- L'enseignement de Jean-Paul II en matière de sexualité conjugale est encore très mal connu du public catholique...
- Le pape a donc parfaitement raison de mettre les points sur les "i", même si ça irrite le quant-à-soi du bien-pensant (qui ferait mieux d'étudier les textes du Magistère, ainsi que vous le dites très bien).
- Quant à savoir ce qui est étrange ou non dans ces domaines, il me semble que le successeur de saint Pierre est le mieux placé pour en juger. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Thomas Mousset / | 09/04/2016

SEXUALITÉ

> Personnellement, je ne me risquerais pas à dire que l'Eglise n'a pas déprécié la dimension affective par rapport à celle de la procréation... La sexualité a toujours été suspectée et souvent mise dans le même panier que la "concupiscence" ou l"intempérance", traditionnellement mise -à l'antique- sur le compte des femmes, d'ailleurs. On trouve d'authentiques vacheries pouvant provenir de géants de l'Eglise tels saint Ambroise de Milan ou saint Léon le Grand (pour prendre des autorités reconnues, et sans les cibler particulièrement).
"Enfin Jean-Paul II vint", pourrait-on dire. A vue humaine, je trouve que c'est un peu tard, mais heureusement qu'il ne faut pas oublier le plan divin.
Nota : je ne pense pas méconnaître totalement ma religion.
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Écrit par : Fernand Naudin / | 09/04/2016

JEAN PAUL II

> "L'enseignement de Jean-Paul II en matière de sexualité conjugale est encore très mal connu du public catholique…"
1. Il faut vraiment être "bouché" pour ne pas le connaître.
2. Bien plus nombreux sont ceux qui le connaissent plus ou moins mais s'en contrefichent dans la pratique comme ils ignorent allègrement Humanae Vitae, Familiaris Consortio, Evangelium Vitae etc… parce-qu'ils estiment ne pas avoir à suivre ces enseignements. Certains rejettent tout ou presque dans ce domaine comme certains tournent le dos à la DSE. Question de confort.

TM


[ PP à TM - ce qui est très mal connu, c'est la réévaluation du plaisir sexuel dans l'acte conjugal ! Il aura fallu longtemps à la théologie officielle pour en venir là... ]

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Écrit par : Thomas Mousset / | 09/04/2016

1922

> " Plus le journaliste va vite, plus il pense avec lenteur.[…] Nos journaux sont livrés de plus en plus vite, mais sont de moins en moins dignes d’être livrés"
Chesterton... en 1922
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Écrit par : E Levavasseur / | 14/04/2016

AGITÉS

> Nos journaleux pensent ? J'ai plutôt l'impression qu'ils évitent surtout de penser, ou alors, pour les plus sincères d'entre-eux, ils ne savent plus penser. Ne pensant plus, l'agitation, l’excitation tient lieu de pensée...
Au fait, Eric, n'étais-tu pas à Souvigny dimanche ?
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Écrit par : VF / | 15/04/2016

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