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04/04/2016

Paradis fiscaux : stade suprême du libéralisme

paradis fiscaux

Dévastatrice, l'enquête Panama papers met (une fois de plus) les gouvernements occidentaux face à leurs responsabilités :


 

 

Le libéralisme est un mensonge. Il prétend être « la liberté d'entreprendre » mais ne libère que l'argent, en le dissociant du monde humain et en détruisant les contrepoids politiques et sociaux. La dérégulation massive des années 1990 n'a abouti qu'à émanciper la sphère financière : elle peut ainsi tyranniser l'économie réelle, comme les patrons de PME en font quotidiennement l'expérience...

La finance devenue hors-sol règne sur le monde. Ce processus s'est développé grâce à la connivence des « politiques » avec la classe dominante globale.

Le scandale des Panama papers en est une nouvelle illustration. Il vient d'exploser (hier à 16 h 51 UTC) dans une centaine de médias internationaux. Portant sur 11,5 millions de documents confidentiels, issus du cabinet panaméen Mossack Fonseca et transmis initialement à la Süddeutsche Zeitung, c'est « la plus grande fuite de données de l'histoire du journalisme ». Cette gigantesque enquête collective (370 journalistes) révèle que des chefs d'Etat, des banques, des milliardaires, des stars du sport-business, des firmes, de nombreux people et d'innombrables bourgeois d'affaires moins connus (sauf de leurs banquiers) possèdent des sociétés offshore. Ces « sociétés écran » servent à l'évasion fiscale dans le meilleur des cas, et au blanchiment d'argent dans le pire.

Quelles sont les personnalités ainsi « outées » ? Le roi Salmane d'Arabie saoudite, le président ukrainien Porochenko, le Premier ministre du Pakistan Nawaz Sharif, le président argentin Macri, le président islandais Sigmundur Gunnlaugsson, la famille de Bachar el-Assad, les familles dirigeantes de Jordanie, du Qatar ou d'Azerbaïdjan, un proche de Poutine, le secrétaire particulier du roi du Maroc, le président suspendu de l'UEFA Michel Platini, le footballeur argentin Lionel Messi, le père de David Cameron, six membres de la Chambre des Lords – ou encore, en France, plusieurs hommes d'affaires et personnages politiques déjà connus dans le domaine des controverses financières...

Pour évaluer leurs responsabilités, il faut savoir ce que les paradis fiscaux – c'est-à-dire l'évasion fiscale – coûtent au reste du monde.

« Poison moderne des démocraties », les paradis fiscaux volent, rien qu'à la France, quelques 80 à 100 milliards d'euros par an ! Chiffre éloquent si l'on songe au déficit public et aux 50 milliards d'économies budgétaires (avec dégâts sociaux) que l'on inflige aux Français pour le combler. Si les fraudeurs et les évadés fiscaux payaient leurs impôts, ce serait l'équivalent du budget de l'Enseignement et de la Défense... Dès 2013, un rapport parlementaire pointait du doigt les multinationales (notamment « françaises ») qui transfèrent leurs bénéfices dans les pays à fiscalité faible ou nulle. Ce chiffre n'a fait que progresser depuis trois ans. En 2014, une étude de Xerfi Canal indiquait que 49 % des investissements en France étaient détenus par des entités localisées au Luxembourg, en Suisse et en d'autres paradis. Quant aux ménages français, en 2008 ils détenaient (selon les chercheurs de l'Ecole d'économie de Paris) plus de 200 milliards d'euros d'avoirs dans les paradis fiscaux. « L'Autriche, le Luxembourg et autres paradis bancaires (Jersey, Monaco) siphonnent les bases fiscales de leurs voisins et partenaires européens », expliquait cette étude.

« La filiale d'Apple qui regroupe en Irlande les droits de propriété intellectuelle de l'iPad, de l'iPhone et de MacBook a déclaré 22 milliards de dollars de bénéfices à sa maison mère et n'a payé que 10 millions d'impôts », soulignait Le Monde en 2014.  Selon Oxfam, 18 500 milliards de dollars étaient cachés par des particuliers dans des paradis fiscaux à travers le monde ; la fraude fiscale des entreprises coûtait chaque année pour le seul continent africain 160 milliards de dollars ; « 21 paradis fiscaux sont situés dans l'Union européenne (Luxembourg, Malte, etc) ou relèvent de sa juridiction (Andorre, Îles Caïmans, etc) et facilitent la perte de 80 milliards d'euros de recettes fiscales. »

paradis fiscauxLe Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) fait campagne depuis des années contre les paradis fiscaux. En 2012, il déclarait, citant Obama** : « Il y a un bâtiment dans les Îles Caïmans qui accueille 18 000 entreprises. Soit c'est le plus grand bâtiment du monde, soit c'est le plus grand schéma d'évasion fiscale du monde. » Le CCFD ajoutait : « Eliminer la faim dans le monde coûterait 30 milliards d'euros par an. Il suffirait de fermer les paradis fiscaux pendant 87 jours par an pour éliminer la faim dans le monde... » - « En 2009, l'OCDE établit une liste grise de 42 paradis fiscaux ; aujourd'hui, elle n'en compte plus que 8. Un réseau international indépendant de chercheurs a établi sa propre liste : elle compte 60 territoires opaques ! Cette différence flagrante illustre l'ampleur de la complaisance des politiques occidentaux vis-à-vis des paradis fiscaux... » - «  En France, les PME paient en moyenne entre 20 et 30 % d'impôt sur les bénéfices des sociétés. Les entreprises du CAC 40 paient en moyenne 8 %, notamment grâce à l'évasion fiscale... » - « Le déficit de la Sécurité sociale est de 20 milliards d'euros par an ; la fraude fiscale par le biais des paradis fiscaux est de 20 milliards d'euros par an. »

Pour comprendre enfin la fascination qu'ils exercent sur l'argent des Occidentaux, il faut savoir que ces paradis reposent sur l'emboîtage de sociétés écrans superposées qui rendent le traçage difficile ; et que fabriquer une société écran ne coûte pas cher. Certaines juridictions offshore n'exigent même pas de comptabilité annuelle, ce qui réduit fortement le coût global annuel** pour le particulier. Une société écran domiciliée à Belize ne coûte que 400 euros par an. Aux Seychelles, 350 euros. A Hong Kong, 1000 euros. Ouvrir le compte ne coûte qu'entre 200 et 2000 euros selon les lieux... Ce qui coûtera un peu plus cher***, ce sont les avocats fiscalistes spécialistes de l'offshore : ces cabinets de conseil indispensables sur l'on veut procéder à des montages complexes, « type Dutch Sandwich ou Double Irish » (précise avec obligeance le site paradisfiscaux2.0.com).

Le scandale des Panama papers ne fait que commencer.

Déjà les regards se tournent vers la classe politique occidentale : va-t-elle rester sourde, une fois de plus ?

 

 

Rappelons que le pape François est à la pointe du combat contre l'actuel système financier, et que ses réformes au Vatican ont précisément fait perdre à l'IOR son rôle de... paradis fiscal.

 

 

_______________

* Le CCFD ajoutait : « Ce que M. le Président oublie de dire, c'est que les USA hébergent sur leur sol un des paradis fiscaux les plus nocifs : l'Etat du Delaware. Quelle ironie... et surtout quel exemple du "deux poids, deux mesures". »

** frais administratifs, domiciliation, comptabilité simple (15 factures par an).

*** entre 300 et 600 euros de l'heure.

 

 

 

paradis fiscaux

 

 

Commentaires

MILLIONS

> Vous dites qu'en France le déficit de la sécu est de 20 milliards par an et la fraude fiscale de 20 millions par an. Je suis désolée, mais passée une certaine somme, je nage dans ces grands chiffres qui ne veulent plus rien dire à notre échelle à nous, simples citoyens. Est-il possible que la fraude fiscale soit d'un si faible montant comparativement à celui du déficit de la sécu ?

Bernadette


[ PP à B.
- Excusez ma faute de frappe : c'était "milliards" et non "millions", bien entendu.
- Ce n'est pas moi qui le dis : j'emprunte ce slogan à la campagne du CCFD des années précédentes.
- Il faudrait voir ce que le CCFD mettait sous ce chiffre, et comparer avec les chiffres avancés par d'autres chercheurs.
- Mais retenons-en que la "disparition" de millions d'euros (soustraits à la solidarité nationale) est une infamie, même si cette infamie est présentée comme un bon tour par les ironistes libéraux : "l'adversaire c'est l'Etat", disent-ils, en contradiction sur ce point (comme sur d'autres) avec la doctrine sociale de l'Eglise. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Bernadette / | 04/04/2016

> Simple conséquence fonctionnelle de la mondialisation économique.
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/04/2016

SOURDE

> "Déjà les regards se tournent vers la classe politique occidentale : va-t-elle rester sourde, une fois de plus ?"

- Oui.
______

Écrit par : Fernand Naudin / | 04/04/2016

PAS ILLÉGALES

> Reste à savoir dans quelle mesure ces manipulations immorales sont illégales.
Sur le site du parlement européen, on lit:

"Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre LES ÉTATS MEMBRES ET LES PAYS TIERS doivent être levées. Or, pour les mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers," il y a certes "les mesures indispensables pour faire échec aux infractions aux lois nationales"

Mais on peut toujours faire apparaître des bénéfices nuls, comme l'illustra Tapie unique actionnaire et unique client d'une société déficitaire qui lui louait son yacht. Ce n'est pas dans le système d'échanges internationaux en développement, ce que Soros appelle "société ouverte", qu'on pourra y remédier.

Voir:
http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_3.1.6.html
______

Écrit par : Pierre Huet / | 04/04/2016

SUPRÊME

> Je ne suis pas d'accord avec vous, le stade suprême du libéralisme, c'est le proxénétisme. Je vous avais envoyé un lien: on a inventé un uber pour rencontres tarifées en Allemagne. Il faut vite copier le modèle allemand, vite, vite...
J'ai trouvé cette petite perle chez Ichtus: http://www.ichtus.fr/le-liberalisme-ou-labandon-du-bien-par-joel-hautebert/
Je vous en partage dès à présent la quintessence:
"À cette conception de l’émancipation par la domination des pulsions intérieures, facilitée par l’obéissance à de bonnes et justes lois, le libéralisme oppose l’émancipation à l’égard de toutes les contraintes extérieures, hormis celles qui se fondent sur notre consentement. Le basculement est radical. Au don de soi par l’exercice des vertus au service de tous succède inexorablement la protection du consumérisme et du relativisme moral pour tous. On songe aux propos percutants de Philippe Muray après les attentats du 11 septembre, repris récemment par Fabrice Hadjaj dans le contexte que l’on sait : « Chers Djihadistes, craignez la colère du consommateur, du touriste, du vacancier descendant de son camping-car ! Vous nous imaginez vautrés dans des plaisirs et des loisirs qui nous ont ramollis ? Eh bien nous lutterons comme des lions pour protéger notre ramollissement. […] Nous nous battrons pour tout, pour les mots qui n’ont plus de sens et pour la vie qui va avec. »
______

Écrit par : ND / | 05/04/2016

PAS DUPES

> Nos gouvernants, l’ex-spéculateur Macron en tête, se réjouissent bruyamment des résultats de cette remarquable investigation journalistique… Nous ne sommes pas dupes.
Vos grimaces ne nous font pas oublier, messieurs les réjouis de Bercy, de la malhonnêteté et l’immoralité qui sévissent bien en amont de ces évasions de revenus vers les paradis fiscaux. Lesquels paradis fiscaux sont d’ailleurs bien plus nombreux que vous ne le dites.
La malhonnêteté commence déjà dans l’alliance des banques et de fonds spéculatifs pour mettre à sac des entreprises… au nom de ce charmant credo libéral, sur lequel votre blog, cher PP, ne cesse heureusement de nous alerter : l’homme au service de l’économie, la société humaine et l’individu prétendument sauvés par la convoitise de chacun et la concurrence de tous contre tous (ne jamais cesser de rappeler le tragique topo fondateur, et péché originel de l’économie capitaliste, signé Adam Smith : « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de leur souci de leur intérêt propre » etc.).
Ainsi, dans notre pays, trop d’entreprises font aujourd’hui l’objet de stratégies visant à court et moyen terme à régaler les spéculateurs – parfois de bons papis et mamies américains des fonds de pension ayant ce « souci de leur intérêt propre », comme dit le père Adam (le bien nommé). Stratégies dont l’un des leviers principaux, notamment depuis dix ans, consiste à faire baisser les salaires et à réduire les droits des salariés, deux objectifs de fond du Medef et de l’ultralibéralisme anglosaxon… Objectifs désormais partagé par les « sociaux-libéraux » qui nous gouvernent, notamment via la loi travail en discussion.
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Écrit par : Denis / | 05/04/2016

FROIDS

> Je crois que les gens sont tellement écoeurés, tellement blasés, que tout cela les laisse...froids.
Comme a pu le dire un célèbre philosophe allemand : " Rien ne vaut rien. Il ne se passe jamais rien et cependant tout arrive. Mais cela est indifférent. "
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Écrit par : Feld / | 05/04/2016

> En revanche, pour ce qui est d'une copie du TAFTA, on pourra toujours attendre.
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Écrit par : Thomas Mousset / | 05/04/2016

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