Trump "ne connaît pas" le KKK

...KKK qui rallie pourtant sa campagne ! (et que M. Trump père aurait connu en 1927, s'il faut en croire la presse américaine) :

 

 

CNN, dimanche 28, Donald Trump face à la presse. Il vient de recevoir le soutien officiel du célèbre David Duke, figure du "white nationalism" américain* depuis quarante ans, diplômé en 2005 d'une "académie" de Kiev proche des ligues ukrainiennes nationales-socialistes. M. Duke étant un ancien Grand Sorcier du KKK, et le KKK venant de susciter des violences à Anaheim (Californie) la veille du débat de CNN, les journalistes demandent à M. Trump ce qu'il pense de ce soutien. Réponse de M. Trump : "Je ne connais rien de David Duke, OK ? Je ne connais pas ces groupes..." Les journalistes, incrédules : "Vous ne connaissez pas le KKK, les suprémacistes blancs ?" Trump : « Vous ne voudriez pas que je condamne un groupe dont je ne connais rien. Il faudrait que je me renseigne. »

Si M. Trump pouvait ignorer un groupe aussi connu que le KKK, il pourrait aussi n'avoir pas de mal à se renseigner : son propre père – Fred C. Trump – semble avoir été arrêté le 30 mai 1927, en compagnie de six autres personnes, lors de la marche de mille Klansmen en cagoule pour le Memorial Day à New York ; marche qui avait fini par des bagarres avec la police. Le tract de cette manifestation proclamait : "Les Américains protestants de souche sont agressés par la police catholique romaine de New York*** ! La Liberté et la Démocratie ont été piétinées ! Les Américains protestants de souche osent s'organiser pour protéger un drapeau : le drapeau américain ! une école : l'école publique ! et une langue : la langue anglaise !"

Fred C. Trump fut acquitté. Les sept prévenus avaient le même avocat.

 

Interrogé par la presse sur cette dernière affaire depuis le mois de septembre, Donald Trump nie en bloc l'événement de 1927 : son père "n'a jamais été arrêté", il "n'a rien à faire avec ça", c'est une "histoire ridicule", etc. Quant au soutien de l'ex-Grand Sorcier du KKK : "I disavow", a fini par tweeter M. Trump. Réponse de M. Duke : "Qu'il me désavoue, OK. Je le laisse faire ce qu'il faut pour devenir président des Etats-Unis."

 

 Trois questions :

 

Pourquoi le KKK et les racistes blancs américains affluent-ils dans les rangs de la Trump campaign ? Parce que cette campagne les électrise. Ils n'auraient "jamais imaginé entendre un jour un certain langage dans la bouche d'un politicien de premier rang parlant en public", explique la porte parole du Knights Party ("Parti des chevaliers", vitrine du KKK) à Peter Holley et Sarah Larimer du Washington Post, 26/02. 

Pourquoi M. Trump feint-il soudain de ne pas connaître le KKK et les suprématistes blancs, alors qu'il les connaissait huit jours plus tôt puisqu'il disait n'avoir "pas besoin" d'eux ? A cause des violences en Californie, et du caucus démocrate de Caroline du Sud (27/02) où s'est affirmé le soutien des électeurs noirs à Hillary Clinton. En niant connaître le KKK tout en refusant de se prononcer au sujet de ce genre de groupes, M. Trump veut jouer sur les deux tableaux : garder le soutien d'un certain type d'électeurs républicains, et ne pas aggraver son handicap chez les électeurs noirs. Mais cette posture l'amène à devoir contester des évidences...

Quelle leçon en tirer, de notre côté de l'océan ? Une certaine symétrie : toutes proportions gardées, les connivences-dénégations de M. Trump – et sa passe d'armes contre le pape – évoquent, en version XXL, les petites complaisances et les ambiguités de "conservateurs" français. Eux-mêmes ne désavouent pas cette ressemblance ; d'où leur ardeur à défendre obliquement M. Trump.

 

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* « David Duke déclare qu'une lutte raciale est menée contre le peuple français et les peuples européens. Comparant les situations américaines et européennes et les mesures prises dans ces deux pays, il affirme que le gouvernement des Français blancs, en prônant le métissage, entraînerait le génocide. En janvier 2007, dans une interview publiée par l'hebdomadaire français d'extrême-droite Rivarol, il se déclare proche des « racialistes blancs » et de la branche de la « Nation of Islam » dirigée par Louis Farrakhan24. >> (Wikipedia)

** Il s'agit de l' « Académie interrégionale de gestion personnelle » (MAUP), institution ukrainienne privée : un établissement préparatoire, un collège, un lycée, des instituts, une université. « Plus de 57 000 étudiants suivent des cours dans ses différents établissements répartis dans tout le pays. En 2008, le Département d'État américain publie un "Report Provided to the United States Congress1", qui désigne le MAUP en mentionnant que cette organisation basée en Ukraine est ''une des institutions antisémites les plus acharnées en Europe de l'Est''. Le MAUP est l'institution d'enseignement supérieur non-étatique la plus importante en Ukraine. Elle est reconnue par le ministère de l'Éducation ukrainien et possède une licence pour enseigner dans dix spécialités de haut niveau et pour décerner des diplômes de standard européen reconnus par l'État2. Le MAUP a publié plus de 300 manuels éducatifs et 200 livres sur une variété de programmes éducationnels. Les éditions du MAUP sont recommandées par le ministère de l'Education ukrainien... Le journal hebdomadaire du MAUP Personnel Plus, daté du 14-19 avril 2005, publie une lettre ouverte au président Viktor Iouchtchenko, à Volodymyr Lytvyn, président de la Rada suprême d'Ukraine et à Malyarenko, juge en chef à la cour suprême d'Ukraine, demandant une enquête parlementaire sur « les activités criminelles de la communauté juive en Ukraine ». Le journal indique que la lettre a été signée par plus de cent responsables scientifiques, civils et politiques6. >> (Source : Wikipedia).

*** La police new-yorkaise était alors composée en majorité d'Irlandais. Sur les origines de la haine des « American native protestants » envers les Irlandais catholiques : revoir le film de Scorsese Gangs of New York (2002), avec Leonardo Di Caprio qu'on aurait dû oscariser en 2003 pour cet excellent film – plutôt qu'en 2016 pour le méga-navet numérique d'Iñarritu.

 

 

 Les marches du KKK dans les années 1920.