L'état d'urgence et les souliers du pape

La COP 21 s'ouvre dans un climat révélateur :

 

La COP 21 vient donc de commencer. Dans un climat d'ambiguité (comme on pouvait s'y attendre), aggravé par les excès de pouvoir du gouvernement : rafles dans les milieux alternatifs, et interdiction de la Marche mondiale qui devait concrétiser la « pression saine », comme dit le pape, de la société civile sur les dirigeants...

Le pape s'est d'ailleurs associé à la manifestation de protestation, dimanche à la République, en envoyant – parmi les centaines de souliers déposés sur la place – ses propres chaussures avec une petite pancarte « Laudato Si » : geste qui fut très remarqué.

Passons sur la posture théâtrale de M. Cazeneuve et de son préfet de police apparaissant à la télévision pour nous parler, avec une gravité démesurée, des incidents de la République ; incidents provoqués par une poignée de Black Blocs que le ministère de l'Intérieur avait une fois de plus laissés venir, comme à Nantes et à Sivens, fournir un prétexte à désigner les autres (les écologistes véritables, opposés au système économique) comme aussi suspects que des terroristes. S'en prendre aux écologistes est un détournement de l'état d'urgence et un escamotage de la cible jihadiste, qui se retrouve ainsi parmi un fourre-tout de choses sans rapport les unes avec les autres ! C'est toujours la même méthode, à rapprocher de la sévère enquête du Monde (29/11) sur l'incapacité de la place Beauvau à doter la France d'une force de prévention du terrorisme.

À la COP 21, la journée d'hier fut consacrée au rituel de l'éloquence officielle ; M. Obama a pris son air le plus concentré pour nous dire qu'on devait sauver la planète. Pensait-il que nous avions déjà oublié l'avertissement de son secrétaire d'Etat, John Kerry, nous prévenant il y a quinze jours que les Etats-Unis s'opposeraient à toute mesure contraignante ?

Sans la pression publique du grand mouvement de la société civile, interdit d'expression à Paris au nom de l'état d'urgence, la COP court le très probable risque de s'achever sur du vent (comme le redoute Laudato Si). On voit déjà la manoeuvre : M. Fabius annonçant à son de trompe un « accord de Paris » qui ornera de « mesures contraignantes » des engagements de principe, mais sans objectifs chiffrés de réduction d'émissions de gaz... L'accord comportera (on nous le dit déjà) un « mécanisme de révision quinquennal » : les habitués de la société contractuelle disent que c'est une « clause de revoyure », et ils clignent de l'oeil parce que ce jargon fait sérieux ; mais sans sanctions, tout cela ne sera-t-il pas vain ? Non, affirme Mme Tubiana (ambassadrice française pour la COP 21) : « la contrainte, ce sera l'obligation de transparence et l'effet de réputation »... On imagine le sourire ironique de M. Modi, intraitable président de l'Inde : son premier souci n'est pas sa « réputation ». Il a d'ailleurs prévenu, dès hier, qu'il ne fallait pas attendre de New Delhi le moindre recul dans le développement des énergies sales.