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02/08/2015

Tout le monde n'a pas encore lu 'Laudato Si'

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Témoin, Denis Grozdanovitch : 


 

 

« Vivre à son propre rythme, lire des auteurs oubliés, jouer au tennis sans esprit de compétition, faire la sieste au fond du jardin, contempler un vol de grues, repenser aux rêves de la nuit : autant d'expériences mystérieuses que le bruit assourdissant de la planète rend aujourd'hui presque impossibles. Dans l'esprit du Petit traité de désinvolture, L'Art difficile de ne presque rien faire aborde avec un humour délicieux l'une des questions insolubles de l'existence : comment préserver la jouissance de l'instant ? Quelque part entre la sagesse chinoise du tao et le désir d'enfance, avec un scepticisme assumé face aux délires de la consommation ou du sport-spectacle, Denis Grozdanovitch nous invite avec une poésie quotidienne et lumineuse sur des sentiers qui ne mènent nulle part. »

L'Art difficile de ne presque rien faire (Denoël, réédité en 2009) est un livre plaisant : c'est ce qu'on se dit en écoutant l'auteur, et d'autres invités de France Culture, dans une émission du 31/07 intitulée Peut-on encore ne rien faire. Grozdanovitch développe des arguments bien honnêtes en faveur de la décroissance. Mais tout à coup, surprise, l'écrivain déclare : « Tout le mal vient du christianisme avec son croissez et multipliez qui est dans l'Evangile... »  Et il en rajoute : « ...la morale chrétienne du salut par la souffrance... »

Grozdanovitch est visiblement sincère. Où a-t-il pris cette idée du christianisme ? Il le dit aux auditeurs : chez Serge Latouche (Décoloniser l'imaginaire, Parangon 2003). Grozdanovitch ne connaissait visiblement pas le contenu de la foi chrétienne ; il s'est informé chez Latouche et a pris ce qu'il y a lu pour – si j'ose dire – parole d'évangile, à ceci près que croissez et multipliez n'est pas dans l'Evangile mais dans la Genèse. A ceci près également que Latouche, pilier de la pensée de la décroissance et de l'après-développement, a longtemps raconté autre chose que la réalité lorsqu'il parlait du christianisme.

Aujourd'hui on peut supposer que Latouche a lu Laudato Si. Cette lecture l'a-t-elle détrompé, non seulement sur l'atitude de l'Eglise envers la décroissance, mais sur le contenu même de la foi chrétienne ? On peut le supposer, puisqu'il n'a pas consacré à l'encyclique un article incendiaire, comme il l'avait fait contre Caritas in veritate en l'accusant (contre l'évidence) d'être un hymne au productivisme. Latouche prône « un combat généralisé et organisé contre le mode de vie occidental, devenu insoutenable à l'échelle mondiale » ? François aussi, et dans les mêmes termes, et en expliquant que c'est dans le livre de la Genèse qu'il trouve les fondements de ce combat ! On peut donc espérer que Grozdanovitch aussi va lire Laudato Si et que va se dénouer le quiproquo : une partie de l'opinion publique va, peut-être, cesser de croire que le « croissez » de la Genèse a le même sens que la « croissance » productiviste, ou que « le salut par la souffrance » est une idée chrétienne...

Reconnaissons aussi que les catholiques français ne sont pas innocents de l'état de méconnaissance religieuse où restent leurs compatriotes. La foi chrétienne semble moins nous intéresser que la partisanerie et l'islam ; si les catholiques parlaient plus de ce qui les motive (et moins de ce qui les irrite ou les effraie), leurs contemporains sauraient mieux à quoi s'en tenir.

 

 

09:21 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : décroissance

Commentaires

LA PAROLE

> Le pape François ne peut pas être mieux entendu de ses contemporains que Moïse l'a été des Égyptiens. "Le Seigneur endurcit le cœur de Pharaon", comme il endurcit, aujourd'hui encore, le cœur de ceux qui refusent l'Amour de Dieu. La Parole ne réunit pas, mais au contraire sépare.
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Écrit par : Guadet / | 02/08/2015

GÉNÉRATION

> On ne gomme pas en une génération une "mystique du développement" qui a été cultivée pendant 3/4 de siècle. D'autant que les animateurs des différents mouvements catholiques et les bénévoles de services paroissiaux ou diocésains sont bien souvent de ma génération et se moquent éperdument de la question environnementale.
Illustration: A la suite des différents pots et réunion de fin d'année dans un évêché d'Ile de France, le service local de ramassage des ordures a menacé de le boycotter en raison du non respect du tri dans les conteneurs. Un lundi, deux bénévoles ont du retrier à la main les déchets mêlés à des emballages.
Et je pense que les responsables de cet état de fait ne sont pas des financiers issus d'écoles de commerce.
Commentaire de deux personnes: "les pires, ce sont les vieux."
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Écrit par : Pierre Huet / | 02/08/2015

Important

> Il n’est pas certain que la méconnaissance du christianisme vienne entièrement des chrétiens mais une part de celle-ci est certainement de leur responsabilité.
Mais de quels chrétiens parle-t-on ? N’avez-vous pas, vous, une part non négligeable dans cette inculture ? Vous écrivez : « si les catholiques parlaient plus de ce qui les motive (et moins de ce qui les irrite ou les effraie) … ».
L’expression, reprise, que vous affectionnez « athées pieux » n’est-elle pas un ostracisme exclusif ? Jugement à connotation péjorative rejetant qui ne pense pas comme vous sans souci de l’intime ni de sa conviction ? Rien ni personne, sauf le Christ, ne détient la totalité de la vérité, nous en sommes tous dépositaire d’une parcelle et la plus minime n’est pas forcément la plus négligeable. Comme pour les langues chaque énoncé de foi est un filet jeté sur la vérité mais aucune maille ne se correspond. Le vôtre a autant de valeur que celui que vous stigmatisez.
Ce spectacle aussi affligeant que les débats doctrinaux sont anciens donne une piètre opinion de la richesse du christianisme à qui on attribue, comme dans le sacrifice du nouveau « bouc émissaire », les causes des malheurs actuels.
La dérive occidentale relève d’un autre mécanisme et ses ressorts ne tiennent en rien, au contraire, du christianisme.
Celui-ci est, dans son essence, révolutionnaire dans la mesure où la doctrine doit s’effacer devant l’humain (Mc, 2, 27), la règle devant l’Homme Lc, 14, 5), l’intérêt devant les êtres Lc 15, 1-7), la théologie devant l’action qui soulage (Jn, 9). La liberté est un absolu y compris devant le divin (Mc 10, 17-22) et l’attention aux plus petits intangible (Mt 5, 3-12) ….
Le « croissez multipliez-vous » biblique n’est en rien un saccage, comme le libéralisme de profit le pratique, mais un appel à la responsabilité au sein d’une même communauté de création, n’en déplaise au « journalisme d’encadrement » qui prétend nous conditionner ….
Il faut donc, sans relâche, dire ce qu’est le christianisme, d’autant plus décrié, qu’il se voit confronté d’une part au mercantile méprisant la personne et d’autre part au permissivisme annihilant celle-ci.
Il est vrai que le christianisme janséniste du XIX ème siècle est encore celui qui reste dans l’inconscient occidental et que ne pas vouloir s’en défaire est une excuse pratique et intellectuellement paresseuse pour continuer d’affubler les chrétiens de maux dont ils sont étrangers.

AE


[ PP à AE

- Parce que vous croyez qu'on se croit supérieur à qui que ce soit quand on proteste contre la confusion des idées ? Et vous croyez que lorsque je défends le pape, par exemple, contre la malveillance de catholiques, c'est au nom de "mes idées" ?
- Quand donc les catholiques français cesseront-ils d'avoir peur d'y voir clair ?
- "Athées pieux" est une formule de l'évêque de Nanterre en 2013. Je suis de ce diocèse. L'évêque est pasteur du troupeau. Quand il parle sévèrement, c'est que la situation l'exige (d'autant que les évêques français ne sont pas réputés pour leur excessive sévérité). La situation dénoncée par l'évêque en 2013 n'a pas disparu en 2015, et les diocésains ont parfaitement le droit de continuer à développer l'idée juste lancée il y a deux ans par leur pasteur d'alors. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Albert E. / | 02/08/2015

BAGAGE

> Seconde lecture de la liturgie aujourd'hui. Saint Paul aux Éphésiens : "Vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée... Laissez vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l'homme nouveau, crée, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité".
Un solide bagage déjà pour se mettre en route !
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Écrit par : isabelle / | 02/08/2015

@ Pierre Huet

> Parmi les nombreux aphorismes de ma grand-mère :
"les vieux cons ont d'abord été des p'tits cons"
On pourra vérifier ce théorème dans quelques années avec Gaspard Koenig par exemple.
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Écrit par : E Levavasseur / | 03/08/2015

DISCUSSION

> L'ignorance du contenu de la foi chrétienne est tout aussi phénoménale que l'ignorance de la manière dont cette foi a été vécue, y compris dans ses manifestations ou implications sociales ou économiques et, notamment, dans les cent dernières années.
Prenons deux exemples un peu éloignés de la discussion en cours: le sport et le cinéma. Voyez les mines incrédules et les regards plein de pitié pour vous, de la part des gens soi-disant à la pointe, si vous évoquez le rôle essentiel et historiquement incontestable de l'Eglise dans la diffusion du foot ou dans la constitution du réseau de salles de cinéma... L'ignorance est là et l'absence de mise en perspective en est une dimension criante.
Or l'absence de mise en perspective me semble également très importante dans la discussion en cours, et on en arrive à des conclusions étranges quand on veut trouver dans le passé des responsables à des situations présentes.
Par exemple, il est vrai que des militants catholiques sont souvent à l'origine du développement d'une agriculture productiviste aujourd'hui décriée par les gens de bon sens.
Mais qui se souvient des conditions de vie lamentables d'une partie importante de la population rurale française jusque vers 1960? Je connais des filles de petits paysans de mon village, nées entre 1910 et 1925 qui sont encore allées se placer comme bonnes à tout faire à partir de 12 ans, à Marseille ou à Lyon, soit à trois cents kilomètres de notre village... elles avaient toutes des anecdotes à raconter concernant la pauvreté de leurs parents, par exemple Rose qui, n'ayant qu'une paire de chaussures, avait passé une journée assise dans sa maison en attendant que le cordonnier les ajuste à ses pieds qui grandissaient.
Pourquoi ces gens-là n'auraient-ils pas souhaité ou applaudi l'avènement d'une agriculture plus productive, pratiquée par eux-mêmes ou par celui de leur frère qui remplissait la mission pour eux essentielle de s'occuper des vieux parents et de faire tourner la ferme, tout ça après la guerre ou on avait crevé de faim?
D'autant que, en tout cas dans ma région, j'ai toujours vu ces gens très soucieux de la qualité de l'eau, très méfiants envers l'utilisation d'outils présentés comme miraculeux (pas par des croyants) telles ces charrues dont l'utilisation détruisait les sols légers de certains champs en pente... plusieurs passaient pour des ploucs en préférant travailler ces champs-là avec d'antiques charrues, presque des araires, jusqu'au milieu des années 1960. Pourtant ils étaient partisans d'une agriculture plus productive.
Sont-ils responsables, ces militants catholiques-là, de l'évolution de l'industrie agro-alimentaire et de l'extension infinie des supermarchés à partir des années 1980, années où la majorité d'entre eux a pris la retraite et où leurs successeurs, de moins en moins nombreux, ont fait comme ils ont pu face à des difficultés croissantes ?
Un minimum de mise en perspective invite donc à la nuance dans la recherche de responsabilités. Sachant, par ailleurs qu'on voit aussi de beaux parleurs, imbus de belles idées soi-disant écologistes, qui viennent s'installer dans nos villages où ils font la leçon à tout le monde, en particulier aux anciens qui n'eurent qu'une seule paire de chaussures et furent placés comme domestiques à 12 ou à 14 ans, beaux parleurs qui s'empressent de remplir leur piscines ou qui s'étonnent qu'il faille participer au nettoyage du canal pour avoir le droit d'arroser son jardin avec l'eau gratuite du torrent! C'est tellement mieux d'avoir tout gratuit sans se fatiguer pendant deux demi-journées à enlever les feuilles mortes et autres débris dans la portion de canal que le responsable(suivant des règles qui remontent au XIIIème siècle) vous assigne!
C'est tellement plus pratique de raconter n'importe quoi et d'embêter le seul paysan qui subsiste dans une commune de montagne de 3000 hectares, par exemple en racontant que ses moutons boivent trop! L'autre jour, Marie 93 ans, me parlait d'un de ses voisins soi-disant écologiste, venu l'inviter à participer, elle aussi, à une sorte de pétition contre le dernier paysan du village, sous prétexte que ses moutons boiraient, chacun, plusieurs dizaines de litres d'eau par jour! "Tu te rends compte, me dit Marie, si les moutons buvaient autant que ce que proclame ce couillon, je n'aurais pas eu assez de 24 heures pour faire boire les miens quand ils étaient dans la bergerie parce que je leur apportais l'eau que j'allais chercher dans des seaux à la fontaine! Pour qui me prend-il ce type qui ne pense qu'à sa piscine! Comment peut-on croire que ça serait plus écolo s'il n'y avait plus de moutons dans la commune, quand le feu pourra prendre très facilement partout, en été, si tout devient inculte? Et si les moutons arrivent d'Australie, ça polluera moins peut-être?!"
Nous avons tous besoin d'un très grand renouveau de lucidité. Je pense que c'est à cela que le pape appelle en tenant compte de très nombreux facteurs qui permettent de trouver des solutions pour le présent au lieu de dresser un catalogue fantaisiste de responsabilités passées.

C.J

[ PP à CJ

- Oui. Mais :
1. Vous ne pouvez pas assimiler l'écologie - science de la survie de notre biosphère face au ravage du modèle économique - au comportement caricatural de bobos néoruraux. Lisez l'encyclique...
2. Si la transformation de la paysannerie en classe inférieure d'un système industriel devait apporter aux paysans une vie meilleure, pourquoi sont-ils au désespoir aujourd'hui ? ]

réponse au commentaire

Écrit par : C.J / | 03/08/2015

EXEMPLES

> Ce que dit CJ est vrai: ma famille maternelle rentre exactement dans sa description de l'ancienne vie rurale, dure et terriblement précaire. Il est vrai aussi qu'on lit ou entend parfois de belles âneries sous prétexte d'écologie, par exemple les hyperréactions à l'abattage de loups.
MAIS le modèle Beulin n'est pas une fatalité. Bien que la règlementation étouffante (il faut bien protéger le consommateur, nous dit-on) les contraigne à de lourds investissement et autres dépenses entraînant une réelle concentration, il y a encore des paysans soucieux de qualité et qui vivent mieux que les désespérés à condition de faire reconnaître celle-ci, ce qui cause aussi des frais et du travail pour obtenir ces certifications bio ou origine. Il faut qu'il soient soutenus en aval par des coopératives ou des industriels sérieux, et cela existe. Il semble qu'il y ait de grandes différence d'attitudes entre les régions, certaines, étiquetées comme attardées ont voulu prendre une sorte de revanche et s'en trouvent bien mal en 2015.
Il faut aussi que ces paysans soient par un public acceptant des prix plus élevés. Mais c'est le cas. Anecdote:
Il y a une dizaine d'année, deux célèbres fromagers normands ont décidé d'abandonner le lait cru pour la fabrication du camembert , ce qui était un prétexte hygiènique pour se défaire des contraintes de l'AOP (ils peuvent ainsi faire en Normandie du camembert normand mais sans label avec du lait tchernobylisé "low cost") Or leurs collègues restés conformes ont bénéficié d'un important report de clientèle et on a même vu apparaître ces fromagers dans la grande distribution !
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Écrit par : Pierre Huet / | 03/08/2015

DISCUSSION

> Merci de m'avoir lu,
Cependant,
1: je ne confonds pas l'écologie et les sottises véhiculées par les bobos, ce que je dis c'est que, pour pas mal de gens, il est difficile de distinguer les deux, surtout si, pour une raison ou pour une autre, on semble prendre ces gens à partie en faisant, par une ignorance de la complexité des décennies passées, en faisant endosser la responsabilité de dysfonctionnements constatables aujourd'hui à leurs grands-parents, parents ou, disons, à leur milieu social. Ce n'est vraiment pas le bon moyen pour obtenir une prise de conscience ou une adhésion à des solutions intelligemment écologiques.
2: je suis persuadé que le pape, lui, tient compte de la complexité de la situation des paysans. Là encore, je n'ai rien à reprocher à l'encyclique, pas plus qu'à l'écologie en tant que science. Le problème n'est pas dans ce que dit l'encyclique, il est dans les raccourcis que font tel ou tel de ses lecteurs et qui les amènent à produire des commentaires dont je déplore le contenu dans le 1, commentaires que, sur bien des points, on distingue difficilement de ceux des bobos et qui ne contribuent pas le moins du monde à une meilleure intelligence de ce que recommande le pape.

C.J


[ PP à CJ :
- Ne restez pas allusif. Pourriez vous citer concrètement une phrase, lue ici, et qui mériterait de votre part un tel courroux ?
- Je suis certain que vous n'êtes pas de ceux qui saluent les encycliques mais tirent sur quiconque voudrait les appliquer.]

réponse au commentaire

Écrit par : C.J / | 03/08/2015

> Je ne comprends pas votre réponse.
Je ne vois pas en quoi je serais allusif relativement à des choses lues ici.
Mes remarques partaient de ce que vous dites concernant l'ignorance "doctrinale" de Denis G..., ce à quoi j'ai ajouté que, chez des personnes qui expriment la même ignorance que lui, tout cela se double très souvent d'une absence de mise en perspective, autrement dit d'une idée complètement fausse de la manière dont les chrétiens ont vécu ce en quoi ils croient: première couche de confusion qui amène ces personnes à considérer les chrétiens comme des gens forcément hostiles à la nature, voire à la cause écologiste.
D'un autre côté disais-je, certains partisans de la cause écologiste ont de la nature une idée si éthérée, qu'ils rendent à cette cause de très mauvais services, notamment dans le milieu rural, voire rurbain, que je connais. Deuxième couche de confusion.
Quant à l'encyclique, je n'ai ni l'intention ni les moyens de la torpiller.
Je n'en ai pas l'intention et d'autant moins que je sais que la pape s'inscrit dans une réflexion fort ancienne de l'Eglise concernant les dégâts causés par "le tout technologique", non seulement à l'environnement, mais aussi et dans le même temps à la relation entre l'Homme et Dieu. J'ai lu, là dessus, des choses qui remontent au XIXème siècle, les choses exprimées par les papes depuis lors ayant été parfois été reprises par des gens comme Gustave Thibon ou Jacques Ellul, et parfois à eux empruntées par les dits papes...
Par ailleurs, non seulement je ne torpille rien de ce genre, mais, pour cette encyclique comme pour tant d'autres avant elle, je constate que 98% des gens de mon entourage s'en contrefichent. Au mieux ces 98% en ont-ils entendu vaguement parler et, si, dans une conversation plus ou moins brève quelques personnes appartenant à ces 98% s'en entretiennent avec moi, j'ai toute les peines du monde à leur en faire saisir l'intérêt parce que j'ai face à moi des gens peu motivés et qui nagent, pour la plupart, dans les deux couches de confusion dont j'ai parlé ci-dessus.
Quant aux 2% un peu plus informés, je dois dire que les degrés supplémentaires d'information dont ils disposent, ne les amènent pas forcément à mieux apprécier le bien fondé de la démarche du pape puisque ces gens-là nagent aussi, à leur manière, dans les deux couches de confusion, se distinguant surtout des 98% par un plus grand intérêt et une volonté d'argumenter, pour ou contre la démarche du pape mais toujours à partir d'erreurs liées à la confusion dans laquelle ils baignent.
Par exemple certains vont penser soutenir le pape en imaginant qu'il reconnaît enfin que la nature EST Dieu, d'autres vont imaginer s'opposer au pape en imaginant qu'il veut surfer sur des choses à la mode et se met à l'école bébête de Mme Duflot.
Bref, j'ai voulu apporter une participation à une discussion dans laquelle, ai-je compris, il était question des multiples incompréhensions auxquelles fait face la publication de cette encyclique. Ce qui, dirai-je en me répétant, ne m'étonne guère, vu les épaisses couches de confusion dans lesquelles on nage, et vu la manière dont ont été accueillies les encycliques depuis que j'ai l'âge de me rendre compte de quoi elles parlent et comment elles sont accueillies.
Voilà. Il est bien dommage que cet échange ait tourné comme il tourna. Je pense que vous ne gagnerez pas des personnes à la cause que vous entendez défendre, je pense que vous ne fédérerez pas des personnes qui y sont favorables, si vous les imaginez pleines d'un courroux hostile, et leur prêtez un quelconque pouvoir de blocage sur l'application (!) d'une encyclique, simplement parce que vous confondez tout ce que ces personnes expriment au sujet de la réception du texte avec ce qu'elles pensent réellement du contenu du texte en question. Cela n'apportera, hélas, qu'une contribution supplémentaire aux différentes couches de confusion.
Quoi qu'il en soit, vous êtes ici chez vous et, quant à moi, en vous souhaitant encore le bonsoir, je vous dis aussi adieu.

C.J

[ PP à CJ : Ne le prenez pas ainsi. Les torts sont partagés : j'ai mal compris ce que vous vouliez dire, mais vous l'aviez exprimé avec assez d'ambiguité pour que je le comprenne mal ! Par ailleurs, où prenez-vous que je vous soupçonne de "torpiller" l'encyclique ? La réalité est bien plus simple : je suis bombardé de messages d'écolophobes qui m'accusent (ainsi que le pape) de pactiser avec la mode, et dont certains emploient des tournures qui ressemblent à l'une de celles de votre message. Ceux-là, je ne les publie pas ; j'ai publié votre message parce qu'il ne leur ressemblait pas, sauf par une certaine phrase ; mon tort a été de prêter à cette phrase un sens qu'elle n'avait pas. Je serais navré que vos interventions cessent à cause de ce malentendu qui est partiellement de ma faute. ]

réponse au commentaire

Écrit par : C.J / | 04/08/2015

DU TRAVAIL

> Pardonnez-moi cher Patrice, mais j'étais tellement surpris que quelqu'un puisse dire une telle chose après 'Laudato Si' que j'ai cru à une erreur et suis allé vérifier qu'il ne s'agissait pas d'une reprise d'été d'une vieille émission...
Le plus incroyable c'est que quelques instants avant d'attaquer le « judéo-christianisme », Grozdanovitch fait de Jacques Ellul le père de la décroissance... Vous avez dit « contradiction »?
Cela dit, une grande partie du public catholique occidental fait d'immenses efforts pour lui donner raison alors ne soyons pas trop sévère... Il y a des angles morts à faire découvrir de part et d'autre et du travail à faire...
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Écrit par : François Sarrazin / | 05/08/2015

PARALLÈLE

> Je ne le connais pour ainsi dire pas, j'ai cru comprendre que vous n'appréciez guère ses idées, mais s'il est honnête, là il est en plein dans le mil' ( peut-être pas tout à fait, mais il s'en rapproche en tous cas):
http://www.bvoltaire.fr/alaindebenoist/pape-francois-systeme-capitaliste-intrinsequement-mauvais,196913

ND


[ PP à ND - Je l'ai bien connu naguère : sa pensée était structurée par l'antichristianisme. Dans l'entretien que vous mentionnez (sauf le passage sur Gn 1,28 : coup de griffe rituel négligeant le fait que la Genèse fonde par ailleurs la responsabilité écologique), AB semble avoir évolué en partie : en venir à apprécier un pape qui irrite la droite, c'est plutôt bon signe. Ce que dit cet entretien (notamment au sujet de la droite !) est parallèle à ce que nous disons ici. C'est sans doute parce que la réalité est la même pour tout le monde. ]

réponse au commentaire

Écrit par : ND / | 06/08/2015

LE SALUT

> La vision chrétienne du salut est sans doute impactée par « Laudato Si », davantage qu’on pourrait le croire. Pour ma part, j’y ai puisé une utile leçon de choses, si vous permettez ce témoignage : « Laudato Si » m’a en effet conduit à ce questionnement personnel et sans doute naïf : aurais-je reçu une éducation janséniste ? (mépris du monde, du corps, de la chair, de l’extériorité…)
Cette question m’a quelque peu taraudé après avoir lu « Laudato si ».
Tout en savourant la puissance de l’enseignement du Saint-Père, je ne voyais pas abordée, de façon directe, cette idée catéchétique élémentaire – enfantine ? – qui voudrait que seul importe le salut de nos âmes, que ce serait l’âme et non le corps – voué à passer –, dont nous serions comptables devant Dieu.
Et donc, cette idée je le répète élémentaire, basique d’un certain enseignement chrétien du salut, ne pouvait-elle pas expliquer le mépris apparent du corps – humain comme terrestre –, professé par les contempteurs de l’écologie ? Pourquoi cette vision défaillante n’était-elle pas traitée de la façon la plus carrée dans l’encyclique ?
Mais moi-même, en me posant cette question, ne montrais-je pas la faiblesse de mon éducation chrétienne et de ma foi, puisque j’étais quelque peu sensible à l’une de ces hérésies méprisant la défroque corporelle condamnées sans faillir par l‘Eglise depuis deux mille ans ? Cette pensée fixée sur le salut de l’âme n’était-elle pas hérétique, outre le fait de traduire un égoïsme, un autocentrage incompatible avec le souci du prochain ?
Affres. Pour en sortir, je me suis livré à cette forme moderne du jugement de Dieu qu’est le moteur de recherche, j’ai eu la curiosité d’aller mendier le mot « âme » sur la page vaticane de l’encyclique.
Et j’ai donc trouvé, en tout et pour tout, deux occurrences.
La première est dans le corps du texte, au début du chapitre VI (« Les signes sacramentaux et le repos pour célébrer »). Citation : « 233. L’univers se déploie en Dieu, qui le remplit tout entier. Il y a donc une mystique dans une feuille, dans un chemin, dans la rosée, dans le visage du pauvre. L’idéal n’est pas seulement de passer de l’extérieur à l’intérieur pour découvrir l’action de Dieu dans l’âme, mais aussi d’arriver à le trouver en toute chose[159], comme l’enseignait saint Bonaventure : “La contemplation est d’autant plus éminente que l’homme sent en lui-même l’effet de la grâce divine et qu’il sait trouver Dieu dans les créatures extérieures”.[160] »
La réponse de François est claire et nette : l’idéal chrétien est d’arriver à trouver Dieu en toute chose (et cela bien évidemment sans céder quoi que ce soit aux doctrines émanatistes ou panthéistes confondant Dieu et la nature…).
Bonaventure est cité – de fait le message est à la fois franciscain, aussi révolutionnaire aujourd’hui qu’il y a 800 ans, et dominicain, par l’enseignement délivré par Thomas d’Aquin –, de sorte que le Catéchisme de l’Eglise catholique (n°340), peut écrire, comme l’indique le point 86 de « Laudato Si » : « L’interdépendance des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la petite fleur, l’aigle et le moineau : le spectacle de leurs innombrables diversités et inégalités signifie qu’aucune des créatures ne se suffit à elle-même. Elles n’existent qu’en dépendance les unes des autres, pour se compléter mutuellement, au service les unes des autres ».[63] ,
Prise de tête ! Pan sur mon bec ! La réponse que je cherche est dans le catéchisme : je ne me suffis pas à moi-même, j’ai besoin des autres, mon chat (baptisé Bonaventure – ayant été recueilli un 15 juillet) m’humanise, ainsi que le gingko biloba qui bonzifie (bonsaïse ?) sur la terrasse – et je ne vous parle pas de mon épouse et de nos enfants et petits-enfants !
Deuxième occurrence du mot « âme » dans l’encyclique : elle se trouve dans la note 141 se référant au début du 6e chapitre de l’encyclique (« Les religions dans le dialogue avec les sciences ») à propos de cette affirmation du pape : « 199. On ne peut pas soutenir que les sciences empiriques expliquent complètement la vie, la structure de toutes les créatures et la réalité dans son ensemble. Cela serait outrepasser de façon indue leurs frontières méthodologiques limitées. Si on réfléchit dans ce cadre fermé, la sensibilité esthétique, la poésie, et même la capacité de la raison à percevoir le sens et la finalité des choses disparaissent.[141] »
Or donc, indique la note 141, citant l’encyclique Lumen fidei : 577 : « La lumière de la foi, dans la mesure où elle est unie à la vérité de l’amour, n’est pas étrangère au monde matériel, car l’amour se vit toujours corps et âme ; la lumière de la foi est une lumière incarnée, qui procède de la vie lumineuse de Jésus. Elle éclaire aussi la matière, se fie à son ordre, reconnaît qu’en elle s’ouvre un chemin d’harmonie et de compréhension toujours plus large. Le regard de la science tire ainsi profit de la foi : cela invite le chercheur à rester ouvert à la réalité, dans toute sa richesse inépuisable. La foi réveille le sens critique dans la mesure où elle empêche la recherche de se complaire dans ses formules et l’aide à comprendre que la nature est toujours plus grande. En invitant à l’émerveillement devant le mystère du créé, la foi élargit les horizons de la raison pour mieux éclairer le monde qui s’ouvre à la recherche scientifique ».
Lumineux François ! Jésus vient nous apprendre à aimer, et il le fait en se livrant lui-même corps et âme. Sans corps, comment puis-je aimer en « vérité » ? En tant que chrétien, si je dois avoir une exigence sur la question de l’âme, c’est de ne jamais la fermer à « la réalité, dans toute sa richesse inépuisable », c’est de la garder éclairée par la lumière de la foi « unie à la vérité de l’amour » qui m’est révélée en Jésus-Christ, en sa « lumière incarnée », c’est de tenir mon âme dans « l’émerveillement devant le mystère du créé » et de « la vie », qui me dépassent et que je dois respecter, pour cette raison même !
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Écrit par : Denis / | 09/08/2015

DÉCROISSEZ ET MULTIPLIEZ

> Comme quoi, il y a encore du travail pour faire comprendre que le christianisme est intrinsèquement écologique...
"Décroissez et multipliez-vous !"
C'est justement le titre (volontairement provocateur) du premier numéro de 'Limite', première revue d'écologie intégrale (publiée au Cerf) qui sera disponible en avant-première aux Assises de Saint-Etienne...
Et en librairie à partir du 2 septembre !
Avec (entre autres) Olivier Rey, Fabien Revol, Eugénie Bastié, Cyrille et Marie Frey, Fabrice Hadjadj, Philipp Blond, Marianne Durano...
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Écrit par : Gaultier Bès / | 10/08/2015

@ Gaultier

> En voyant les contributeurs du premier numéro, comme disaient mes jeunes collègues: c'est du lourd !
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Écrit par : Pierre Huet / | 11/08/2015

'LAUDATO SI'

> Je reviens sur cet enjeu du salut contenu dans « Laudato Si ». Tout simplement pour inviter à méditer les commentaires utiles et éclairants, me semble-t-il, d’une enseignante romaine, Valeria Martano (liée à la communauté Sant’Egidio), et ceux de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon.
Le 19 juin pour l’agence Zénith, Valeria Martano, brosse un triste portrait de la banlieue romaine (habitants des métropoles européennes, nous nous y reconnaîtrons), où vivent souvent les pauvres, « les gens solitaires », « les personnes âgées “expulsées” du tissu social et placées dans des institutions périphériques ». Et d’estimer avec François qu’il est possible de « vivre mieux » si les gens rejettent « l'individualisme ou la fierté solitaire ».
Valeria conclut sur le « salut communautaire » qui inclut les plus « faibles » et qui est une « ressource précieuse de l'écologie intégrale ». L'enjeu n'est pas de « sauvegarder » sa propre « maison avec un jardin », ajoute-t-elle, mais la ville entière qui est « une maison commune ».
Cette question du salut et de la nécessaire « conversion écologique de nos comportements individuels et collectifs », est également au cœur de l’analyse de Mgr Rey, relayée sur le site de l’hebdo « Famille chrétienne ».
Mgr Rey déclare : « Cette encyclique nous invite à revisiter la Création comme don de Dieu. Le pape projette l’écologie dans l’économie du Salut. (…) Une écologie sans Dieu risque d’aboutir à la divinisation ou à l’instrumentalisation de la nature et de l’homme. Cette double dérive conduit inéluctablement à la destruction de la planète. Le pape déploie une vaste dramaturgie. Tout est lié, corrélé dans la crise écologique. La conversion écologique de nos comportements individuels et collectifs nous fait accéder au dessein rédempteur de Dieu sur l’humanité. (…) En particulier, le pape François souligne avec pertinence notre responsabilité morale vis-à-vis des générations futures. »
Cette articulation de l’individuel et du collectif dans l’ordre du salut – « qu’as-tu fait de ton frère ? » –, qui traverse l’encyclique du pape, ne devrait jamais nous quitter, ne devrait jamais échapper à notre vie dans l’Esprit. Et nous ne devrions même jamais opposer les deux termes.
J’aime assez, à propos de cette dualité qui marque notre Occident chrétien (individuel et collectif, âme et corps, homme et Dieu, vérité et obscurité, enfer et ciel, pécheur et saint…), la quête unitive d’un moine bénédictin, le Frère Benoît Billot. Et les leçons qu’il tire de ses rencontres avec le bouddhisme japonais (la « non-dualité » du zen), dans une remarquable méditation intitulée « Voyage spirituel dans le bouddhisme zen » (Actes Sud, 2009, 74 pages). A la fin de ce bref ouvrage, il évoque les termes décisifs de sa rencontre avec des moines zen, dans « la foi et l’hospitalité ». Et en tire des leçons pour l’Eglise.
« Saint Clément de Rome, troisième pape, mort en l’an 97, écrivait : “C’est par la foi et l’hospitalité qu’Abraham a reçu le fils de la promesse.” (…) Les communautés chrétiennes, comme les personnes individuelles, sont donc invitées par nos écrits fondateurs à vivre l’hospitalité. Celle-ci a plusieurs dimensions. A son niveau le plus pratique, elle permet de recevoir, loger, habiller nourrir ceux qui frappent à la porte. Elle offre aussi, à celui qui est reçu, la joie de poser son sac, de se trouver en sécurité, de jouir du repos. A un niveau plus profond, elle permet l’échange d’expérience, le partage de ce qui fait vivre. Pour croître, l’Eglise est tenue de développer cette hospitalité dans les rencontres avec tout ce qui n’est pas elle : avec les mondes de la science et de la technique, avec les cultures de notre planète, avec les religions de la terre. La peur de l’étranger l’a parfois tenue en marge, comme une forteresse assiégée. Mais on sait maintenant que lorsqu’elle développe une hospitalité magnanime, elle permet à la vérité chrétienne de s’enrichir et de rayonner. »
Au cœur de toute profonde hospitalité, c’est Dieu qui accueille, et c’est Dieu qui est accueilli… Tout est lié, et notre salut est en marche, si nous accordons notre hospitalité à la Création, et si nous voulons bien vivre – comme nous y appelle me semble-t-il le pape François dans toute sa prédication, et en particulier dans « Laudato Si » –, dans la foi et l’hospitalité. Lesquelles ne font sans doute qu’un, dans l’Esprit Saint…
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Écrit par : Denis / | 14/08/2015

PAS D'ACCORD

> Ce que Serge Latouche dénonçait dans "Caritas in Veritate", c’était plutôt une trahison de l’Evangile, de la Parole que le pape prétend servir. Sa façon de voir n’est donc pas identique à celle de Denis Grozdanovitch.
Par ailleurs, Latouche pouvait se sentir légitimement pris à partie par l’encyclique de Benoît XVI, et en des termes violemment caricaturaux, en lisant le § 14. Et il n'a pas été le seul à interpréter ce passage comme un rejet pur et simple du modèle de décroissance soutenable. Des catholiques, que l’on ne peut soupçonner d’une quelconque sympathie envers le libéralisme économique, sont dans ce cas. Le père Baudouin Roger, par exemple, lorsqu’il écrit : « Cette prise en compte de l’écologie [par "Caritas in Veritate"] ne conduit pas à prôner la décroissance, selon des orientations radicales liées à une deep ecology qui serait une forme de "panthéisme" (§ 48). » ("Doctrine sociale de l’Eglise", Paris, 2012, p. 298).
Le § 14 manquait singulièrement de clarté. C'est un défaut dans lequel 'Laudato si' ne tombe pas. 'Enfin une encyclique bien écrite', me disait en substance un de mes proches parents. La qualité d'écriture est fondamentale pour accéder au fond.
Pour ce qui est du rapport de Latouche au christianisme, il est de toute façon extrêmement complexe.

B.


[ PP à B. :
- Permettez-moi de n'être pas d'accord avec vous sur l'encyclique de Benoît XVI.
- On ne peut pas appliquer le passage que vous indiquez à Serge Latouche, sauf si on prête à cet auteur (ou s'il se prête étrangement à lui-même) un rejet de toute science, alors que ce n'est pas son cas...
- D'autre part, accuser le pape de" trahison de l'Evangile" est un peu gros.
- D'autant que le reste de 'C.i.V.' comporte des lignes de force incompatibles avec le néolibéralisme, et c'est ça qui compte. Ce que j'ai reproché à Latouche naguère (j'ai ainsi choqué un auditoire de bien-pensants "progressistes" !) était de zapper ces lignes de force et de se focaliser sur un ou deux passages auxquels il faisait dire ce qu'ils ne disaient pas.
- Je ne comprends pas l'amalgame opéré par le P. Roger (cité par vous) entre la pensée de Latouche, qui est très rationnelle, et la "deep ecology", qui est un irrationalisme tellurique.
- Je ne comprends pas non plus la fixation phobique de cathos de droite sur cette "deep ecology"... qui existe très peu dans la réalité. (Sauf dans certains films hollywoodiens, produits du libéralisme économique que les cathos de droite encensent par ailleurs).
- Dernier point : Benoît XVI écrit bien. Ce qui est en cause n'est pas son écriture, mais la médiocrité surprenante des traductions vaticanes. ]

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Écrit par : Blaise / | 14/08/2015

ENCYCLIQUES

> J’ignore si Baudoin Roger est un « catho de droite » ; en tout cas, ce n’est pas son genre de trafiquer les encycliques sociales – et il n’est pas un apologète du néolibéralisme. La façon dont il amalgame l’écologie profonde à la décroissance trahit malheureusement une méconnaissance très générale de ces questions. Mais l’écologie profonde est-elle si irrationnelle que cela ? pour moi, c’est avant tout une vision ontologique du monde incompatible avec celle délivrée par la foi chrétienne. Arne Naess était un philosophe. Ce qu’on peut reprocher aux partisans de l’écologie profonde ce n’est pas d’être irrationnels mais d’être naïfs : croire qu’en accordant un statut ontologique identique à tous les êtres, ils vont permettre un sursaut écologique !
Je ne suis pas Latouche, bien sûr ; je ne fais pas miennes ses accusations. Mais je reste persuadé que l’interprétation du § 14 n’était pas évidente ; qu’il ne faut pas s’étonner si beaucoup – pour s’en féliciter ou pour s’en affliger selon les cas – en ont conclu à un rejet du modèle décroissant. C’est le danger des généralisations excessives, dans lesquelles les réalités ne sont pas nommées, auxquelles succombent trop souvent les encycliques sociales. Pour revenir à Serge Latouche, il n’est certes pas un ennemi de la science ; mais qui, aujourd’hui, appellerait à « un rejet de toute science » ?
La qualité d’écriture du théologien Ratzinger est une chose ; mais je rejoins ceux qui pensent que, très souvent, les encycliques sociales sont mal écrites. De ce point de vue, on retrouve les mêmes défauts chez Benoît XVI que chez Jean-Paul II. Et, disons le franchement, la forme à tendance à nuire au fond : il est aisé pour des libéraux de manipuler ces textes à leur guise. Ce n’est pas la même chose avec François, qui nomme directement les choses, sans tourner autour du pot, et qui, partant de la réalité concrète, y fait constamment retour. Voilà une encyclique bien écrite, exempte d’ambiguïtés. Et la preuve qu’elle est bien écrite, ce sont les réactions violentes qu’elle suscite, dans certains milieux.

Blaise


[ PP à Blaise - D'accord avec vous sur l'effet François : il a carbonisé la langue-de-buis pontificale, ses verbes au conditionnels, ses circonlocutions, ses "souvent" et ses "parfois" !
Les successeurs ne pourront pas revenir en arrière. ]

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Écrit par : Blaise / | 15/08/2015

TECHNOSCIENCE

> L’opposition entre une tendance visant à « absolutiser idéologiquement le progrès technique » et une autre aspirant « à l’utopie d’une humanité revenue à son état premier de nature » est indubitablement factice.
L’hypothèse la plus vraisemblable, c’est qu’en se plaçant dans un juste milieu, entre deux extrêmes, "Caritas in Veritate" cherchait surtout à se prémunir contre l’accusation de « technophobie ».
L’embêtant, c’est qu’un tel artifice rhétorique ne facilite pas la juste compréhension de cette encyclique par les lecteurs. Je ne crois vraiment pas dans les vertus de la langue de bois d’Eglise.

Blaise


[ PP à B. - D'accord aussi là-dessus. L'obsession de ne pas avoir l'air technophobes est largement répandue dans les milieux cathos, j'en ai été le témoin au cours de nombreuses réunions de travail. Dans ce domaine, 'Laudato Si' marque un tournant décisif par sa critique de la technoscience instrument de l'idole Argent : "la technique n'est pas neutre", écrit François. ]

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Écrit par : Blaise / | 15/08/2015

TECHNOSTRUCTURES

> Sauf erreur, le pape françois dénonce davantage les technostructures que les connaissances technologiques.
En effet, il écrit aussi « 102. La technologie a porté remède à d’innombrables maux qui nuisaient à l’être humain et le limitaient. Nous ne pouvons pas ne pas valoriser ni apprécier le progrès technique, surtout dans la médecine, l’ingénierie et les communications. » ou encore « 103. La techno-science, bien orientée, non seulement peut produire des choses réellement précieuses pour améliorer la qualité de vie de l’être humain, » ou encore, à propos des OGM dans le n° 133 « D’autre part, les risques ne sont pas toujours dus à la technique en soi, mais à son application inadaptée ou excessive. »
Alors ?
La technologie, en tant qu'accumulation de savoir faire, accumulation formidablement accélérée à partir du 17eme s. par la connaissance des lois physiques et l'analyse mathématique, existe et à moins de brûler bibliothèques et laboratoires tout en fusillant ingénieurs et scientifiques on ne peut pas faire comme si elle n'existait pas. Bien sur, elle a permis le développement de « monopole radicaux » ou de gadget jusqu'au comique. Ainsi, cet après-midi, passant près d'un épouvantail, j'entendais Mgr Sako sur France-Info : le vigneron avait placé un poste de radio dans l'épouvantail.

La difficulté de la maîtrise des technostructures est dans la nature des organisations humaines, de leur vieillissement et de leur déclin. Quand il est constitué quelque part un groupe, une organisation quelconque destiné à résoudre une difficulté réelle ou fournir un bien indispensable, améliorer la vie des gens...que ce soit un atelier de poterie parti des besoins d'une petite ville, un bureau chargé de répartir une aide sociale, une commission définissant la sécurité des maisons de retraites etc eh bien, cette organisation ou institution, une fois cette tâche accomplie va continuer à exister. La fonction avait créé l'organe, l'organe va prolonger la fonction. Qu'il s'agisse de biens de consommation, de prestations sociales ou de réglementation, l'organe va produire pour faire vivre ses membres, ses dirigeants, ses syndicats (après tout, nous avons besoin de stabilité, de sécurité) et aura besoin d'écouler sa production de biens matériels ou immatériels, de moins en moins utiles. Toujours plus, et sans limite ! Dans le privé, cela s'appelera le marketing, dans le public, cela s'appellera la protection des citoyens ou bien les conquêtes sociales. Changement de téléphones portables et changement de normes, même combat! Et dans un cas on dénoncera le capitalisme et dans l'autre la bureaucratie, les contempteurs de l'un et l'autre mal polémiquant fermement les uns contre les autres sans voir qu'ils dénoncent le même mécanisme.
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Écrit par : Pierre Huet / | 15/08/2015

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