11/07/2015
Ces catholiques qui chipotent le "degré d'autorité" du pape
" Not'maître, avez-vous entendu le discours du pape ?"
"Attention, mes amis, ne confondez pas les degrés d'autorité."
À propos d'un détournement de la distinction ecclésiologique entre les "divers degrés d'autorité du Magistère de l'Eglise" :
Dans sa largeur, sa hauteur et sa profondeur, le discours du pape à Santa Cruz est un appel à la mobilisation de tous pour reconstruire la Cité, démantelée par l'idole Argent.
Nous sommes des millions dans le monde à jubiler de ce discours. La richesse de ses perspectives éveille en nous des carillons de joie.
Pourquoi faut-il qu'en France (et aux Etats-Unis), des catholiques se bouchent les oreilles ? Certains même sont des prêtres... Au lieu de se réjouir avec la planète chrétienne, ils tweetent des mises en garde crispées : n'applaudissez pas trop, méfiez-vous de votre allégresse, chipotez plutôt le « degré d'autorité » des paroles du pape, etc.
Ces catholiques-là sont révulsés dans leurs opinions (de milieu) par les analyses sociales, économiques, écologiques et politiques du pape François. L'argument du « degré d'autorité » n'est chez eux qu'un prétexte : un détournement d'ecclésiologie auquel personne ne doit se laisser prendre.
Distinguer les divers « degrés d'autorité » des interventions magistérielles est une notion exacte. Mais elle devient perverse (dans son intention) quand on la fait servir à ce à quoi elle ne doit jamais servir : justifier une mauvaise volonté du fidèle envers le Magistère.
Or c'est à cela que l'on assiste de façon récurrente, de la part de certains milieux, depuis plus de quarante ans. Exactement depuis que la doctrine sociale de l'Eglise, se saisissant – comme c'est son rôle – des réalités nouvelles, s'est mise à en parler. C'était un crime impardonnable : parler d'autre chose que de ce dont parlait « le Magistère antérieur », comme disent ces milieux !
Il ne leur vient pas à l'idée que la fonction de la doctrine sociale est de lire les problèmes nouveaux et de leur proposer des solutions nouvelles, à la lumière de l'Evangile – qui lui-même est toujours neuf par (sur)nature.
C'est ce que fait aujourd'hui le pape François. Sa verdeur et sa précision concrète dans l'analyse dérangent les nostalgiques. Elle dérange aussi les puissances d'argent, qui savent manipuler les nostalgiques... Voici donc les semeurs de confusion : ils opposent aux paroles mobilisatrices du pape la théorie des « degrés d'autorité », comme si cette théorie autorisait le fidèle à se boucher les oreilles quand le pape parle d'autre chose que des dogmes de la foi*. Il n'en est évidemment rien : Vatican II et saint Jean-Paul II ont clairement indiqué que la parole du Magistère – dans ses divers degrés et champs d'application – doit être accueillie avec une attention positive, quel que soit le sujet dont elle parle !
Savoir que la définition d'un dogme (chose rarissime) a plus d'autorité qu'une encyclique sociale, ne veut pas dire que les encycliques sociales sont à négliger.
Si le successeur de Pierre prononce à Santa Cruz un grand discours normatif et mobilisateur, ce n'est pas pour que le catho français hausse les épaules et dise : « ce n'est pas "de foi" ».**
On ne répond pas non possumus au pape.
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* Se boucheraient-ils les oreilles si le pape appelait, hypothèse absurde, à la guerre sainte contre les musulmans ? (ce qui ne serait pas non plus "de foi").
** D'autant que le même catho jugera qu'il est "de foi" de nier le réchauffement climatique.
15:34 Publié dans Pape François | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : pape françois
Commentaires
ILS NOIENT LE POISSON
> De fait, la Doctrine sociale de l'Eglise ne contient aucun dogme. Elle n'est pas "de foi". Aucun aspect de la morale catholique n'équivaut à un dogme. Symétriquement, le Symbole de Nicée-Constantinople ne contient pas la moindre injonction morale. Alors, les censeurs du pape François vont-ils, au nom de leurs "degrés d'autorité" et pourvu que le dogme reste intangible, proclamer le relativisme moral? Ce serait assez amusant.
Blague à part, lire le discours d'un pape ne consiste pas à se torturer le cortex au sujet de son "degré d'autorité", mais à savoir reconnaître en ce discours, comme en tout document du Magistère, l'écho actuel de l'Ecriture et de la Tradition. Le reste revient à noyer le Poisson, et le Poisson, pour les chrétiens des premiers siècles, c'est le Christ.
Jean-Marie Salamito
[ PP à JMS - On ne saurait mieux dire. ]
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Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 11/07/2015
ENTHOUSIASMÉ
> Je suis enthousiasmé par ce voyage du pape en Amérique du Sud. Il n'y a pas que la lettre des discours : il y a aussi cette proximité avec les plus pauvres, cet abandon évangélique de toute pompe papale, de toute prétention à prendre position au-dessus. C'est à proprement parler révolutionnaire dans le sens où il en revient à la simplicité du Christ dans sa manière de comprendre le rôle du pape, encore plus que parce qu'il s'en prend à l'oppression néolibérale comme Jean-Paul II s'en était pris à l'oppression soviétique.
Rien d'étonnant donc à ce que ça provoque des réactions terribles, même au sein de l'Église.
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Écrit par : Guadet | 11/07/2015
CE MÉPRIS GALLICAN
> Ce problème français me semble dépasser une certaine sphère sociologique et de certaines opinions.
Envers JPII beaucoup ont été très têtus, seulement comme c'était sur des sujets spirituels, il n'y avait pas de buzz pour s'en faire écho.
Et les responsables n'étaient pas spécialement des classes sup de l'Ouest parisien, c'étaient des idéologues qui rejetaient tout ce qui dans la sainteté de JPII leur semblait s'écarter de la doxa "esprit du Concile"... Vous rappelez-vous par exemple du "rêve de Compostelle : vers la restauration d'une Europe chrétienne" ? Bien des groupes de fidèles n'ont jamais pu entendre parler de la divine miséricorde, de l'actualité du rosaire, des merveilles du Padre Pio ou de la nouvelle évangélisation ; les choses ont changé, mais rappelons-nous.
J'ai entendu dernièrement un prêtre dire que l'orgueil intellectuel était une grande tentation de la France. Sans vouloir minimiser les enjeux sociaux que vous décrivez bien, je crois que cet orgueil compte aussi, et dans notre pays, il se retrouve partout, il transcende les clivages. Le gallicanisme dans son ascendant méprisant a la peau dure contre les successeurs de Pierre.
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Écrit par : perlapin / | 11/07/2015
"DINGUE"
> "Pourquoi faut-il qu'en France (et aux Etats-Unis), des catholiques se bouchent les oreilles ? Certains même sont des prêtres..."
C'est dingue, quand même. De simples fidèles, je peux (presque) comprendre. Mais des prêtres...des prêtres !
Feld
[ PP à F. - Ne vous inquiétez pas de cela, le cas a toujours existé. Cf certains personnages de Bernanos... ]
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Écrit par : Feld / | 11/07/2015
LEURS PIROUETTES
> Effectivement, des "gauchistes catho" (je mets "gauchistes" avant "catho", étant donné qu'ils mettent leurs catholicisme après leurs idées gauchisantes) aux "ultra-libéraux catho" ( idem), la question à soulever est toujours : par quel pirouette alors nous en tirer pour en arriver à légitimer notre désobéissance? L’évangile peut bien attendre !
La palme revenant à mon sens à ces catho lefévristes qui semblent avoir un degré d'expertise incroyable en droit canonique et surtout en chipatouillage et arguties pour légitimer ce qui les insupportent chez tout les autres groupes : la désobéissance !
Gégé
[ PP à G. - Exactement. Ces "antimodernistes" allégués sont en fait les plus atteints par le virus moderne du subjectivisme. Ces "antirelativistes" prétendus mettent sur le même pied (quand ils ne les préfèrent pas carrément) leurs opinions héritées et l'enseignement de l'Eglise vivante. ]
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Écrit par : Gégé / | 12/07/2015
LE TEMPS
> On n'a pas de temps à perdre avec ces cathos-sceptiques. Laissez les morts enterrer leurs morts.
Ripoll
[ PP à R. - Non, cher ami : ils accaparent trop de visibilité internet pour qu'on les laisse enfumer le public et faire croire aux mal-informés que le catholicisme, c'est eux - alors qu'ils pensent le contraire de ce que pense l'Eglise dans des domaines vitaux pour la société. Ils ne se présentent d'ailleurs pas comme des catho-sceptiques, mais comme le catholicisme "réel"... Discutez avec des curés de paroisse, ils vous diront le mal qu'ils ont (depuis deux ans) à rétablir le bon éclairage dans certaines réunions de laïcs. ]
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Écrit par : Ripoll / | 12/07/2015
LIVRE
> Sur les degrés d'autorité du Magistère, lire l'excellent livre de l'abbé Lucien, peu suspect de "progressisme", publié à 'La Nef'.
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Écrit par : JG / | 12/07/2015
VU DES U.S.A.
> Ce texte date de quelques mois mais il va au fond de ce problème vu des Etats-Unis: http://www.patheos.com/blogs/markshea/2015/01/used-to-be-that-the-pope-wrote-teaching-documents.html
J'aime particulièrement l'expression "bouclier humain" pour parler des enfants non nés (et menacés par l'avortement), qui sont utilisés par la droite US pour protéger l'ensemble de son programme contre toute attaque.
Le même auteur anime une émission de radio et il y a quelques semaines, un de ses invités disait à la blague que le pape devait être la seule personne au monde à devoir parler de façon infaillible pour pouvoir être prise au sérieux. Imagine-t-on en effet n'importe quelle autre organisation fonctionner avec ce type de raisonnement? Après tout, aucun dirigeant d'entreprise, directeur d'ONG ou entraineur sportif ne se prétend "infaillible"...
FS
[ PP à FS - L'incompréhension générale de ce que veut dire la notion purement ecclésiologique d'infaillibilité pontificale (qui ne s'applique qu'à la communion en Eglise sur des points de foi) est l'une choses qui ont vraiment nui à l'Eglise catholique aux temps modernes. ]
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Écrit par : François Sarrazin / | 12/07/2015
LA FOI
> La question n'est pas: quel est le degré d(e)'(in)faillibilité des propos du Pape, mais:
est-ce que c'est vrai ? La foi n'est pas là pour nous dispenser d'utiliser notre bon sens et nous mettre à penser par nous-même ! Elle est au contraire le meilleur garant d'une pensée authentiquement libre. Aussi ceux qui (sur)réagissent en automates programmés sont dans une posture intégriste-sectaire ( du libéralisme économique plus que du catholicisme), non dans une attitude chrétienne.
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Écrit par : Anne Josnin / | 12/07/2015
@ Gégé
> En terme de relativisme, la palme revient à certains Américains hostiles à François qui expliquent sur la toile que ce qui est important ce n'est pas ce qui est écrit dans l'encyclique mais comment cela est perçu et ressenti par eux ou par le public. Appelons cela "l'esprit de Laudato Si".
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@PP
Un autre phénomène pour le moins paradoxal, le recyclage (si j'ose dire) de vieilles marottes anticatholiques par les grands défenseurs autoproclamés de la foi. Ainsi cette bonne vieille Affaire Galilée qui reprend du service depuis un mois. On croirait presque que Dan Brown vient d'écrire un nouveau livre...
Écrit par : François Sarrazin / | 13/07/2015
A François Sarrazin,
> Il est probable que vous ayez raison. Je n'ai pas encore bien intégré dans mon champ d'appréciation cette "nouvelle" rebellion ( en tout cas très visible depuis peu) moins policée que les autres.
Je remarque que vous aussi êtes un appréciateur de Mark Shea ( http://www.patheos.com/blogs/markshea/ ).
J'aime bien ses analyses parfois drôles mais le plus souvent profondes et pertinentes.
Sans compter les points de convergences fréquents avec celui de P.P.
Je passe parfois de l'un à l'autre pour y lire des choses très proches, avec toutefois des angles d'approches différents liés aux personnalités et aux cultures différentes de ces deux auteurs.
Intéressant.
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Écrit par : Gégé / | 14/07/2015
PELL
> "Certains même sont des prêtres..." Des prêtres? Apparemment, même le cardinal Pell joue à ce petit jeu...
http://www.cruxnow.com/church/2015/07/17/cardinal-george-pell-takes-a-swing-at-pope-francis-environmental-encyclical/
Je savais que Son Éminence avait des tendances climato-sceptiques, mais j'aurais imaginé que son rôle actuel à Rome le pousserait à une certaine discrétion sur le sujet. Il semble que c'était trop demander...
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Écrit par : François Sarrazin / | 18/07/2015
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