Horror movie : Daech et l'Occident vide

Réflexions en marge de l'attentat dans l'Isère : 

 

 

L'attentat de Saint-Quentin-Fallavier pétrifie les Français. M. Bernard Cazeneuve (zombi au sens habermassien*) nous dit qu'il a trouvé une nouvelle définition conceptuelle pour ce type de terrorisme et que ça doit nous rassurer. Ça ne nous rassure pas... Mais ça nous confirme dans la certitude d'une évidence : la classe politique 2015 est dépassée par le terrorisme, qu'elle est inapte à combattre parce qu'elle n'en comprend pas les causes.

Comment pourrait-elle les comprendre ? Cette classe politique n'est plus politique depuis longtemps. Le politique est l'art de discerner le bien commun d'une société. Depuis les années 1990, la notion de bien commun n'a plus cours : elle est remplacée par la notion de croissance. La « croissance » est un compteur financier aveugle à toute considération politique, sociale, culturelle, etc ; compteur qui en est à incorporer les revenus de la drogue et de la prostitution (sur directive bruxelloise). Tout ce qui est qualitatif lui est étranger. La civilisation était – par nature – un élément qualitatif ; il est entendu depuis trente ans que l'idée de civilisation n'a plus cours, étant remplacée par celle de « valeurs », qui n'a d'autre contenu** que les éléments de langage  du marketing commercial. Notre société « occidentale », devenue société de marché, est la première dans l'histoire à vouloir ne plus être une civilisation.

Dans ces conditions, nul n'a le droit de s'étonner que l'autre marketing, celui de Daech, cartonne dans les banlieues.

Ce marketing joue sur nos tares. Il exploite le vide civilisationnel de l'Occident-hypermarché, désert livré aux démons. Et il déploie une technique de propagande, monstrueuse mais directement empruntée (en tant que technique) aux horror movies hollywoodiens : ce qui était fiction dans le showbiz commercial, devient fascination réelle infestée par la pulsion de mort.

Si « l'Occident » contemporain n'était pas un néant déshumanisant, Daech serait privé de ce levier.

Bien entendu, l'islamisme est inséparable de l'islam et l'on peut faire dire ce qu'on veut au Coran et aux hadith ; mais dire ça ne mène à rien, puisque nous ne pouvons rien y changer. (Seul l'islam peut changer l'islam – et il est en peine de prendre des distances autres qu'obliques par rapport à l'islamisme ; quiconque participe à des rencontres inter-religieuses sait ce qu'il en est).

Ce à quoi nous pourrions changer quelque chose, c'est à notre propre société. Si les ministres n'étaient pas des zombies, si les gouvernements n'étaient pas l'annexe des médias, si l'Education était éducative, si l'Europe était autre chose qu'une plate-forme du libre-échange, si les Français découvraient que la France est autre chose qu'un indice de croissance (en panne), etc... Le jour où nous nous mettrons en face des réalités, comme le pape a voulu nous y mettre avec son encyclique, nous saurons quoi dire au monde – et nous réaliserons dans quelle maladie mentale nous nous sommes enfermés depuis trente ans : une maladie dont les agressions extérieures sont la conséquence. Laissons M. Cazeneuve jouer aux charades  ; le moment vient d'être sérieux.

 

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* Habermas (cf ma note du 25/06) qualifie de "zombies" cette classe politique qui a déserté le politique.

** sauf dans certains contextes : quand le pape emploie le mot "valeurs", il lui donne justement un contenu de civilisation. Mais il est le seul à le faire.