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18/06/2015

Notre joie en lisant l'encyclique 'Laudato Si" (2)

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Citations des analyses (terriblement lucides) du pape François :


Voici un florilège de citations. Elles sont loin d'épuiser tous les sujets abordés ! Mais je les ai choisies parce qu'elles ne seront pas forcément reprises par les médias, et qu'elles disent l'esprit de l'encyclique sur plusieurs sujets brûlants :

 

ANALYSES

 « Il suffit de regarder la réalité avec sincérité pour constater qu’il y a une grande détérioration de notre maison commune. L’espérance nous invite à reconnaître qu’il y a toujours une voie de sortie, que nous pouvons toujours repréciser le cap, que nous pouvons toujours faire quelque chose pour résoudre les problèmes. Cependant, des symptômes d’un point de rupture semblent s’observer, à cause de la rapidité des changements et de la dégradation, qui se manifestent tant dans des catastrophes naturelles régionales que dans des crises sociales ou même financières, étant donné que les problèmes du monde ne peuvent pas être analysés ni s’expliquer de façon isolée. » 

« Les prévisions catastrophistes ne peuvent plus être considérées avec mépris ni ironie. Nous pourrions laisser trop de décombres, de déserts et de saletés aux prochaines générations. Le rythme de consommation, de gaspillage et de détériora­tion de l’environnement a dépassé les possibi­lités de la planète, à tel point que le style de vie actuel, parce qu’il est insoutenable, peut seulement conduire à des catastrophes, comme, de fait, cela arrive déjà périodiquement dans diverses régions. L’atténuation des effets de l’actuel déséquilibre dépend de ce que nous ferons dans l’immédiat, surtout si nous pensons à la responsabilité que ceux qui devront supporter les pires conséquences nous attribueront. »

« Le mouvement écologique mondial a déjà par­couru un long chemin, digne d’appréciation, et il a généré de nombreuses associations citoyennes qui ont aidé à la prise de conscience. Malheureusement, beaucoup d’efforts pour chercher des solutions concrètes à la crise environnementale échouent souvent, non seulement à cause de l’opposition des puissants, mais aussi par manque d’intérêt de la part des autres. Les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, même parmi les croyants, vont de la négation du problème jusqu’à l’indiffé­rence, la résignation facile, ou la confiance aveugle dans les solutions techniques. Il nous faut une nou­velle solidarité universelle. »

« Le climat est un bien commun, de tous et pour tous. Au niveau global, c’est un système com­plexe en relation avec beaucoup de conditions es­sentielles pour la vie humaine. Il existe un consen­sus scientifique très solide qui indique que nous sommes en présence d’un réchauffement préoccupant du système climatique. Au cours des dernières décennies, ce réchauffement a été accompagné de l’élévation constante du niveau de la mer, et il est en outre difficile de ne pas le mettre en relation avec l’augmentation d’événements météorolo­giques extrêmes, indépendamment du fait qu’on ne peut pas attribuer une cause scientifiquement déterminable à chaque phénomène particulier. L’humanité est appelée à prendre conscience de la nécessité de réaliser des changements de style de vie, de production et de consommation, pour combattre ce réchauffement ou, tout au moins, les causes humaines qui le provoquent ou l’accen­tuent. Il y a, certes, d’autres facteurs (comme le vol­canisme, les variations de l’orbite et de l’axe de la terre, le cycle solaire), mais de nombreuses études scientifiques signalent que la plus grande partie du réchauffement global des dernières décennies est due à la grande concentration de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, oxyde de nitrogène et autres) émis surtout à cause de l’activité humaine. En se concentrant dans l’atmosphère, ils empêchent la chaleur des rayons solaires réflé­chis par la terre de se perdre dans l’espace. Cela est renforcé en particulier par le modèle de dévelop­pement reposant sur l’utilisation intensive de com­bustibles fossiles, qui constitue le coeur du système énergétique mondial. Le fait de changer de plus en plus les utilisations du sol, principalement la défo­restation pour l'agriculture, a aussi des impacts. »

« À son tour, le réchauffement a des effets sur le cycle du carbone. Il crée un cercle vicieux qui aggrave encore plus la situation, affectera la dispo­nibilité de ressources indispensables telles que l’eau potable, l’énergie ainsi que la production agricole des zones les plus chaudes, et provoquera l’extinc­tion d’une partie de la biodiversité de la planète. La fonte des glaces polaires et de celles des plaines d’altitude menace d’une libération à haut risque de méthane ; et la décomposition de la matière, de l’émanation de dioxyde de carbone. De même, la disparition de forêts tropicales aggrave la situation, puisqu’elles contribuent à tempérer le changement climatique. La pollution produite par le dioxyde de carbone augmente l’acidité des océans et compro­met la chaîne alimentaire marine. Si la tendance actuelle continuait, ce siècle pourrait être témoin de changements climatiques inédits et d’une des­truction sans précédent des écosystèmes, avec de graves conséquences pour nous tous. L’élévation du niveau de la mer, par exemple, peut créer des situations d’une extrême gravité si on tient compte du fait que le quart de la population mondiale vit au bord de la mer ou très proche, et que la plupart des mégapoles sont situées en zones côtières.

« Le changement climatique est un problème global aux graves répercussions environnemen­tales, sociales, économiques, distributives ainsi que politiques, et constitue l’un des principaux défis actuels pour l’humanité. Les pires conséquences retomberont probablement au cours des pro­chaines décennies sur les pays en développement. Beaucoup de pauvres vivent dans des endroits particulièrement affectés par des phénomènes liés au réchauffement, et leurs moyens de subsistance dépendent fortement des réserves naturelles et des services de l'écosystème... »

«  Malheureusement il y a une indifférence générale face à ces tragédies qui se produisent en ce moment dans diverses par­ties du monde. Le manque de réactions face à ces drames de nos frères et soeurs est un signe de la perte de ce sens de responsabilité à l’égard de nos semblables... Beaucoup de ceux qui détiennent plus de ressources et de pouvoir économique ou politique semblent surtout s’évertuer à masquer les pro­blèmes ou à occulter les symptômes, en essayant seulement de réduire certains impacts négatifs du changement climatique. Mais beaucoup de symp­tômes indiquent que ces effets ne cesseront pas d’empirer si nous maintenons les modèles actuels de production et de consommation. Voilà pourquoi il devient urgent et impérieux de développer des politiques pour que, les prochaines années, l’émission du dioxyde de carbone et d’autres gaz hautement polluants soit réduite de façon dras­tique, par exemple en remplaçant l’utilisation de combustibles fossiles et en accroissant des sources d’énergie renouvelable... » 

« L’épuisement des ressources naturelles. Nous sommes bien conscients de l’impossibilité de maintenir le niveau actuel de consommation des pays les plus développés et des secteurs les plus riches des sociétés, où l’habitude de dépenser et de jeter atteint des niveaux inédits. Déjà les limites maximales d’exploitation de la planète ont été dé­passées, sans que nous ayons résolu le problème de la pauvreté. 

Les ressources de la terre sont aussi objet de déprédation à cause de la conception de l’économie ainsi que de l’activité commerciale et productive fondées sur l’immédiateté. La disparition de forêts et d’autres végétations implique en même temps la disparition d’espèces qui pourraient être à l’ave­nir des ressources extrêmement importantes, non seulement pour l’alimentation, mais aussi pour la guérison de maladies et pour de multiples services. Les diverses espèces contiennent des gènes qui peuvent être des ressources-clefs pour subvenir, à l’avenir, à certaines nécessités humaines ou pour réguler certains problèmes de l’environnement. 

Toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les :uns des autres. 

Beaucoup d’oiseaux et d’insectes qui disparaissent à cause des agro-toxiques créés par la technologie, sont utiles à cette même agriculture et leur disparition devra être substituée par une autre intervention techno­logique qui produira probablement d’autres effets nocifs. 

Les efforts des scientifiques et des tech­niciens, qui essaient d’apporter des solutions aux problèmes créés par l’être humain, sont louables et parfois admirables. Mais en regardant le monde, nous remarquons que ce niveau d’intervention humaine, fréquemment au service des finances et du consumérisme, fait que la terre où nous vivons devient en réalité moins riche et moins belle, tou­jours plus limitée et plus grise, tandis qu’en même temps le développement de la technologie et des offres de consommation continue de progresser sans limite. … 

« Qui a transformé le merveil­leux monde marin en cimetières sous-marins dé­pourvus de vie et de couleurs ? »Ce phénomène est dû en grande partie à la pollution qui atteint la mer, résultat de la déforestation, des monocultures agricoles, des déchets industriels et des méthodes destructives de pêche, spécialement celles qui uti­lisent le cyanure et la dynamite. Il s’aggrave à cause de l’élévation de la température des océans. Tout cela nous aide à réaliser comment n’importe quelle action sur la nature peut avoir des conséquences que nous ne soupçonnons pas à première vue, et que certaines formes d’exploitation de ressources se font au prix d’une dégradation. »

L’être hu­main est aussi une créature de ce monde, qui a le droit de vivre et d’être heureux, et qui de plus a une dignité éminente : nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération les effets de la dégrada­tion de l’environnement, du modèle actuel de dé­veloppement et de la culture du déchet, sur la vie des personnes. 

 À cela s’ajoutent les dynamiques des moyens de communication sociale et du monde digital, qui, en devenant omniprésentes, ne favorisent pas le développement d’une capacité de vivre avec sagesse, de penser en profondeur, d’aimer avec générosité. Les grands sages du passé, dans ce contexte, auraient couru le risque de voir s’éteindre leur sagesse au milieu du bruit de l’information qui devient divertissement... La vraie sagesse, fruit de la réflexion, du dialogue et de la rencontre généreuse entre les personnes, ne s'obtient pas par une pure accumulation de données qui finissent par saturer et obnubiler, comme une espèce de pollution mentale. En même temps, les relations réelles avec les autres tendent à être substituées, avec tous les défis que cela implique, par un type de communication transitant par Internet. Cela permet de sélectionner ou d’éliminer les relations selon notre libre arbitre, et il naît ainsi un nou­veau type d’émotions artificielles, qui ont plus à voir avec des dispositifs et des écrans qu’avec les personnes et la nature. 

 Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l'environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres.

La croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire. Accuser l’augmentation de la population et non le consumérisme extrême et sélectif de certains est une façon de ne pas affron­ter les problèmes. On prétend légitimer ainsi le modèle de distribution actuel où une minorité se croit le droit de consommer dans une proportion qu'il serait impossible de généraliser, parce que la planète ne pourrait même pas contenir les déchets d'une telle consommation. En outre, nous savons qu’on gaspille approximativement un tiers des ali­ments qui sont produits, et que lorsque l’on jette de la nourriture, c’est comme si l’on volait la nour­riture à la table du pauvre. »

 Il y a une vraie “ dette écologique ”, particuliè­rement entre le Nord et le Sud, liée à des déséqui­libres commerciaux, avec des conséquences dans le domaine écologique, et liée aussi à l’utilisation disproportionnée des ressources naturelles, histo­riquement pratiquée par certains pays. Les expor­tations de diverses matières premières pour satis­faire les marchés du Nord industrialisé ont causé des dommages locaux, comme la pollution par le mercure dans l’exploitation de l’or ou par le dioxyde de soufre dans l’exploitation du cuivre. Il faut spécialement tenir compte de l’utilisation de l’espace environnemental de toute la planète, quand il s’agit de stocker les déchets gazeux qui se sont accumu­lés durant deux siècles et ont généré une situation qui affecte actuellement tous les pays du monde. Le réchauffement causé par l'énorme consommation de certains pays riches a des répercussions sur les régions les plus pauvres de la terre, spécialement en Afrique, où l’augmentation de la température jointe à la sécheresse fait des ravages au détriment du ren­dement des cultures. À cela, s’ajoutent les dégâts causés par l’exportation vers les pays en dévelop­pement des déchets solides ainsi que de liquides toxiques, et par l’activité polluante d’entreprises qui s’autorisent dans les pays moins développés ce qu’elles ne peuvent dans les pays qui leur apportent le capital...  Il faut que les pays dévelop­pés contribuent à solder cette dette, en limitant de manière significative la consommation de l’énergie non renouvelable et en apportant des ressources aux pays qui ont le plus de besoins, pour soute­nir des politiques et des programmes de dévelop­pement durable. 

Les pouvoirs économiques continuent de justifier le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du re­venu financier qui tendent à ignorer tout contexte, de même que les effets sur la dignité humaine et sur l’environnement. Voilà pourquoi aujourd'hui  tout ce qui est fragile, comme l'environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue. » 

« Le principe de subordination de la propriété privée à la des­tination universelle des biens et, par conséquent, le droit universel à leur usage, est une ‘‘règle d’or’’ du comportement social, et « le premier principe de tout l’ordre éthico-social ».La tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée, et elle a souligné la fonction sociale de toute forme de propriété. » 

«  On peut dire, par conséquent, qu’à l’origine de beaucoup de difficultés du monde actuel, il y a avant tout la tendance, pas toujours consciente, à faire de la méthodologie et des objectifs de la techno-science un paradigme de compréhension qui conditionne la vie des personnes et le fonc­tionnement de la société. Les effets de l’application de ce moule à toute la réalité, humaine et sociale, se constatent dans la dégradation de l’environnement, mais cela est seulement un signe du réductionnisme qui affecte la vie humaine et la société dans toutes leurs dimensions. Il faut reconnaître que les objets produits par la technique ne sont pas neutres, parce qu’ils créent un cadre qui finit par conditionner les styles de vie, et orientent les possibilités sociales dans la ligne des intérêts de groupes de pouvoir dé­terminés. Certains choix qui paraissent purement instrumentaux sont, en réalité, des choix sur le type de vie sociale que l’on veut développer. »

« Aujourd’hui le paradigme tech­nocratique est devenu tellement dominant qu’il est très difficile de faire abstraction de ses ressources, et il est encore plus difficile de les utiliser sans être dominé par leur logique.C’est devenu une contre-culture de choisir un style de vie avec des objectifs qui peuvent être, au moins en partie, indépendants de la technique, de ses coûts, comme de son pou­voir de globalisation et de massification. De fait, la technique a un penchant pour chercher à tout englober dans sa logique de fer, et l’homme qui possède la technique « sait que, en dernière analyse, ce qui est en jeu dans la technique, ce n’est ni l’uti­lité, ni le bien-être, mais la domination : une domi­nation au sens le plus extrême de ce terme ».Et c’est pourquoi « il cherche à saisir les éléments de la nature comme ceux de l’existence humaine ».88 La capacité de décision, la liberté la plus authentique et l’espace pour une créativité alternative des individus, sont réduits.

L’économie assume tout le développement tech­nologique en fonction du profit, sans prêter atten­tion à d’éventuelles conséquences négatives pour l’être humain. Les finances étouffent l’économie réelle.Les leçons de la crise financière mondiale n’ont pas été retenues, et on prend en compte les leçons de la détérioration de l’environnement avec beaucoup de lenteur. Dans certains cercles on soutient que l’économie actuelle et la technologie résoudront tous les problèmes environnementaux. De même on affirme, en langage peu académique, que les problèmes de la faim et de la misère dans le monde auront une solution simplement grâce à la croissance du marché. Ce n’est pas une question de validité de théories économiques, que peut-être personne aujourd’hui n’ose défendre, mais de leur installation de fait dans le développement de l’éco­nomie. Ceux qui n’affirment pas cela en paroles le soutiennent dans les faits quand une juste dimen­sion de la production, une meilleure répartition des richesses, une sauvegarde responsable de l’envi­ronnement et les droits des générations futures ne semblent pas les préoccuper. Par leurs com­portements, ils indiquent que l’objectif de maxi­miser les bénéfices est suffisant. Mais le marché ne garantit pas en soi le développement humain intégral ni l’inclusion sociale.89 En attendant, nous avons un « surdéveloppement, où consommation et gaspillage vont de pair, ce qui contraste de façon inacceptable avec des situations permanentes de misère déshumanisante » ;90 et les institutions éco­nomiques ainsi que les programmes sociaux qui permettraient aux plus pauvres d’accéder réguliè­rement aux ressources de base ne se mettent pas en place assez rapidement. On n’a pas encore fini de prendre en compte les racines les plus profondes des dérèglements actuels qui sont en rapport avec l’orientation, les fins, le sens et le contexte social de la croissance technologique et économique. 

OGM : « Dans la nature, les processus ont un rythme lent qui n’est pas comparable à la rapidité qu’im­posent les progrès technologiques actuels, même quand ces avancées font suite à un développement scientifique de plusieurs siècles. Même en l’absence de preuves irréfutables du préjudice que pourraient causer les céréales transgéniques aux êtres humains, et même si, dans certaines régions, leur utilisation est à l’origine d’une croissance économique qui a aidé à résoudre des problèmes, il y a des difficultés importantes qui ne doivent pas être relativisées. En de nombreux endroits, suite à l’introduction de ces cultures, on constate une concentration des terres productives entre les mains d’un petit nombre, due à « la dis­parition progressive des petits producteurs, qui, en conséquence de la perte de terres exploitables, se sont vus obligés de se retirer de la production directe ».113 Les plus fragiles deviennent des tra­vailleurs précaires, et beaucoup d’employés ruraux finissent par migrer dans de misérables implan­tations urbaines. L’extension de la surface de ces cultures détruit le réseau complexe des écosys­tèmes, diminue la diversité productive, et com­promet le présent ainsi que l’avenir des écono­mies régionales. Dans plusieurs pays, on perçoit une tendance au développement des oligopoles dans la production de grains et d’autres produits nécessaires à leur culture, et la dépendance s’ag­grave encore avec la production de grains stériles qui finirait par obliger les paysans à en acheter aux entreprises productrices. »

 « Le drame de l’‘‘immédiateté’’ politique, sou­tenue aussi par des populations consuméristes, conduit à la nécessité de produire de la croissance à court terme. » 

« La politique ne doit pas se soumettre à l’économie et celle-ci ne doit pas se soumettre aux diktats ni au paradigme d’efficacité de la techno­cratie. Aujourd’hui, en pensant au bien commun, nous avons impérieusement besoin que la politique et l’économie, en dialogue, se mettent résolument au service de la vie, spécialement de la vie humaine. Sauver les banques à tout prix, en en faisant payer le prix à la population, sans la ferme décision de re­voir et de réformer le système dans son ensemble, réaffirme une emprise absolue des finances qui n’a pas d’avenir et qui pourra seulement générer de nouvelles crises après une longue, coûteuse et ap­parente guérison. La crise financière de 2007-2008 était une occasion pour le développement d’une nouvelle économie plus attentive aux principes éthiques, et pour une nouvelle régulation de l’acti­vité financière spéculative et de la richesse fictive. Mais il n’y a pas eu de réaction qui aurait conduit à repenser les critères obsolètes qui continuent à régir le monde. »

«La protection de l’environnement ne peut pas être assurée uniquement en fonction du calcul financier des coûts et des bénéfices. L’environne­ment fait partie de ces biens que les mécanismes du marché ne sont pas en mesure de défendre ou de promouvoir de façon adéquate ».134 Une fois de plus, il faut éviter une conception magique du mar­ché qui fait penser que les problèmes se résoudront tout seuls par l’accroissement des bénéfices des en­treprises ou des individus. Est-il réaliste d’espérer que celui qui a l’obsession du bénéfice maximum s’attarde à penser aux effets environnementaux qu’il laissera aux prochaines générations ? Dans le schéma du gain il n’y a pas de place pour penser aux rythmes de la nature, à ses périodes de dégra­dation et de régénération, ni à la complexité des écosystèmes qui peuvent être gravement altérés par l’intervention humaine. De plus, quand on parle de biodiversité, on la conçoit au mieux comme une réserve de ressources économiques qui pourrait être exploitée, mais on ne prend pas en compte sé­rieusement, entre autres, la valeur réelle des choses, leur signification pour les personnes et les cultures, les intérêts et les nécessités des pauvres. »

« Le principe de la maximalisation du gain, qui tend à s’isoler de toute autre considération, est une distorsion conceptuelle de l’économie : si la production augmente, il importe peu que cela se fasse au prix des ressources futures ou de la santé de l’environnement ; si l’exploitation d’une forêt fait augmenter la production, personne ne mesure dans ce calcul la perte qu’implique la désertification du territoire, le dommage causé à la biodiversité ou l’augmentation de la pollution. Cela veut dire que les entreprises obtiennent des profits en cal­culant et en payant une part infime des coûts. Seul pourrait être considéré comme éthique un com­portement dans lequel « les coûts économiques et sociaux dérivant de l’usage des ressources natu­relles communes soient établis de façon transpa­rente et soient entièrement supportés par ceux qui en jouissent et non par les autres populations ou par les générations futures ».138 La rationalité ins­trumentale, qui fait seulement une analyse statique de la réalité en fonction des nécessités du moment, est présente aussi bien quand c’est le marché qui assigne les ressources, que lorsqu’un État planifi­cateur le fait. »

 « Étant donné que le marché tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits, les personnes finissent par être sub­mergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles. Le consumérisme obsessif est le reflet sub­jectif du paradigme techno-économique...»

(à suivre tout de suite)