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06/02/2015

Athènes face à la BCE

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Contre le pouvoir financier, que peut un gouvernement élu  ?


 

 

C'était hier soir à Athènes : des milliers de citoyens rassemblés en silence, sur la place Syntagma, pour soutenir leur gouvernement face à la Banque centrale européenne.

Celle-ci venait en effet d'engager l'épreuve de force. Paris, Rome, Londres, etc, peuvent-ils encore négocier quelque chose avec Athènes, si la BCE a dit non d'avance ? Avant-hier, la super-banque présidée par M. Draghi – ancien de chez Goldman-Sachs* – a partiellement coupé les vivres aux banques grecques. Pour ne pas avoir à compenser les capitaux de la bourgeoisie de droite qui fuient à l'étranger depuis la victoire de Syriza ? Non : pour punir Tsipras de l'action qu'il a engagée dès cette victoire ! Un gouvernement politique qui se prend au sérieux et qui voudrait tenir ses promesses, c'est inadmissible ; que ce gouvernement fasse une tournée des capitales européennes pour plaider sa cause, c'est inacceptable. Et pour que ce message soit clair, Draghi a fait son coup de force à la veille du sommet européen des chefs d'Etat et de gouvernement.

Si Tsipras applique réellement son programme en Grèce, s'il continue à rejeter la torture que la « troïka » inflige au peuple grec, la BCE laissera tomber financièrement ce pays : ce qui reviendrait à l'exclure de fait de la zone euro. Exclusion que la BCE n'a pas le droit de réaliser ! Mais ce droit, elle le prend. L'opération Draghi est un véritable putsch.

D'où la colère de Jean-Paul Fitoussi, subitement indigné quoique prof à Sciences-Po : « C'est un paradoxe de voir une institution comme la BCE, qui n'a pas de légitimité démocratique, sommer ainsi un gouvernement élu démocratiquement de rentrer dans le rang. Avec le risque de venir nourrir l'extrémisme de droite** si la gauche radicale ne parvient pas à démontrer qu'elle peut opérer un changement de politique... »

La Grèce ne peut pas rembourser une dette de 320 milliards d'euros (plus de 175 % du PIB). La BCE est pourtant inexorable, quelles que soient les conséquences de cette inexorabilité : et elle prend de court ceux des gouvernements européens qui seraient tentés par un peu d'humanité – ou simplement de calcul raisonnable.

Qui donc prétend que l'UE n'a pas de pouvoir central ? Elle en a un : l'Argent. C'est un roi aveugle. Comme l'écrivait mardi l'économiste jésuite Gaël Giraud : « Le procès "moral" qui est fait aujourd'hui à la Grèce sur le thème "il faut payer ses dettes'', relève en partie de la mauvaise foi : la Grèce n'aurait jamais pu s'endetter dans les proportions que l'on sait sans son entrée dans la zone euro en 2001.  Or, à cette date, Eurostat avait dénoncé les falsifications des comptes publics grecs, réalisées avec la complicité de Goldman-Sachs... Qui, en 2001, a pris au sérieux les avertissements d'Eurostat ? Ni Bruxelles, ni Berlin, ni Paris : tous ont fermé les yeux. »

Bruxelles est un labyrinthe, Paris et Berlin sont irresponsables, et c'est ce qui permet à Francfort de s'emparer du pouvoir. Face à ce Moloch, que peut un gouvernement qui se veut politique (contrairement aux autres) ? Nous n'allons pas tarder à le savoir.

 

► En vertu de la directive européenne 2014-59, la BCE a sous contrôle les banques françaises. Elle peut saisir vos comptes demain.

 

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* On se souvient que Goldman-Sachs avait poussé Athènes à se surendetter. Puis la même banque avait joué contre Athènes sur les marchés. Ceci devrait inspirer un peu de discrétion à M. Draghi ? Mais non ! La Finance ne doute de rien.

** L'extrémisme de droite en Grèce ne peut se comparer qu'à celui de Kiev. C'est ce que disait Ianis Varoufakis (ministre grec de l'Economie) à son homologue allemand Schaüble, hier à Berlin : « la troisième force politique en Grèce n'est pas un parti néo-nazi, mais un parti nazi ! » La monstruosité politique est ce que l'on obtient quand on pousse un peuple au désespoir. Selon une étude de la London School of Economics, les réformes imposées à Athènes par l'UE violent les droits humains fondamentaux : santé, éducation, logement, droit à un salaire décent, liberté d'association et de négociation collective... Mais comment un banquer ultralibéral comprendrait-il ces choses ?

 

Commentaires

DRAGHI ET GOLDMAN SACHS

> La nature des fonctions de Mario Draghi chez Goldman Sachs entre 2002 et 2005 constitue la grande zone d'ombre du parcours professionnel du nouveau président de la Banque centrale européenne (BCE). En particulier, son rôle dans l'affaire du maquillage des comptes de la Grèce reste un mystère.
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/crise-financiere/article/2011/10/31/la-grece-dossier-noir-de-l-ancien-vrp-du-hors-bilan-chez-goldman-sachs_1596412_1581613.html
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Écrit par : jwarren / | 06/02/2015

DANS LE BON SENS

> Ce qui est bon dans tout cela c'est que les citoyens européens - et du moins français - voient toujours un peu plus la vraie nature de cette Europe là. Et ça les dégoûte chaque jour un peu plus... Ca va dans le bon sens. Vous verrez.
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Écrit par : ND / | 06/02/2015

INVECTIVES

> Avez-vous oublié le "pacta sunt servanda" ? Le contrat de Maastricht? Les statuts de la BCE? Quand commencerez- vous de nommer Tsipras ce qu'il est? Un populiste de gauche! Un démagogue! Un hasardeur ! Et vous exigez que l'UE joue son jeu. Excusez-moi, mais vous vous partagez son niveau de (non-) serieux...

EL


[ PP à Etienne Laforet - C'est curieux, cette propension des libéraux à l'invective ! Au fond ils ne supportent pas d'autre état d'esprit que le leur. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Etienne Laforet / | 07/02/2015

PAS D'ACCORD

> En votant pour Tsipras, la Grèce a voté pour l'état dans lequel elle se trouve. Elle choisi cet état; ça n'a rien d'une «punition» - point

Etienne Laforet


[ PP à EL - Méfions-nous des théorèmes qui piétinent l'humain. Je me permets de vous suggérer de consulter les analyses d'économistes qui montrent que le "remède" bruxello-berlinois aggrave le mal... et qu'il n'est pas un remède : lisez par exemple l'économiste catholique Gaël Giraud s.j., dans 'Le Monde' du 3 février, page 13. ]
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Écrit par : Etienne Laforet / | 07/02/2015

TAUX NÉGATIFS

> C'est un peu hors-sujet mais je viens de tomber sur un article qui illustre de manière flagrante à quel point le monde de la finance marche sur la tête : divers titres d'obligations en Europe se retrouvent actuellement avec des taux d'intérêts négatifs !
Ça signifie que certaines entités possèdent tellement d'argent qu'elles ne peuvent pas le garder, mais préfèrent payer pour le placer plutôt que de le dépenser...
Qui a dit « théorie des retombées favorables » ?
http://www.vox.com/2015/2/5/7981461/negative-interest-rates-europe
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Écrit par : Aurélien R / | 07/02/2015

ILS N'ONT PLUS ENVIE

> Rien de bien nouveau. Les institutions européennes n'ont rien de de démocratique. Juste avant le scrutin des européennes de juin, l'Assemblée nationale Française donne plein pouvoir à la commission pour négocier le TAFTA. On voit que notre représentation nationale n'a plus envie de gouverner...
Bravo à Syriza de reprendre le pouvoir en Grèce. Démocratie, un mot qui vient d'Athènes...
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Écrit par : Tassel / | 08/02/2015

@ Tassel

> A titre personnel :

http://www.panneau-facebook.com/lookone.php?file=90041-panneau-facebook.gif
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Écrit par : Feld / | 09/02/2015

@ Feld

> Je suis français, je suis chrétien, mais j'applaudis les Grecs en ce moment.
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Écrit par : Tassel / | 09/02/2015

STEVE KEEN

> Bonjour !
Et merci pour ce blog vivifiant :-)
Peut-être nous ferez-vous bientôt cadeau ici d'une note sur 'L'imposture économique' de Steve Keen, traduit par un élève de Gaël Giraud et préfacé par ce dernier ? S'il pouvait faire tomber de leur chaise quelques éminences grises et conseillers "experts" en économie, l'Europe, la Grèce et nous avec nous en porterions certainement mieux.
Bonne journée !
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Écrit par : ArmL / | 11/02/2015

CAPITULATION

> Il paraissait difficile à beaucoup que la Grèce puisse rester dans l'euro et remédier à son étranglement.
Hélas vrai: elle demeure euroétranglée:
http://www.les-crises.fr/capitulation-la-zone-euro-impose-a-la-grece-le-prix-fort-pour-prolonger-son-aide-de-4-mois/
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Oui, ça va mal finir, car les Grecs vont se sentir roulés dans la farine.

Écrit par : Pierre Huet / | 22/02/2015

"Salauds de pauvres" (dans 'La traversée de Paris')

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/03/20/20002-20150320ARTFIG00251-grece-les-impots-des-pauvres-ont-quadruple.php
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Écrit par : Pierre Huet / | 20/03/2015

Les commentaires sont fermés.