Libye : Paris 2015 est piégé par... Paris 2011

 

Si Sarkozy n'avait pas joué au petit Bush en 2011, le sud libyen ne serait pas devenu la plate-forme opérationnelle du jihadisme :

 

 

En 2011, l'aviation française matraque les forces de Kadhafi (et Kadhafi lui-même). Le régime s'effondre. Le pays aussi. Notre martiale intervention a été menée en transgressant un mandat de l'ONU... et aux frais du contribuable français : 300 millions d'euros* ! Et menée dans quel intérêt ? Mystère. Pas celui de la France, en tout cas, malgré le storytelling de Gérard Longuet dans Le Figaro : « la coopération française avec la Libye est extrêmement prometteuse...C'est un pays qui a besoin de se rééquiper... Les Français sont bien connus et appréciés en Libye... L'économie française sera gagnante... », etc. Bombarder un pays pour s'en faire un marché, c'était une idée à la Dick Chenney. Elle avait peu rendu en Irak. Elle allait rendre encore moins en Libye. En fait d'être « appréciés » par les petits seigneurs de guerre auxquels Sarkozy venait de livrer le pays, les Français se sont retrouvés dans un rôle de chiens d'infidèles interdits de séjour.

Trois mois après que BHL y soit venu faire son show, la Libye s'effondrait dans une guerre civile généralisée. Six mois plus tard, le sud du pays était devenu la plate-forme opérationnelle du jihadisme : s'ensuivit l'affaire du Mali, pour commencer.

Nicolas Sarkozy avait ainsi commis un crime géopolitique absurde, coûteux, et contre-productif du point de vue de la France... qui se retrouve aujourd'hui piégée. En janvier 2015, le Tchad, le Niger et le Mali appellent en effet « la communauté internationale » à  intervenir en Libye pour réparer la situation créée par l'intervention de 2011 (du fait de Paris et Londres devenus l'arrière-ban des Etats-Unis). Aujourd'hui quels membres de la « communauté internationale » pourraient intervenir militairement dans le sud libyen ? Officiellement, les Etats africains mentionnés. En réalité, la France...

Mais elle est piégée. Si elle intervient en Libye, elle réveillera  – dit Hasni Abidi (CERMANN-Genève)  – « les mauvais souvenirs liés aux conséquences de l'intervention de 2011 ». Si elle n'intervient pas, elle exposera ses troupes du Sahel à une mission sans but et sans fin ; pensons à l'échelon opérationnel qui s'installe actuellement dans l'ancien fort de méharistes de Madama, au nord extrême du Niger près de la frontière libyenne.

Et intervenir pour faire  quoi ? Détruire quelques bases jihadistes ? Sans effet. Occuper le sud ? Impossible. Les stratèges en chambre de l'Elysée parlent d'agir au nord, pour favoriser on ne sait quelle  « union nationale à travers les responsables locaux et les tribus »... Mais Patrick Haimzadeh (ex-militaire et ex-diplomate en poste à Tripoli pendant des années) explique à qui veut l'entendre que c'est trop tard parce que la Libye n'existe plus – à supposer qu'elle ait jamais existé en tant que nation ! Dès que la France a abattu Kadhafi, ce territoire est redevenu ce qu'il était sous les Ottomans : deux provinces rivales et une mosaïque de tribus – aujourd'hui compliquée par le jihadisme et lancée dans des guerres pétrolières locales, qu'une intervention extérieure ne ferait pas cesser.

Tout ça était connu des spécialistes de terrain. En 2011, Speedy Ier n'a pas daigné les consulter : il avait d'autres priorités.*

 

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* 100 millions d'euros pour les missiles et 50 millions pour le carburant, plus le coût de la maintenance des avions, hélicoptères et navires : soit 50 % du budget annuel des opérations extérieures. Dépensés dans quel intérêt ?

** Un certain nombre de Français regardent encore ce personnage comme « le Chef » ! Inconscience ? Niaiserie héréditaire de l'homme (et de la femme) de droite ?