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13/11/2014

Réflexions soucieuses sur l'exploit de Rosetta

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C'est le triomphe d'une Agence budgétée il y a trente ans,

avant l'empire du court-termisme des marchés :  


 

 https://www.flickr.com/photos/europeanspaceagency/sets/72157638315605535/

 L'exploit donne le vertige : un voyage de dix ans (6,6 milliards de kilomètres) dans l'espace pour rejoindre la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko* qui passe à 510 millions de kilomètres de la Terre, et y déposer l'engin Philae ! Le tout pour 1,3 milliard d'euros, soit le prix de quatre Airbus A380...

Ce triomphe européen n'est pas celui de l'Europe de Bruxelles : l'Agence spatiale européenne – fruit de la coopération intergouvernementale entre vingt Etats – n'a rien à voir avec les institutions de l'UE.

Ce triomphe n'est surtout pas celui de la société de marché, dominée par la rentabilité immédiate et le court-termisme. Rosetta est née d'une vision à long terme, poétiquement exprimée par l'éditorial du Monde** sous le nom d' « esprit des cathédrales » : Notre-Dame de Paris fut bâtie en un siècle, et le projet Rosetta, qui a pris vingt ans, est le fruit d'une Agence budgétée il y a trente ans, quand il y avait de vrais ministres de la Recherche... Le projet a abouti grâce à trois vertus étrangères aux salles de marchés : la persévérance, le volontarisme politique et l'entreprise collective désintéressée. Rosetta ne produit rien de rentable ; notre technoscience commerciale ne l'aurait pas permise.

L'Europe est-elle encore capable de grandes réussites scientifiques ?  L'exploit de Rosetta est « la queue de comète d'investissements humains et matériels d'un autre temps » : le temps où le politique existait encore. Aujourd'hui les Etats sont en quasi-faillite. Bruxelles, outil de Washington, ne jure que par les financements internationaux. Et la NASA, après avoir tenté de couler le projet Rosetta en s'en retirant, verrait avec plaisir disparaître une concurrente... Ne comptons pas trop sur l'Europe des banques pour défendre l'Europe de l'espace.

 

__________

* Du nom des deux astrophysiciens soviétiques qui découvrirent cette comète en 1969 : Kliment Tchourioumov (université de Kiev) et Svetlana Guerassimenko (institut d'astrophysique de Douchanbé).

** étrangement bien inspiré, pour une fois.

  

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19:10 Publié dans Idées, Sciences | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sciences

Commentaires

SPATIAL

> Au-delà du rêve... Est-ce bon signe ? C'est beau, certes, cela a quelque chose de désintéressé, de vraiment 'scientifique', de non-utilitaire... Mais qu'allons-nous faire dans cette comète ? J'ai eu un peu de chagrin en entendant 'Rosetta' et 'Philae' faire les premiers titres radio, avant la tension à Jérusalem, ou d'autres questions autrement plus urgentes de notre bonne vieille terre...
Je n'ai pas vu 'Interstellar', mais je veux bien des avis de ceux qui l'ont vu. Je suis un peu refroidi a priori par la 'catchphrase' de l'affiche : "L'homme est né sur terre. Il n'est pas condamné à y mourir", qui sent la résignation à laisser la terre pourrir, du moment qu'on en trouvera une autre, car... la technique nous sauvera, pas vrai ? Mais il paraît que le film dépasse cela.
J'avais vraiment aimé 'Gravity', qui aurait pu s'intituler "Retour sur terre", tant c'est une humiliation complète de l'aventure spatiale.
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Écrit par : Alex / | 13/11/2014

À QUAND

> J'abonde dans le sens de mon cher ami "Alex". J'invite chacun à relire l'essai d'Hannah Arendt 'La conquête de l'espace et la dimension de l'homme' publié dans 'La Crise de la culture'. Sa thèse : la conquête de l'espace signe le triomphe de l'espace des scientifiques (anonyme, infini, démesuré pour l'homme, n'ayant même plus 3 dimensions) sur le monde, qui est une notion humaine, et donc humaniste (il n'y a de monde que pour l'homme, à la dimension de l'homme).
Le désir plus ou moins fantasmatique de quitter la Terre est le symbole de l'écrasement du "monde commun", du "monde humaniste", celui auquel chacun accède par ses cinq sens et qui est le fondement de toute discussion (ce qui est accessible à nos sens communs est le fondement du sens commun c'est-à-dire du bon sens), par le "monde scientifique" déclaré plus réel que le précédent (hypothèse métaphysique jamais démontrée), auquel personne n'a accès par ses sens (pas même le scientifique), et dont aucun profane ne peut parler.
Arendt n'hésite pas à souligner le danger moral et politique d'un tel écrasement du monde commun, du "monde à habiter" par l'espace scientifique.
Plusieurs années plus tard, Michel Henry aura le même diagnostic et le qualifiera de "Barbarie".
Mais bien sûr on pourrait citer Anders, Husserl, et d'une certaine manière Heidegger.
Bref, décidément je suis comme Alex : ça me fait peine. A quand des millions donnés aux mathématiciens? à la physique fondamentale? aux spécialistes de l'indo-européen?
et même, soyons fous, aux métaphysiciens?
A quand un investissement vraiment désintéressé et humaniste?
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Écrit par : Maud / | 14/11/2014

BIZARRE

> Bel exploit qu'il faut saluer, mais il y a une curiosité bizarre à y chercher l'origine de la vie comme certains le disent. Même s'il y a des acides aminés, "lettres" de l'alphabet des protéines, ça ne voudra rien dire. Un abécédaire ne fait pas un bon livre.
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Écrit par : Pierre Huet / | 14/11/2014

HOLLANDE ET ROSETTA

> Merci d'avoir souligné tout le fallacieux du petit saut de cabri récupérateur (sous forme de Tweet : "Pour ceux qui se posent la question, à quoi sert l'Europe, Rosetta a donné la réponse !") du très petit gros locataire de l'Élysée.
L'ESA signale bien sur son site officiel (http://www.esa.int) que "les pays membres de l'Union Européenne ne sont pas tous membres de l'ESA et les membres de l'ESA ne sont pas tous membres de l'UE. L'ESA est une organisation entièrement indépendante bien qu'elle maintienne des liens étroits avec l'UE au travers de l'accord cadre ESA/CE [Commission Européenne]. Les deux organisations partagent une stratégie spatiale européenne commune et ont développé ensemble la politique spatiale européenne."
Le Canada participe également via un accord de collaboration.
Cela ne signifie évidemment pas que ce secteur échappe à la politique, au contraire. Le projet de navette Hermès a certes capoté pour des raisons de surcoûts (reconfiguration du cockpit suite à l'explosion de Challenger) mais aussi parce que certains États membres (devinez lesquels) rechignaient à financer une navette juste pour "envoyer un Français dans l'espace"...
Maintenant que le financier tend à prendre le pas sur le politique, il est effectivement à craindre que la politique spatiale européenne ne vire à l'utilitarisme pur.
Il se trouverait alors un autre petit monsieur autosatisfait pour se demander à quoi sert tel projet aussi "inutile" que Rosetta.
En cela, votre commentaire, Alex, me désole un peu. Pour ma part, je suis ravi qu'on parle à longueur d'antenne de telles missions spatiales, quand bien même il nous faut supporter les gargarismes des uns et le petit saut de cabri de l'autre. Justement, qu'on nous lève un peu le nez de nos misérables petits conflits et intérêts sordides qui se tortillent dans la poussière de nos continents surexploités !
Qu'on nous montre l'immensité de l'espace, les splendeurs du système solaire, notre petitesse !
Des conflits israëlo-palestiniens, on en aura encore pour longtemps (hélas !) ; des photos saisissantes de la surface d'une comète, ça n'arrive pas souvent dans une vie d'homme !
Que n'auraient donné certains grands hommes des siècles passés pour voir ce que nous avons vu de l'univers : Jupiter, Saturne, Neptune... toutes ces galaxies et nébuleuses aux formes stupéfiantes !
Quand je contemple tout cela, je rends gloire à "Dieu, qui a donné un tel pouvoir aux hommes". Que ce pouvoir puisse être perverti en un optimisme scientiste irresponsable et anti-écologique, c'est un risque effectif, mais pour l'heure, ne boudons pas notre plaisir.
Sinon et pour conclure, je ne crois pas qu'Alfonso Cuarón ait voulu tourner autre chose qu'un très chouette film-catastrophe ultra-réaliste.
Pas encore vu 'Interstellar'...
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Écrit par : Albert Christophe / | 14/11/2014

SCIENCE

> Qu'allons nous faire sur cette comète? Accomplir notre destin tout simplement.
Dieu nous a doté d'un cerveau, ou plutôt l'évolution voulue par Dieu.
Il est plausible de penser que c'est pour s'en servir.
L'espace est immense, peut-être infini.
Il n'est pas déraisonnable de penser que l'homme soit censé l'explorer.
Avancer dans les découvertes et les progrès techniques ne préjuge en rien un quelconque abandon de notre bonne vieille terre.
Si nous sommes créés à l'image de Dieu, alors faisons Lui honneur en accomplissant des choses de temps en temps un peu moins médiocres.
Cet épisode Philae nous a au moins sorti (pour combien de temps) de nos mornes nouvelles à propos de la turpitude des politiques et d'une économie en panne.
Un scientifique encore passionné.
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Écrit par : JClaude / | 14/11/2014

MOINS CHER QUE L'ÉCOTAXE

> Avec un peu de recul: découvrir à toujours fait partie de le vie humaine, pour ma part, je suis de ceux qui se réjouissent de la réussite, même incomplète des cette exploration extraordinairement difficile.
Son coût est réel mais doit être remis en perspective. Comme l'a rappelé une intervenante à RND, c'est sensiblement moins que....la ridicule histoire de l'Ecotaxe !
Et ce n'est pas parce qu'on n'aurait pas dépensé cet argent qu'il aurait nécessairement été mieux utilisé. N'oublions pas que si le libéralisme a pu prendre le pouvoir comme il l'a fait, c'est en raison de l'immense spectacle de gâchis et de copinage qu'ont étalé certains états le nôtre en particulier, avec des sureffectifs fantastiques, non pas dans des structures opérationnelles (soignants, enseignants, militaires même) mais dans des fromages bien protégés (Ô Bercy!).
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Écrit par : Pierre Huet / | 19/11/2014

SANS RÉFLÉCHIR

> Les Allemands ont une éco-taxe qui fonctionne MAIS ils ont commencé modestement en mettant la barre beaucoup plus haute (quant au tonnage ciblé - et je crois qu'ils commencent tout juste à faire glisser le "curseur"). Les Alsaciens sont furieux : tous les gros camions du couloir rhénan traversent la frontière pour éviter l'éco-taxe allemande.
Les Bretons ont déjà l'exception autoroutière (résilience du traité d'Anne deBretagne ?), ne pouvait-on poursuivre ce principe et éviter d'en mettre en Bretagne (ce cul de sac "bout de monde de la France", comme l'avait accepté de Gaulle) et mettre le curseur au niveau allemand ?
Mais encore une fois Mme Royal a parlé avant de réfléchir, et l'ex laisse faire.
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Écrit par : franz / | 19/11/2014

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