Inacceptable (et réactionnaire) entrave au free-market !

La justice européenne déclare que le nom "Laguiole" appartient à… Laguiole :

 

 

Notre blog a plusieurs fois parlé de cette bataille qui dure depuis six ans, et j'écrivais ceci en mai dernier dans ce qui fut Le Spectacle du Monde :

<< Laguiole (Aveyron), 5 avril – « C'est une catastrophe surnaturelle », dit Vincent Alazard, maire du village aveyronnais de 1300 habitants qui fabrique les couteaux de Laguiole depuis 1829. Il ajoute : « nous sommes désormais en état de rébellion. » Hier, la cour d'appel de Paris a condamné Laguiole à ne plus utiliser le nom de Laguiole, et à verser 100 000 euros (10 % de son budget) au businessman du Val-de-Marne qui a eu l'idée – il y a vingt ans – de faire ce à quoi les Laguiolais n'avaient pas pensé : déposer ce nom célèbre comme label commercial, et le franchiser à l'international. Aujourd'hui sont fabriqués en Asie des dizaines de milliers de couteaux ainsi décrits par La Dépêche : « Impossible à affûter, le manche presque cassé, ce couteau au montage imparfait contraste avec ceux qui ont fait la notoriété du petit village éponyme aux confins de l'Aveyron. Il vient de Chine ou du Pakistan. Sur la lame est inscrit : 'Laguiole garantie'... » Et ça ne se limite pas aux couteaux : le businessman a déposé le nom de Laguiole dans tous les domaines, barbecues, casseroles, linge de maison, briquets, vêtements, lunettes. Patron d'une des coutelleries laguiolaises, Thierry Moysset explose : « C'est quant même fou que les Laguiolais soient condamnés à payer pour un mec qui s'enrichit sur la notoriété de Laguiole et le travail de nos ancêtres ! » « Si un Laguiolais souhaite fabriquer un plateau de fromages portant le nom de Laguiole, il se retrouve en contrefaçon d'un produit chinois », s'indigne le maire. Arnaud Montebourg déclare aux Laguiolais – sans rire – sa solidarité impuissante ; on sait ce que valent les paroles de ce ténor léger. >>

Mais comme dirait M. Alazard, maire et coutelier, le surnaturel veille. Il s'est produit (hier) quelque chose d'inouï : une sorte d'Armageddon dans les lieux célestes ! Ce mardi 21 octobre 2014, la justice européenne a débouté le businessman du Val-de-Marne, en annulant* la marque "Laguiole" qu'il avait déposée en 1993. Il avait obtenu l'enregistrement de cette marque au niveau européen en 2005, ce qui lui avait permis d'inonder (notamment) le marché français – y compris des points de vente proches de la commune de Laguiole – avec des "laguiole" usinés en Chine ou au Pakistan. Le businessman allait jusqu'à poursuivre quiconque utilisait le nom Laguiole pour vendre quoi que ce soit, fût-ce un fromage ; et c'est à lui que le tribunal de grande instance puis la cour d'appel de Paris avaient donné raison – ce qui ne surprendra personne** – en septembre 2012 et avril 2013. Indignés, les gens de Laguiole avaient démonté le panneau portant ce nom à l'entrée du village : protestation par l'absurde contre le règne d'Ubu.

Thierry Moysset, dont la coutellerie à Laguiole représente 110 emplois, souligne que le combat continue puisque le businessman va se pourvoir en cassation européenne ; on sait que la Cour de justice de l'UE ne manque pas d'amis du global.

Mais déjà, constatent les journaux de ce matin, « la décision d'hier pourrait faire jurisprudence et permettre à quantité d'autres productions artisanales en Europe de récupérer des marques liées à des lieux de terroir ».

« Le mouvement prend forme », jugent les journalistes !

Est-il imaginable que l'euro-cassation ne lui casse pas les reins ?  Attendons et voyons.

 

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* Pas entièrement : mais en ce qui concerne déjà la coutellerie et une liste de produits apparentés.

** Les juges (aussi) doivent "chercher la croissance avec les dents". Quant aux sans-dents de l'Aveyron, leur obstination à bloquer-la-croissance les rend suspects.