31/05/2014
" Pour une écologie chrétienne " (éditions du Cerf, 2004) : un livre de Jean Bastaire
Synthèse
(par Serge Lellouche)
de cet ouvrage majeur
et à relire d'urgence,
face à la désinformation
qui s'organise
en mllieu catholique
au contrepied du Magistère :
Puisse cette synthèse susciter l'envie de lire ce livre,
que l'on peut se procurer ici :
http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=6451
2013 : le pape François se fait photographier avec les t-shirts contre le business du gaz de schiste et le gaspillage de l'eau par les multinationales de l'or... Jean-Paul II, Benoît XVI, François : les papes de l'écologie plénière.
L'oeuvre de Jean Bastaire (1927-2013), et en particulier ce petit livre qui en constitue peut-être la meilleure introduction, ravive en notre foi le feu ardent du plein émerveillement cosmique.
Par ses livres, notre regard sur la création se dévoile et se transforme en profondeur, jusqu'à découvrir peu à peu en elle l'unité grandiose d'une immense fraternité.
Bastaire est en effet le prophète de la grande réconciliation eschatologique de toutes les créatures de Dieu, d'autant plus différenciées et ordonnées hiérarchiquement entre elles, que fondamentalement unies par un lien de charité dans le Verbe incarné. Le salut de l'homme et la promesse de sa glorification éternelle ne sont pas séparables de l'accomplissement de sa vocation à rassembler en Christ l'ensemble du monde créé, solidaire dans la souffrance et uni dans cette promesse de résurrection donnée à Tous.
Comment une écologie chrétienne, si elle est véritablement chrétienne, pourrait-elle demeurer aveugle à cette profondeur théologique et à tout ce qu'elle implique pour l'homme dans son rapport à la création?
Si l'on pose la question, c'est que ce sens de l'écologie chrétienne est aujourd'hui détourné par des idéologues (appelons-les par leur nom), qui viennent nous expliquer que «l'écologie chrétienne n'est pas ce que l'on croit», en la réduisant à une «écologie humaine» savamment opposée à une «écologie environnementale» et, pour mieux discréditer cette dernière, en agitant à tout va le gros vilain épouvantail de la «deep ecology» ou de cultes païens à la terre-mère Gaïa... Vieilles ficelles bien connues : selon les semeurs de confusion professionnels. il n'y aurait qu'un tout petit pas du désir de servir les plus faibles créatures à l'anthropophobie,
Ainsi tente-t-on, sous ce mode de la manipulation intellectuelle, de cantonner les catholiques dans le cadre sécurisé d'une écologie « raisonnable », mondaine, et aussi peu subversive que possible.
Ainsi, par-dessus tout, tente-t-on d'étouffer dans les cœurs ce feu de joie et d'espérance que constitue pour les chrétiens une écologie plénière comprise et vécue à la lumière de notre foi, et non à l'aune des intérêts des multinationales de l'agro-alimentaire et du nucléaire.
Vivement l'encyclique sociale de François consacrée à l'écologie ! C'est pour bientôt. Par quelles nouvelles ruses rhétoriques les idéologues tenteront-ils de la taire, ou de lui faire dire ce qu'elle ne dit pas, en la réinterprétant à leur sauce libérale et productiviste? On leur souhaite bon courage... La tâche risque cette fois de s'avérer particulièrement ardue pour eux.
Mais ces diversions idéologiques, qui perpétuent bien sûr (sans le dire) le statu-quo de l'homme prédateur et tout-puissant, s'appuient sur une vieille confusion théologique qu'il est temps de mettre en lumière nous dit Jean Bastaire : « On ne réfutera jamais assez l'interprétation blasphématoire des premiers chapitres de la Genèse qui transforme le commandement d'amour de Dieu en une injonction de tyrannie. Selon toute la tradition judéo-chrétienne, Dieu a délégué à l'homme non pas l'arbitraire d'un pouvoir oppressif, mais les intentions d'une sollicitude paternelle qui s'étend de l'atome à l'étoile, à travers l'arbre et l'animal ». Fiat Lux !
Le monde d'avant le péché est bien celui de la louange à la gloire de Dieu, dans laquelle communient toutes les créatures, qui «s'offrent mutuellement leur chaleur, leur ombrage et leurs produits. Nul ne touche ni aux racines ni aux matrices ». L'aliénation et le meurtre sont étrangers à ce paradis terrestre au sein duquel l'homme est établi, par son Créateur, en jardinier et pasteur de l'univers créé. Il est l'humble aménageur de cette maison commune : « Pour les premiers chapitres de la Genèse, dominer la nature est la même chose que la domestiquer. Ce n'est pas la transformer en usine à poulets (ni en sinistres champs d'OGM standardisés, ajoutera-t-on), mais en maison pour tous ». Par cette image de la maison commune, rappelons au passage, qu'étymologiquement, le «éco» d'«écologie» renvoie au grecque «oïkos», qui signifie précisément la demeure ou maison commune, articulé à «logie» («logos»), renvoyant à la parole et à la science de cette maison commune.
Paul et la dimension cosmique du salut
Mais voilà que la maison se fissure et se cloisonne de part en part. La miraculeuse symphonie universelle est rompue par le péché, par lequel sont introduits la dissonance, la violence et l'esclavage : «Confondre ce monde avec l'univers originellement voulu par Dieu est la suprême ruse du péché. Le tentateur cherche toujours à faire passer ses œuvres pour celles de Dieu, alors que loin de créer il «décrée», loin d'unir et de bâtir il oppose et ruine». Cette confusion diabolique entre la première création et la seconde, née du péché, sera par exemple entretenue par un Teilhard de Chardin et sa thèse d'un «mal de Genèse» et d'une violence bénéfique de toute éternité : l'amour de Dieu répandu sur toute la surface de la terre à coups de bulldozers et de manipulations génétiques du vivant ; cet air de «mal pour un bien» aujourd'hui encore trop connu.
A la lumière de ce que dit la Bible, c'est pourtant pure hérésie ! La louange universelle résonne en de si nombreux psaumes : «Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l'oeuvre de ses mains» dit le psaume 18. «Louez le Seigneur depuis les cieux, louez-le, vous tous ses anges ; louez-le, soleil et lune ; louez-le vous toutes les étoiles brillantes. Louez le Seigneur depuis la terre, montagnes et toutes les collines, arbres fruitiers et tous les cèdres, bêtes sauvages et tout le bétail».
Même oraison cosmique dans le psaume 103 ou dans le cantique des trois enfants dans la fournaise, rapporté par le prophète Daniel. «Allez par le monde entier, proclamez l'Evangile à toutes les créatures» (Marc 16,15) ; parole que Jean Bastaire interprète ainsi : «Annoncer l'Evangile à toutes les créatures, c'est poser sur elles le regard de Jésus, adopter à leur égard le geste, le ton, le comportement de Jésus, éprouver pour elles un respect et une compassion fondées sur cette «dignité d'être» qu'aimaient à leur reconnaître les mystiques du Moyen Age».
C'est avec la réflexion de Paul que la dimension cosmique du salut est définitivement affirmée. Il prêche un Christ cosmique rassemblant en Lui tout l'univers (1 Corinthiens 15, 28) ; il souligne avec force l'universelle souffrance partagée par toutes les créatures, en attente de leur délivrance (Romains 8, 22-23) ; il écrit les deux grands hymnes au Christ cosmique (Ephésiens 1, 9-10 et Colossiens 1, 15-17). On est au plus loin «d'une gnose dualiste qui, chez Marcion ou Manès dans l'Antiquité ou chez les Cathares au Moyen Age, opposait à un Dieu bon, étranger à ce monde, un Dieu mauvais responsable de l'univers créé».
Jean Bastaire nous ouvre ensuite au temps long de la Tradition d'Eglise, à travers laquelle, d'Irénée de Lyon à Paul Claudel en passant par saint François, des plus grands théologiens aux moines, ermites et mystiques, a rayonné, avec plus ou moins de vivacité selon les époques, la lumière du christianisme cosmique, et par laquelle s'est intimement incarnée la fraternité entre toutes les créatures.
Cette histoire constitue le cœur d'un autre magnifique livre de Jean Bastaire, Le chant des créatures, dont on renvoie ci-dessous à la synthèse qui en a déjà été faite, et où y sont décrites les différentes étapes et rebondissements :
1 - http://plunkett.hautetfort.com/archive/2013/08/12/le-chan...
2 - http://plunkett.hautetfort.com/archive/2013/08/12/le-chan...
De Jean de la Croix à Paul Claudel
On citera toutefois ici ces deux passages de saint Jean de la Croix, d'une part en ce qu'ils reflètent si bien l'esprit de ce christianisme cosmique, et d'autre part car ils nous aident grandement, insiste Jean Bastaire, à lever le voile sur cette confusion théologique entre panenthéisme (toutes choses en Dieu) et panthéisme (toutes choses identiques à Dieu). Et Dieu sait que les idéologues cités plus haut se servent de cette confusion autant qu'ils l'alimentent !
S'émerveiller et rendre grâce devant les splendeurs de la nature et jusqu'aux plus petites des créatures, ne revient pas à les confondre avec le Créateur, mais à reconnaître et à accueillir en elles une étincelle du divin dont elles sont signe. Ainsi, dans son Cantique spirituel, Jean de la Croix écoute à travers « la variété de toutes les créatures une musique silencieuse, une harmonie incomparable qui surpasse tous les concerts d'ici-bas »...et dans La vive flamme d'amour, il écrit que « l'âme voit alors avec évidence que toutes les créatures sont distinctes de Dieu, en tant qu'elles sont créées ; mais elle les voit en lui avec leur force, leur provenance et leur vigueur. L'âme comprend si bien que par son être infini Dieu est éminemment toutes ces choses, qu'elle les connaît mieux en lui qu'en ces choses mêmes, (…) elle connaît les créatures par Dieu, et non Dieu par les créatures ».
Mais une épaisse chape de plomb peinte aux couleurs du Progrès et de la Raison, ne va pas tarder à assombrir ce concert de louanges. Le XVIIe siècle est à cet égard un tournant historique et spirituel dont Jean Bastaire nous invite à voir en face les conséquences dévastatrices pour un christianisme simultanément en voie de désincarnation et de décosmicisation, dans l'indifférence voir avec la complicité de tant d'âmes pieuses : «Le rationalisme chrétien nourri de Descartes laissa faire, de même que laissa faire l'idéalisme chrétien, résurgence du manichéisme antique. Tous deux laissèrent se consommer la rupture entre la terre et le ciel, le corps et l'âme, le chair et l'esprit, quand ils n'y contribuèrent pas activement. Le mystère de l'Incarnation connut là un véritable désastre théologique et mystique».
Le cosmos est en voie de réduction à un glacial horizon mathématique et cette nouvelle mentalité est symbolisée par la thèse de l' «animal-machine» de Descartes, relayé par l'oratorien Malebranche qui dénie tout plaisir, toute sensation et toute souffrance à l'animal. Autant d'idées qui séduisent les capitulards jansénistes, creusant « l'abîme entre l'immortalité de l'âme humaine et l'inexistence de toute autre âme », et forçant un peu plus l'opposition entre la nature et la grâce, dans une foi devenue étrangère à la nature. La fracture est consommée avec Pascal, effrayé par le silence éternel des espaces infinis, détournant la foi de la nature, dévolue à la science.
Le mouvement d'autoglorification de l'homme est lancé, et dans son élan, celui de la grande machine de guerre productiviste. Lors des deux siècles suivants, «déisme, agnosticisme et athéisme s'unissent pour ne plus reconnaître sur terre d'autre maître que ce nouveau Prométhée qui croit ne plus avoir de compte à rendre à personne».
Bastaire montre aussi toute la part d'ambivalence de ce tournant de la modernité où l'immense tradition du christianisme cosmique est puissamment attaquée par un humanisme orgueilleux et triomphant, mais où, en retour et dans un sûr instinct théologique, des voix (parfois sublimes) s'élèvent pour la défendre et en raviver la flamme éternelle.
La référence aux animaux et aux végétaux est ainsi omniprésente dans les sermons et traités de François de Sales. De son côté, le capucin Yves de Paris, disciple du poverello, invite à «faire une visite continuelle du monde pour entendre toutes les créatures qui nous crient qu'elles sont les œuvres de Dieu, pour recueillir leurs voix, et y joignant les jubilations de notre cœur, en faire un sacrifice solennel à la souveraine Majesté» (dans Morales chrétiennes). Même émerveillement chez les jésuites Louis Richeome et Jean de Bussières, chez le mystique Jean-Joseph Surin, chez le mystique allemand Angelius Silesius ou chez le fondateur de l'Oratoire en France, Pierre de Bérulle.
Plus tard, l'historien Michelet s'emportera contre la trahison silencieuse de tant de chrétiens et contre l'anthropolâtrie cartésienne et ecclésiastique : « Ainsi, il n'y aurait point de Dieu pour l'animal ; le père tendre de l'homme serait pour ce qui n'est pas homme un cruel tyran. Créer des jouets, mais sensibles, des machines, mais souffrantes, des automates qui ne ressembleraient aux créatures supérieures que par la faculté d'endurer le mal ! Que la terre vous soit pesante, hommes durs qui avez pu avoir cette idée impie » (Le Peuple).
A la fois contre l'indifférence de tant de chrétiens face à la nature et contre le vertige inverse de la tentation panthéiste, le grand théologien Mgr Charles Gay, se situe dans la lignée du christocentrisme de saint Paul : « Voyant toutes choses en son Jésus et son Jésus en toutes choses, sa charité embrasse tout sans exception. Les astres du firmament, et les oiseaux du ciel, et les poissons des eaux, et les animaux de la terre, et les plantes des campagnes, et les fleurs des vallées, deviennent l'objet de son amour, d'un amour surnaturel, céleste, théologal » (De la vie et des vertus chrétiennes, 1874).
Bien d'autres voix viennent aussi de l'Eglise orthodoxe russe, par celles de Dostoïevski ou de Nicolas Berdiaev, qui rappelle fermement la dimension cosmique du salut du monde, par lequel la transfiguration de l'homme est directement liée à celle des animaux, des plantes et des minéraux : « L'homme est le centre suprême de la vie universelle qui, tombée par sa faute, doit à travers lui se relever » (De la destination de l'homme).
En Occident, on pense aussi à Léon Bloy qui médite, dans La Femme pauvre, la profondeur du mystère de la souffrance animale, participatrice de la rédemption de l'homme en vue de la résurrection universelle, et aussi à la puissante interpellation de Paul Claudel : « Le dernier mandat du Verbe fait chair à ses apôtres au jour de son Ascension est d'aller et de prêcher l'Evangile à toutes les créatures, non pas aux hommes seulement, vous entendez ? mais à toutes les créatures, de nommer Dieu devant elles et de leur apprendre ce qu'elles veulent dire...» (Conversations dans le Loir-et-Cher).
De tout son souffle, Jean Bastaire le clame haut : le temps est venu pour les chrétiens de renouer avec leur vocation, celle-là même que signale Claudel à la suite du Christ et des apôtres : annoncer l'Evangile à toutes les créatures.
Les chrétiens ne peuvent plus se cacher derrière l'alibi des dérives new age, pour continuer de se masquer à eux mêmes la profondeur éminemment chrétienne de l'écologie.
Pour mettre à plat le faux alibi qui retarde cette réinscription chrétienne de l'écologie, il suffirait presque de s'en remettre à Chesterton quand il affirmait que la nature n'est pas notre mère, mais bien notre sœur. Presque tout est dit ici, et comme le souligne Bastaire, « voilà qui suffit à désacraliser tous ces cultes de déesses-mères comme Gaïa et autres matrones cosmiques qui reviennent de nos jours sur la scène », et qui constituent « une démarche régressive, un retour à la matrice. Les religions monothéistes ont coupé le cordon ombilical. Réintégrer le sein maternel est une abdication en quête de fusion. Elle se situe aux antipodes d'une libération de l'homme adulte et d'une assomption de toute la création au niveau de la nouvelle terre et des nouveaux cieux...»
Et Jean Bastaire ajoute : « Il est urgent que les chrétiens prennent conscience de l'enjeu autrement que par un exorcisme aveugle de cette peur du paganisme qui les saisit aux tripes, devant la montée des mystiques infantiles ou dégradées du «new age». Mauvaise conseillère, cette réaction de rejet pourrait les faire tomber dans une erreur inverse : ne pas voir le bien-fondé de la révolte de la nature contre la frénétique instrumentalisation de toutes choses que développe notre temps.»
Sera-t-il entendu ? Car cette erreur inverse risque de rendre nombre de chrétiens sourds au cri des créatures « victimes de la démesure prédatrice de l'homme », et aveugles à l'anthropolâtrie qui caractérise notre modernité : « L'unique médiation de l'homme en Christ au bénéfice de toutes les créatures s'est pervertie en une unique médiation de l'homme en Christ au seul profit de l'humanité. »
Car l'enjeu est bien la relation de charité étendue à toute la création, « des anges aux pierres » ! TOUTE la création, comme le disaient avec insistance un Claudel ou un Péguy... Bien plus qu'un simple « respect » de la création, c'est une « déférence bienveillante (doublée) d'une charité active non moins impérative ». L'acclamation, la compassion et la glorification sont les trois étapes d'une spiritualité chrétienne de la création : «Tout est non seulement racheté, guéri, mais également mûri, épanoui, accompli. Le Verbe fait mieux que sauver le monde (…) Cette fin, c'est la gloire. La glorification de l'univers en Christ devrait être l'icône centrale de toute vie chrétienne. Toutes choses sont créées pour être assumées, régénérées, exaltées dans le Verbe et par Lui. Sa fonction trinitaire est, après les avoir formées comme Parole du Père, de les relever de la chute, de les réunir par la force de la Croix et de les récapituler sous son chef pour les offrir au Père dans le souffle de la résurrection (…) Puissent les chrétiens se faire les agents de cette jubilation cosmique à l'intérieur de la Trinité ! »
S. L.
11:58 Publié dans Ecologie, Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : écologie, christianisme
Commentaires
IDEOLOGUE
> Jean Bastaire, la "vulgate marxiste qui tient lieu de culture pour notre temps" dirait-on sur des blogs des idéologues catholibéraux !
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Écrit par : Aurélien Million / | 31/05/2014
BASTAIRE ET CLAUDEL
> Qui élabore le dossier de béatification de Jean Bastaire (et de son épouse) ? Comme lecteur passionné de Claudel, je lui sais gré, notamment, d'avoir remis la fascination claudélienne de l'adultère à sa place, par sa lecture très fine (et orthodoxe !) du "Soulier de satin" (dans "Apologie des noces").
Par ailleurs, qui élabore le dossier de béatification des Maritain ? Je me délecte en ce moment en lisant "Le Paysan de la Garonne" (même si j'ai l'impression de petites naïvetés très 'années soixante' ici et là), après avoir lu la superbe biographie de J.-L. Barré.
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Écrit par : Alex / | 31/05/2014
RATIONALISME
> Le paradoxe, c'est que le rationalisme cartésien était conçu à l’origine comme un moyen de glorifier Dieu, d'exalter sa puissance...
« Tout commence en mystique et finit en politique », écrivait Péguy. Effectivement, le rationalisme de Descartes et de Leibniz a préparé, bien malgré eux, le terrain au matérialisme et à l'athéisme du XVIIIe siècle. Alors même que de pieux jésuites de la fin du XVIIe siècle étaient cartésiens par souci apologétique!
Et bien que Descartes n'ait jamais cautionné la coupure métaphysique entre Dieu et la Création, c'était pourtant une conséquence logique de sa philosophie. Le curé Meslier, par exemple, était un disciple de Descartes.
Mais une telle mutation dans le domaine des représentations, celles de notre rapport au monde, et à Dieu n’aurait pas eu d’incidence réelle sans d’autres facteurs autrement plus décisifs :
- la reformulation libérale de la propriété et de l’appropriation, d’une part ;
- la révolution industrielle dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, d’autre part (celle-ci enfante un type de société en croissance économique exponentielle, et structurellement organisé en fonction du surplus attendu de matières, d’énergies, de richesses).
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Écrit par : Blaise / | 31/05/2014
THÉOLOGIEN DE LA CRÉATION
> Après réflexion, je crois que je saisis mieux le problème : Jean Bastaire est un théologien de la Création, et non pas un penseur de l'écologie – même s'il était personnellement habité de préoccupations écologistes qu'il brûlait de faire partager à ses lecteurs.
La théologie de la création et l'écologie politique ne sont pas du même ordre; elles ont des problématiques différentes.
Ce qui n'empêche pas, bien sûr, qu'il existe des connections entre les deux domaines de recherche.
Bastaire a surtout contribué à un renouvellement de la théologie de la Création; renouvellement qui passe par un retour à la tradition par-delà le rationalisme cartésien et ses avatars contemporains.
Son oeuvre aura été particulièrement précieuse pour que les chrétiens prennent conscience de leur responsabilité vis-à-vis de la Création; mais elle ne se substitue pas au stade pratique de l'écologie politique.
D'ailleurs, bon nombre d'écologistes comme André Gorz, Bernard Charbonneau, Serge Latouche, sont athées ou agnostiques. Ce sont des gens qui ont tiré les conséquences ultimes de l'autonomisation du monde par rapport à Dieu, inaugurée par Descartes. L’ « anthropocentrisme » de la modernité, une fois dégagé d’une conception mécaniste de l’univers, leur convient parfaitement.
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Écrit par : Blaise / | 31/05/2014
ESPOIR
> Toutes mes félicitations pour votre blog et ses articles tous aussi intéressants les uns que les autres. Cette vision des événements nous manque cruellement dans le quotidien des lamentations.
L'espoir fondé sur la spiritualité est d'une autre dimension.
Avec mes remerciements.
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Écrit par : Francart / | 01/06/2014
BERNARD SESBOUÉ
> La mise en garde de Jean Bastaire, nous invitant à ne pas « confondre ce monde avec l'univers originellement voulu par Dieu » fait écho à une réflexion particulièrement éclairante de Bernard Sesboüé :
« Après avoir créé Adam, Dieu plante pour lui un jardin en Eden, avec mission de le cultiver, de le garder et pouvoir se nourrir de tout fruit de l’enclos, à l’exception de l’arbre du bien et du mal.
Ce jardin riche en eaux, en plantes, en oiseaux du ciel et en bêtes des champs, comme en pierres précieuses n’appartient pas à notre espace-temps. Il n’est pas localisable sur notre terre. Il n’y a pas à se demander où, quand et combien de temps cet état de paradis a duré. C’est un passage à la limite des merveilles de la création, une supernature dépourvue des côtés hostiles que nous lui connaissons. C’est un "paradis", c’est-à-dire un monde d’harmonie, de bonheur et de transparence, de communion spontanée, où l’homme pourra rencontrer dans l’amour non seulement la femme, mais encore Dieu, qui s’y promène sur la brise du soir.
Ce paradis terrestre est lui aussi une prophétie, celle du paradis eschatologique. Sa description exprime en image un dessein de Dieu, un dessein qu’il faut situer dès l’origine, même si ce qu’il raconte ne prendra effectivité qu’à la fin des temps.
Selon son dessein, Dieu donne l’homme à lui-même, afin de pouvoir se communiquer à lui. Le véritable paradis qui prendra le nom de cieux nouveaux et de terre nouvelle sera l’achèvement de ce qu’inaugure la création première de l’homme au jardin de l’Eden. » (SESBOUË Bernard, Les récits du salut, Paris, Desclée, 1991, p. 378-379)
Une clé de lecture qui résume de façon lapidaire l’écart entre le dessein originel de Dieu et notre monde de péché, c’est la parole du Christ : « dès l’origine il n’en fut pas ainsi » (Mt 19, 8).
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Écrit par : Blaise / | 01/06/2014
FACE AUX ENFUMEURS
> Merci pour cette synthèse !
Connaître Bastaire risque de m'être bientôt utile :
A l'occasion de la sortie de "Nos Limites - Pour une écologie intégrale" (cosignée avec Axel Rokvam et Marianne Durano), j'aurai l'occasion de débattre le 18 juin avec l'auteur de "L'écologie chrétienne n'est pas ce que vous croyez", qui semble effectivement en avoir une définition assez particulière...
Je m'en vais lire un peu Bastaire...
Gaultier Bès
[ PP à GB :
- Allez-y contre l'enfumeur ! Ce personnage est à l'écologie ce que M. Naudet est à l'économie : un outil de désinformation, sous des dehors bien pieux.
- - Avez-vous remarqué que 'Liberté politique' a modifié le titre de votre livre, pour en faire : "Sans limites..." Etonnant, non ? Mais ça va avec le reste. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Gaultier Bès / | 01/06/2014
ERREUR
> Le "croissez et multipliez " de la bible va en l'encontre de l'écologie
l'homme, maître de la nature, donnée par dieu , également.
AM
[ PP à AM - Eh non, il ne va pas à l'encontre de l'écologie. Parce qu'il ne veut absolument pas dire ce que le postcartésianisme puis la sous-culture médiatique ont mis sous ces mots. Je vous suggère de lire notre synthèse du livre de Jean Bastaire. De lire aussi la Bible, au moins un peu, si vous tenez vraiment à en parler... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Axle Munshine / | 02/06/2014
DÉBAT
> Cher Gaultier, j'ai effectivement vu sur LP (que je ne fréquente pourtant plus du tout) le programme de ce "débat".
Tu as tout mon soutien.
J'espère que nos amis parisiens viendront nombreux te soutenir, et plus qu'en pensée !
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Écrit par : PMalo / | 02/06/2014
LIEN
> Ben alors Patrice, vous croyez plus en l'homme? Tenez, sur le "croissez et multipliez", plein plein plein plein plein de bonnes nouvelles ci-dessous dans ce lien. Rions enfants de la patrie !
https://www.youtube.com/watch?v=qCsxj-uaNOs#t=205
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Écrit par : Serge Lellouche / | 02/06/2014
ET LES PÉRIPHÉRIES
> Que d'énergie perdue à ferrailler entre gens bien, à tenter de convaincre des athées pieux qui ne changerons pas après 70 ans au service d'un modèle qui leur a donné position, argent et reconnaissance. Pendant ce temps les périphéries??? Elles attendent !
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Écrit par : Pierre / | 03/06/2014
EN PÈLERINAGE
> Eh bien le week-end dernier nous avons "pratiqué l'écologie chrétienne" puisque nous avons prié, en pèlerinage entre les champs de blé, à côté de vignes ou à l'ombre des peupliers.
Un oiseau chantait (avec nous), on y voyait une leçon : il chante comme Dieu l'a créé, il se sert de ses talents. Et nous ?
Un vieux saule tout tordu au tronc creux mais qui a des pousses ? encore une leçon : Dieu fait jaillir la vie de ce qui parait mort, foutu.
Les gamins du pélé qui galopent tout le long du chemin sans fatigue ? encre une leçon : nous ne sommes pas en sucre, on peut nous demander plus qu'on ne le pense.
Des pèlerins qui ne se connaissaient pas, qui viennent d'horizons sociaux et ecclésiaux très divers et qui marchent, prient, rigolent ensemble, se confessent, s'entraident. Beaucoup d'entraide, de fraternité simple et de prière confiante les uns pour les autres.
Un signe : ils veulent tous revenir.
Venez vous aussi puisque c'est aussi pour vous qu'on a prié.
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Écrit par : E Levavasseur / | 03/06/2014
à PP et Gaultier
> Ces derniers temps, on est déjà abreuvé de l'illogique appellation "Felipe" (en espagnol) de Bourbon (en français) mais "Nos limites" qui devient "no limit/sans limites", quelle blague !
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Écrit par : E Levavasseur / | 03/06/2014
@ Pierre
> Je ne suis pas entièrement d'accord. Il y a les irréductibles qui ne donnent aucun signe tangible de changement, et il y a tous ceux qui, biberonnés au discours des irréductibles en question, sont sensibles aux voix différentes qui se lèvent. À défaut de convaincre ceux qui ne veulent pas être convaincus, nous avons aussi le devoir d'aller parler à leur auditoire pour leur proposer autre chose que le discours écolo-sceptique. Et, je le dis d'expérience, ce n'est pas prêcher dans le désert.
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Écrit par : Mahaut H. / | 03/06/2014
@ Eric Levavasseur.
> Ce pèlerinage qui croisait le chemin de Jeanne D'Arc était très attachant dans sa simplicité.
Mais, distrait par le monde ambiant, j'ai regardé ces vignes de plaine auxquelles je ne suis pas habitué, et j'ai été effaré par la taille de certaines parcelles. Nous en avons longé une d'au moins 1/2 km! cela traduit un degré de mécanisation très élevé. Et la mécanisation c'est moins de travail et remplacement du travail de vigneron par du travail de construction de matériel et de la consommation d'énergie.
Profitons des arbres creux de la vallée de la Vienne pendant qu'il y en a: si le succès de ces AOC continue il n'y aura plus que de la grande culture viticole ponctuée de villes à touristes comme l'est devenue Chinon !
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Écrit par : Pierre Huet / | 03/06/2014
à Pierre Huet :
> En effet ! Pour vivre dans le Minervois, terre viticole s'il en est, je peux vous assurer que la viticulture moderne conventionnelle est une chose terrible pour le sol, les plantes, l'être humain et tout l'environnement autour.
Certaines opérations délicates se font encore à la main (mais que fait le Progrès ???), et c'est un vrai calvaire de travailler, pied par pied, parfois à genoux, dans des parcelles de plusieurs hectares dont on ne voit pas le bout...
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Écrit par : PMalo / | 04/06/2014
PIERRE-MALO
> L'ami PMalo étant connu de tous les lecteurs de ce blog, je me permets de les inviter à acheter le tout dernier numéro de 'La Décroissance' où, dans la rubrique 'simplicité volontaire', il donne un long et passionnant témoignage de sa conversion vers une écologie chrétienne vécue et incarnée, la tête dans les étoiles et les pieds dans le vignoble du Minervois.
Et hop! Un ingénieur aéronautique de moins !
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Écrit par : Serge Lellouche / | 04/06/2014
@ P Huet
> vous n'auriez pas une corde ?
après avoir lu votre commentaire, j'ai envie de me pendre.
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Écrit par : E Levavasseur / | 04/06/2014
VIGNOBLES
> A propos de vignoble:
http://www.bastamag.net/23-enfants-intoxiques-par-des
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Écrit par : Pierre Huet / | 05/06/2014
LES PUE-LA-MORT
> Tant qu'on est dans les vignes... eh bien j'en reviens, après à peine 1h30 de travail...
Je me suis vu contraint d'arrêter, cerné que j'étais par des scaphandriers orange chevauchant de fières montures (de 70 chevaux) traitant à tours de bras -si je puis dire...- par jour de grand vent.
Ça pue la mort !!!
Petite précision : la vigne, ce n'est pas toujours par plaisir, et je n'en ferai jamais mon métier ! C'est juste pour gagner 3 sous de temps en temps...
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Écrit par : PMalo / | 05/06/2014
VINS BIO CHEZ LE PRODUCTEUR
> Quelques frémissements d'espérance, c'est apparemment dans la viticulture que le taux de conversion vers le bio est le plus important.
Il n'y pas photo, c'est également parmi les viticulteurs (et la population environnante...) que les taux de cancer sont les plus élevés parmi les agriculteurs (sans surprise, la viticulture est le secteur qui utilise aussi les plus grandes quantités d'intrants chimiques).
Le moins que nous puissions faire est de ne plus acheter que du vin bio, et encore mieux, directement chez le producteur, et si possible des petits producteurs, et non des "négriers" qui emploient massivement une main-d’œuvre non déclarée et payée au lance-pierre, en augmentant d'autant leurs marges déjà très confortables.
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Écrit par : j. warren / | 06/06/2014
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