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21/03/2014

Les évêques européens et les élections de juin

Réflexions en marge de la Déclaration de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne en vue des élections européennes :


Après un préambule rappelant les positions de principe de la Comece, cette déclaration présente deux séries de recommandations :

 

<< Quelques considérations d’ordre général :

1. Voter est un droit et un devoir pour chaque citoyen de l’UE. Plusieurs millions de jeunes citoyens voteront pour la première fois. Parmi eux, certains sont encore en formation, d’autres sont déjà sur le marché du travail, et beaucoup, hélas, sont sans emploi. Nous encourageons nos jeunes à faire entendre leur voix en s’impliquant dans le débat politique et surtout en votant.

2. Il est important que les candidats et les députés qui se représentent pour un mandat au Parlement européen soient
conscients des dommages collatéraux causés par la crise économique et bancaire qui a débuté en 2008. Le pape François a attiré l’attention de l’opinion publique sur la détresse de ceux qui étaient déjà pauvres et vulnérables - les jeunes et les handicapés - sans oublier ceux qui ont été jetés dans la pauvreté par la crise actuelle. Le nombre de « nouveaux pauvres » est en train de croître de manière alarmante.

3. Le message chrétien est un message d’espoir. Nous croyons que le projet européen est inspiré par une vision noble de l’homme. Chaque citoyen, chaque communauté et même chaque Etat-nation doit être capable de mettre de côté ses intérêts particuliers en vue de la poursuite du
Bien commun. L’exhortation apostolique Ecclesia in Europa publiée par le pape Jean Paul II en 2003 était un message d’espoir et c’est avec la même foi solide dans un avenir meilleur que l’Eglise aborde les défis européens actuels.

4. La tempérance est l’une des vertus naturelles au cœur de la spiritualité chrétienne. Une culture de
retenue doit guider l’économie sociale de marché et les politiques de l’environnement. Nous devons apprendre à vivre avec moins et, par là même, veiller à ce que les personnes qui vivent dans la vraie pauvreté obtiennent une meilleure part.

 

Nous aimerions également attirer l’attention de nos concitoyens sur certains domaines spécifiques des politiques de l’UE :

1. Il faut veiller à ce que les démarches de plus en plus nombreuses visant à l’unité au sein de l’UE ne sacrifient pas l
e principe de subsidiarité, qui est le pilier de cette famille d’Etats nations unique au monde que représente l’UE ; ni ne compromettent les traditions bien établies qui prévalent dans tant d’Etats membres.

2. Un autre pilier de l’Union européenne, qui est également un principe de la doctrine sociale de l’Eglise, est celui de
la solidarité. Ce principe devrait guider les politiques menées à tous les niveaux de l’UE, entre nations, régions et groupes de population. Il nous faut construire un monde nouveau, qui soit centré sur la solidarité.

3. Il est fondamental de rappeler qu’à la base de toute politique sociale et économique se trouve une vision de l’homme enracinée dans un profond respect de la dignité humaine.
La vie humaine doit être protégée de la conception à la mort naturelle. La famille, qui est la composante de base de la société, doit bénéficier de la même protection.

4. L’Europe est un continent en mouvement et la migration – qu’elle soit interne ou venant de l’extérieur de l’Europe – a un impact sur la vie des personnes et de la société. L’UE a une frontière extérieure commune. La
responsabilité de l’accueil et de l’intégration des migrants et demandeurs d’asile doit être partagée proportionnellement entre les États membres. Il est crucial de traiter avec humanité les migrants à leur arrivée et que leurs droits humains soient scrupuleusement respectés, et que par conséquent, tous, y compris les Eglises, s’efforcent de garantir une intégration réussie dans les sociétés d’accueil sur le territoire de l’Union.

5. Nous sommes les
gardiens de la création et nous devons accroître notre détermination à respecter et atteindre les objectifs d’émissions de CO2, à promouvoir une conception globale des changements climatiques, à adopter une approche plus écologique et nous devons exiger que la durabilité devienne un élément fondamental de toute politique de croissance ou de développement.

6. La liberté religieuse est un élément fondamental d’une société tolérante et ouverte. Cette liberté comprend
la liberté de manifester sa foi en public. Nous nous réjouissons de l’adoption de lignes directrices de l'Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction et nous espérons que le Parlement européen qui sortira des urnes intensifiera ses efforts en la matière.

7. Nous soutenons toutes les mesures qui peuvent être prises pour protéger un jour de repos commun hebdomadaire, qui est
le dimanche.

8. Dans les cinq prochaines années, le
changement démographique aura un impact encore plus profond sur l’UE. Nous plaidons en faveur de nos concitoyens âgés, afin qu’ils aient accès au niveau et à la qualité de soins auxquels ils ont droit, et nous plaidons aussi pour la mise en place de politiques qui créent de nouvelles opportunités pour la jeune génération.

L’Union européenne est à un tournant. La crise économique déclenchée par la faillite bancaire de 2008, a tendu les relations entre les Etats membres. Elle a mis à rude épreuve le principe fondateur de
solidarité au sein de l’Union. Elle a aussi entrainé dans son sillage une vague de pauvreté qui a frappé un grand nombre de nos concitoyens et a brisé les espoirs de beaucoup de jeunes.

Nous, les évêques catholiques, plaidons pour que
le projet européen ne soit pas mis en danger ni abandonné sous la pression des contraintes actuelles. Il est impératif que nous tous – hommes et femmes politiques, candidats, parties prenantes – nous contribuions à forger de façon constructive le futur de l’Europe. Nous avons trop à perdre si le projet européen venait à se disloquer.

Enfin, il est essentiel que nous tous, qui sommes des citoyens européens, nous nous rendions aux urnes le 22-25 mai prochains. Nous, les évêques, nous vous enjoignons à voter suivant votre conscience préalablement bien formée.
>>



Que les évêques de la Comece nous permettent quelques réflexions :

> Dans les ''considérations d'ordre général'', saluons les allusions à la ''retenue'' qui devrait inspirer ''l'économie sociale de marché et les politiques de l'environnement'', eu égard aux ''dommages collatéraux causés par la crise économique et bancaire''. Mais ces formules soulèvent des questions : 1. Les ''dommages'' humains de la crise ne sont-ils pas principaux (plutôt que ''collatéraux''), l'homme étant le rebut du système néolibéral comme le souligne le pape François ? – 2. Le ''marché'' ne fonctionne-t-il pas désormais en ennemi de l'économie ''sociale'' ? – 3. Le marché étant incapable de ''retenue'' par lui-même, ne faudrait-il pas inciter le politique à la lui imposer (comme Benoît XVI et François le demandent) ? – 4. La formule ''apprendre à vive avec moins'' suffit-elle à définir le cap ? ne faudrait-il pas dire plutôt : ''changer de modèle économique'', et ''moins de biens, plus de liens'' ? 5. Que chaque Etat doive ''mettre de côté ses intérêts particuliers'' au nom du ''bien commun'' est une idée noble, quoique les pauvres dépendent du soutien social de ''chaque Etat'' : soutien que Bruxelles combat sourdement en combattant les ''intérêts particuliers'' budgétaires des Etats, et en faisant pression contre les aides sociales... D'autre part, les organes de l'UE sont-ils réellement au service du bien commun ? Un regard lucide sur ce qui se passe autour de la Commission permet d'en douter. Le bien commun ne peut être servi que dans l'indépendance envers les intérêts particuliers... qui sont de moins en moins ceux des Etats, et de plus en plus ceux des multinationales.

> Dans les considérations spécifiques, saluons la mention du ''principe de subsidiarité'', appliqué avec réalisme puisque la Comece semble mettre en garde contre des empiètements de Bruxelles. Saluons la mention du respect de la vie humaine ''de la conception à la mort naturelle'', et de la protection de ''la famille'', ainsi que du repos dominical : principes étrangers à l'idéologie dominante... Saluons l'appel à un partage des responsabilités envers les migrants (cf. le discours du pape à Lampedusa), et l'appel à une ''intégration réussie'' ! Mais pour qu'il y ait intégration, il faudrait que la société d'accueil en ait la volonté culturelle : est-ce encore le cas ? Saluons enfin l'allusion à la crise environnementale (y compris le changement climatique), et l'allusion à la liberté de manifester sa foi en public : si les évêques en parlent, c'est que cette liberté est plus ou moins menacée.

La déclaration de la Comece s'achève sur un éloge du ''projet européen''. Quel est ce projet, en 2014 ? L'UE veut sombrer dans le libre-échange transatlantique : n'était-ce pas le plan (américain) de Jean Monnet dès 1947 ?

Bien entendu, ces questions ne seraient pas à leur place dans un document de la Comece. Mais nous serions heureux si la Comece  laissait comprendre – par ailleurs – qu'elle se les pose... Nous nous permettons de lui soumettre ce voeu, en assurant chaque évêque de notre respect et de notre affection.

 

Commentaires

INTÉGRATION

> A propos de la "volonté culturelle" nécessaire à l'intégration des migrants : je me demande si une société est apte à accueillir des étrangers si elle est en permanence occupée (ou incitée) à renier les traditions qui la fondent. Or les étrangers viennent et il n'est pas permis de les rejeter ! Il est donc nécessaire, afin de pouvoir les accueillir et les intégrer, de provoquer leur admiration. Une "société" (ou ce qui en reste) où se mêlent la haine de soi, l'égoïsme et l'appât du gain ne saurait que provoquer leur mépris - et comment, en se mettant à leur place, ne pas les comprendre ?
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Écrit par : Sven Laval / | 21/03/2014

SUBSIDIARITÉ

> Parler du principe de subsidiarité fait rire (jaune, bien sur). L'attribution de compétences à des échelons locaux ou subalterne est une coquille vide dès lors que celles-c-ci sont corsetées par des dizaines de milliers de pages de directives et règlements qui s'imposent aux états membres. Ainsi, les deux tiers des lois votées en France sont la transcription dans notre droit des directives de Bruxelles.

Cela soulève une question qui doit être posée de façon moins déférente affectueuse que votre commentaire: quel contact avec le réel ont les membres de cette COMECE ?
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Écrit par : Pierre Huet / | 22/03/2014

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