30/12/2013
Oncle Albert et ses amis trouvent le pape ''trop populaire''
''Bravo François !'', disent 86 % des Français.
''86 % ? Je trouve ça inquiétant '', dit l'oncle Albert :
C'est le sondage BVA du Parisien. Publié ce week-end, il fait du bruit : 86 % des Français interrogés trouvent François ''proche des gens'', 85 % le jugent '' simple'', 82 % ''généreux'', 81 % ''courageux'', 77 % '' convaincant'', et 58 % le déclarent ''visionnaire'' (hommage à ses positions économiques et sociales). François est plébiscité non seulement par la quasi-totalité des catholiques, mais par les croyants d'autres religions et les athées ; par la gauche et la droite ; et par les trois quarts des jeunes...
L'oncle Albert fait partie des catholiques. Mais il ne réagit pas comme la plupart d'entre eux : François l'inquiète, il le trouve ''trop populaire''. On sent qu'il n'ose pas dire : ''démagogue''... L'oncle Albert ne se console pas du départ de Benoît XVI ; on n'ose pas lui rappeler qu'à l'époque de l'encyclique Caritas in Veritate, il était plutôt de l'avis des libéraux indignés par le ''social-mondialisme'' du pape Ratzinger. L'oncle Albert a traversé le pontificat de Benoît XVI comme il avait traversé celui de Jean-Paul II : en slalomant pour esquiver les positions sociales, économiques et écologiques de ces deux papes. Dans son esprit conservateur, Benoît XVI est désormais transformé en allégorie du Moralisme et du Conservatisme ; ce dont le grand intellectuel mystique est pourtant très loin.
Le gag, c'est que l'oncle Albert se trouve ainsi d'accord avec les médias qu'il abomine (il les appelle ''la grosse presse''). Eux aussi croient que Benoît XVI ne s'intéressait qu'au passé et à la morale. Eux aussi voulaient ignorer ses positions sociales, économiques et écologiques – comme ils avaient voulu ignorer celles de Jean-Paul II... Ce qui permet au Parisien de commenter le sondage BVA en affirmant que la popularité de François vient du fait que ce pape, contrairement à ses prédécesseurs, serait ''proche des vraies préoccupations des gens''.
Quelles sont les ''vraies préoccupations'' des gens aux yeux du Parisien ? Le social et l'économique : mais dans ce domaine Benoît et Jean-Paul n'étaient pas moins subversifs que François... La compréhension humaine : mais la fameuse phrase de François sur les personnes homosexuelles n'a fait que réexprimer ce qu'en dit le catéchisme... La paix entre les religions : mais souvenons-nous de Benoît XVI priant dans la Mosquée bleue aux côtés du mufti d'Istanbul et de l'imam Hatipoglou... Etc : tout ce que l'oncle Albert a voulu ignorer de 2007 à 2013, préférant croire – contre les faits – que Joseph Ratzinger était ''le pape des libéraux conservateurs'', partisans à la fois des salles de marché et du choc des civilisations.
L'oncle Albert, qui ferait mieux de lire les encycliques, doit lire la grosse presse en cachette. Elle déforme tout. C'est pour elle une sorte d'obligation technique. Quand elle proclame que François est ''plus proche des gens'' que ses prédécesseurs, elle applique la norme d'interprétation des événements par les médias de masse... Cette norme est double : 1. pour qu'un fait devienne de ''l'actu'', il faut qu'il puisse être présenté comme ''nouveau'' ; 2. pour qu'un personnage soit présenté comme un héros positif, il faut pouvoir dire qu'il est ''proche des gens'' – comme le sont (paraît-il) les médias. Exemple : le pape François est ''proche des gens''. Et c'est forcément ''nouveau'', puisque ce pape est nouveau. Donc les papes ''anciens'' (Benoît, Jean-Paul) n'étaient pas ''proches des gens'', puisqu'ils étaient anciens [1] ! CQFD : Le Parisien tient son édito, et l'oncle Albert une bonne raison de se méfier du nouveau pape.
Cela dit, il est vrai que François pense et fait du nouveau. De même que Vatican II a pensé et fait du nouveau...
Non seulement le nouveau n'est pas interdit dans le catholicisme, mais il fait partie de l'oeuvre du Saint-Esprit qui est une création permanente, une innovation dynamique, produite par le contact entre l'Evangile et les réalités toujours nouvelles de l'histoire.
Il y a continuité sur l'essentiel, bien entendu. Mais il y a nécessairement des corrections de trajectoire, dans la pensée de l'Eglise comme dans sa discipline.
Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et François sont en continuité sur l'essentiel : mais il a fallu que Jean-Paul II corrige la trajectoire qui avait été faussée par la déviance progressiste (sous Paul VI, qui avait ressenti une grande douleur de cette déviance). De même François corrige la trajectoire, qui a été faussée – notamment en France et aux Etats-Unis – par une déviance obsessionnelle vers le moralisme au détriment de l'évangélisation : déviance introduite par un lobby sous Benoît XVI, alors que celui-ci ne l'encourageait nullement.
L'oncle Albert et son cercle d'amis n'aiment pas cette nouvelle correction de trajectoire ? Aidons-les à comprendre qu'elle est non seulement opportune, mais juste, équitable et salutaire. Et qu'il ne serait pas très catholique de se méfier du pape...
___________
[1] Ce faisant, les médias oublient ce qu'ils écrivaient de Benoît XVI après chaque JMJ : que c'était étonnant de voir comment cet homme ''réputé froid et conservateur'' se révélait proche des jeunes, etc... Machine amnésique, les médias ont effacé les JMJ, le succès populaire de Benoît XVI à Londres, le discours au Bundestag, l'action auprès du sommet climatique de Copenhague, et tout ce qui contredisait la fausse image d'un pape coupé du monde actuel.
12:05 Publié dans Cathophilie, Idées, Pape François | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : pape françois, catholiques
Commentaires
POPULARITE DURABLE OU EPHEMERE ?
> Certes, mais la popularité ne durera sans doute pas...
C'est la même foule qui acclamait le Christ avec des rameaux lors de son entrée à Jérusalem et qui criait à mort quelques jours plus tard !
MG
[ PP à MG :
- Bien sûr. Mais il faut distinguer deux questions :
a) le succès massif initial (mais tout de même durable jusqu'à présent) de François auprès des foules non-croyantes ;
b) l'adhésion des catholiques au nouvel élan d'évangélisation et aux changements de structures et d'esprit qu'il suppose.
Nous ne pouvons rien sur le "a", mais le "b" fait partie de nos responsabilités.
D'où cette note. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Michel de Guibert / | 30/12/2013
LES DIVERS PROFILS DE L'ONCLE ALBERT
> "L'oncle Albert" n'est d'ailleurs pas toujours de confession catholique.
B.
[ PP à B. - Nous avons deux mots à lui dire s'il est catholique... S'il ne l'est pas, nous sommes moins responsables de lui ! ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 30/12/2013
CHEZ MEYER
> Un mot du P. Henri Madelin à propos de François à l'émission "L'Esprit Public" : « C'est pauvre ce qu'il nous dit en économie ». Pas d'explications plus développées sur ce qu'il entend par là.
Dans cette même émission Philippe Meyer – qui est catholique – renchérit : l'Eglise doit opérer « de grands changements – même dans sa doctrine économique. »
Tout cela pour illustrer le fait que le pape rencontre de fortes résistances au-delà du petit monde du conservatisme libéral cher à l'« oncle Albert ». Les « progressistes » sont également de la partie, puisque les uns et les autres partagent une foi commune dans les vertus du libéralisme et de la mondialisation.
B.
[ PP à B. : J'ai entendu le P. Madelin, et constaté ainsi que le "complexe antiromain" dénoncé naguère par Maritain persiste ici et là. Car prétendre que l'exhortation apostolique manque de punch économique, c'est de la malveillance volontaire ! (Je n'ose pas imaginer l'autre hypothèse : le RP n'avait simplement pas lu l'exhortation apostolique...) En tout cas ce coopérateur de Mme Pigozzi - la grande ecclésiologue people de Paris-Match - a dit en gros
la même chose que JY Naudet, ce qui déçoit de sa part.
Je n'ai pas discerné à quoi tendait au juste la réflexion de Philippe Meyer. S'il est aussi libéral aujourd'hui qu'il l'était il y a quinze ans, sa phrase peut vouloir dire que l'Eglise doit renoncer à la DSE et encenser la théorie ultralibérale, comme le voulaient Madelin (l'autre) ainsi que Guy Sorman et Louis Pauwels dans les années 1980... Mais Meyer aujourd'hui n'est-il pas sorti de ce cercle d'idées ? Je le lui souhaite, ça correspondrait mieux à son talent. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 30/12/2013
LE MÊME
> L'oncle Albert, le même que ça arrangeait bien que Benoît XVI soit hué par ceux qui n'y connaissent rien quand il parlait des "mœurs" et qui jouait alors à "plus catholique que moi tu meurs"...
______
Écrit par : Mahaut / | 30/12/2013
MEYER
> Meyer a du talent c'est sûr, mais a-t-il lu en détail les textes de la pensée économique de l'Eglise ou n'entend il que des commentaires qui font de celle-ci un marxisme un peu plus soft, ce qu'elle n'est pas.
______
Écrit par : Ludovic / | 30/12/2013
> en tout cas on le voit aux cocktails de la Nonciature pour l'anniversaire du pape !
______
Écrit par : fra diavolo / | 30/12/2013
@ Patrice
L'oncle Albert est mort depuis très très longtemps...Si longtemps que ce nom germanique va pouvoir être à nouveau donné.
Par ailleurs, Patrice, vous voulez noyer ce chien qui encombre vos théories. Vous l'accusez donc de la rage. Pas très honnête...
Gégé
[ PP à Gégé - Non non non non, l'oncle Albert n'est pas mort. Il existe encore ! Et comment ! Sous un autre prénom, je le connais : il est loin d'être tout seul, et la mauvaise volonté des Albert envers le pape est un problème à résoudre pour l'Eglise en France.
Quant à "mes théories", je les puise dans l'exhortation apostolique Evangelii Gaudium. Elles ne m'appartiennent pas. Si théories il y a, cherchez-les du côté des cercles français plus catholiques que le pape. (Si, si, si, si : vous en connaissez).
Mais bonne et sainte année à vous et à tous les vôtres. ]
réponse au commentaire
Écrit par : GéGé / | 31/12/2013
QUI C'EST
> Euh... c'est qui, cet oncle Albert ?
Guit'z
[ PP à Guit'z - Un certain nombre de gens qui se posent en grands défenseurs des "valeurs catholiques" aujourd'hui, mais qui commencent à dire dans la vie courante ce qu'ils pensent de François - et ce n'est pas du bien. Et leur point de vue est erroné, du moins pour des gens qui se disent catholiques...
Il est urgent de vider l'abcès, sans nommer X ou Y. D'où le personnage de l'oncle Albert. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Guit'z / | 31/12/2013
@ PdeP
> Ah bon, je comprends.
@ tous les lecteurs de ce blog,
à tous les catholiques et aux autres bien sûr - urbi et orbi en somme - je souhaite une bienheureuse année 2014 : je nous souhaite à tous une année plus spirituelle et moins "politique" ; nous avons trop tendance hélas à nous laisser engloutir par le hideux divertissement médiatique, divertissement au sens pascalien, que je qualifierais même de satanique.
Ce n'est qu'en désertant le désert médiatique que nous pouvons recouvrer le monde et la vie (...et, pour ma part, je le confesse humblement, cesser de haïr en pure perte ces crétins doublés de sermonneurs et souvent triplés d'ordures que sont nos éditorialistes, chroniqueurs, animateurs, reporters, etc.)
______
Écrit par : Guit'z / | 01/01/2014
"ALBERT"
> J'avais bien compris que vous brossiez le portrait-archétype d'un certain "catholicisme", mais tout comme Guit'z, la référence "Oncle Albert" (s'il y en a une) m'échappe.
Au demeurant, bien qu'heureusement pourvu en neveux et nièces, je ne m'y reconnais pas du tout, vous m'en voyez rassuré. Notre pape a des paroles dérangeantes, certes, mais qui ne sont que celles de l'Evangile : le jour où celui-ci ne nous dérange plus est celui où l'on est mûr pour le Royaume (j'ai encore du chemin !)
Que François fasse au passage un carton de followers sur Twitter ne me semble pas préoccupant - ayant grandi et fait tout mon caté sous un autre pape "superstar"...
Une très bonne et sainte année 2014 à vous, Patrice, ainsi qu'à tous vos lecteurs !
Albert Christophe
[ PP à AC :
- Bonne et sainte année à vous et à tous les vôtres !
- "oncle Albert" est un symbole, hélas tiré du réel !
- Ayant choisi ce prénom au hasard (il en fallait bien un), je suis confus que ce soit le vôtre ! mais il n'y a aucune confusion possible. Néanmoins je pense débaptiser cet oncle à l'avenir, et trouver un prénom rarissime. ]
réponse au message
Écrit par : Albert Christophe / | 01/01/2014
A L'ETUDE
> Je vous suggère Oncle Hippolyte... ou bien Oncle Archibald... ou encore Oncle Gontran...
G.
( PP à G. - Je vais engager un cabinet de consulting, et j'ouvre un appel de fonds à cet effet ! Après tout il n'y a pas que les municipalités à pouvoir gaspiller l'argent du voisinage. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Guit'z / | 01/01/2014
CEUX QUI NOUS EVANGELISENT
> Vous voulez parler d'Oncle PNN et Tante MPT?;-) Ils sont nos intimes, frères de sang et de lait. Ils sont riches de belles qualités, mais que leur banquier a enterrées dans un paradis fiscal, bien à l'abri des incertitudes de nos pays gangrenés par l'étatisme franc-maçon (c'est-à-dire toutes déployées-dévoyées dans le système économique) de large culture (dé)passée, qui leur dispense de penser, enfin des borderline qui ont sombré dans la mono-obsession et les slogans identitaires, ce qui leur donne l'impression d'exister, quand ce n'est que leur mal-être qu'ils exhibent.
Tous leurs efforts ont consisté officiellement à s'éloigner au maximum du peuple contagieux, porteur de tous les vices, -à commencer par le mauvais goût-, insidieusement à singer l'élite, en bourgeois inassumés envieux des privilèges d'une Cour jamais abolie en France.
Ignorés du peuple, raillés par ceux qu'ils envient tout en les décriant, -ces dirigeants qui n'ont plus besoin de les flatter pour leurs affaires-, demain nous les verrons tenter de rejoindre le peuple dans ses instincts belliqueux, au nom d'une guerre sainte programmée conjointement par les deux faces du libéralisme - orientale et occidentale,d'intégrismes athés et religieux -. Tant ils ont besoin au fond de se vivre enfin aimés.
A moins que la voix et la vie de notre pape François touchent leur coeur, ouvrent leur intelligence, pansent leurs blessures secrètes?
En attendant, ils nous sont à la fois trop proches par la famille, - et ses douloureuses blessures ! -, trop éloignés par l'esprit (pardon: les valeurs), pour que ce soit notre mission d'aller vers eux. Nous allons à chaque fois au clash, cela blesse tout le monde et fige davantage chacun dans ses positions, réveille en nous nos vieux démons que cette volonté d'imposer notre avis, d'asséner à coup de morale,de culpabiliser; bref nous empêchons alors la grâce d'oeuvrer, et d'abord en moi.
La discrétion, la présence silencieuse et attentionnée, voilà ce à quoi je me sens aujourd'hui appelée dans mes relations avec ces miens que j'aime.
Ceux qui m'évangélisent, par leurs vertus post mais plus encore pré-chrétiennes, ce sont gens éloignés des institutions religieuses comme aussi de toute institution.
C'est auprès d'eux que notre Eglise, à travers le pape François, nous attend.
En quelque milieu que nous nous retrouvions, nous sommes invités je crois à prendre la dernière place. Non pas pour nous retirer, mais au contraire pour être pleinement présents, en familiers des plus petits.
Et quand Oncle PNN, Tante MPT choieront de leur piédestal où ils sont figés en pose intenable de modèle héroïque et tristement risible, nous nous y retrouverons avec un bonheur sans éga l!
______
Écrit par : Anne Josnin / | 02/01/2014
PLUS FORT QUE JEAN-PAUL II
> Aucun pape n'a jamais attiré autant de monde place Saint-Pierre : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/vatican-le-pape-francois-attire-trois-fois-plus-de-fideles-que-benoit-xvi_1311373.html#xtor=AL-447
______
Écrit par : André-Paul D. / | 03/01/2014
MILIEU
> Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant : les oncle Albert sont issus "d'un certain milieu", comme l'on dit. Pour ma part, je n'en ai jamais connu (il est vrai que, dans ma famille, à titre d'exemple, un rallye ça ne peut être que ça :http://www.rallye-sport.fr).
______
Écrit par : Feld / | 03/01/2014
Les commentaires sont fermés.