Leaders d'opinion, commencez par vous informer...

"Le pape François rétablit les priorités par rapport aux disciplines sexuelles qui avaient été la grande affaire des papes précédents" (Max Gallo, L'esprit public, France Culture ce matin).  Bizarre erreur de la part d'un historien !  En effet :

 

...en effet, les "disciplines sexuelles" n'ont jamais été "la grande affaire" de la papauté ! Nos leaders d'opinion (?) dissertent sur un sujet qu'ils ignorent. Savent-ils que le pape Jean-Paul II a appelé sans trêve les catholiques occidentaux à rompre avec le modèle économique ultralibéral, et qu'il a prononcé des réquisitoires écologistes frôlant l'objection de croissance ? Non, ils ne le savent pas. Savent-ils que Benoît XVI partageait ces positions et les a développées ? Non, ils ne le savent pas.

Cette ignorance est bizarre de la part d'un historien comme Gallo, familier du travail sur les sources.

Elle est étrange de la part d'une journaliste de référence (et femme de diplomate) comme Sylvie Kaufmann. Et d'autant plus étrange que la même journaliste a ajouté, tout à l'heure, qu'elle croyait savoir que les "catholiques conservateurs évangéliques" (?) en voulaient à François pour son rejet du prosélytisme ! Affirmation dénuée du moindre sens... En effet :

1. le "prosélytisme" est rejeté depuis des décennies par l'Eglise catholique, qui fait une distinction fondamentale entre prosélytisme (endoctrinement) et évangélisation (aide au cheminement) ;

2. parler de catholiques "conservateurs" est insuffisant, il faudrait préciser de qui l'on parle :

a) des croyants au Fils incarné "né du Père avant tous les siècles" ? (en ce cas, tout catholique est nécessairement conservateur) ;

b) ou de catholiques confondant religion et nostalgies séculières, genre « la France bien élevée » ? Mais s'il s'agit d'eux, Sylvie Kaufman se trompe du tout au tout : car ce "conservatisme"-là n'a pas envie d'aller parler du Christ aux incroyants d'aujourd'hui. (Il préfère défiler entre soi au nom de deux ou trois « valeurs » : exactement ce que le pape François demande de ne pas faire, parce que c'est le contraire du témoignage évangélique).

Quant à eux, les catholiques voulant évangéliser – ceux que Sylvie Kaufmann appelle "évangéliques" par confusion avec des protestants) sont des conservateurs au premier sens du terme : la transmission de la Révélation à travers les âges. Mais ils sont le contraire de conservateurs au second sens du terme ! C'est ce qu'indique François quand il déclare "je ne suis pas de droite", voulant dire ainsi : "je ne mélange pas la transmission de la foi avec de pseudo-valeurs de parti politique ou de classe sociale ; et je souligne que, pour transmettre la foi aux gens du nouvel âge, il faut la libérer des scories de l'âge précédent."

Conclusion d'étape : leaders d'opinion, informez-vous avant de vouloir informer autrui...

  

PS - Si les "questions de disciplines sexuelles" n'étaient pas "la grande affaire des papes", pourquoi les médias en ont-ils tant parlé (influençant ainsi Max Gallo) à propos de Jean-Paul II et - un peu moins - de Benoît XVI  ? Parce que, lorsqu'il arrivait aux papes d'aborder le sujet ici ou là, c'était pour contredire les axiomes de la société néobourgeoise actuelle... D'où l'effet de scandale : car aucune bourgeoisie - fût-elle "libérée" -  ne supporte d'être contredite.