La favela de Varginha ouvre les bras à François

Au nord de Rio, le pape visite ce matin la petite favela de Varginha – dans le complexe de Manguinhos qui fut le théâtre, en 2012, de combats entre la police et les milices de la drogue :

 

Ils disent : «Quand on a appris que le pape nous rendrait visite, on n'y croyait pas. On est si petits ! On aurait pensé qu'il allait choisir les grandes favelas pour touristes, comme font les stars et les chefs d’État… Mais c’est un humble comme nous !» Le millier d'habitants de la favela accueillent François à bras ouverts : ravis d'avoir été choisis, et ravis de recevoir celui qui fut « l'évêque des bidonvilles » à Buenos Aires. On connaît la saga de Jorge Bergoglio aux côtés de ceux qu'en langage porteño [1] on nomme lesvilleros (habitants des favelas [2]) : ils garderont à tout jamais dans leur coeur ce cardinal qui venait les voir par le métro, tout seul, à pied dans ses vieilles chaussures, et qui créa, dans les bidonvilles, des paroisses avec curés résidents. Partageant une boîte de conserves avec des immigrés boliviens, Bergoglio leur disait : « Quand des pauvres invitent à dîner, ils partagent leur coeur ; les riches, quelquefois, ne partagent que le repas...» De lui aussi, des réflexions très appréciées en Argentine sur la spiritualité des plus pauvres et la valeur de la religion populaire [3]. Et comme la rencontre avec les mille habitants de Varginha (rejoints par des milliers d'autres) va se tenir sur le petit terrain de foot de la favela, François – supporter acharné d'une équipe villera de Buenos Aires – sera totalement l'homme de la situation. Composée de catholiques et d'évangéliques à proportion égale, la population de Varginha est unanime à fêter le pape. Tout en ironisant sur les subites attentions des pouvoirs publics à leur égard, depuis quelques semaines... On a par exemple goudronné la rue principale de la favela, qui en avait besoin depuis soixante ans. «De quoi faciliter le passage du Saint-Père : mais attention, pas de maquillage ! Le pape doit nous voir tels quels », dit Everaldo, responsable du comité d’accueil. La favela est longée par deux rivières d'eaux usées ; 65 % des rivières brésiliennes, massivement polluées par l'industrie, ne sont l'objet d'aucun retraitement.

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[1] "de Buenos Aires", en espagnol argentin.

[2] favela en portugais ; villa (suivi d'un numéro) en espagnol argentin.

[3] religion populaire que la presse bobo d'Europe affecte d'apprécier en Amérique latine, alors que les fameux "progressistes" des années 1970-1980 (encensés par cette même presse) avaient tout fait pour l'éradiquer, là-bas et ailleurs, au nom de la modernité.