29/06/2013
Le Dan Brown du Tage
À Lisbonne, José Rodrigues dos Santos (49 ans) présente le 20 heures de la chaîne RTP et clone les sujets de Dan Brown :
...donc il publie des romans écrits avec une pelle à tarte – qu'il vend à des dizaines de milliers d'exemplaires. A Fórmula de Deus (La Formule de Dieu), édité en dix-sept langues, fit un malheur sur les plages françaises en 2012, bien qu'il ait un petit goût de 'déjà lu ailleurs' sensible dans ce résumé :
« Tomas Noronha, professeur d'histoire spécialiste en cryptologie à l'université de Coimbra au Portugal, est sollicité par le Ministère de la Science iranien pour décrypter un manuscrit inédit d'Albert Einstein. La CIA est mise au courant de l'affaire et n'hésite pas à faire du professeur Noronha un agent double. Parallèlement, un des collègues de son père, physicien et ancien collaborateur d'Einstein, disparaît mystérieusement. C'est le début d'un récit qui va emmener le lecteur des rues de Téhéran au QG de la CIA, en passant par un monastère bouddhiste niché au cœur des montagnes tibétaines, à la rencontre des plus récentes théories de physique quantique et des textes fondamentaux de la sagesse universelle... »
Rodrigues dos Santos est un clone de Dan Brown. Il a compris que le pseudo-spirituel est un créneau rentable. Et il a cet atout de n'avoir jamais rien lu, ce qui lui donne la force de tout affirmer. Lançant en 2013 un nouveau best-seller intitulé L'ultime secret du Christ, Rodrigues dos Santos révèle ce secret à l'envoyée spéciale de Libé : « Tout le monde a oublié que Jésus était juif ! » L'envoyée spéciale note ça sans sourciller. Elle aussi (apparemment) ignore que la judéité de Jésus est par définition connue de tous les chrétiens, qu'il y a des groupes d'études bibliques dans les paroisses, et que c'est l'un des thèmes développés le plus souvent par les théologiens catholiques – papes en tête ! Pour parler avec exactitude, il faudrait dire : « tous les ignorants croient que les chrétiens ignorent la judéité de Jésus. »
Bref. Quel est le scénario de L'ultime secret du Christ ? Toujours la même ratatouille brownienne :
« La célèbre paléographe Patricia Escalona est égorgée en pleine nuit dans la Bibliothèque vaticane, alors qu’elle y étudiait l’un des plus anciens manuscrits détenus par l’Église : le Codex Vaticanus. Près de son corps, le tueur a laissé un message codé. Tomás Noronha, travaillant sur la restauration des ruines du Forum de Rome, est appelé sur le lieu du crime par la police judiciaire italienne : il a été le dernier contact de la victime. L’historien émérite, expert en cryptologie, réussit à décoder le message du tueur et se laisse embarquer dans une enquête qui va très vite se compliquer. Un nouveau meurtre aux allures rituelles a lieu en Irlande, un autre en Bulgarie, deux nouveaux messages codés et toujours ces allusions aux Saintes Écritures. D’une victime à l’autre, d’un code à l’autre, Noronha est entraîné dans une analyse des textes bibliques particulièrement troublante. Une quête de la vérité qui va le conduire en Israël, sur les traces de la plus grande figure de l’humanité : celles de Jésus-Christ. Au fil d’une enquête haletante, José Rodrigues dos Santos propose d’aborder la vie du Christ sous un angle historique, quasi scientifique. Qui était vraiment celui qui a bouleversé le cours de l’Histoire ? Quels sont les faits que l’on peut considérer comme réellement avérés dans la Bible ? Et quels sont ceux travestis par le temps et les hommes ? Réalité historique et intrigue policière se mêlent avec grande intelligence pour faire de 'L’Ultime Secret du Christ' un thriller qui va bouleverser les certitudes de chacun. »
Et non : s'il y a une chose que L’Ultime Secret du Christ ne fera pas, c'est de « bouleverser les certitudes » ! Au contraire, Rodrigues dos Santos exploite une certitude bétonnée par le marketing depuis Da Vinci Code : a) le christianisme ment depuis l'origine ; b) les catholiques ne savent rien de Jésus ; c) ils sont prêts à égorger les archivistes paléographes pour les empêcher de découvrir que le christianisme ment depuis les origines et que les catholiques ne savent rien de Jésus. Total : des ventes fantabuleuses au rayon best-sellers dans les hypermarchés.
Puisque décryptage il y a, décryptons. Il y a deux façons de décrypter le succès de ces daubes dans le grand public :
- on peut le voir comme une preuve de la « disparition du christianisme » [*] et de son remplacement par une curiosité amorphe ;
- on peut aussi le voir comme un besoin (diffus) de spirituel, et constater que ce besoin se porte encore sur le christianisme... même si c'est au prisme de fantasmes anticatholiques nourris par l'idéologie marchande. Que des romans aussi sinistres que Da Vinci Code ou L'ultime secret de Jésus soient lus par un aussi grand nombre de gens (dans l'hémisphère nord) uniquement parce qu'ils parlent du Christ, est sans doute un signe des temps.
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[*] thèse d'un livre récemment paru au Cerf. Son auteur, statisticien de métier, croit avoir lu dans les chiffres la disparition imminente de la foi catholique.
20:15 Publié dans Histoire, Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jésus christ
Commentaires
VATICANUS
> L'originalité du nom du manuscrit est bouleversante: un Codex Vaticanus à la bibliothèque de Vatican, il fallait quand même y penser! Il est vrai qu'il n'y en a que quelques milliers...
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Écrit par : Pierre Huet / | 29/06/2013
MINC
> dans le genre ignare péremptoire, il y a Alain Minc qui est à la pensée ce que Dan Brown est à la littérature. N'oubliez jamais son article dans 'Le Monde' du 14 septembre 2010 accusant Benoit XVI de la "nomination d'un évêque révisionniste". Cette "nomination" n'avait jamais eu lieu. Minc ne savait même pas de quoi il parlait.
(En 2013 il récidive avec un livre comparant Jean Moulin à René Bousquet. Total n'importe quoi.)
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Écrit par : Veuve-Béryl / | 30/06/2013
QUE FAIRE
> Que faire de tous ces chrétiens livrés à eux-mêmes ? Ces baptisés à peine catéchisés ou ayant rejeté une première initiation à la foi en Jésus-Christ ?
Quant à moi, je veux bien leur vendre du méga Dan Brown… si l’Eglise le veut. Un projet tout simple : « Viens à la messe avec moi ». Je m’entends : je m’adresse à un ou une baptisé(e), je lui dis de m’accompagner à la messe après que je lui ai découvert ce que j’en sais par le catéchisme et également un peu de ce que je vis, par Jésus-Christ, dans l’écoute de la Parole de Dieu et dans l’Eucharistie.
Que faudrait-il pour un tel projet ? Trois catholiques confirmés, convaincus et missionnés par un curé sympa pour investir à la marge sa paroisse, par exemple dans l’hypercentre de Paris (ça m’arrange) une fois par semaine, entre 12h et 14h. Une communauté appuyant le projet de sa prière. Un lieu tout près de l’église paroissiale, pour y dresser une « cafet' », y afficher un panneau : « Viens à la messe avec moi ». Et c’est parti, Dan Brown et son clone portugais n’ont n’a qu’à bien se tenir !
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Écrit par : Denis / | 30/06/2013
> "Moins les gens sont croyants, plus ils sont crédules"
ma grand-mère
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Écrit par : E Levavasseur / | 01/07/2013
RECETTE
> Hélas la recette marche à tous les coups : présenter des choses connues comme révélation (flatte le lecteur et donne une certitude de véridique) puis accoler de fausses hypothèses présentées comme vraies (et crues à cause du point 1) et ainsi le lecteur galope avide de découvrir cette éventuelle révélation et est prêt à tout gober ! Pour en faire un succès, il faut certes sûrement un minimum de talent littéraire mais le succès ne vient pas de ce dernier.
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Écrit par : franz / | 01/07/2013
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