25/05/2013
De Canal+ aux manifs du week-end
Intéressante émission Finkielkraut ce matin (France-Culture) :
...l'invité était le philosophe Olivier Pourriol, qui raconte dans un livre [1] son expérience ubuesque de « chroniqueur muet » dans le Grand Journal de Canal+. Pourriol a subi ce que nous avons souvent dénoncé ici : la domination des servants de la machinerie commerciale. C'est une technostructure chargée de produire tous les soirs "l'illusion de l'accueil et de la fête". Dans cette production permanente, les chroniqueurs et les invités jouent – volontairement ou non – des rôles distribués à l'avance ; ceux qui ne conviennent pas au casting (les "inadaptés au spectacle") sont éjectés. Qui éjecte ? Qui fixe les rôles ? Un pouvoir "faussement sympa", qui tranche au nom de l'esprit du média.
Cet esprit prétend n'être que la dérision. Elle est censée "protéger"... Mais protéger qui, et de quoi ? Pas du pouvoir, en tout cas, puisque le média est le pouvoir ! La dérision véhicule en fait, selon Pourriol, une "arrogance de granit". Et cette arrogance est teintée de sectarisme, comme on le voit depuis six mois dans l'affaire de la loi Taubira... Frigide Barjot en fait actuellement l'expérience : il y a encore deux ans, elle comptait sur son style personnel de "catholique décalée" pour rendre l'Eglise sympathique aux servants de la grosse machine des médias – eux-mêmes tout aussi sympathiques, bien sûr, rien que des copains. L'alchimie a fonctionné tant qu'il s'agissait d'aller sur des plateaux dire qu'on aimait le pape. Elle a cessé quand on est entré dans le dur, avec la question du mariage gay. Ce qui rendait Frigide "adaptée au spectacle" a soudain joué contre elle : selon le nouveau casting, la cause familiale ne devait pas être défendue par une gaillarde moderne, mais par des personnages ridicules ou inquiétants. Et plus la fièvre montait chez les ultras (aux marges de la mobilisation de masse), plus il y avait de candidats pour jouer ce rôle. D'où l'amère déconvenue de Frigide : ses concurrents, devenus ses ennemis, l'évinçaient chez les médias... parce qu'ils étaient conformes à ce que les médias voulaient montrer. Nous en sommes là, à quelques heures de la (dernière ?) grande manif contre la loi Taubira.
Sur ce je vais au Trocadéro, participer au sit-in contre Monsanto. Défendre les petits paysans des pays pauvres fait également partie de l'écologie humaine.
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[1] On-off (NIL 2013).
11:48 Publié dans Idées, Médias | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : loi taubira, olivier pourriol, monsanto
Commentaires
EN ALLEMAGNE
> En Allemagne la chose est pire. Même la conférence épiscopale ne comprend pas l'axe de poussée de la manif-pour-tous. Son secrétaire Langendörfer s'est publiquement démarqué d'elle [ voir: http://www.jungefreiheit.de/Single-News-Display-mit-Komm.154+M5659c84c0c3.0.html ].
J'envie et félicite la France de ce mouvement et de la sensibilité et vigilance que montrent les manifestants contre les fourvoiements idéologiques représentés par la loi Taubira.
Steffen Hein
Bad Aibling, Allemagne
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Écrit par : Steffen Hein / | 25/05/2013
LA MORALE ET LA REALITE
> Merci à M. Pourriol de mettre en évidence le lien entre la dérision apparente et l'arrogance très rude. Merci à vous de me faire remarquer que Mme Barjot vit ce phénomène.
Je le décris comme suit. Les médias vendent une image de la réalité. Elle doit être plaisante et ne rien remettre en cause. Il s'agit de divertir et de rassurer. La correspondance entre la réalité et ce qui et présenté est un critère accessoire de diffusion. Le défi que la réalité nous pose n'est pas relevé.
Selon une grille de lecture que j'aime beaucoup, la population est dans l'obscurité. Les médias servent à l'éclairer en présentant une image simple et cohérente de la réalité. L'image remplace le réel.
Une image se construit, se crée, se manipule, se vend, se soumet à ses créateurs, correspond aux désirs. La propagande, la manipulation, la publicité ne sont possible que dans une réalité faite d'images et de désirs contrôlant ces images. Une image fournit des certitudes confortables sans effort important de la part du récepteur.
La réalité, au sens où je la connais, m'échappe. Elle exige de moi, créativité, intelligence, attention, courage. C'est si violent que j'ai besoin d'une ligne de conduite précise pour supporter ce choc. Je l'appelle morale.
Vilain mot ? je crois que c'est le meilleur guide pour faire face au réel. Sans elle, je dois me rabattre sur mes désirs et je deviens un objet de manipulation.
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Écrit par : DidierF / | 25/05/2013
POURQUOI LE SYSTEME ECONOMIQUE A MIS FRIGIDE HORS JEU
> Je suis tout à fait d'accord avec votre analyse. Tant que Frigide Barjot déclarait son amour pour le pape, le système regardait cela d'un air amusé. En revanche, dès lors qu'il s'est agi de la famille, elle est devenu la personne à "abattre". Tout simplement parce que la famille est le tout dernier rempart contre un système où tout se vend et s'achète, dans lequel on est producteur et/ou consommateur. Le système familial n'est pas adapté à ce système économique. La famille est donc à détruire comme ses défenseurs. Et si on regarde par exemple la plupart des séries télévisées diffusées depuis des années, on s'aperçoit que les héros sont des personnes seules, célibataires ou divorcées, avec ou sans enfant. Le héros n'est plus jamais un homme marié ou une femme mariée. C'est toujours quelqu'un qui met le travail avant tout le reste. C'est ce même système médiatique qui a mis hors jeu Frigide Barjot.
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Écrit par : Patrick Pique / | 25/05/2013
CANNES
> Et le même système économique et médiatique vient de s'exprimer de façon très prévisible ce soir à Cannes...
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Écrit par : Patrick Pique / | 26/05/2013
Halo Steffen
n'hésitez pas à dire quand vous venez en France.
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> ces émissions de canal +, ce ne sont pas des émissions où il y a un public auquel on fait signe de rire, siffler, applaudir ?
voilà qui en dit long...
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@ P Pique
Le jour où "catholicism is good business", il en feront un produit manufacturé (en Chine).
C'est déjà le cas pour Noël ses bûches et ses crêches (fabriquées en Chine), l'Epiphanie et ses galettes (fabriquées en ...), les livres sur les anges présentés ds les librairies ésotériques (ou cathos d'ailleurs) présentés comme des "entités"
100% d'accord avec vous sur l'influence de la télé :
les héros sont toujours célibataires, gamins ; on ne les voit jamais travailler mais toujours en vacances, voyage etc ; ils sont toujours friqués.
Ajoutez à cela la vision bétassonne qu'Hollywood donne de l'amour depuis bientôt 80 ans (un état, pas une décision objective) vision héritée des romans du 19e**, on se dit que l'imprégnation dure depuis longtemps.
**sauf Jane Austen, où il n'est question que d'argent, de milieu, de rentes et d'héritage-permettant ou non de se marier- et de bonnes apparences... hélas, ce portrait de société pré-victorienne est exact...
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Écrit par : E Levavasseur / | 27/05/2013
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