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08/05/2013

Une théologie de l'écologie plénière

Hélène et Jean Bastaire, La terre de gloire - essai d'écologie parousiaque (2010, Cerf) :


écologie,théologie

 Synthèse du livre, par Serge Lellouche :

 

La guérison de l'univers : Libérer la création ou se libérer d'elle ? Telle semble être la question. Les religions bibliques qui affirment la pérennité de la création, héritière de l'éternité de son créateur, incarnent la première position. Les religions helléniques et orientales, qui insistent sur l'illusion de la création, incarnent la seconde.
Pourtant la dimension cosmique du Royaume de Dieu révélée par le Christ a suscité beaucoup de résistances chez les chrétiens à travers les siècles, notamment par la marque des millénarismes antiques, malgré les deux grands hymnes au Christ cosmique de Saint-Paul (dans les ouvertures des épîtres aux ephésiens et aux colossiens).
Ce dernier affirme que la résurrection de la chair ne concerne pas seulement le corps des hommes, mais l'ensemble des créatures. La dignité originelle de toute chair ne saurait être coupée en deux ; dualisme auquel tant de chrétiens vont pourtant succomber.
Comment la beauté du monde pourrait-elle en effet disparaître alors qu'elle est intimement liée au «
et Dieu vit que cela était bon» de la genèse ?

Contre le mal de genèse : Comment envisager cet accomplissement de la création, par delà les aléas de la chute ? La création illustre une histoire d'amour, elle est externalisation de la Trinité et procède d'un identique don de soi, d'un « oui » pur. Dans le monde innocent voulu par Dieu, ravagé par Satan et sauvé par le Christ, les créatures font assaut d'échanges et d'abnégation.
A notre époque, on asssite à un retour de l'antique pessimisme gnostique (cf Marcion) qui voyait dans la création l'oeuvre d'un démiurge maléfique. Beaucoup de chrétiens de notre temps accréditent l'idée que le mal soit inscrit au départ de l'aventure cosmique, tel un agent bénéfique grâce auquel le processus avance ; l'amour se propageant à coups de bulldozers à travers la création. Teilhard de Chardin a soutenu cette vision sinistre : le mal cosmique est un mal de genèse et on remerciera Dieu pour cette massacrante fécondité.
Tout le réçit biblique affirme pourtant le contraire : Dieu a crée un monde bon, sans trace de violence et de mort. C'est la créature, sous l'effet du péché, qui a «diabolisé» la création et non pas le Créateur. La souffrance et la mort sont les effets du péché, non les agents de la gloire.

L'incarnation cosmique du Verbe : Pourquoi Dieu s'est-il fait homme ? Quel est le motif de l'Incarnation ? Une perspective réductrice répondra que le Verbe ne se serait pas fait chair si la chair ne s'était pas faite péché et ne s'était pas livrée au démon.
La divinisation de l'homme en Christ par l'humanisation de Dieu en son Fils Jésus est pourtant le mystère central que les Pères de l'Eglise ont célébré dès les premiers siècles du christianisme, avec Irénée de Lyon. Pour cette divinisation de l'homme en Christ, il fallait l'Incarnation du Fils de Dieu. Et pour cette incarnation du Fils de Dieu, il fallait la création de la chair, de la terre, de l'univers. Voilà le motif premier et ultime de la création. Celle-ci se situe comme en deça et au-delà de l'Incarnation. Ce que le Créateur a en vue lorsqu'il pétrit le monde, c'est la chair à venir de son Fils divinisateur. C'est « le grand mystère caché » qu'évoque Maxime le confesseur au VIIème siècle, reprenant la figure du Christ total proposé par l'apôtre Paul. Le monde a été crée pour le Christ cosmique qui récapitule, à travers l'homme toutes les créatures et qui les ramène toutes, par l'homme, au Créateur. De toute éternité, le Père devait créer et le Fils s'incarner. L'incarnation du Verbe est la clé du processus cosmogonique, elle était programmée dès l'origine. La christification de l'homme suppose et appelle la christification de l'univers, le Fils s'incarnant non seulement dans le corps de l'homme, mais dans le corps de l'univers entier.
Ainsi s'effrite la thèse classique de la rédemption comme unique motif de l'Incarnation....

Comme à travers le feu : ...Ainsi la révélation judéo-chrétienne dans ses fondements bibliques voit reparaître le thème du Royaume de Dieu comme royaume terrestre, libéré de tout relent millénariste ; le «doux royaume de la terre» est promis à la résurrection.
Jésus annonce l'embrasement du monde et le grand ébranlement de la fin des temps. Double dimension de l'évènement apocalyptique, radical bouleversement cosmique et refonte totale de l'univers. Il est catastrophe créatrice, purification drastique qui guérit l'ensemble du corps malade du Christ. La dignité de la création est restaurée dans cette révélation, par la Croix cosmique. Sur la croix, est cloué le corps physique de Jésus, mais aussi son Corps cosmique. Comme l'homme, la création entière meure et ressuscite sur la croix de Jésus ; déjà elle « 
gémit dans les douleurs de l'enfantement » (Rm 8, 22). L'incarnation du Verbe ayant été conçue comme devant s'étendre à toute chair, toute chair emprunte les voies de la mort et la résurrection, rendues nécessaires par le péché. En Jésus réssuscité, la création se relève mystérieusement du néant, éternellement vive.

La gloire de la matière : Qui et quoi y aura-t-il sur cette terre nouvelle et sous ces cieux nouveaux ? Il y aura tous et tout. La nouveauté ne sera pas dans une création inconnue et inédite, mais dans son plein accomplissement, son aboutissement glorieux au-delà de sa délivrance.
Osons nommer l'indicible : dès notre vie terrestre, nous avons accès par le Christ à cette appréhension divine de la Parousie.
Nous restons bloqués par une incapacité théologique à envisager une matière «glorifiée», pénétrée par l'esprit. Jésus lui-même en a donné le témoignage pour son propre Corps, au moment de la Transfiguration. Il a montré dans son corps une matière non pas niée ou réduite, mais tout au contraire accomplie, libérée, entièrement docile à l'esprit sans rien perdre de sa nature. A l'exemple du Seigneur, bien des saints ont été transfigurés avant leur mort. La phosphorescence des saints, comme leurs miracles, sont des anticipations eschatologiques qui procèdent du Christ cosmique, bien que manifestées depuis le royaume ici-bas.
Le christianisme orthodoxe a particulièrement soutenu la possibilité de voir dès cette terre la lumière incrée dans le créé.
Il n'y a pas là de mélange de la matière et de l'esprit (tentation de notre temps), mais leur distinction sans séparation, leur union sans confusion, pour le mystère du Verbe ressuscité.

Le salut des animaux et des plantes : le refus théologique d'admettre les végétaux et les animaux à la Pâque du Seigneur trahit cette même difficulté à assumer l'idée d'une résurrection de la matière qui ne soit pas une dématérialisation, d'une récapitulation de toutes choses en Christ qui réalise la gloire de toutes les créatures. Thomas d'Aquin et les théologiens médiévaux, à la suite d'Augustin, ne font entrer dans le monde de la résurrection que le corps des hommes et le monde minéral. Là encore, prégnance sur la pensée judéo-chrétienne du dualisme platonicien, aggravée par le dualisme manichéen, qui masque la solidarité innocente entre l'homme et l'animal, rétablie dans la gloire. Complet travestissement de l'enseignement de saint Paul.
Pourtant, Théophile d'Antioche dira au IIe siécle : «
Quand de nouveau l'homme sera revenu dans les voies convenant à sa nature et ne commettra plus le mal, (les animaux) aussi seront rétablis dans leur première douceur. » En effet, en imitation du Christ fait homme, l'homme a vocation à récapituler en lui toutes les créatures, non en les absorbant mais en les réunissant autour de lui tel un Adam cosmique. Avant le poverello, Jean Scot Erigène, théologien du IXe siècle, annonçait en l'animal sa dignité de créature pascale.

La réconciliation des créatures : La Réforme contribuera à débloquer la situation. Beaucoup plus tard, le prélat contemplatif Mgr Charles Gay (1815-1892) va splendidement restaurer la pleine interprétation du texte de l'apôtre Paul : «La matière souffre violence : elle aspire, elle aussi, à la liberté des enfants de Dieu ; elle a faim de sainteté, elle a soif de paix et de gloire. Elle aura tout cela : elle l'a éminement dans l'humanité béatifiée de Jésus ; mais de plus, elle l'aura en elle-même. » Charles Gay montre aux chrétiens que la charité embrasse tout sans exception : «Ainsi les astres du firmament, les oiseaux du ciel, les poissons des eaux, les animaux de la terre, les plantes des campagnes, les fleurs des vallées deviennent l'objet de l'amour de Jésus, d'un amour surnaturel, céleste, théologal.»
Non moins exceptionnelles sont les vues de Léon Bloy sur la capacité d'intercession de la souffrance animale au profit des humains, ou celles du chrétien orthodoxe Nicolas Berdiaev : «
Le regard des animaux souffrants et sans défense nous donne une expression morale et métaphysique d'une profondeur prodigieuse. » (…) « (aussi) mon salut et ma transfiguration sont liés non seulement à ceux des autres hommes, mais à ceux des animaux, des plantes et des minéraux, à leur insertion dans le Royaume de Dieu. » 
Dans les années 1920, Paul Claudel s'indigne du sort que le Danemark réserve aux animaux élevés en batterie et ne cessera de proclamer avec fougue son espérance eschatologique étendue à tout le cosmos, ce à quoi continue de se refuser un Jacques Maritain.

Le temps ressuscité : Les scolastiques jugent que tout corps a une âme, mais que toute âme n'est pas forcément immortelle. Ce raisonnement repose sur une opposition radicale entre mouvement et immuabilité, entre le temps et l'éternité. C'est là une vue païenne et non chrétienne de la création. Cette division ne résulte-t-elle pas de la chute ? Le temps est-il creux en substance, ou l'Evangile n'annonce-t-il pas au contraire la « plénitude » du temps, son apogée, sa gloire que le péché est justement venu entraver ?
Hans-Urs von Balthasar distingue un temps véritable dans lequel l'homme rencontre Dieu et accepte sa volonté, d'un temps irréel comme courant qui ne coule vers rien. Le temps du Christ rétablit le temps véritable, l'incarnation du Verbe purifie le temps dans le sang de la Croix en restaurant son inépuisable docilité où l'homme ne cesse plus d'être fidèle au Père et toutes les autres créatures d'obéir avec l'homme au Créateur. Le Christ n'anticipe jamais, il n'est qu'attention, obéissance à l'Heure du Père. Au VIIe siècle, Maxime le Confesseur développe une théologie qui articule le mouvement et l'immobilité. Et pour Grégoire de Nysse, la vie éternelle est un état où les âmes sont  «
conçues comme des univers de grâce en expansions infinies. » 
Telle est la temporalité glorieuse où le gémissement de la création se transforme en cri de joie, le cri devenant chant de louange et s'exprimant dans une course d'amour.

La beauté sauvée : On l'a vu, la résurrection du monde et l'éternité de la matière ont pour premier argument la beauté de la création. Ce mystère de la beauté est témoignage irréfutable de l'éternité de la chair. Un dualisme grossier a tant contribué à désincarner la beauté, à en dégager une nature prétenduement idéale. Absurde réduction de la beauté à un ornement formel : la qualité de la forme se mesure à sa fidélité envers l'indicile. Le péché empêche la forme d'obéir.
En s'incarnant, le Verbe est venu sauver la beauté que par le Verbe le Père avait créée. Ces formes déformées devaient être reformées pour qu'on pût y ressaisir dans un reflet fidèle le visage du Père.
Ici bas, la tâche des artistes notamment est de travailler à cet assainissement des formes. Ils sauvent le monde avec le Christ, par le Christ, de la laideur de la chute. L'artiste délivre la beauté aliénée et perdue.
Il n'est pas un atome de la beauté terrestre qui ne ressuscite en Christ au Dernier Jour. La « viridité » que chante Hildegarde de Bingen est force insurrectionnelle de la nature libérée par la grâce. Il s'est fait chair pour sauver toute chair et libérer en toute forme la beauté de l'esprit.

L'apocatastase du cosmos: Un autre inaccomplissement éventuel de la terre de gloire est redoutable à envisager, c'est le plus intolérable : le tourment de l'enfer éternel n'a cessé d'habiter les consciences chrétiennes. Mais songe-t-on à ce que pourrait être l'éternel remords de Dieu devant l'éternelle rébellion fût-ce d'une seule de ses créatures ? En régime chrétien, quelle réalité peut l'emporter sur l'amour ?
La nature de Dieu est dans cette kénose, dans ce renoncement à trouver sa joie ailleurs que dans la joie d'autrui. Il ne réclame rien, ne fait aucun calcul, donne pour donner, dans une souveraine gratuité. Comment l'obstination de l'amour ne finirait-elle pas par dissoudre l'obstination du péché ?
L'apocatastase restaure l'universalité, c'est à dire la catholicité du salut. Cette réconciliation universelle s'étend à toute la création.
L'infidélité des créatures libres a entraîné dans sa chute l'ensemble du cosmos. Ce sont donc d'abord les hommes et les anges qui doivent retourner à la fidélité pour que l'ensemble soit restitué à l'amour. Grégoire de Nysse souligne que l'apocatastase ne peut que s'étendre à l'univers entier, s'en référant à l'inconsistance du mal posée par Paul quand il dit que Dieu sera en tout, étant devenu tout en chacun. Il ne saurait y avoir de paix totale et véritable sans une rédemption intégrale de toutes les créatures, qu'elles soient ou non libres.

Faire eucharistie de toutes choses : La liturgie cosmique telle qu'elle se célébrera au-delà des siècles des siècles, nous en avons un exact avant-goût dans la liturgie eucharistique. La liturgie ne sera pas une simple action de grâces, mais plus essentiellement action sainte. L'action sainte que met en œuvre chaque liturgie et que porte à son apogée la liturgie cosmique est l'action de l'Esprit. L'estuaire est libéré et l'océan de louange active peut enfin se déployer dans toute sa splendeur féconde.
Ce travail cosmique étendu à l'ensemble de l'univers consiste à faire eucharistie de toutes choses, à transformer toutes choses en Corps du Christ pour offrir le Fils au Père par la force de l'Esprit. Cela veut dire sanctifier toute activité afin que le moindre geste, la moindre respiration soient saintes. Le travail sera vraiment adoration, le labeur vraiment prière.
A la Parousie, l'eucharistie de la Croix deviendra une eucharistie de la gloire par laquelle toutes choses rempliront librement leur office, accompliront joyeusement leur service, ce à quoi elles sont ordonnées et qui les justifie d'exister. Ainsi se réalisera le mystère fondamental selon lequel le motif de l'Incarnation n'est pas la réparation du péché, mais l'élaboration et la récapitulation en Christ d'une création susceptible de répondre au Père par le Fils en lui rendant Esprit pour Esprit, amour pour amour, selon la formulation d'Irénée de Lyon : « 
Dieu s'est fait monde pour que le monde soit fait Dieu. »

 

Serge Lellouche



 

Commentaires

DUNS SCOT ET TRESMONTANT

> Ainsi s'effrite la thèse classique de la rédemption comme unique motif de l'Incarnation....
Pas si classique ; déjà au début du XIV° siècle, le franciscain Jean Duns Scot, métaphysicien et théologien béatifié par JP II (en ? ), affirmait que l’incarnation ne pouvait pas avoir comme seule cause la rédemption. « Nec est verisimile tam summun bonum… esse tantum occasionatum. Il n’est pas vraisemblable que le bien suprême soit seulement occasionnel. » Pour lui le Christ est la finalité ultime de la création, la prédestination et la gloire du Christ ne peuvent donc dépendre de la chute qui est un accident historique. Pour saint Thomas, la rédemption est la raison d’être principale de l’incarnation, principale mais pas exclusive. Je vous renvoie au dernier chapitre de « L’histoire de l’Univers et le sens de la création », magnifique livre de Claude Tresmontant.
Amicalement


[ PPà tous - Le livre de Tresmontant est paru en 1988 aux éditions OEIL (FX de Guibert). C'est une lecture indispensable. ]

réponse au commentaire

Écrit par : turquais marie-ange / | 08/05/2013

APOCATASTASE ?

> Jean Duns Scot, le Docteur Subtil ! JPII et Benoît XVI ont fait plusieurs discours sur lui.
Merci Serge pour cette recension !
Jean Bastaire, en revenant aux sources, révolutionne la théologie de la Création. Sa découverte il y a quelques années m'a bouleversé !
Mais deux sujets me posent beaucoup de questions... :
- L'apocatastase, qu'Ellul soutenait aussi, pour des raisons je crois semblables.
- L'irruption du mal, de la mort, avant même l'apparition de l'Homme. La thèse teilhardienne me pose problème, mais elle a une certaine cohérence...
Je dois potasser tout cela !
Quelqu'un aurait des propositions de lectures sérieuses sur ces sujets ? Mon père a ce livre de Tresmontant (cité plus haut) dans sa bibliothèque. Je le lirai.
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Écrit par : PMalo / | 08/05/2013

à Marie-Ange Turquais et à PP sur le motif de l'Incarnation

> C'est aussi ce que développait avant Claude Tresmontant le Père Gustave Martelet, s.j. dans sa contribution : "Sur le motif de l'Incarnation", in "Problèmes actuels de christologie", H. Bouëssé, J.-J. Latour et al., Desclée De Brouwer, 1965 et dans son ouvrage capital : "L'au-delà retrouvé - Christologie des fins dernières", Desclée, 1975.
Mais, à vrai dire, avant même Duns Scot, l'idée était là chez les pères de l'Eglise quand ils disaient, à la suite de St Irénée : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu".
cf. Catéchisme de l'Eglise catholique § 460 Le Verbe s'est fait chair pour nous rendre "participants de la nature divine" (2P 1,4): "Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s'est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l'homme: c'est pour que l'homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu" (S. Irénée, hær. 3, 19,1). "Car le Fils de Dieu s'est fait homme pour nous faire Dieu" (S. Athanase, inc. 54,3). "Unigenitus Dei Filius, suæ divinitatis volens nos esse participes, naturam nostram assumpsit, ut homines deos faceret factus homo" (S. Thomas d'A., opusc. 57 in festo Corp. Chr. 1).
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Écrit par : Michel de Guibert / | 08/05/2013

REMARQUE

> Une question vient à l'esprit: comment concilier une première douceur des animaux avec ce qu'on sait (ou croit savoir) de l'évolution du monde vivant. Il y a eu des carnassiers avant l'homme, donc avant le péché originel. Ne serait-ce pas la révolte luciférienne qui aurait, hors du temps qui fait lui même partie de la Création, corrompu ladite création?
Une remarque: "incapacité théologique à envisager une matière «glorifiée», pénétrée par l'esprit"? c'est bien dommage, car qu'est-ce donc qu'un organisme sinon de la matière, inerte par elle, organisée de façon prodigieuse et par Qui si ce n'est par l'Esprit?
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Écrit par : Pierre Huet / | 08/05/2013

à Serge Lellouche

> Merci à Serge Lellouche pour sa magnifique synthèse.
J'avais commenté un commentaire avant de lire intégralement sa synthèse, et je vois qu'il avait développé tout ce que je disais ou rapportais sur le "motif de l'Incarnation" à partir de St Irénée... en allant au-delà avec Maxime le Confesseur.
Avec mes excuses pour cette précipitation !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 08/05/2013

LA MORT

> Le Père Gustave Martelet, dont j'ai déjà cité plus haut le maître ouvrage : "L'au-delà retrouvé - Christologie des fins dernières", Desclée, 1975, soutenait aussi que la mort faisait partie de la création, non telle qu'elle nous apparaît aujourd'hui, liée à la souffrance et au mal, mais seulement comme liée à notre "finitude", non douloureuse ni pénible, à l'instar de la Dormition de Marie, la Mère de Dieu.
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Écrit par : Michel de Guibert / | 08/05/2013

HELENE ET JEAN BASTAIRE, ET PEGUY

> Merci encore à Serge Lellouche pour cette synthèse captivante du livre d'Hélène et Jean Bastaire.
Rien d'étonnant à ce que Jean Bastaire, fin connaisseur de Charles Péguy, ait été ainsi amené à réfléchir plus avant sur l'Incarnation, thème si cher et si important chez Péguy.
Et quelle délicatesse de cœur de la part de Jean Bastaire d'associer Hélène à ses ouvrages au-delà de la mort.
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Écrit par : Michel de Guibert / | 08/05/2013

L'APOCATASTASE POSE UN PROBLèEME

> Il y a tout de même un point qui me paraît poser problème, même si j'en comprends la cohérence, c'est celui de l'apocatastase de l'ensemble du cosmos incluant jusqu'à Satan lui-même.
Urs von Balthasar, qui avait beaucoup réfléchi sur ces questions, se demandait si l'enfer était vide et voulait "espérer pour tous" (titre d'un de ses livres), et cela me paraît juste.
Mais Satan !
Le 2ème Concile de Constantinople (553) avait tranché autrement : « Si quelqu'un dit que les Vertus célestes, tous les hommes, le diable, les Puissances du mal seront unis pareillement au Dieu Verbe et de la même manière que Christ, qu'il soit anathème. »
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Écrit par : Michel de Guibert / | 08/05/2013

> Merci Serge, mille fois merci!
Que je souhaite à chacun de vivre dans la chair de son histoire personnelle cette théologie!

@Michel de Guibert: "unis pareillement" chaque union est absolument unique, et c'est cette unicité-là de notre relation à Dieu qui façonne notre individualité de personne.
"Puissances du mal": au final, il n'y a plus de puissances mais triomphe de l'impuissance en Jésus, et évanouissement, absorption des puissances en sa croix.
"Les premiers seront les derniers": il y a une place pour la première des créatures, justement dans ce renoncement total à sa prétention de Prince de ce monde, en devenant le plus petit de toutes les créatures, la plus basse (le serpent rampant qui le symbolise annonce par avance cette place). Pour autant ce n'est pas à nous d'espérer en la conversion de Satan, cela ne nous regarde pas, mais Dieu seul. On peut juste "laisser" Dieu mener cela en sa souveraine Liberté. Nous mettre en retrait. Nous avons déjà bien assez à faire avec notre propre conversion,non?
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Écrit par : Anne Josnin / | 08/05/2013

ELLUL

> Jacques Ellul et l'apocatastase : « Il faut être fou pour enseigner le Salut universel mais il faut être impie pour ne pas le croire. »
http://www.jacques-ellul.org/les-grands-themes/foi-et-doute
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Écrit par : PMalo / | 08/05/2013

SATAN AU CHÔMAGE

> Satan est le puissant contradicteur N°1 , sa réalité spirituelle est intimement liée à liberté du fils de Dieu dont l'émancipation justifie sa position , lui aussi est toujours présent à nos côtés . Satan est là pour nous éprouver , il cherche à nous faire tomber , si nous nous relevons , grâce à Dieu , nous aurons fait un grand pas vers Lui , et le Malin devra redoubler d'efforts pour nous confondre . Satan sait mieux que nous qui est le plus fort, et quand nous revêtons le Seigneur , Satan fuit ! Lorsque l'humanité tout entière sera retournée comme un seul homme vers le Père, Satan se retrouvera définitivement au chômage et son intelligence remarquable le conduira inévitablement à notre suite, vers le Père , il sera beau joueur, Celui dont la Miséricorde est sans limite . Suis-je anathème ?

Écrit par : escargolibri / | 09/05/2013

@ Anne Josnin

> Je ne sais pas si votre vision est théologiquement juste, mais elle est grandiose !
Imaginer Satan en serpent rampant tout au fond, à la dernière place, et juste devant lui les Hitler, Staline, et autres... et juste devant encore votre serviteur, heureux d'être là, espérant juste bien voir et bien entendre !
Mais vous avez raison de conclure que cela est l'affaire de Dieu, et non la nôtre !
Quand Urs von Balthasar écrit "Espérer pour tous", il ne nie pas l'enfer, si ma mémoire est bonne, il espère juste qu'il est vide... il me semble qu'il ne parle que des humains et pas des anges.
L'apocatastase générale me paraît mettre en cause un fine la liberté de la créature, liberté que notre Dieu a pris le risque -le beau risque- de nous donner par pur amour (et il n'y a pas d'amour sans liberté), risque de n'être pas aimé en retour...

@ escargolibri

> Dans la même veine qu'Anne, mais qu'est-ce qui l'emporte en Satan ? Son intelligence remarquable à laquelle vous rendez hommage ou son orgueil malgré le combat qu'il sait perdu ?
A son propos, je me rappelle un livre plein d'humour et de finesse : "Tactique du diable : Lettres d'un vétéran de la tentation à un novice" de C-S Lewis !
Au chômage, nous l'espérons, mais beau joueur... Ne rêvons pas ! Pourquoi attendrait-il sa défaite finale pour se convertir alors qu'il sait déjà qu'il a perdu la partie !

@ PMalo

> Merci beaucoup pour votre belle citation de Jacques Ellul, qui rejoint, sur la pointe des pieds car il ne tranche pas et laisse le doute, les positions d'Origène (qui lui non plus ne tranchait pas, quoi qu'en aient dit ou pensé ses contradicteurs), de St Grégoire de Nysse ou d'Evagre le Pontique.
Il me semble que ce que nous pouvons faire de mieux pour méditer sur le salut et les fins dernière est de relire le livre de l'Apocalypse de St Jean, Αποκάλυψις Ιησού Χριστού - Révélation de Jésus Christ !
"L'Esprit et l'Épouse disent : « Viens ! »
Et celui qui témoigne de tout cela déclare : « Oui, je viens sans tarder. » - Amen ! Viens, Seigneur Jésus !"
(Apocalypse 22, 17.20)
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Écrit par : Michel de Guibert / | 09/05/2013

SEUL DIEU CREE

> Les esprits des chrétiens ont été longuement intoxiqué par des clichés martelés en maints articles et homélies pendant des décennies: "Dieu a confié à l'Homme l'achèvement de la création" voire "l'Homme cocréateur"
Achèvement? Pourquoi? la création n'était donc pas parfaite?
Et puis les hommes étudient, comprennent, imitent, utilisent mais on n'a jamais vu "créer" de nouvelles grandeurs ni de nouvelles lois physiques. Parler de création par l'Homme n'a aucun sens.
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Écrit par : Pierre Huet / | 09/05/2013

L'ERREUR DE LA "CO-CREATION"

> Totalement d'accord avec la remarque de Pierre Huet ! Et cet imaginaire erroné d'un homme co-créateur a largement servi d'alibi aux chrétiens dans leur adhésion «décomplexée» à l'idéologie du progrès technique, par laquelle s'est subrepticement installée une dramatique identification de l'espérance chrétienne et de l'humanisme prométhéen : les centrales nucléaires, les OGM, la croissance du PIB et la cartographie du génome humain, pour le salut du monde et pour la gloire de Dieu !
Dans son livre «Vert comme l'espérance ; plaidoyer chrétien pour l'écologie » (parfaitement complémentaire de celui de J.Bastaire) Nicole Echivard voit dans le 17e siècle un tournant à partir duquel l'anthropocentrisme rationaliste triomphe et l'homme s'auto-proclame chef de l'univers. Elle décrit la fascination de Bossuet pour la technologie, réécrivant la Genèse en même temps qu'il écrit un hymne à la gloire et à la puissance humaine : 
« Je ne puis contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes qu'a faites la science pour pénétrer la nature(...)L'homme a presque changé la face du monde ; il a su dompter par l'esprit les animaux qui le surmontaient par la force ; il a su discipliner leur humeur brutale et contraindre leur liberté indocile(...) Dieu ayant formé l'homme, dit l'oracle de l'Ecriture, pour être le chef de l'univers, il lui a laissé un certain instinct de chercher ce qui lui manque dans toute l'étendue de la nature. C'est pourquoi, si j'ose dire, il fouille partout hardiment comme dans son bien, et il n'y a aucune partie de l'univers où il n'ait signalé son industrie.»
Nicole Echivard, citant saint Paul, renvoie Bossuet et la conscience chrétienne à l'humilité de l'homme face au créateur et à la splendeur du corps cosmique du Christ, pour la gloire éternelle du Père :
«Dieu avait formé le dessein de rassembler l'univers, les créatures du ciel et celles de la terre, sous un seul chef, le Christ. » (Ep 1, 10), car le dessin de Dieu, c'est que «le Christ comble tout l'univers » (Ep 4, 10), « afin que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15, 28)
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Écrit par : Serge Lellouche / | 10/05/2013

@ Pierre Huet

> Pas si simple ! St Paul n'écrit-il pas : "Je complète, en ma chair, ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l'Église !"
Quoi ! Il manquerait quelque chose à la mort du Christ sur la croix ?
Non, bien sûr, mais le corps, c'est-à-dire l'Eglise, ne doit-il pas participer à ce que la tête, c'est-à-dire le Christ, a inauguré ! C'est tout le mystère de l'Eglise.
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Écrit par : Michel de Guibert / | 10/05/2013

DIFFERENTES ?

> à Michel de Guibert :
- d'une part, Dieu créant, de Lui-même et ex nihilo (Genèse) ;
- d'autre part, les hommes rédimés appelés (par grâce divine) à "compléter" progressivement le corps mystique du Christ ;
est-ce que ce ne sont pas deux notions complètement différentes, même si le Christ doit "tout récapituler" en Lui ?
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Écrit par : clerus / | 10/05/2013

LE CORAN, LA BIBLE ET LA CREATION DES ANIMAUX

> Je me souviens d'une discussion ancienne avec Serge qui avait réagi à un de mes commentaires où j'affirmais, entre autres, que le Coran est plein d' "hommeries" - je veux dire qu'il ramène sans cesse Dieu aux limites de ce que peut en imaginer l'hommme. La discussion qui précède m'y a refait penser.
Ainsi Marie Balmary constatait-elle dans un de ses livres, une de ces petites différences qui changent tout entre le Dieu chrétien et celui de l'Islam. Après la création, dans la tradition musulmane, Dieu a appelé l'homme et Il lui a dit le nom de tous les animaux. Dans la Genèse, on voit que "L'Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme."
Infinie humilité de Dieu qui effectivement, se retire autant que possible de sa Création pour laisser une place à l'homme.

Luc2


[ PP à L. - Sans compter qu'en confiant à l'homme le soin de donner "un nom" à chaque espèce, et sachant qu'en hébreu le nom c'est l'être même, Dieu chargeait l'homme de garder la biodiversité. ]

réponse au commentaire

Écrit par : luc2 / | 10/05/2013

à Luc2 et PP

> Je me rappelle une formule, de Blanc de Saint-Bonnet si ma mémoire est bonne : "Dieu a créé l'homme le moins possible".
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Écrit par : Michel de Guibert / | 10/05/2013

@ Serge Lellouche

> Que Bossuet ait admiré la faculté de l'esprit humain de comprendre la logique, les lois de la création, est-ce si choquant. Ce qu'on fait de cette compréhension, c'est une autre histoire. On peut recevoir ces découvertes avec humilité et admirer le Créateur, on peut en faire un instrument de puissance orgueilleuse. Pour l'instant, cette seconde attitude est le cas général direz-vous mais y a-t-il un déterminisme?
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/05/2013

@ Pierre Huet,

> Je ne vois pas ici Bossuet s'émerveiller dans un esprit de louange devant la splendeur cosmique des lois de la création auxquelles le divin don d'intelligence et de connaissance lui donnerait accès.
Je vois tout au contraire dans ses mots une fascination pour une technologie mise au service d'un insatiable appétit de puissance et de conquête arrogante de la nature "indocile", pour l'auto-glorification de l'homme, décrété chef de l'univers par une théologie trompeuse cherchant à sanctifier une pulsion d'avidité.

SL


[ PP à SL - De toute façon, il y aurait beaucoup à dire sur le rôle exact de Bossuet dans certaines iniquités commises sous le règne de Louis XIV. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Serge Lellouche / | 11/05/2013

@ Pierre,

> Ceci dit (j'avais oublié de le préciser:), je partage complètement cette distinction que vous faites au sujet de la connaissance entre l'accueil plein de gratitude des merveilles que le Seigneur révèle à l'intelligence humaine et l'instrumentalisation que nous sommes tentés d'en faire dans un esprit de puissance et de domination. Et il m'a semblé en effet que Bossuet se situait ici nettement sur le second versant.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 11/05/2013

Cher Michel de Guibert,

> à propos de grandiose ;-), la fraternité des chrétiens indignés, qu'en pensez-vous?
Pour ce qui est de l'homme co-créateur, je pense intimement qu'il l'est, non en créant ex nihilo bien sûr, encore moins en vertu de ses mérites, mais pour deux raisons qui ne sont au fond que prétextes, tant l'amour est sans raison: d'abord parce que Dieu cherche ainsi à nous montrer jusqu'où Il nous aime et nous fait confiance,ensuite parce que nous en avons besoin pour grandir, par pédagogie.
D'où l'expression "serviteurs inutiles". Dieu n'a pas besoin de nous pour créer, mais nous avons besoin qu'Il nous délègue, que nous nous plantions tout seuls en nous surestimant, pour nous vivre quand-même aimés, dans nos échecs lamentables, que nous réussissions enfin, alors que nous allions renoncer,egos en berne, en suivant enfin sa volonté qui défie la nôtre ("jetez les filets de l'autre côté!" Ben voyons...).
Je te rejoins Serge dans ce refus de voir en l'homme un démiurge: c'est au contraire dans l'expérience de notre faiblesse que se révèle notre participation à la Création. Non les manipulateurs de gènes ne sont pas des co-créateurs, mais oui l'enfant qui essaie de sauver une coccinelle de la noyade est co-créateur.
Il m'arrive de prier ainsi: "Seigneur, Tu sais que j'ai besoin de prendre confiance en moi, alors s'il-te-plaît, Toi, fais que ce que j'essaie si maladroitement de faire aboutisse, non à ce que j'envisage avec mes petits calculs, mais à quelque chose d'infiniment plus beau, pour lequel j'entre en émerveillement et Te rende grâce. Oui, maintenant surprends-moi dans ton infinie créativité, que je me vive en enfant de Roi, aux pouvoirs extraordinaires qui me font prendre conscience de jusqu'où je suis chérie!Et de fait, c'est ce que j'ai vécu, ce que je vis avec chacun de mes enfants: "comment cela se peut-il...?" C'est justement parce que cela ne se peut, de tels miracles de vie, de tels chefs d'oeuvre, que cela est. Alors on entre vraiment en adoration.
Qui est comme Dieu?
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Écrit par : Anne Josnin / | 11/05/2013

@ PP,

> En effet ! "Dieu établit les rois comme ses ministres, et règne par eux sur les peuples. Il paraît de tout cela que la personne des rois est sacrée, et qu'attenter sur eux c'est un sacrilège" écrit Bossuet.
La confusion théologico-politique et la confusion théologico-scientiste s'enracinent dans une même admiration pour le pouvoir de domination, exercé sur les peuples ou sur la nature.
Les catholiques français sont-ils guéris de cet imaginaire grand siècle par lequel les conquêtes nationales et industrielles sont fantasmatiquement identifiées à une manifestation de la toute-puissance divine ?
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Écrit par : Serge Lellouche / | 11/05/2013

@ Serge Lellouche

> Bossuet n'a pas connu la révolution industrielle ; la question des limites assignables à l’exploitation de la nature lui est étrangère. Son exaltation des capacités technologiques de l'homme, vous en trouverez d'ailleurs des échos encore plus exaltés chez Sophocle dans l'Antiquité grecque.
Bossuet met plutôt l'accent sur le fait que l'homme, du fait de sa place singulière dans le dessein de Dieu, entretient des relations avec la totalité de la nature créée, et non pas seulement avec une de ses parties.
L’expression de « chef » de l’univers vous gêne ? il faut comprendre que l’homme est « chef » dans le cadre de son ministère de gérance de la création. Cette dernière ne lui appartient pas pour autant. Bossuet le sait, qui précise : « comme… son bien ». Le « comme » fait la différence. Et le « si j’ose dire » souligne bien qu’il ne faut pas prendre ce qu’il écrit au pied de la lettre.
Nicole Echivard elle-même rejoint Bossuet lorsqu’elle nous ramène à « la splendeur du corps cosmique du Christ ». Le Christ Nouvel Adam est réellement « le chef de l’univers ».
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Écrit par : Blaise / | 12/05/2013

Cocréation, mode d’emploi…

> J’avoue ma perplexité (manque de formation théologique, pour moi aussi). Dans son livre « Ma vocation : le don et le mystère » (1996), le Bx Jean-Paul II écrit : « Le fait que l’homme puisse coopérer avec Dieu est bien ce qui constitue sa vraie grandeur. La vérité selon laquelle l’homme est appelé à œuvrer en tout avec Dieu, en raison de la fin ultime de sa vie, c’est-à-dire son salut et sa divinisation, a trouvé son expression dans la tradition orientale sous le nom de “synergisme” : l’homme “crée” le monde avec Dieu, l’homme “crée” avec Dieu son propre salut. La divinisation de l’homme vient de Dieu ; mais, même en cela, il faut toujours que l’homme collabore avec Dieu. » (citation que j’extraie de JP II : « Mon livre de méditations », éd. du Rocher, janvier 2004, p. 235)
La question n’est-elle pas : que sommes-nous appelés à cocréer avec Dieu, si ce n’est, avec notre salut, le monde nouveau, le monde sauvé ? De ce point de vue, on peut certes reprocher à l’homme sa propension à attendre avant tout de son Seigneur et Sauveur l’accomplissement, le renouvellement et la perfection de Sa Création, en s’exonérant un peu facilement de sa responsabilité d’être humain cocréateur.
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Écrit par : Denis / | 12/05/2013

@ Anne Josnin

> Merci beaucoup, chère Anne Josnin, pour votre commentaire, qui me fait du bien !
La fraternité des chrétiens indignés, il me faut approfondir ce que cela recouvre, mais déjà je me sens "indigné", je me crois "chrétien" et j'espère être "fraternel" !
Je vous rejoins complètement sur la manière dont vous envisagez l'homme comme co-créateur, mais vous écrivez : "Les manipulateurs de gènes ne sont pas des co-créateurs, mais oui l'enfant qui essaie de sauver une coccinelle de la noyade est co-créateur." Oui, 100%, qu'il est beau l'enfant qui fait ce geste sans prétention mais tellement beau, mais en nuançant juste un peu : si la manipulation d'un gène conduit à faire fabriquer une protéine qui fait défaut et à guérir une maladie, alors là, avec toutes les précautions utiles (principe de précaution) et en respectant toutes les normes éthiques (ne nuire en rien), il me semble que le chercheur qui fait cela est aussi co-créateur.
Qu'en pensez-vous ?
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Écrit par : Michel de Guibert / | 12/05/2013

@ Serge Lellouche

> Avec Blaise, je vous trouve bien sévère vis-à-vis de l'Aigle de Meaux !
L'extrait que vous citez provient d'un sermon sur la mort pour le vendredi de la IVe semaine de Carême, et il faudrait le remettre dans le contexte. La citation elle-même commence par ces mots : "Je ne suis pas de ceux qui font grand état des connaissances humaines ; et je confesse néanmoins que je ne puis contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes qu' a faites la science pour pénétrer la nature...?", le tout dans une méditation sur la grandeur et la misère de l'homme, et non dans une profession de foi sur le progrès !
Autre chose, vous mettez en cause les confusions "théologico-politiques" à propos du pouvoir et de la personne des rois, et vous avez raison. Mais ne perdons pas de vue que cette conception s'enracine à l'origine dans l'onction royale, laquelle avait un caractère sacramentel, conférant au roi (quelles que soient ses qualités ou ses turpitudes) la mission de servir et non de dominer.
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Écrit par : Michel de Guibert / | 12/05/2013

L'AFFAIRE DE CHINE

> Bossuet a commis beaucoup de mauvaises actions et d'injustices politico-religieuses; Mais sa plus néfaste fut dans l'affaire des "rites chinois". Les dominicains et les missionnaires de Paris cherchaient querelle aux jésuites sur la façon d'évangéliser la Chine. En 1693, le P. Lecomte publie un ovrage intelligent et habile, dédié au roi et expliquant les résultats étonnants obtenus par la Compagnie auprès de l'empereur Kangxi.Les jésuites auraient-ils pu convertir l'empereur et la cour impériale ? On ne le saura jamais. Dominicains et missionnaires attaquent les jésuites auprès de Rome. Ils leur reprochent une théorie de l'inculturation qui sera... celle de Vatican II.
A Versailles, la cabale anti-jésuite est appuyée par Mme de Maintenon et Bossuet, qui fait déférer le P. Lecomte devant l'assemblée du clergé, le fait condamner par la Sorbonne, et lui fait perdre sa charge de confesseur de la duchesse de Bourgogne. L'affaire étant réglée à Versailles, Rome suivra en 1704. Ainsi une intrigue de cour française, servie par un évêque de cour, a empêché la culture chinoise de fusionner avec le christianisme, ce qui aurait été d'une importance incalculable pour l'avenir du monde. Merci Bossuet.
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Écrit par : Trévoux / | 12/05/2013

Je reviens à Bossuet

> J’insiste sur le fait que le passage incriminé doit être replacé dans son contexte pré-capitaliste.
Bossuet loue en l’homme ses techniques d’investigation de la nature et de maîtrise de celle-ci, mais dans un contexte où les sciences et les techniques n’ont pas encore le caractère systématique et organisé qui sera le leur. L’art équestre, celui de contraindre de puissants bovidés à labourer son champ, la découverte de l’héliocentrisme ou de la circulation du sang n’ont pas eu des impacts aussi délétères que la manipulation du vivant, l’élevage en batterie ou l’invention de bombes atomiques.
Si je cite Bossuet, il confie son admiration des découvertes scientifiques, qui nous ont permis de « pénétrer la nature ». Nous restons dans l’ordre cognitif et contemplatif, proche de l’esprit des psaumes.
Autre motif d’admiration : l’homme « a presque changé la face du monde » (ce travail d’aménagement du paysage étant presque aussi ancien que l’apparition de notre espèce) ; il a su « dompter » et « discipliner » les animaux. Ces différentes taches n’impliquent pas nécessairement une exploitation excessive de la biosphère.
De plus, lorsqu’il rend compte (et légitime) chez l’homme d’ « un certain instinct de chercher ce qui lui manque » dans la nature, Bossuet pose implicitement les limites à ne pas franchir : nous pouvons prélever, dans la totalité de la création, « ce qui nous manque » ; mais la recherche du superflu, faite dans un esprit d’avidité, et au risque d’une détérioration de la Création appartient à un registre différent, illégitime pour un chrétien.
La seule « démesure » acceptée par Bossuet, en fin de compte, est celle-ci : « il n’y a aucune partie de l’univers où il [l’homme] n’ait signalé son industrie ». Autrement dit, alors que les « mondes » animaux relèvent du particulier, de l’ « estimative », l’intellection humaine, parce qu’elle s’élève à la perception de la généralité, est capable d’agir sur l’ensemble de l'univers. Comme l’écrivait Paul Claudel à l’article III de son Traité de la co-naîssance, « […] l’homme est né pour se "retrouver" partout. […] L’homme […] est capable de trouver partout sa place, de réaliser sa forme à l’égard de toute chose à l’état de différence, de co-naître selon elle. »
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Écrit par : Blaise / | 12/05/2013

> Le « Traité de la co-naîssance au monde et de soi-même » renvoie, de la part de Claudel, à un ouvrage de Bossuet : « De la connaissance de Dieu et de soi-même » (1670)
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Écrit par : Blaise / | 12/05/2013

LES TROMPETTES DE LA SEDUCTION

> La grande marche funèbre à laquelle nous convient les apôtres du meilleur des mondes se déroule et s'est toujours déroulée derrière le masque séducteur d'un monde meilleur. Chaque étape du délire prométhéen, afin qu'il soit aveuglément avalisé par le plus grand nombre, est ponctuée d'une litanie de promesses relatives à un surcroît de bien-être, de prospérité, de santé et, bien entendu, de salut environnemental. Avec les nano-technologies, promis juré, fini le réchauffement climatique, la pollution de l'air et des nappes phréatiques.
Et que les catholiques se le disent, ce serait un manque de foi et d'espérance que de faire les grincheux techno-sceptiques dans ce domaine et dans d'autres.
Le son des trompettes du progrès n'a pas fini de nous envoûter, de nous charmer et de nous tromper.
A chaque «avancée», est savamment orchestré un simulacre de «débat démocratique» où la rhétorique du principe de précaution et de responsabilité, du souci éthique et de la durabilité, est désormais parfaitement bien rodée par des agences de marketing devenues les incontournables succursales de la raison techno-productiviste. L'industrie nucléaire, plus encore que toute autre, a déployé des trésors d'imagination mensongère sur ce mode de l'enfumage manipulateur.
Ainsi se déploie le triste et désespérant projet démiurgique de transformation et de standardisation du vivant, et son fantasme ultime d'une nouvelle création high tech : sous le drapeau de l'enthousiasme et de l'optimisme.
Voir ce qui se joue à cet égard actuellement avec la biologie de synthèse, à côté de laquelle les OGM nous apparaîtront bientôt comme une technologie préhistorique : http://fabrice-nicolino.com/wp-content/uploads/2013/04/tract_bs_broch-2.pdf
Que des esprits catholiques, oui fort nombreux, aient pu et continuent d'établir une identification entre l'avancée en cours et masquée de cette toute-puissance prométhéenne et la vocation «co-créatrice» de l'homme, est un drame spirituel dont nous serions saisis d'horreur à la vue vertigineuse de sa profondeur. Nous sortirons de ce cauchemar avec les gouttes glaciales de l'effroi ruisselant sur nos fronts. Passage douloureux et incontournable.
Notre salut sera, par notre regard regénéré en Christ, dans l'absolu émerveillement retrouvé. Etre co-créateur, n'est ce pas d'abord cela ? Voir la création ! La voir enfin par le Christ, dans l'humilité du regard du Christ, donc la voir enfin pour ce qu'elle est : dans l'infinie cohérence de son unité dans le Christ cosmique ; dans l'infini diversité des éléments qui le composent, chacun, jusqu'au moindre atome, étant doté d'une vocation propre et unique.
Avec ce regard d'émerveillement de l'enfant sur la coccinelle, tel que décrit plus haut par Anne.
Saisis d'émerveillement, submergés de joie à la vue d'une telle beauté, nous participons ainsi, en la voyant enfin, en l'aimant sans fin, à sa «co-création», dans le sens que plus nous la voyons profondément et librement, plus nous reconnaissons en elle l'image du créateur, plus nous participons ainsi à son accomplissement, à son achèvement sur le chemin de sa gloire éternelle.
Nous n'avons rien à inventer, nous n'avons rien à bâtir. RIEN. Pas une miette de plastique en plus. Il a tout crée, Il nous a tout donné. Aucun «défaut de création» qui justifierait une avide compensation humaine dont nous nous mentons à nous-même de la nommer «œuvre co-créatrice».
Il n'y a plus qu'à découvrir ce qu'Il nous a donné, qu'à nous laisser saisir, dans l'émerveillement et la gratitude infinie.
Quand l'homme est parfois touché par la grâce de l'émerveillement, devant la beauté d'une forêt, d'un arbre, de sa cohérence d'ensemble, des plus petits détails de son feuillages, devant le regard du chat qui nous questionne, devant l'oeuvre discrète, lente et déterminée de l'escargot ; quand l'homme est touché par la grâce de la compassion à l'égard de l'animal réduit à un objet d'esclavage industriel, ou d'une terre livrée aux OGM ou aux pesticides, cette grâce retentit mystérieusement jusqu'au fin fond du cosmos. Nous participons alors de l'évangélisation de la création, de sa co-création comme mouvement d'accomplissement de l'oeuvre créatrice dans le Christ, venu épouser la chair de toute la création, pour la sauver sur sa croix, pour la glorifier dans sa résurrection.
Que nous demande-t-Il d'autre ?
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Écrit par : Serge Lellouche / | 12/05/2013

LE GRAND TOURNANT

> Si nous devions chercher des causes lointaines au grand tournant capitaliste et industriel de la fin du XVIIIe siècle, et à ses conséquences dans notre rapport contemporain à la nature, une piste intéressante consisterait à étudier les transformations du droit de propriété, qui est au cœur du projet libéral, de préférence à la fascination pour la technique.
Avec le retour au droit romain, les juristes et les législateurs de l’époque moderne ont réactualisé la conception patriarcale du « dominium », autrement dit une domination illimitée sur ce qui nous appartient : soi-même, ses enfants, sa terre, son bétail, ses esclaves, etc. Une telle conception a trouvé aussi bien son application dans le domaine de la souveraineté politique que dans celui de la propriété privée : par conséquent un fil unique relie l’absolutisme monarchique au libéralisme, Jean Bodin à Locke.

La conception d’un pouvoir illimité pouvait d’ailleurs se fonder sur la théologie nominaliste : la relation du Créateur à ses créatures est analysée en termes de sujétion absolue (la qualification de ce qui est « bien » et « mal », « amour » ou « haine » n’étant que le résultat extrinsèque et purement normatif de la volonté divine, à laquelle tout chrétien doit se soumettre). Ce « dominium » sur les créatures (qui met entre parenthèses l’usage bon ou mauvais qui pourrait en être fait), Dieu l’aurait transmis à Adam. Et c’est en qualité d’héritiers d’Adam, sur le modèle de la toute-puissance divine, que les rois absolus ou les propriétaires de droit privé prétendront exercer leur « dominium » indépendamment de toute finalité éthique. Dans ce climat idéologique, on comprend mieux la répartie de François Ier à ceux qui lui reprochaient d’enfreindre le traité de Tordesillas : « Je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde » (Marcel Trudel, "Histoire de la Nouvelle-France, I - Les vaines tentatives, 1524-1603", Montréal, Fides, 1963, p. 133-134)

Au terme de ce processus, – l’effacement de la théologie scolastique, le discrédit des thèses absolutistes – le droit de propriété est ainsi défini comme le droit « naturel » qu’a chaque individu libre et autonome de disposer de sa personne et de ses biens comme il l’entend. La propriété d’une chose ne peut donc être qu’individuelle, et son détenteur est délié de toute obligation sociale dans l’usage qu’il en fait. D’où les Enclosure Acts (1727-1815), qui ont supprimé les droits d’usage et privatisé les terrains communaux en Angleterre. Ce phénomène s’est par la suite généralisé au monde entier. Les paysans africains en font l’amère expérience… Les mesures de « libération » de la propriété de toutes les contraintes et limitations « archaïques » qui en réduisaient la pleine jouissance, ont cependant été longues et fastidieuses à mettre en œuvre, variables suivant les régions et les pays.

Droit d’user, droit d’abuser : c’est le moteur de la révolution industrielle. Je pense tout à la fois aux conséquences sociales, environnementales et sanitaires d’une telle conception du droit de propriété. Nous sommes bien loin aussi de ce que pensait Bossuet en la matière. Pour lui, en régime chrétien, la jouissance des biens n’est légitime que lorsqu’ils sont partagés. Ainsi, dans le "Sermon sur l’éminente dignité des pauvres dans l’Eglise" : « Venez donc, ô riches, dans son Eglise ; la porte enfin vous est ouverte : mais elle vous est ouverte en faveur des pauvres, et à condition de les servir. C’est pour l’amour de ses enfants qu’il permet l’entrée à ces étrangers. Voyez le miracle de la pauvreté ! oui, les riches étaient étrangers ; mais le service des pauvres les naturalise, et leur sert à expier la contagion qu’ils contractent parmi leurs richesses. Par conséquent, ô riches du siècle, prenez tant qu’il vous plaira des titres superbes ; vous les pouvez porter dans le monde : dans l’Eglise de Jésus-Christ, vous êtes seulement serviteurs des pauvres. »

B.


[ PP à B. - Repaganisation du droit de propriété + technolatrie = productivisme capitaliste du XIXe siècle, devenu paroxystique au XXIe. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise / | 13/05/2013

@ Blaise, (sur vos commentaires d'hier)

> pourquoi nier que dans le rapport de l'homme à la création, une rupture d'Alliance s'est produite au 17ème siècle, que Bossuet a contribué avec d'autres à cette distorsion théologique, et que les catholiques, sans doute largement sans s'en apercevoir, ont massivement épousé ce mouvement trompeur d'auto-glorification de l'homme ?
Dans «Le chant des créatures ; les chrétiens et l'univers d'Irénée à Claudel », Jean Bastaire parle ainsi de cette rupture qui, quoique située deux siècles avant la «révolution industrielle» proprement dite, en constitue indéniablement les prémisses, à la fois dans l'ordre philosophique et dans celui d'une idolâtrie techniciste naissante. Il n'évoque pas là les débuts du 19ème siècle anglais, mais bien l'âge de la raison classique et des lumières :
«La place est libre pour que se déchaîne l'emprise dévastatrice de l'homme sur l'univers, détournement de l'oeuvre de Dieu qui résulte d'une perte de considération de l'ensemble du cosmos au bénéfice exclusif de l'humanité. On abandonne le royaume des créatures pour entrer dans le désert des choses. Il n'y a plus que des objets exploitables à outrance et qu'on voue sans vergogne au néant. Des résistances se perpétueront et il restera toujours des chrétiens pour honorer la Création et se sentir en familiarité avec la nature. Tous ne renieront pas leur parenté cosmique. Mais la plupart d'entre eux ne s'inquièteront pas de voir l'univers réduit en esclavage. D'aucuns s'en glorifieront et loueront Dieu de les avoir faits prédateurs, comme s'ils se comportaient ainsi en gestionnaires fidèles.»
Et concernant plus directement Bossuet, contrairement à ce que vous dites, Nicole Echivard ne le rejoint en rien, mais sensible au sens des mots, le décrit comme parfaite illustration de cette tragique rupture historique et spirituelle. Je la cite (page 26):
«  « Dompter », « discipliner », « contraindre », « fléchir », « forcer », « obliger », « fouiller »...La volonté de puissance sur la nature ne s'avance pas masquée. Elle célèbre ses exploits « industrieux » comme une épopée, comme une succession de « miracles », comme une « ascension » jusqu'aux « cieux ». La rhétorique, ingénument, se proclame anthropocentrique, rationaliste : elle oppose la « science », « l'art », « l'adresse », « l'industrie » de l'homme à une nature « brutale », « indocile », « sauvage, « intraitable », voir « venimeuse »...
Quand il parle en « théologien », Bossuet s'égare un peu. Toujours pour les besoins de la cause, il veut sanctifier cette pulsion qui pousse l'homme à « chercher ce qui lui manque dans toute l'étendue de la nature ». Il y voit « un certain instinct » d'avant le « crime ». Ce serait par un vestige de l'état de grâce originel que l'homme traiterait la nature comme « son bien » propre, à « fouiller  hardiment »- »Dieu ayant formé l'homme pour être chef de l'univers ».
C'est réécrire la Genèse. » Fin de citation.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 13/05/2013

PRINCIPALE MAIS PAS EXCLUSIVE

> Je crois que ce qui caractérise surtout l’homme du reste de la création est que, si toute la création est vouée à une même parousie à la fin des temps, l’homme, très distinctement du reste de la création est soumis à devoir affronter deux morts dont il n’est sauvé que de la première grâce, lors de Son 1er avènement, au sacrifice que Jésus a fait en donnant Sa vie pour nous sur la Croix (nous: l‘humanité, pas le reste de la création); tandis que le reste de la création n’ayant pas pu connaître le péché - quoi qu’il lui arrive, qu’il subisse des mains de l’homme ou de la nature elle-même les pires destructions - ressuscitera sans avoir à l’inverse de l’homme à passer de jugement. L’homme est soumis à devoir échapper à deux morts, pas le reste de la création. Peut-être de là, vient tout un malentendu sur ces sujets entre les religions et entre les croyants à l’intérieur de la plupart de chacune d'elles - ce qui expliquerait alors que saint Thomas, cité plus haut par Marie-Ange Turquais, ait pu dire que "la rédemption est la raison d’être principale de l’incarnation, principale mais pas exclusive". Mais peut-être est-ce là, une façon très simplifiée de ma part, de voir les choses?
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Écrit par : michel Baude / | 13/05/2013

@ Serge Lellouche

> J'aimerais pouvoir juger sur pièce. La citation que vous donniez de Bossuet ne permet pas de constater sa culpabilité.
Donc je nie que Bossuet veuille « sanctifier » l'exploitation avide et sans limites de la création. Par contre, Bossuet offre le cas typique d’un clerc de la seconde moitié du XVIIe siècle : capable d'exalter la nature au-dessus de toutes les productions de l'industrie humaine, frappées, elles, d'inanité, sa spiritualité est pourtant beaucoup plus anthropocentrée que celle de la génération précédente. Son cartésianisme, qui lui permet d’affirmer contre les Libertins la distance qui sépare l’homme de l’animal, reste lui aussi très modéré. Nous sommes dans une période de transition pour ce qui concerne la façon de se représenter la nature, et la place que l’on assigne à celle-ci dans la théologie.
Mais quant aux reproches que vous adressez à Bossuet, ils tombent à plat : vous vous contentez de solliciter à l'extrême une pauvre petite citation. - Et je vous ai montré qu'on pouvait l'interpréter tout autrement.
Cependant, je suis d’accord avec vous pour soutenir que le XVIIe siècle est essentiel pour comprendre ce qui va suivre, même si à cette date rien n’est encore joué en matière de révolution capitaliste et technicienne. Sauf que je considère que le point névralgique de ce dispositif moderne d’assujettissement, ce n’est pas l’amour de la technique, ni un rapport spécifique à notre environnement naturel : c’est la réémergence chez les juristes et les théoriciens politiques de la notion païenne de « Dominium », via la philosophie nominaliste et le retour en faveur du droit romain. Le phénomène, qui débute à la fin du moyen âge (d’où la protestation des franciscains refusant la propriété des biens pour ne bénéficier que de leur usage), atteint sa maturité au XVIIe siècle avec des penseurs comme Thomas Hobbes et John Locke.
Une anthropologie de la toute-puissance et de la déliaison entre individus, ancrée sur une théologie qui fait l’impasse sur la Sainteté de Dieu, Son amour pour les hommes et sa providence envers la création – voilà qui est explosif.
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Écrit par : Blaise / | 13/05/2013

LOCKE ET MONSANTO

> Une illustration parfaite de la définition lockéenne de la propriété privée, c'est le brevetage du vivant au profit d'entreprises comme Monsanto. Ou comment un auteur classique rejoint l'extrême contemporain.
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Écrit par : Blaise / | 13/05/2013

@ Blaise,

> ne discutons pas pendant une semaine quant au sens des mots «dompter», «discipliner», «contraindre», «fléchir», «forcer», «obliger», ou «fouiller» qu'utilise Bossuet, qui ne traduisent en rien selon vous un rapport à la nature non plus d'émerveillement mais de domination, et qui pour ma part sont la très nette manifestation de ce glissement en cours. Paix à l'âme de l'évêque de Meaux.
Plus intéressantes et stimulantes me semblent être vos remarques suivantes sur le facteur déterminant dans lequel s'enracine ce basculement.
Aux éléments juridiques et anthropologiques que vous signalez, qu'il s'agirait en effet d'approfondir, il y aurait peut-être aussi une réflexion-méditation à mener sur un plan beaucoup plus obscur, de ce qui se joue dans l'humanité occidentale de ce temps, derrière la superbe façade de «la raison» et des «lumières». Ainsi que le suggère Jean Bastaire, ne s'agit-il pas d'une soudaine et imperceptible irruption de la peur venant saisir l'âme humaine face à ce qui n'est qu'infinie bienveillance; d'un brusque et angoissant sentiment d'être étranger au monde, en rupture avec la joie biblique de la fraternité cosmique ?
Blaise Pascal : «Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.» (Pensées)
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Écrit par : Serge Lellouche / | 13/05/2013

OIKOS

> L'Incarnation comme nécessaire à la plénitude de la Création, on en parle dès le début (puis cela s'est effacé) :
-Monde naturel : gaz, liquide, minéral (matériel pur), monde végétal (matériel et vivant) monde animal (matériel, vivant, intelligent), monde humain (matériel, vivant, intelligent et spirituel).
Ce dernier, parce qu'il a l'intelligence nécessaire a "reçu de Dieu les clefs de la Création" pas pour se la couler douce mais pour y vivre en plénitude, en union avec Dieu.
-Monde invisible, surnaturel : Dieu et les anges, l'âme des humains ces derniers faisant la jonction entre les deux mondes avec le Christ à leur tête.
Le monde invisible est couronné par le Père, le visible est couronné par le Christ.
Nous sommes au monde visible ce que les anges sont au monde invisible : comme nous agissons ds le monde matériel, les anges agissent ds le spirituel.
Une erreur très répandue consiste à croire que Dieu fait tout et que les anges "se la coulent douce."
Lourde erreur ! la théologie leur donne un rôle actif, ils sont "chargés de mission", ils sont tout sauf interchangeables. Tous voulus et créés personnellement par Dieu, ils ont eux aussi des personnalités.
Ils sont comme nous, mais dans l'ordre surnaturel, actifs dans la gloire de Dieu, agissent sans cesse en Lui et par Lui, en contemplation de Dieu, ils vivent sous son regard et en le contemplant, en oraison parfaite, vivant d'amour, ils voient tout de suite l'amour qu'il y a à faire ; ce sont des modèles de bénédictins !
Un ange ce n'est pas un doux rêveur ou un G.O. vivant en plein spiritualisme ! Il est au contraire très réaliste :" arrête avec tes faux-semblants" nous dit-il à longeur de temps.
Réfléchir aux anges n'est pas une option, c'est fondamental pour comprendre notre mission, comprendre qui est Satan et donc le problème du mal et donc comprendre l'histoire du Salut et l'Evangile. "qui ne croit pas à l'existence du Diable, ne croit pas à l'Evangile" disait Jean Paul II (pas de diable, pas de tentation, pas de péché donc pas de salut!)
L'Incarnation est donc là dès le départ car c'est une plénitude.
Selon plusieurs théologiens antiques & médiévaux, c'est justement son refus qui entraîne le péché de Satan et non à l'inverse, l'Incarnation qui est rendue nécessaire par le péché satanique car cela sous-entendrait que le Christ n'existe que pour rattraper les choses : le Christ-plan de rechange !
"je ne servirai pas" s'exclame Lucifer.
Son orgueil l'amène à voir la perfection en lui-même, or il est purement spirituel : il refuse donc d'adorer le Christ qui est Dieu ET Homme.
Le mépris du monde matériel, de la création ne vient donc pas de Dieu puisqu'au contraire c'est Lui qui l'a créé.
Ce fut la lourde erreur des Cathares qui haïssaient la nature mais aussi celles des Jansénistes qui croyaient adorer le Créateur malgré la Création.
C'est la bêtise de bcp de catholiques de croire qu'on peut servir Dieu sans servir l'Homme, le monde invisible sans servir le monde visble, le monde sans sa patrie, le Papou sans le prochain.
Ayant reçu de Dieu les clefs de la Création, l'homme veille à la maison (oikos): l'écologie en vue de faire son Salut : l'écologie en vue de l'économie du Salut.
On le voit, il faut se réapproprier les mots.
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Écrit par : E Levavasseur / | 13/05/2013

L'AIGLE ET LES ANIMAUX

> Ne perdons pas de vue que Bossuet, malgré tous ses défauts, était un chrétien sincère, nourri de la Bible et de la lecture des pères de l’Eglise. L’action de l’homme sur la création, ne trouve donc pas sa justification en elle-même, par une sorte d’acte d’appropriation d’une chose abandonnée là par son inventeur à la rapacité du premier venu. Bossuet ne saurait réduire la nature à une étendue de matière, sans plus, comme si Dieu n’existait pas. Au contraire, à la suite du Psalmiste et du Livre de la Sagesse, sa contemplation de la création fait tout remonter à Dieu, et il célèbre la puissance et la sagesse de Dieu à l’œuvre dans ses créatures.
Ainsi, dans son « Elévation sur les Mystères », IIIe semaine, VIIIe élévation ("L’assistance de la divine sagesse dans la création de l’univers") :
« Tout l’ouvrage de Dieu est plein de sagesse ; et la sagesse nous en doit apprendre le bon usage. Le premier bon usage qu’on en doit faire, c’est de louer Dieu par ses œuvres. »
Par conséquent, il existe pour Bossuet un « bon usage » de la création.
Dans la Ve semaine, Ire élévation, Bossuet souligne aussi que Dieu assigne une finalité éthique au travail de l’homme dans la création :
« Pour le paradis, Dieu ordonna deux choses à l’homme : l’une de le cultiver, et l’autre, de le garder : c’est-à-dire, d’en conserver la beauté ; ce qui revient encore à la culture. Car au reste, il n’y avait pas d’ennemi qui pût envahir ce lieu tranquille et saint : ‘Ut operaretur, et custodiret illum’. Dieu apprenait à l’homme, par cette figure, à se garder soi-même, et à garder à la fois la place qu’il avait dans le paradis. »
Quant aux bêtes : « En amenant les animaux à l’homme, Dieu lui fait voir qu’il en est le maître, comme un maître dans sa famille qui nomme ses serviteurs pour la facilité du commandement. » Et logiquement, Bossuet rend grâces à Dieu « de tous les biens qu’il nous a laissés dans le secours des animaux ».
Aussi, tout en parlant de l’ « empire » de l’homme sur les animaux, il en circonscrit les limites : la place élevée qu’occupe l’homme parmi les créatures est celle d’un père de famille qui préside aux destinées de la collectivité. Les animaux sont des serviteurs vis-à-vis desquels le maître est redevable, qu’il doit ménager et en lesquels il célèbre l’éminente dignité, car il y reconnaît « cette ombre de sagesse, qui paraît dans les industries naturelles des animaux ».
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Écrit par : Blaise / | 13/05/2013

@ escargolibri

> Concernant un repentir ou un salut de Satan et/ou des damnés :
"Satan ou le diable et les autres démons sont des anges déchus pour avoir librement refusé de servir Dieu et son dessein. Leur choix contre Dieu est définitif." (Caté de l'Eglise catholique)
Dieu veut le Salut de tous, ce sont les damnés qui ne le veulent pas.
Et s'ils le voulaient ?
(leur volonté dans le mal est-elle le seul obstacle ou y a t-il une impossibilité au repentir inséparable au fait d'être damné ?)
Là encore le caté répond ( il est fait pour ça) : " C’est le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de l’infinie miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné. " Il n’y a pas de repentir pour eux après la chute, comme il n’y a pas de repentir pour les hommes après la mort " (S. Jean Damascène, f. o. 2, 4 : PG 94, 877C).
Ce caractère irrévocable de ce choix, beaucoup de chrétiens ont du mal à l'admettre.
De même que des gens ne veulent pas admettre qu'il existe des criminels et ne veulent voir que "des fous."
Pour comprendre que les damnés ne PEUVENT PAS se repentir, il faut se souvenir que Dieu est Amour, que Dieu EST L'Amour, qu'il n'y a pas d'amour parallèle où puiser quand on est séparé de Lui pour revenir à Lui.
Et cela les damnés le savaient ; cela n'indique pas la sévérité de Dieu mais la gravité de leur décision.
Dieu est Amour, celui qui le rejette choisi automatiquement la Haine.
On ne peut pas puiser dans la Haine le nécessaire au repentir puisque le repentir à Dieu pour origine.
Le diable et les damnés ont JUSTEMENT choisi une situation dont ils savaient qu'ils ne pourraient pas revenir justement POUR CETTE RAISON : le saut dans le vide, le défi suicidaire ultime, l'autodestruction plutôt que l'adoration de Dieu, l'orgueil de soi plutôt que l'amour.
Satan et les damnés ont choisi une sorte de suicide éternel et l'ont choisi justement pour cela.
Signe de cette inversion suprême, la douleur -spirituelle- que provoquent eau bénite et paroles d'amour sacré aux démons lors des exorcisme.
Il est INUTILE de prier pour les démons

@ Jean Bastaire (au cas où)

> "l'éternel remords de Dieu devant l'éternelle rébellion"
Dieu étant parfait, il ne regrette rien, n'ayant commis aucun mal, il ne peut ressentir aucun remord.
Dieu étant TOUT, il n'y a rien au dessus de lui ; il ne connaît pas d'émotions, il EST.
Il EST Amour, Justice, Beauté, Vie, Chemin...
Il est tout le contraire d'indifférent, il est juste.
Ce n'est pas à lui d'éprouver du remord pour les péchés, Il est juste et a donné tout le nécessaire aux damnés avant qu'ils ne le soient.
La gloire de Dieu ne dépend pas des damnés.
Attention à ne pas en rester à G de Nysse (ou à St Martin de Tours) ou encore à Origène, sur ce point, la théologie a progressé depuis !
Le triomphe total et final de Dieu à travers la résurrection de la création innocente, ça oui, pas de problème =100% catho ; mais le passage sur le repentir des damnés est hérétique. Navré.
Dommage car le reste du bouquin est très bon.
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Écrit par : E Levavasseur / | 13/05/2013

ANNEES 1950

> Les décennies 1945-1950 devraient davantage attirer notre attention : c’est une période d’extraordinaire régression théologique et disciplinaire en matière de respect et d’amour de la création, en rupture nette avec les premières générations du XXe siècle. Même les catéchismes nationaux, dans leurs révisions, ont pratiqué une sorte d’auto-censure concernant les passages relatifs aux animaux et à la nature.
Je vous renvoie au travail d’historien d’Eric Baratay, ou encore au témoignage poignant de Jean Gaillard : « A cette époque les chrétiens cherchaient surtout à s'ouvrir au monde moderne. Dans l'Eglise se développaient des courants tendant à réduire l'Evangile à un humanisme religieux. Le clergé célébrait le progrès des sciences et des techniques, et reconnaissait à l'Homme tous les droits sur la nature. Il se préoccupait surtout des problèmes économiques et sociaux, voire politiques. » ("L’attitude des chrétiens face à la protection animale", exposé présenté au Cercle des Etudiants Catholiques de Strasbourg, 9 octobre 2002)
En 1968, Marie-Dominique Chenu publiait une «Théologie de la matière » assez représentative de cette tendance. On pourrait parler aussi, l’expression existe, de "théologie du monde", de "théologie mondaine", etc. Il « faut aller au monde », laisser libre cours aux capacités techniciennes de l’homme, à son activité de co-créateur. Et tant pis si quelques-uns râlent à cause des routes bitumées et de la disparition des espèces…
De manière significative, les auteurs chrétiens retenus par Hélène et Jean Bastaire dans leur «Chant des créatures » sont tous des hommes du premier XXe siècle, voire du XIXe (comme Claudel), à l’exception de Joseph Folliet qui est décédé en 1972.
Il a fallu attendre l’engagement fort et net de Paul VI, et surtout de Jean-Paul II, pour commencer laborieusement, dans les années 80, à remonter la pente.
B.

[ PP à B. - Les années 1950 et les chants stakhanovistes de la JOC :
"Debout les gars réveillez-vous
Il va falloir en mettre un coup
Un bulldozer et deux cents bras
On va au bout du monde..." ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise / | 13/05/2013

LES ANNEES 50

> ce que dit Blaise est 100% exact.
Les années 50, c'est la bonne conscience, l'illusion de la paix par l'aisance matérielle, l'union des Européens non par la culture mais par l'économie (déjà ...) l'américanisation vue comme le summum social, donc le libéralisme vu comme la seule voie économique avec en parallèle, le marxisme comme la seule voie intellectuelle qui se respecte.
Dévastée par deux guerres mondiales, l'Europe a raté ce qui aurait pu la faire revivre au lieu de singer les Etats-Unis.
Je lisais sur ce blog un commentaire où était émis le souhait de revenir aux années 60... surtout pas !
Les années 60, c'est l'établissement définitif de la société de consommation et le commencement de l'application des dérives des années 50 aux moeurs, le jeunisme, le tout-bagnole, etc.
Matérialisme ambiant généralisé, d'un côté par la "marxisation culturelle" et de l'autre, par le libéralisme triomphant via l'américanisation.
Dans le milieu bourgeois catho, c'est dur à faire admettre parce que cela correspond aux années de Gaulle, qui est le personnage-talisman de cette classe sociale.
Des années vues comme des années de paradis perdu, de confort, d'embourgeoisement, la France Tonton Flingueur de la DS garée devant le bistrot sur la N7, la France avec sa Françafrique naissante, illusion d'un Commonwealth à la française, propre à apaiser les nostalgies impériales tout en donnant un moyen de se garantir une bonne conscience, la France douyou-douyou Saint Tropez d'avant l'immigration où l'on était entre blancs, où l'on a commencé à faire faire les travaux pénibles par des immigrés qu'on était bien bon d'accueillir.
Il faut arrêter de maudire les années 70 comme si elles s'étaient faites toutes seules.
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Écrit par : E Levavasseur / | 13/05/2013

@ Anne Josnin

> Sur votre charmante évocation de l'enfant qui sauve une coccinelle: il vaut mieux parler de sauveteur que de cocréateur. Le monde à besoin d'être sauvé, il n'y a qu'un Sauveur, il est bon qu'il soit rejoint par des foules de sauveteurs.
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Écrit par : Pierre Huet / | 14/05/2013

APO

> - Et toi Joséphine, t'y crois ou t'y crois pas à l'apocatastase ?
- A tes souhaits mon amour !
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Écrit par : Serge Lellouche / | 14/05/2013

LA JUSTICE DE DIEU

> Si madame Michu croit que la chanson de Polnareff ne fait pas partie du dépôt de la Foi, elle a beau s'appeler madame Michu, c'est elle qui a raison.
L'apocatastase, restauration universelle, c'est la fin du monde dominé par le Mal.
Ce n'est pas le retour d'un dieu bonnasse, papy-gâteau qui veut que tout le monde aille au paradis, même les damnés qui le veuillent ou non, na !
Ce n'est pas le retour à la case départ avec un Satan qui redevient Lucifer sans le vouloir, parce que Dieu estime qu'il en a suffisamment bavé en enfer.
Ou encore ce n'est pas le soudain repentir du mal devant la soudaine splendeur de Dieu.
C'est le retour de la justice dans la Création : "à chacun selon ses œuvres" :
"Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, (...) Il dira à ceux qui seront à gauche : « Allez-vous-en loin de moi, maudits (...)".
On peut le regretter mais c'est du futur de l'indicatif, aucun subjonctif ou conditionnel là-dedans.
L'Apocatastase englobe les bienheureux et la création qui est totalement innocente. Un chien qui souffre, c'est la lointaine conséquence du péché de l'homme. Lui n'a rien fait de mal.
La justice de Dieu ne fait pas d'ombre à sa gloire, au contraire.
C'est triste pour ceux qui refusent l'Amour mais "ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent."
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Écrit par : E Levavasseur / | 14/05/2013

Mme Michu

> Ben disons que madame Michu, sa DS garée devant le bistrot de la N7, et ce soir là d'une humeur particulièrement circonspecte face à des mystères insondables devant lesquels l'Eglise elle même envisage à la fois la possibilité du purgatoire tout en laissant ouverte celle de la damnation éternelle, et optant en dernière analyse pour une prudence de rigueur en la céleste matière, et ben madame Michu, bonne bière fraîche à la main, préfèrera ce soir-là dissoudre son doute existentiel dans des recommandations un tantinet plus averties que celles de Polnareff, celles de l'apôtre Paul :
"Je ne me juge pas moi-même, mon juge, c'est le Seigneur. Ne portez donc pas de jugement prématuré, avant le retour du Seigneur ; il éclairera même ce qui demeure caché dans les ténèbres (1 Co 4, 3-4)"
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Écrit par : Serge Lellouche / | 15/05/2013

@ E. Levavasseur

"Je lisais sur ce blog un commentaire où était émis le souhait de revenir aux années 60..."
Peut-être faites-vous allusion au mien (en fin de fil) :
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2013/05/02/dailymotion-polemique-revelatrice.html#comments
Pour ma part, je ne me fais aucune illusion sur ce qu'ont pu être les années 60. Mais quand même, un peu de nostalgie... C'est humain : je suis né en 1970, à un moment où la France était encore une grande puissance. Forcément, à l'aune de notre décadence, on est tenté d'enjoliver. Qui, en 1965, aurait imaginé nos "évolutions sociétales", la perte de notre savoir-faire industriel, la déliquescence de nos forces armées (ce que nous propose le Livre Blanc, c'est grosso modo de revenir - s'agissant de l'armée de terre- au format qui était le leur sous...Louis XIII) ? Qui eût cru qu'un jour, nous aurions HONTE de nos dirigeants ? Qui eût prédit la fin de notre souveraineté ? Les menées de certains Etats du Golfe sur notre sol ? Et, à mon avis, la course au néant n'est pas terminée. J'aime la France, et je veux que cette involution cesse. J'en arrive à imaginer des options qui m'auraient fait horreur il y a encore un ou deux ans (cela ne fait que me traverser l'esprit...mais de plus en plus souvent). C'est terrible à dire, mais je crois que bientôt on ne pourra plus finasser. Il faudra choisir entre l'Argentine de Videla et le Liberia de Taylor.
ps :"de Gaulle, qui est le personnage-talisman de cette classe sociale". Sauf pour la frange de celle-ci qui considère que "l'abandon" de l'Algérie a été une infamie. Pour ma part, je le considère tout simplement comme le dernier grand personnage de l'Histoire de France...
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Écrit par : Feld / | 15/05/2013

DE GAULLE ET LA BOURGEOISIE

> à Eric Levavasseur : que de Gaulle soit le talisman de la bourgeoisie, c'est discutable. J'avais dix-huit ans en 1965, et je me souviens du basculement de ce milieu en faveur de... Lecanuet. C'était la préfiguration (version démocrate-chrétienne) de ce qu'allaient être les générations bourgeoises ultérieures (version giscardienne puis "euroglobale". Il a subsisté une bourgeoisie "patriote", mais résiduelle.)
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Écrit par : PP / | 15/05/2013

LE VERITABLE ENFER

> Si on imagine l'enfer non comme un lieu qui serait tenu à l'écart (on ne sait comment) de la glorification de tout l'univers, mais plutôt comme un état des âmes damnées, je pense qu'on peut réconcilier, d'une certaine manière, les différents points de vue qui s'expriment ici.
Il me semble que c'est ce que développent Arnaud Dumouch et Fabrice Hadjadj : dans la Création tout entière renouvelée, en pleine lumière, sans petit recoin sombre pour fomenter une petite tentation, complètement ignorés (tous les regards étant tournés vers Dieu), leur pouvoir de nuisance réduit à néant, brûlés par ce feu d'amour qu'ils ont refusé et refusent pour l'éternité, Satan et ceux qui l'ont suivi, dans leur défaite totale, vivront un véritable enfer !
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Écrit par : PMalo / | 15/05/2013

@ Serge

> Saint Paul ne contredit pas le catéchisme lequel est très clair.

@ Feld

> Ce que je voulais dire, c'est que nous sommes dans une telle situation que le passé paraît toujours meilleur qu'il n'était.
Oui cette histoire d'armée réduite me soucie beaucoup (réduire le budget de la Marine par exemple, c'est donner un coup de pouce aux trafiquants de drogue et d'êtres humains) mais plus encore l'individualisme généralisé.
Vous pouvez aussi choisir de partir en pèlerinage pour prier pour notre pays avec nous et Mgr Rey les 5 et 6 octobre.

@ PP,

> ah, on ne doit pas fréquenter la même bourgeoisie ;-) J'en connais une, nombreuse, qui met de côté tout esprit critique, tout recul, dès que le mot de Gaulle est prononcé et qui ne comprend pas qu'émettre des critiques (de Gaulle est humain) n'est pas automatiquement ouvrir la porte à l'OAS ou à Vichy (sic). On en est encore là.
Comme tout personnage historique, De Gaulle doit être soumis à l'analyse critique ; c'est un humain, il n'est pas parfait, sa politique non plus. Le problème est que soit il n'y a aucune analyse critique (adulation) soit c'est de la critique passionnelle.
Ce qui est sûr en tous cas, c'est que me définissant comme Français plus que comme gaulliste, je sais ce que veulent dire ces termes et trouve stupéfiant que des "gaullistes" appellent à voter oui à Maastricht ! (par exemple)
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Écrit par : E Levavasseur / | 15/05/2013

@ P Malo

> L'enfer EST un état des âmes damnées, pas un lieu (contrairement à ce que disait un Mgr de Ségur dont les bouquins révèlent la décrépitude de la théologie au 19e...)
Si l'enfer était un lieu, il aurait été créé par Dieu-Créateur**. Or les damnés se mettent à l'écart du Créateur et de sa Création.
C'est justement pour ça que le triomphe final, le retour de l'Amour dans la Création s'applique comme son nom l'indique "dans la Création".
Et cela c'est exactement ce que disent l'Eglise, Hadjadj et Dumouch.
La "fin du monde" n'est pas la destruction de la Création par le Créateur (cela n'aurait aucun sens) mais la fin du pouvoir du Mal sur la Création, le triomphe total de la vie (qu'elle soit humaine, animale, végétale...)
Que les damnés soient finalement subjugués par la splendeur divine et se convertissent, cela sous-entendrait qu'ils en trouvent eux eux l'étincelle nécessaire ; or ils ont choisi de ne plus l'avoir.
Croire qu'ils peuvent, séparés de Dieu, trouver en eux une étincelle de bonté pour se convertir c'est à terme, refuser l'unicité de l'Amour en Dieu.
Or, il n'y a pas d'amour en dehors de Dieu : "qui est comme Dieu ?"
C'est l'enseignement de l'Eglise. Le refuser entraîne le découpichage byzantin.

**le "feu éternel préparé par Dieu pour Satan et ses anges" c'est une figure de style fréquente semblable à "L'Eternel endurcit le cœur de Pharaon" : pour les Juifs tout vient de Dieu, en réalité c'est Pharaon qui s'endurcit automatiquement par son refus de Dieu; c'est une formulation semblable à "La Vérité engendre la haine" : ce n'est pas la Vérité qui l'engendre directement mais son refus.
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Écrit par : E Levavasseur / | 15/05/2013

@ Michel de Guibert

> après avoir soumis votre question à un biologiste (spécialisé en biologie moléculaire et génétique), il semble que ce dont vous parlez relève davantage de la réparation que de la manipulation. Le but étant alors bien de soigner des maladies génétiques, par exemple des personnes diabétiques, en fabriquant de l'insuline, ou des spray à protéine CFTR pour des malades atteints de mucoviscidose.

A Pierre Huet

> n'est-ce-pas alors qu'il nous sauve dans le sacrifice de la croix que Jésus fait toutes choses nouvelles? Il n'y a pas création qu'aux débuts chronologiques de l'univers, notre Dieu n'est pas celui des Déistes,horloger qui se retire ensuite du mécanisme qu'Il a lancé, mais Il crée à chaque instant, et d'abord par le sacrifice rédempteur de son Fils, vous avez raison. En ce sens, le petit enfant qui sauve à la mesure de sa petite main, si c'est geste d'amour, oui unit son acte dérisoire à celui du Sauveur qui engendre la Création nouvelle. Il y a je pense autant de manières de se vivre en co-créateur, qu'il y a de vocations sur terre. Autant dire qu'il y a d'hommes.
Mais vous avez tous deux raison, il y a du travail pour trouver une définition universelle à co-créateur, en reprenant ce que nous en dit l'Eglise, compréhension qui nous garde et d'une gentille consolation dans une théologie de la soumission qui nous rendrait fatalement impuissants, et d'une justification a priori de tous nos actes démesurés d'apprenti-sorciers sans intelligence, de conquistadors sans coeur et sans conscience.
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Écrit par : Anne Josnin / | 15/05/2013

@ Anne Josnin

> Pleinement d'accord avec vous sur le but, la finalité d'un geste visant à "réparer" une anomalie ou une maladie génétique ou aussi à soigner une maladie acquise... et dans ce cas en "manipulant" un gène pour lui faire fabriquer une protéine ou une hormone qui ferait défaut !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 16/05/2013

VIDEO BASTAIRE

> Jean Bastaire est un grand théologien, mais d'abord un grand homme; Pas un théologien de salon, mais un théologien incarné.
Quelques minutes réjouissantes ici dans sa campagne savoyarde, où il retrace les grands axes de son parcours; celui d'un précurseur de l'écologie chrétienne, qu'il fonde d'abord et avant tout dans la conversion intérieur au plus intime, dans la transformation radicale du regard sur la beauté du monde et du vivant...
http://www.youtube.com/watch?v=x_AG4gwoUfU
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Écrit par : Serge Lellouche / | 16/05/2013

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