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16/04/2013

Ecologie humaine : "santé et modèles publicitaires"

 santé,handicap,libéralisme

Un professeur de médecine italien et catholique condamne la marchandisation libérale de la notion de "santé" :



http://www.zenit.org/fr/articles/handicap-sante-et-modeles-publicitaires


Du Pr Carlo Bellieni (néonatologie, université de Sienne) :

<<  Une bonne partie de ce que nous pensons vient de modèles publicitaires dont le but est de susciter en nous des désirs ou des besoins que personne n’aurait imaginé avoir sans une campagne qui encourage à aller dans cette direction. Nous commençons même à trouver anormaux certains états de notre vie qui sont normaux, comme les boutons d’acné à l’adolescence, la ménopause ou la perte de cheveux ; et certaines maisons pharmaceutiques exercent ce qu’on appelle le "disease mongering", c’est-à-dire le fait d'instiller des peurs  et anxiétés excessives dans la population à propos de phénomènes qui ne sont pas des pathologies (comme la timidité ou la nervosité prémenstruelles) pour vendre des médicaments [1].

Nous soulignons ce phénomène parce que notre conception de la santé est altérée : aujourd’hui nous pensons à la santé en termes de "perfection physique" ou de "bien-être" social,  ce dernier dicté par notre désir de posséder tout ce que la publicité propose et impose.  

L’idée que l’on se fait de la santé ne reflète pas nos désirs de paix, de sérénité, de satisfaction, mais demande toujours "quelque chose",  c’est-à-dire qu’elle s’identifie au désir de posséder quelque chose ; il en ressort alors une insatisfaction générale – personne ne réussira jamais à être comme les modèles proposés par la télévision – et donc une frustration : paradoxalement une idée altérée  génère une pathologie.

Et une idée de santé fondée sur la perfection ou l’absence de défauts, marginalise qui a des défauts évidents: les personnes porteuses d’un handicap évident. Or, des défauts, on en a tous, et nous avons tous pour ainsi dire un handicap, petit ou grand, qui nous dérange, sans que l’évidence du défaut soit en rapport direct avec la souffrance qu’il engendre (on peut aussi souffrir beaucoup pour 5 cm de moins que son camarade de classe, tout en jouissant d’une parfaite santé physique).

Toutefois une idée fondée sur la perfection ou sur l’absence de défauts marginalise les handicapés "classiques" qui ne pourront jamais avoir un "bien-être physique complet" comme dit en partie la définition officielle de l’OMS [2]  du terme "santé". Mais la santé est un droit de tous ; il devrait donc l’être pour tout le monde.  Si bien que sa définition demande à être modifiée : selon sa définition actuelle ("total bien-être psycho-physique et social") personne n’est en bonne santé, à fortiori les "handicapés classiques".

Récemment [3] nous avons proposé une nouvelle définition de la santé qui inclue aussi les porteurs d’un handicap, et nous pensons qu’il s’agit d’une bonne définition. Cette définition est la suivante : la santé est "l’état de satisfaction personnelle, socialement soutenu". Cette définition est vraiment loin de celle de l’OMS, car elle se base sur un critère général auquel tout le monde peut accéder : la satisfaction ; mais elle explique que ce critère doive être soutenu socialement, car pour la personne handicapée il serait facile de se "résigner", de se "contenter" ou de "renoncer" et de confondre cela avec la réelle satisfaction ; la société a l’obligation de fournir un substrat économique , environnemental et culturel qui favorise le déploiement des capacités du porteur de handicap . Cette obligation est primordiale et elle exige des efforts au niveau politique et financier.

Cela n’est pas un paradoxe, le handicapé peut être "sain" : il suffit de regarder les jeux paralympiques [4] pour se rendre compte du phénomène, qui est impressionnant ; les gens qui allument leur téléviseur par curiosité, restent finalement collés à leur écran, tant est grande leur admiration. Les athlètes, porteurs d’un handicap, accomplissent des gestes sportifs d’un tel niveau qu’ils surpassent parfois ceux de tant d’athlètes "normalement constitués" et superpayés. Qui peut dire que les recordmen handicapés ne sont pas des personnes en pleine santé quand  on les voit dévaler à très grande vitesse des pentes, en descente libre avec une seule jambe sur un ski, ou quand ils battent des records de vitesse de course avec des prothèses, ou quand ils organisent un jeu d’équipe sur fauteuils roulants?

Tout cela montre bien que la frontière entre les termes "sain" et "malade" disparaît. Ce qui ne veut bien entendu pas dire que, les handicapés "pouvant y arriver", les efforts pour combattre le handicap doivent être négligés ; au contraire, l’engagement et la recherche contre la maladie et contre le handicap doivent augmenter; mais sans perdre de vue que le handicapé, à la fois sain et abimé, a les mêmes caractéristiques humaines que les autres citoyens.

Pour comprendre ce qu’est vraiment la santé, il faut se demander quand on se sent en bonne santé. On voit alors que la réponse n’est pas celle de la publicité, c’est-à-dire "quand on est pratiquement parfait" (définition donnée aussi par l’Organisation mondiale de la santé), mais quand on arrive à faire les choses de tous les jours, ou les choses que les gens de notre âge arrivent à faire.

Donc le vieil homme est sain quand il fait ce qu’aime faire une personne âgée; l’enfant est sain s’il fait ce qu’aime faire un enfant. Bref, on est sain quand on est satisfait de ce qu’on arrive à faire, pas si on fait des choses impossibles, hallucinantes. Donc, quand un handicapé fait au mieux et avec satisfaction les choses que son handicap lui fait faire, on parle avec sérénité et certitude de "santé".

A qui revient la responsabilité de redonner au mot "santé" son sens et de ne pas céder au subjectivisme ou à l’insatisfaction ?

Tout d’abord aux médias, qui associent trop souvent la satisfaction ou le bien-être aux biens de consommation et à tout ce qui en dérive...  Il suffirait de montrer avec intelligence  le sport des porteurs  de handicap, pour montrer à quels niveaux d’excellence peut arriver la personne humaine quand on ne la laisse pas seule. Or les jeux paralympiques sont transmis presqu’à la sauvette et personne ne les a vus. Dommage !

La politique aussi peut faire beaucoup si elle recommence à parler un langage culturel et "prépolitique", c’est-à-dire à parler du vrai bien-être de la personne, à parler de défense de la vie faible et d’écologie, domaines vraiment unis entre eux. Trop souvent la politique finit par perdre les priorités et à suivre plus le bien-être matériel d’une minorité  que le vrai bien-être de la population, c’est-à-dire la recherche d’une santé comprise correctement, sans prétentions excessives et sans pressions pour consommer à tout prix.

 

*

NOTES

1 Moynihan R, Heath I, Henry D. Selling sickness: the pharmaceutical industry and disease mongering. BMJ. 2002 Apr 13;324(7342):886-91

2 World Health Organization. 1946. WHO definition of Health, Preamble to the Constitution of the World Health Organization as adopted by the International Health Conference, New York, 19–22 June 1946; signed on 22 July 1946 by the representatives of 61 States (Official Records of the World Health Organization, no. 2, p. 100) and entered into force on 7 April 1948

3 Bellieni CV, Buonocore G. Pleasing desires or pleasing whishes? A new approach to pain definition. Ethics Med 2009;25:1

4 http://www.heacademy.ac.uk/assets/hlst/documents/olympic_sig/case_studies/CS3-Paralympic-SportEvaluation.pdf9

Lien site Science & Vie : http://www.scienzaevita.org/materiale/Newsletter64.pdf


Commentaires

SI CA PEUT

> Si ça peut ouvrir les yeux de certains, alleluia.
______

Écrit par : ermance / | 16/04/2013

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