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02/02/2013

Pourquoi des Français se convertissent à l'islam

Autour d'une enquête du Monde :

 


« Islam de France, les convertis face aux clichés » : le titre est prometteur, même si cette (bonne) enquête de Judith Perrignon n'apporte rien de neuf. L'introduction explique : « Devenus très pratiquants, ils récusent tout intégrisme. Mais ne se sentent plus tout à fait à l'aise dans leur pays. »

Leur malaise ne vient pas d'un choc de cultures (le consumérisme n'est pas une culture) : ce malaise vient d'un choc de comportements, et ce n'est pas la même chose. « On vit dans un système matérialiste. Il faut que tu possèdes une belle voiture ou les dernières Nike. L'islam, c'est la religion qui ne consomme pas », assure l'un des convertis. (C'est l'idée qu'il s'en fait ; il la nuancerait s'il allait faire un tour à Doha). La journaliste raconte : « il leur suffit de tendre un doigt vers une publicité comme il y en a tant dans les centres commeriaux pour se prétendre protecteurs de la gent féminine. ''Une femme à poil dehors, c'est exactement ce que veulent les hommes, c'est une femme soumise aux instincts des hommes. La femme voilée, on la remarquera pour ses qualités humaines'', prêche Bilal... »

Le même Bilal dit qu'il a « envie de vomir » devant les lapidations en Arabie saoudite, mais « se lance dans une longue exégèse du texte qui met tant de conditions à la lapidation qu'il la rend impossible. Inutile de lui préciser que le texte date du Moyen Äge, musée des supplices et des horreurs [1]. ''Non, c'est la parole de Dieu'', répète ce professeur d'histoire. »

Cette dernière phrase (''c'est la parole de Dieu'') est l'une des clés qui expliquent les conversions de Français à l'islam... et l'ensemble des phénomènes d'intégrisme dans diverses religions. Appeler « parole de Dieu » des coutumes, c'est tout confondre.

Et tout confondre, c'est une posture compatible avec les mécanismes mentaux de la société pavlovienne (simplificatrice et réductionniste) que nous a fabriquée le marketing de masse.

Le christianisme, à l'inverse, est complexe. C'est ce qui lui nuit dans la société pavlovienne.

Celle-ci empêche en effet l'activité cérébrale qui permettrait de réfléchir, par exemple, sur la Trinité : notion difficilement « pensable » par nous, parce que proprement divine : Dieu Un et Trois, l'homme n'aurait pas pu inventer ça... S'y confronter n'est pas facile, et beaucoup de catholiques ont perdu de vue cette notion sous la pression de la société pavlovienne (aggravée par la panne de catholicisme des années 1970-1980).

Cette perte de vue s'exprime dans l'article du Monde. Les convertis de l'enquête « ont grandi en banlieue parisienne dans des familles chrétiennes et, un beau jour, ont choisi de devenir musulman » : c'est qu'en réalité leurs familles n'étaient plus chrétiennes, sauf pour les instituts de sondages.

D'où ces témoignages recueillis par la journaliste : « Ils sont comme tant d'autres en France fils de familles chrétiennes où la pratique et la foi s'étiolent. Ils auraient pu tout enterrer définitivement, laisser l'adolescence, la vie, le rap, le foot, les copains, les amours, les galères prendre le dessus. Mais ils ont cherché, comme s'il y avait là une question sans réponse, un espace à mettre en ordre pour avancer […] Ils parlent tous du Père, du Fils et du Saint-Esprit, à croire que la Trinité des catholiques a fait le lit de Mahomet. Ils n'ont jamais compris. ''Le fils de Dieu, je ne comprenais pas'', raconte Issa. Idem pour Bilal : ''Le concept de la Trinité est apparu trois siècles après la mort de Jésus. Je me suis toujours demandé pourquoi quelque chose d'aussi important apparaissait tellement longtemps après.'' Même perplexité chez Abdel Raouf : ''j'avais demandé à un prêtre, il n'avait pas su m'expliquer. Dans le Coran, on croit en une chose, pas en trois. Dieu, il dit : 'Sois' et c'est tout ! Il n'a pas besoin de se réincarner en homme et de repartir comme une fleur...'' »

Ni dans leur famille « chrétienne », ni même dans la paroisse à laquelle l'un d'eux semble s'être adressé, on n'a su leur expliquer l'insondable merveille de la Trinité : révélation si peu inventable par l'homme qu'elle montre ainsi son origine divine. Choc qui a, de soi, puissance de conversion...

La société pavlovienne favorise le simpliste et non le complexe : c'est pourquoi doit être opposée [2], à la mégamachine pavlovienne, le témoignage des coeurs animés par l'intelligence de la foi. C'est l'évangélisation.


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[1] Cette vision péjorative et globalisante du Moyen Âge est digne de Canal+. L'ignorance envers l'histoire caractérise les "métiers de l'éphémère" (journalistes, publicitaires, financiers, politiciens).

[2] Le christianisme doit-il devenir contre-culture ? Non, si ce doit être une micro-société repliée. Oui, si c'est un témoignage qui se diffuse comme il y a deux mille ans.


 

Commentaires

LE VIDE

> la société pavlovienne vient de faire un grand pas ... vers le vide !
"C'est une liberté individuelle que nous consacrons avec cet article"...
Oui oui , c'est la liberté de mentir, merci nous l'avions déjà , mais elle n'avait pas besoin d'être "consacrée" comme vous le dites si puissamment madame Taubira (taubéïra au grand Capital qui t'invite à ouvrir encore plus grand la voie exquise au divin libéralisme) en délivrant ainsi le monde ! Nous reparlerons plus tard du droit de l'enfant , quand nous aurons reconsidéré les soucis que posent la "liberté individuelle" ... à tout système social , ne parlons même plus de civilisation . Mais qui représente l'Assemblée nationale ?
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Écrit par : escargolibri / | 02/02/2013

L'ACCUEIL AU SEIN DE LA COMMUNAUTE

> "Le christianisme, à l'inverse, est complexe. C'est ce qui lui nuit dans la société pavlovienne" > je n'aurais pas dit mieux. L'Islam se soucie moins de la réflexion dogmatique que de l'orthopraxie (pour des rites eux-mêmes assez simples d'accès), ce qui rend cette religion plus "en phase" avec l'état de notre société. L'atemporalité du Coran est également assez "post-moderne"...
Mais bon, sur ce point, ça ne nous concerne guère, notre foi est ce qu'elle est, nous avons simplement à prendre conscience du besoin de redevenir de véritables témoins.
Par contre, il y a un autre aspect de l'Islam en France qui doit nous interpeller davantage : l'accueil des "nouveaux" au sein de la communauté. Sur ce plan-là, il y a des lieux où nous aurions des leçons à prendre....
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Écrit par : Ren' / | 02/02/2013

DIFFUSER

> Merci pour cette réflexion que je m'empresse de diffuser auprès de mes amis proches ou lointains.

@ Ren'

Pour l'accueil, oui, c'est une question immédiate, à traiter dans nos paroisses, c'est aussi un des facteurs de succès des évangéliques. Il en était question hier dans notre session diocésaine de formation !
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Écrit par : Pierre Huet / | 02/02/2013

LE CONTRAIRE

> Je ne pense pas le christianisme soit complexe. 10 commandements, peu de dogmes en fait, et pour l'essentiel deux choses : la proximité de Dieu via le Christ, et la règle de l'amour du prochain. Et l'Homme reste libre pour le reste : pas d'organisation sociale imposée, pas de lois sociales contraignantes imposées d'en haut, etc. Ce sont donc les conséquences qui sont complexes, car les choix sont multiples et chacun reste responsable et redevable devant Dieu.
En Islam ça a l'air d'être le contraire, une primauté à la communauté, des règles codifiées intouchables, un Dieu lointain. Pas étonnant que de plus en plus de personnes sans points fixes du fait des évolutions de la société depuis 30/40 ans, se tournent vers la sécurité d'un prêt à penser rassurant.
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Écrit par : BCM / | 02/02/2013

SIMPLE ET COMPLEXE

> Le christianisme est à la fois extrêmement simple ("Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits" > Mt XI, 25 - "La connaissance enfle, mais l'amour édifie" > 1Cor VIII, 1) et tout aussi extrêmement complexe - parce que nous croyons que Dieu a voulu SE révéler à nous (il est donc toujours complexe de parler de l'Etre même de Dieu !), alors que du point de vue musulman Dieu révèle en restant à distance...
Lorsqu'il m'arrive de converser un peu théologie chrétienne avec ma femme musulmane, elle décroche facilement en me disant que "vous vous en sortez toujours finissant par coller le mot 'amour' alors que je ne vois pas le rapport"
Au fond, le christianisme est simple dans le ressenti, mais complexe dans l'explication ^^
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Écrit par : Ren' / | 02/02/2013

@ Bcm

> Votre commentaire m'inspire les réflexions suivantes.
1 )Vous oubliez de citer l'amour de soi : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". Ce qui revient souvent à aimer son pire ennemi. Quant à la proximité de Dieu, elle va jusqu'à être au plus intime de moi-même que moi-même (Augustin), ce qui est une folie de plus de Dieu
2) Certes, les choix sont multiples, mais au final se résument à : "Veux-tu m'aimer ?" Mêmes les 10 commandements deviennent des garde-fous de notre liberté balbutiant ce Oui que le Seigneur attend de nous.
Dans cette perspective, le gros problème, c'est la dureté de notre cœur, sécrétée par notre orgueil, dureté plus forte que le graphène, si imperméable que seul un Dieu peut la faire fondre.
Avec l'esprit d'enfance, tout est simple, mais c'est un quasi miracle d'être animé par cet esprit. Quel bonheur au ciel quand nous comprendrons les tours de passe-passe de Dieu pour nous ouvrir à l'amour, tout en respectant notre liberté!
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Écrit par : Théophile / | 02/02/2013

DEUX FRÈRES SALAFISTES

> merci pour cet article très intéressant.
Deux choses :
1. vous commentez l'article du 'Monde' en disant :
"c'est qu'en réalité leurs familles n'étaient plus chrétiennes, sauf pour les instituts de sondages."
La réalité n'est pas si simple. je suis d'une famille de 4 enfants, mes parents sont des chrétiens pratiquants, des convertis, vivant leur foi de tout leur coeur, cela n'empêche pas qu'ils aient de nombreuses limites et de grandes fragilités. Mes deux frères ainés se sont convertis au salafisme il y a des années. des années que je ne l'ai ai pas vus. Au delà des questions religieuses il y a des souffrances humaines... des parents un peu paumés qui ne savent pas bien aimer leurs enfants, des enfants blessés qui ont besoin d'envoyer bouler leurs parents... alors ont peut grandir dans une famille chrétienne, aller au caté, à la messe, prier en famille, avoir une icône dans sa chambre, ... et un jour se convertir à l'islam. c'est au moins le cas de mes deux frères.
Hélas être chrétien ne suffit pas à nous protéger de cela...
Alors je suis tout à fait d'accord pour dire que dans la plus part des cas les conversions des français à l'Islam sont du a un déficit d'évangélisation dans nos banlieues... mais ça n'est pas toujours si simple.
2. pourriez vous m'indiquer le lien vers l'article du monde ? l'une des personnes interrogée pourrait-être mon frère, je voudrais voir s'il y a une photo de lui.
en vous remerciant.

B.


[ De PP à B. - Merci de ce témoignage. L'article est dans Le magazine du Monde, 2/02. Il n'y a pas de photos. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Benoit / | 02/02/2013

Excusez si je lance un pavé dans la mare et donne l'impression d'écrire à côté du sujet, mais la progression de l'islam en France (et ailleurs en Occident) n'est-elle pas largement une illusion d'optique? Loin de moi de trouver inintéressant le fait d'analyser pourquoi ceux qui se convertissent à cette religion le font, mais sur un plan strictement statistique, est-ce un mouvement si significatif lorsqu'on tient compte des deux éléments suivants:
1- L'immigration de populations de pays musulmans au cours des dernières décennies a permis à cette tradition de créer rapidement un réseau de mosquées et d'associations un peu partout en Occident, particulièrement en France, bref de rendre l'islam "disponible" sur le "marché" religieux occidental (désolé de parler en terme de marketing, mais dans ce cas-ci cela m'apparait pertinent) alors qu'il en était pratiquement absent avant au moins, disons, la moitié du XXe siècle.
2- L'islam étant dorénavant "offert", il est inévitable qu'ici et là des Occidentaux "de souche" se sentent attirés par celui-ci alors qu’ils n’avaient auparavant presque aucun contact avec lui. L'islam partant si on peut dire de presque zéro en termes d'effectifs il y a quelques années à peine, cela donne une impression de forte progression qui peut être très trompeuse. Et comme les musulmans restent très minoritaires, il y a nécessairement plus de conversion de non-musulmans* à l'islam que le contraire (en chiffres absolus).

* Je préfère parler de non-musulman que de chrétiens même s'il s'agissait de baptisés dans la mesure où la majorité d'entre eux n'avaient pas la foi ni de pratique sérieuse du christianisme.

F. Sarrazin
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Écrit par : François S. / | 03/02/2013

@ François Sarazin et PP

> Il est particulièrement injuste de dire que ces convertis n'étaient pas chrétiens ou qu'ils n'étaient pas issus de familles chrétiennes.
Il ne faudrait pas oublier qu'il y a eu une rupture dans la transmission de la foi. Ces gens ne sont pas responsables de leur manque de connaissances religieuses. Ce que dit Abdel Raouf sur la Trinité m'a fait me rappeler qu'on ne parlait presque pas de ces sujets au catéchisme quand j'étais au collège ou à l'aumônerie au lycée. Pourtant j'étais plutôt favorisé et dans un établissement catholique.
D'ailleurs pour éviter que les cours de caté ne soient perturbés le caté est devenu optionnel quand j'étais en 4ème. Immédiatement il n'est plus resté que ceux qui étaient un tant soit peu convaincu (moins de 10%) ie ceux qui en avaient le moins besoin. Mieux, ma classe n'ayant pas cours le mercredi, ils ont voulu que les volontaires viennent le mercredi matin juste pour une heure d'aumônerie. Il n'y a pas eu de volontaire et je fus le seul a reprendre l'année suivante. Je n'ose pas imaginer comment cela a pu être dans des endroits moins favorisés.

B.


[ De PP à B. :
- Il n'y a aucune injustice à constater que ces convertis ne connaissent pas le christianisme.
Ne pas connaître le christianisme, c'est ne pas être chrétien.
Et ce n'est pas de leur faute : qui prétend le contraire ?
La question n'est pas d'incriminer quelqu'un ou quelque chose, mais de constater qu'une très grande partie de ce qu'on appelle les "catholiques français" ne connaissent pas le catholicisme, ni même vraiment le christianisme.
D'où vient cette méconnaissance (cause du vide des églises) ? De plusieurs origines.
Nous soulignons souvent ici la responsabilité de la panne de foi des années 1970-1980.
Mais avant 1970 la situation était déjà malsaine : l'évaporation n'aurait pas été aussi rapide si le catholicisme des années 1960 avait été en bonne santé, et si les fidèles avaient été solidement formés. Idéaliser la situation d'avant Vatican II, serait ne pas la connaître... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Baratheon / | 05/02/2013

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