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29/12/2012

Thomas Becket, martyr de la politique, assassiné par quatre chevaliers du roi le 29 décembre 1170

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L'archevêque (dans la pièce d'Anouilh) :

" Mon prince, je voudrais tant pouvoir t'aider..."



 

 L'histoire

 Thomas Becket naît à Londres en 1117, d'une famille normande. Archidiacre en 1054, ami du roi Henri II Plantagenêt, il devient chancelier du royaume puis archevêque de Cantorbéry en 1162. Contrairement au calcul du roi, Becket rompt avec ses liens politiques et sa vie de cour, et engage la bataille pour empêcher le roi de prendre le contrôle de la justice ecclésiastique. En 1164, le roi confisque ses biens et l'exile en France. Becket devient moine contemplatif à l'abbaye cistercienne de Pontigny, puis à Sens. Le roi, excommunié par le pape Alexandre III, rappelle Becket à Cantorbéry en 1170 ; mais l'affrontement reprend aussitôt : Becket résiste à toute l'Angleterre officielle. Le soir du 29 décembre 1170, quatre chevaliers assassinent l'archevêque dans sa cathédrale. « La liturgie honore Thomas Becket pour la grandeur d'âme qu'il manifeste en sacrifiant a vie pour la justice. La pureté de sa foi est admirable parce qu'il refusa tout compromis et sut discerner ce qui doit être rendu à Dieu. A son exemple, ne nous laissons pas influencer par des attitudes politiques contraires aux intentions de Dieu, mais restons fidèles aux exigences de la vie chrétienne. Evitons les travers de l'indifférence et de l'attitude partisane. Une foi vive rend ferme et pousse à réagir en témoin de la vérité, non en simple citoyen du monde. Quand Jésus nous rappelle que son Royaume n'est pas de ce monde, ce n'est pas pour encourager un individualisme asocial, ni construire un messianisme intemporel. Notre coeur doit être en Dieu, et nous ne sommes vrais que quand nous agissons pour lui. » (Dom Guy-Marie Oury, moine de Solesmes).

 

       Documents

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 Thomas Becket face à la cour, 11 octobre 1164 : « Je me tiens pour un homme-lige du roi et je suis engagé par un serment de fidélité. Mais, de la part, d'un prêtre, le serment ne va pas sans la justice et l'équité. Je rends honneur au roi, et je suis prêt à lui prouver mon entier dévouement, hormis ce que je dois à Dieu, à la dignité de l'Eglise et à ma qualité d'évêque. »

Guillaume Fils-Etienne, chroniqueur, commentant la résistance de Becket (1164) : « Le roi n'aurait pas dû s'appuyer sur l'ancienneté et les usages plutôt que sur le droit... Le Seigneur n'a jamais dit : "Je suis la coutume", mais il a affirmé : "Je suis la vérité". La coutume ou l'usage de longue date ne constituent pas une autorité telle qu'elle surpasse la raison ou la loi... Bien plus, l'équité ou la vérité s'étant manifestées, l'usage doit céder à la raison comme l'ont écrit les Pères dans les canons au mépris desquels un roi chrétien ose statuer et écrire à l'encontre de la raison et de la liberté de l'Eglise. »

Jean de Belméis, évêque de Poitiers, à propos de l'exil de Becket : « Tout le monde était au courant. Toute la terre était pleine de la gloire du Seigneur : quiconque apprenait la nouvelle louait Dieu de ce qu'il s'était trouvé quelqu'un pour faire entendre le langage de la sagesse devant les princes de la terre. »

Becket s'embarquant pour l'Angleterre (le lundi 30 novembre 1170) : « Je suis en vue de ma terre, et, si Dieu le veut, j'y rentrerai. Mais je sais maintenant que ma passion est proche. »

La foule du port de Sandwich acclamant Becket (le mardi 1er décembre 1170) : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

« ...A l'entrée de Cantorbéry, l'effervescence s'accrut. Les cloches sonnaient à toute volée. Les rues où s'écrasaient les badauds retentissaient d'hymnes et de cantiques. La cathédrale était ornée de tentures précieuses. Thomas s'y fraya un poassage et marcha droit vers le trône archiépiscopal. Un à un, il vit s'agenouiller devant lui les moines de Christchurch à qui il donna le baiser de paix. Beaucoup, qui avaient désespéré de voir ce joir si impatiemment attendu, pleuraient d'émotion et de bonheur. Après quoi l'archevêque, d'une voix ferme, commenta ce verset de l'épître aux Hébreux : "Nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons celle de l'avenir." » (Pierre Aubé, Thomas Becket, Fayard 1988).

Une femme dans la foule, sur la rive de la Tamise : « Archevêque, prends garde au poignard ! »

Henri II, juste avant le meurtre : « Voilà un homme qui a mangé mon pain après être arrivé sans un sou à ma cour, j'en ai fait un personnage considérable, il m'a trahi moi et les miens, et il ne se trouve personne pour venger cet outrage ? Personne n'aura le courage de me défaire de ce prêtre ? »

Le meurtre dans la cathédrale sera accompli par quatre chevaliers très chrétiens : Renaud Fils-Ours, Guillaume de Tracy, Hugues de Morville et Richard le Breton. L'archevêque leur dit : « Je ne renie rien de ce que j'ai fait. » Les chevaliers lui répondent : « Tu viens de parler au péril de ta tête ! » Une demi-heure après, ils reviennent armés dans la cathédrale où Becket préside les vêpres. « Où est Thomas Becket, traître à son roi et au royaume ? » - « Me voici. Je ne suis pas traître au roi mais prêtre de Notre Seigneur Jésus-Christ. Que me veux-tu ? Je suis prêt à souffrir pour celui qui m'a racheté de son sang. Je ne fuirai pas sous la menace de vos épées, pas plus que je ne sacrifierai la justice. » - « Pardonne à tous ceux que vous avez excommuniés, et rétablissez-les dans leurs fonctions ! » - « Ils n'ont aucun repentir ; je ne les absoudrai pas. » - « Alors tu mourras ! » - « je suis prêt à mourir pour mon Seigneur. Que mon sang sauve la liberté de l'Eglise et la paix ; mais au nom de Dieu, ne touchez à aucun des miens, clercs et laïcs. Laissez-les partir. »

Alors ils le tuent et s'en vont. Le peuple envahit la cathédrale, baise les mains du cadavre et proclame Thomas Becket saint. Il est canonisé par l'Eglise en 1173. En 1220, ses restes sont inhumés dans la chapelle axiale de la cathédrale. En 1538, sur l'ordre d'Henry VIII, lord Cromwell les fait exhumer et brûler. Les guerres politiques dites « de religion » commencent dans toute l'Europe.

 

 

      La pièce de Jean Anouilh

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« Le jeune Thomas Becket est l'ami du roi. Il l'a aidé à asseoir sa puissance. Croyant réussir un coup de maître, le roi élève son ami à la dignité de Primat d'Angleterre. Mais Thomas, archevêque malgré lui, prend son rôle au sérieux face à l'autorité royale. Il doit même s'exiler. Les deux hommes tentent de se réconcilier. Ils se rencontrent à cheval, seuls sur une lande glacée... »

LE ROI crie, soudain, comme un enfant perdu : Je m'ennuie, Becket !

BECKET, grave : Mon prince. Je voudrais tant pouvoir vous aider.

LE ROI : Qu'est- ce que tu attends? Tu vois que je suis en train d'en crever!

BECKET, doucement : Que l'honneur de Dieu et l'honneur du roi se confondent.

LE ROI: Cela risque d'être long !                                        

BECKET : Oui. Cela risque d'être long. (Silence. On n'entend plus que le vent.)

LE ROI, soudain : Si on n'a plus rien à se dire, il vaut autant aller se réchauffer !

BECKET : On a tout à se dire, mon prince. L'occasion ne se présentera peut- être pas deux fois.

LE ROI : Alors, fais vite. Sinon, c'est deux statues de glace qui se réconcilieront  dans un froid définitif. Je suis ton roi, Becket! Et tant que nous sommes sur cette terre, tu me dois le premier pas. Je suis prêt à oublier bien des choses, mais pas que je suis roi. C'est toi qui me l'as appris.

BECKET, grave : Ne l'oubliez jamais, mon prince. Fût- ce contre Dieu ! Vous, vous avez autre chose à faire. Tenir la barre du bateau.

LE ROI : Et toi, qu'est- ce que tu as à faire?

BECKET : J'ai à vous résister de toutes mes forces, quand vous barrez contre le vent.

LE ROI : Vent en poupe, Becket ? Ce serait trop beau! C'est de la navigation pour petites filles. Dieu avec le roi ? Ça n'arrive jamais. Une fois par siècle, au moment des croisades, quand toute la chrétienté crie: « Dieu le veut! » Et encore! Tu sais comme moi quelle cuisine cela cache une fois sur deux, les croisades. Le reste du temps, c'est vent debout. Et il faut bien qu'il y en ait un qui se charge des bordées!

BECKET : Et un autre qui se charge du vent absurde- et de Dieu. La besogne a été, une fois pour toutes, partagée. Le malheur est qu'elle l'ait été entre nous deux, mon prince, qui étions amis.

LE ROI crie, avec humeur : Le roi de France - je  ne sais pas encore ce qu'il y gagne - m'a sermonné pendant trois jours pour que nous fassions notre paix. A quoi te servirait de me pousser à bout ?

BECKET : A rien.

LE ROI : Tu sais que je suis le roi et que je dois agir comme un roi. Qu'espères- tu? Ma faiblesse?

BECKET : Non. Elle m'atterrerait.

LE ROI : Me vaincre par la force?

BECKET : C'est vous qui êtes la force.

LE ROI : Me convaincre?

BECKET : Non plus. Je n'ai pas à vous convaincre. J'ai seulement à vous dire non.

LE ROI : Il faut pourtant être logique, Becket !   

BECKET : Non, ce n'est pas nécessaire, mon roi. Il faut seulement faire, absurdement, ce dont on a été chargé - jusqu'au bout.

LE ROI, ricane : Tu as été touché par la grâce ?

BECKET, grave : Pas par celle que vous croyez. J'en suis indigne.

LE ROI : Alors ?

BECKET : Je me suis senti chargé de quelque chose tout simplement, pour la première fois, dans cette cathédrale vide, quelque part en France, où vous m'avez ordonné de prendre ce fardeau. J'étais un homme sans honneur. Et tout d'un coup, j'en ai eu un, celui que je n'aurais jamais imaginé devoir devenir le mien, celui de Dieu. Un honneur incompréhensible et fragile, comme un enfant  roi poursuivi.

Intraitable sur ses « devoirs de pasteur », Becket cède sur les autres points litigieux : « par esprit de paix, dit -il, et parce que je sais qu'il faut que vous restiez le roi - fors l'honneur de Dieu ».

LE ROI, froid, après un temps : Eh bien, soit. Je t'aiderai à défendre ton Dieu, puisque c'est ta nouvelle vocation, en souvenir du compagnon que tu as été pour moi - fors l'honneur du royaume. Tu peux rentrer en Angleterre, Thomas.

BECKET : Merci, mon prince. je comptais de toute façon y rentrer et m'y livrer à votre pouvoir, car sur cette terre, vous êtes mon roi. Et pour ce qui est de cette terre, je vous dois obéissance.

LE ROI, embarrassé, après un temps : Eh bien, retournons maintenant. Nous avons fini. J'ai froid.

BECKET, sourdement aussi : Moi aussi, maintenant, j'ai froid.               

Un silence encore. Ils se regardent. On entend le vent.

LE ROI, demande soudain : Tu ne m'aimais pas, n'est- ce pas, Becket ?

BECKET : Dans la mesure où j'étais capable d'amour, si, mon prince,

LE ROI : Tu t'es mis à aimer Dieu ? (Il crie.) Tu es donc resté le même, sale tête, à ne pas répondre quand on te pose une question?

BECKET, doucement : Je me suis mis à aimer l'honneur de Dieu.

 

 

Commentaires

LE PEUPLE

> J'ai le plus grand respect pour saint Thomas Beckett et je trouve très significatif et réconfortant que ce soit le peuple qui l'ait reconnu saint.
Nous ne sommes pas de ce monde mais nous sommes dans le monde...
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Écrit par : Christine / | 29/12/2012

À MEDITER

> à méditer ! la fonction peut modifier un homme, donc taper sur "l'Eglise institution" est une erreur.
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Écrit par : marc andré / | 30/12/2012

"LE MYTHE DE LA CHRETIENTE"

> Si on fait le compte du nombre de prêtres martyrisés par les soi-disant princes chrétiens pendant dix siècles, on est pris d'un gros scepticisme envers le mythe de la "chrétienté".
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Écrit par : Olaf / | 30/12/2012

DEBAT

> et saint Louis ?
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Écrit par : médéric / | 30/12/2012

> Oui, c'est toujours de lui qu'on parle et il faudrait faire la part du contexte. Mais à côté de ce saint français et de ses rares équivalents à l'étranger, combien d'acrobates couronnés reniant le serment qu'ils ont prêté sur l'Evangile, s'alliant avec le Grand Turc pour taper sur un empereur catholique, violant les consciences et les populations en confondant unité de religion et autorité de l'Etat ? etc ? etc ? Seuls les ignorants en histoire croient que le passé fut chrétien. Il y a eu des chrétiens dans le passé, ce n'est pas la même chose.
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Écrit par : Olaf / | 30/12/2012

pour Christine :

> Dans l’Église ancienne,TOUS les saints étaient reconnus d'abord par le peule. L'évêque local se bornant ensuite à officialiser la vénération populaire par la cérémonie de canonisation.
Sur ce thème de saints martyrisés par des rois chrétiens, il faut signaler deux films:
"A Man for All Seasons" sur l'opposition entre Thomas More et Henry VIII (Magnifique)
"Tsar" de Pavel Lounguine, met en scène Ivan le terrible et le métropolite Philippe de Moscou.
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Écrit par : Philippe / | 31/12/2012

pour Philippe

> Certes, oui, mais précisons que dans l'Eglise ancienne tous les saints étaient des martyrs.
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Écrit par : Michel de Guibert / | 31/12/2012

> A quelle date arrêtez-vous "l’Église ancienne" ?
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Écrit par : Damien V / | 02/01/2013

à Damien V

> Disons jusqu'au IVème siècle et à l'Edit de Milan sûrement (ère des catacombes et des martyrs).
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Écrit par : Michel de Guibert / | 02/01/2013

INDIVISE

> C'est une erreur de ma part, par "Église Ancienne", j'entendais plutôt "Église indivise", soit avant le schisme de 1054; mais après vérification, la "Congrégation pour la cause des saints" n'a été créée qu'en 1588: tout le processus administratif que l'on connait aujourd'hui pour la reconnaissance des saints est intervenu à une période bien plus tardive que je ne le pensais...
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Écrit par : Philippe / | 02/01/2013

CAUSES

Certes, le peuple a perdu l'exercice exclusif façon "démocratie directe" mais cela se fait avec objectivité, méthode et surtout au bénéfice d'une plus grande universalité garantie par l'action du Saint Siège. La procédure se passe en Église universelle : le Peuple de Dieu n'est pas dépossédé de son "pouvoir local" au profit d'un méchant "pouvoir central" (ah là là le prisme politique!).
En tout cas, la procédure actuelle (Constitution apostolique « Divinus perfectionis Magister » du 25 janvier 1983) intègre les fidèles qui peuvent être à l'origine de l'engagement de la procédure (§10) : "Il appartient de droit aux Évêques diocésains ou à toute autre autorité ecclésiastique juridiquement assimilée, dans le cadre des limites de leur juridiction, soit d'office, soit à la demande de simples fidèles ou d'associations légitimes, ou de leurs procureurs, d'enquêter sur la vie, les vertus ou le martyre, les miracles présumés, et, le cas échéant, sur l'ancienneté du culte du serviteur de Dieu dont on demande la canonisation."
L'instruction Sanctorum Mater du 17 mai 2007 précise :
Art. 10 Peuvent se constituer acteur de la cause : 1- l’Évêque du diocèse ou de l’Éparchie [...] ou les associations de fidèles cléricales et/ou laïques admises par l'autorité ecclésiastique ; 2 - une personne physique, c'est à dire quiconque fait partie du peuple de Dieu, peut également se constituer acteur d'une cause[...]
Voici un exemple de cause en Corrèze parmi tant d'autres : http://www.correze.catholique.fr/spip.php?rubrique13
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Écrit par : Damien Vigourt / | 04/01/2013

Les commentaires sont fermés.