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31/12/2012

Qui était saint Silvestre ?

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Pape en l'an 314, Silvestre Ier fait face à deux problèmes qui réapparaîtront dans le christianisme moderne :

 


 

Fils d'un prêtre* romain nommé Ruffinus, le prêtre Silvestre devient pape en 314... et se trouve aussitôt face au problème des donatistes d'Afrique du Nord.

 

Le cas des donatistes

D'abord intransigeants, puis schismatiques, puis hérétiques, ces chrétiens seront les premiers intégristes de l'histoire. Ils avaient commencé par déclarer invalides les sacrements des évêques "lapsi" : ceux qui avaient livré des Ecritures et des biens d'Eglise lors de la grande persécution de Dioclétien, en 304-305. Les lapsi s'étaient repentis. Refusant cette repentance d'évêques et de prêtres qu'ils qualifiaient de "livreurs" ("traditores", d'où : "traîtres"), les intransigeants se proclamaient "les Purs". Mais l'Eglise, pour sa part, a pardonné les repentis et les a réintègrés dans leurs fonctions  - ce qui a scandalisé les Purs : d'où le schisme de 70 évêques nord-africains, autour de leur confrère Donat... Ce schisme a été condamné par un concile à Rome en 313 ("si le Christ est présent dans tous les sacrements, un sacrement est effectif quels que soient les antécédents du prêtre qui le délivre"), puis par un concile en Arles (314) sous le pontificat de Silvestre. Insurrection, en Afrique du Nord ! Les donatistes s'organisent en milices "pour la rigueur et la pureté" et exigent que les "tièdes" soient rebaptisés... Le schisme refuse ainsi la notion catholique du sacrement, et transforme le baptême en une oeuvre humaine, simple manifestation d'opinion de la part du baptisé... Ce désaccord avec la Grande Eglise renaîtra douze siècles plus tard, avec le premier mouvement anabaptiste européen (qui se réclamera d'ailleurs des donatistes, à propos non seulement du re-baptême, mais d'une autre innovation des schismatiques du IVe siècle : la recherche de l'émotion dans la prière à l'Esprit-Saint).

Noter un point d'histoire : c'est à l'occasion de la bataille contre le donatisme, dans la lettre finale du concile d'Arles au pape Silvestre ("dilectissimus papa..."), que les évêques d'Occident reconnaissent pour la première fois, de facto, la primatie de l'évêque de Rome.

 

Le cas des ariens

A partir de 319, le pape Silvestre doit aussi faire face à l'hérésie d'Arius (256-336), qui menace la foi chrétienne en elle-même. Né à Antioche et Alexandrie sous l'influence des gnostiques, du judaïsme rabbinique et des sceptiques, l'arianisme est une régression radicale par rapport aux acquis théologiques des IIe et IIIe siècles. Selon lui, le Fils n'est qu'une créature éminente, et seul le Père est Dieu. Ce n'est plus du christianisme. Et les peuples devenus ariens (Vandales, Wisigoths) passeront à l'islam sans difficulté... Le concile d'Alexandrie excommunie Arius en 313 ; cependant l'empereur Constantin, montrant en religion le même autoritarisme obtus que plus tard Louis XIV, ne verra dans cette bataille théologique qu'un trouble dans son empire, et ordonnera aux protagonistes de cesser de disputer sur des "détails inutiles" (sic). Beaucoup d'évêques semblant passer à l'arianisme, l'empereur, en 328, commencera d'ailleurs à favoriser ce dernier***. Par haine de la Grande Eglise, l'empereur Julien soutiendra l'arianisme, comme il soutiendra les donatistes dont l'hérésie n'a rien à voir avec celle des ariens.

Mais l'arianisme sera finalement expulsé de la Grande Eglise. Comme le dit Eusèbe de Césarée au IVe siècle (Histoire ecclésiastique) à propos des leaders ariens : « des hommes qui détournent ainsi la pensée des incroyants au profit de leur propre hérésie, qui noient sous un flot de subtilités païennes la foi simple des Ecritures, n'ont aucun droit au titre de croyants. » En 2012, un coup d'oeil à certaines publications françaises d'histoire des religions, ou à certaines émissions télévisées sur ces questions, montre que la position d'Arius est redevenue à la mode.

 

Silvestre meurt à Rome en 335. Le peuple le considèrera subito comme un saint. On sait où est sa tombe : à Rome, au cimetière de Priscille sur la via Salaria.

 

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* Le célibat des prêtres catholiques n'est pas d'origine. Leur masculinité, si.

** Tentant de restaurer le culte impérial en réinventant un paganisme inspiré du monothéisme, l'empereur Julien autorisera notamment le donatisme : étrange sollicitude d'un réactionnaire païen envers l'intégrisme chrétien ! (On retrouvera ce phénomène à l'époque moderne). Les donatistes ne cesseront de renforcer leur emprise politico-militaire en Afrique du Nord. Augustin, évêque de Carthage en 395, engagera contre eux une lutte doctrinale sans merci, réfutant leur hérésie rigoriste-volontariste sur les sacrements. (Augustin défendra la mémoire du pape Silvestre, accusé par les donatistes d'avoir bradé les saintes Ecritures). Deux conciles à Carthage (411 et 418) réussiront à réintégrer des "communautés de base" donatistes, mais les leaders du schisme ne fléchiront pas, et ce sont les invasions vandale, puis arabe qui effaceront ce courant idéologique.

*** Ce qui devrait faire réfléchir aujourd'hui les vénérateurs du personnage de Constantin. On constate une regrettable méconnaissance du passé chez ceux qui ne cessent de l'invoquer.

 

Commentaires

NEWMAN, LES ARIENS ET NOTRE TEMPS

> Parallèle avec certaines rentes de situation aujourd'hui ? Dans son étude « Les ariens du IVe siècle » (son premier livre, publié en 1833), le futur cardinal Newman – alors encore anglican – tire une leçon de l'arianisme, en l'appliquant au danger du libéralisme et de la sujétion politique de l'Eglise :

'' Arius et ses amis commencèrent leur carrière en se livrant de propos délibéré à des actes indisciplinés et schismatiques ; et l'on peut à l'évidence déduire de leur conduite ultérieure qu'ils agirent ainsi à des fins personnelles. Pour ces deux raisons, ils ne constituaient donc qu'une faction politique ayant usurpé le nom de la religion et apparaissant, comme telle, fondamentalement antichrétienne. Le problème ici n'est pas de se demander si leur doctrine était juste ou inexacte, mais plutôt de savoir s'ils ne la considéraient pas comme un objectif secondaire de leurs efforts, comme un instrument ayant pour but de parvenir à des fins auxquelles ils accordaient une plus grande importance. Or, on constate que le parti des ariens est antérieur à leur croyance. Ils greffèrent ensuite leur hérésie sur le schisme des mélétiens,
et ils l'abandonnèrent sans difficulté lorsque leurs intérêts séculiers en exigèrnt le sacrifice.
Au concile de Nicée, ils commencèrent par soutenir une doctrine erronée pour aboutir à des concessions annonçant l'hérésie ultérieure selon laquelle les articles de foi n'ont aucune importance ; c'est le principe même de l'éclectisme que de traiter à la légère les différences de croyance, alors que l'idée primordiale d'une Révélation implique que les différences ont une grande importance...''

'' A partir de ce concile, l'arianisme ne constitua plus qu'une secte, en dehors de l'Eglise catholique. Il trouva refuge chez les envahisseurs barbares de l'Empire et se fond ainsi avec ces ennemis extérieurs du christianisme dont on ne peut considérer l'histoire comme proprement ecclésiastique. C'est de cette façon que l'erreur religieuse suit son cours naturel : elle naît à l'intérieur de l'enceinte sacrée, mais s'efforce en vain de prendre racine dans un sol qui ne lui convient pas. Le règne de l'hérésie, même s'il se prolonge, n'est qu'une étape de son existence : elle se hâte toujours vers sa fin, et cette fin est le triomphe de la vérité. « J'ai vu l'impie forcené s'élever comme un cèdre du Liban », déclare le Psalmiste ; « je suis passé, voici qu'il n'était
plus ; je l'ai cherché, on ne l'a pas trouvé. » Il en va de même pour les périls actuels qui menacent notre branche de l'Eglise. Ils ont une ressemblance marquée avec ceux du IVe siècle, et les leçons que les chrétiens d'aujourd'hui peuvent tirer de cette époque ancienne sont donc particulièrement stimulantes et édifiantes. Comme à présent, on redoutait alors dans l'Eglise et on commençait même à constater la présence d'un pouvoir hérétique l'asservissant, s'immisçant dans la direction de ses affaires intérieures et exerçant toutes sortes d'influences ou de prétentions illégitimes sur la nomination de ses fonctionnaires. Mais à présent comme alors, « quiconque tombera sur cette pierre s'y cassera, et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera » (Luc 20, 18)...''

Cardinal Newman, ' Les ariens du Ive siècle ', Téqui 1988.
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Écrit par : PP / | 31/12/2012

HISTOIRE

> Petite précision : c'est l'empereur Constantin qui convoqua le concile d'Arles en 314, et le pape Silvestre refusa d'y assister...

MG


[ De PP à MG -Le pape n'avait pas non plus assisté au concile de Rome, mais il était représenté dans les deux cas et les raisons de cette procédure échappent aux historiens. En revanche, les mobiles de Constantin sont connus - et très peu orthodoxes, comme on le verra plus encore à propos des ariens. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Michel de Guibert / | 31/12/2012

RETOUR

> éternel retour de l'hérésie.
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Écrit par : sèlah / | 02/01/2013

VIENS À NOUS, SEIGNEUR

> Je vous souhaite une belle année 2013 cher Patrice ainsi qu'à tous vos lecteurs et commentateurs. Merci pour la richesse et l'intensité de ce blog, un lieu de dialogues vifs comme on en trouve peu. C'est si précieux.
Je vous propose de commencer cette année de la foi par ces chants de l'Ensemble Organum,
douces et vibrantes implorations tendues vers le Ciel éternel :
Pardonnes-nous Seigneur ! Viens à nous Seigneur !
http://www.youtube.com/watch?v=xmkhk9Z8Lu4
http://www.youtube.com/watch?v=fTXl16nuan0
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Écrit par : Serge Lellouche / | 02/01/2013

> Merci Serge Lellouche pour ces liens.
On ne se lasse pas d'écouter le remarquable Ensemble Organum !
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Écrit par : Michel de Guibert / | 03/01/2013

CONSTANTIN

> Je ne suis pas spécialement un vénérateur de Constantin, mais reconnaissons-lui ce mérite : il était bien plus tolérant que ses successeurs, hérétiques ou orthodoxes. D'ailleurs, ce qu'on appellera le « constantinisme » ou le « césaropapisme » ne débute pas avec lui : de son temps, le christianisme (même sous sa forme arienne) est religion de l'Empereur, non de l'Empire. Durant son règne, il s'est contenté de « favoriser » la grande Eglise; et c'est vrai que les évêques et théologiens ariens étaient bien en cour vers la fin de sa vie. Il n'a pas cherché pour autant à contrôler l'Eglise ou à assurer la prédominance institutionnelle de celle-ci.
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Écrit par : Blaise / | 04/01/2013

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