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23/11/2012

Une merveille d'exégèse moderne

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Qui prétend que le pape Ratzinger veut un retour en arrière ?



Son analyse des évangiles de l'enfance (« porte d'entrée » à ses deux précédents ouvrages sur Jésus) est une merveille d'exégèse moderne : libérée non seulement des lectures naïves, mais des préjugés réductionnistes du siècle dernier. L'auteur explique : « D'abord il faut se demander ce qu'ont voulu dire, à leur époque, les auteurs de ces textes – c'est la composante historique de l'exégèse. […] La seconde question doit être : ''Ce qui est dit est-il vrai ? Cela me regarde-t-il ? Et si cela me regarde, de quelle façon ?'' ».

Sur les quatre évangiles, deux évoquent l'enfance de Jésus : Matthieu et Luc. Le premier s'adresse à des lecteurs venus du judaïsme ; le second, à des lecteurs venus du paganisme. Benoît XVI fait comprendre au grand public ce que sont réellement les évangiles : « Matthieu et Luc – chacun à sa manière propre – voulaient non pas tant raconter des "histoires" qu'écrire une histoire, une histoire réelle, qui a eu lieu, certainement une histoire interprétée et comprise selon la parole de Dieu. Cela signifie aussi qu'il n'y avait pas une intention de raconter de façon complète, mais de noter ce qui, à la lumière de la Parole, et pour la communauté naissante de la foi, apparaissait important. Les récits de l'enfance sont une histoire interprétée et, à partir de l'interprétation, écrite et condensée. » Autrement dit : non seulement le rôle de la communauté chrétienne primitive dans la condensation des évangiles n'affaiblit pas leur portée, mais il la fonde et la garantit. Les évangiles sont écrits par l'Eglise naissante comme témoignage et jalon de sa foi ; les premiers chrétiens ne disent pas avoir reçu du ciel « Le Livre » (comme le feront les musulmans), mais soulignent que ces livres, les évangiles, sont une méditation sur des événements humains qui viennent d'arriver. Le christianisme n'est pas une « religion du livre » : il rédige des livres. Ainsi le christianisme d'origine s'offre franchement à la démarche analytique moderne, historico-littéraire ; il est étayé par les avancées de celle-ci, et non affaibli par elles comme le croient nos médias.

Le livre du pape est bref (190 pages), parce que les passages de Matthieu et Luc sur l'enfance de Jésus sont eux-mêmes brefs. Il comporte 4 chapitres :

1. « D'où es-tu ? » (la question sur l'origine de Jésus comme question sur son être et sa mission)

2. L'annonce de la naissance de Jean-Baptiste et de la naissance de Jésus (La caractéristique littéraire des textes / L'annonce de la naissance de Jean / L'annonce à Marie / Conception et naissance de Jésus selon Matthieu / L'enfantement virginal : mythe ou vérité historique)

3. La naissance de Jésus à Bethléem (Le cadre historique et théologique du récit de la naissance dans l'évangile de Luc / La naissance de Jésus / La présentation de Jésus au Temple)

4. Les Mages d'Orient et la fuite en Egypte (Le cadre historique et géographique du récit / Qui étaient les « Mages » ? / L'étoile / Etape intermédiaire à Jérusalem / L'adoration des Mages devant Jésus / La fuite en Egypte et le retour dans la Terre d'Israël).

Le catholique pratiquant pense connaître ces évangiles. Mais s'il lit l'analyse de Benoît XVI, il découvre que les phrases sobres de Matthieu et Luc « condensent » une palette inouïe de références et de résonances. Le Premier Testament, bien sûr : Isaïe, Jérémie, Malachie, Michée, Sophonie, Daniel, les psaumes. Mais aussi l'attente du reste du monde antique (en quoi Jésus naît « à la plénitude des temps »). Et nos propres attentes, y compris l'attente d'une compréhension plénière de notre propre foi ! Les textes de ces évangiles contiennent un message d'une puissance révolutionnairement surnaturelle, qui bouscule nos pieuses habitudes. Le catholique aime à se voir en « héritier » : mais héritier de quoi ? D'une filiation humaine brisée par le divin. La généalogie de Jésus (trois fois quatorze générations d'hommes) s'achève par une femme : Marie, « nouveau commencement » qui « relativise toute généalogie »... En effet «son enfant ne vient d'aucun homme mais il est une nouvelle création », souligne le pape ; Marie est « celle en qui recommence de façon nouvelle le fait d'être une personne humaine ». À l'image d'Abraham, père de l'humanité croyante, le chrétien « sort du présent pour s'acheminer vers l'avenir » : « toute sa vie renvoie en avant, elle est une dynamique de la marche sur la route de ce qui doit arriver. » Voilà de quoi rajeunir notre vision du catholicisme, tâche urgente dans la France de 2012.

Benoît XVI scrute le mystère de la royauté de Jésus. Le royaume de Jésus, c'est Jésus lui-même et son Corps mystique en qui tout sera récapitulé : « en Lui le règne de Dieu entre en ce monde ». Il est roi parce que « toute l'histoire regarde vers Lui, dont le trône subsistera à jamais », et non à la manière politique (« mon royaume n'est pas d'ici », Jean 18, 36) – bien qu'à chaque époque des chrétiens se fourvoient dans le rêve d'un royaume terrestre du Christ, utopie couvrant chaque fois des réalités déplorables. « Parfois, au cours de l'histoire, les puissants de ce monde tirent [ce royaume] à eux ; mais il est alors justement en danger : ils veulent associer leur pouvoir au pouvoir de Jésus, et ainsi ils déforment son règne, le menacent... Ou bien il est soumis à la persécution insistante de la part des dominateurs qui ne tolèrent aucun autre règne et désirent éliminer le roi sans pouvoir, dont ils craignent toutefois le pouvoir mystérieux. »

«  La tentation de réduire [les paroles de Jésus Christ], de les manipuler pour les faire entrer dans notre mesure, est compréhensible », souligne Benoît XVI : car «la mission divine de Jésus brise toute mesure humaine et devient sans cesse à nouveau pour l'homme un mystère obscur [...] Toujours à nouveau les paroles de Jésus sont plus grandes que notre raison. Elles dépassent toujours à nouveau notre intelligence. »

 

Commentaires

MAGNIFIQUES OUTILS

> Merci. Effectivement, les livres de Benoît XVI-Joseph Ratzinger sur Jésus sont des magnifiques outils pour dissiper toutes les chimères contemporaines (généralement en fait des versions réchauffées d'hérésies gnangnan pluriséculaires) sur Jésus, et ils transparaissent en même temps à chaque page de la touchante humanité du pape.
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Écrit par : Thibaud / | 23/11/2012

LA NOUVEAUTE RADICALE DU CHRIST

> selon saint Irénée :

« La nouveauté de tout : ''Omnia enim nova aderant'' - La venue du Logos dans la chair confère à tout la nouveauté de l'accomplissement. Irénée pense ici à l'Incarnation, ''génération'' nouvelle, '' virginale'' - opposée à l'incarnation normale, ancienne -, point de départ d'une nouvelle économie. En effet, à partir de la génération virginale, la naissance sera également nouvelle, de même que tous les mystères inhérents à la Chair ainsi conçue et née... ''Ce qui est né de Marie est saint et est le Fils du Dieu très-Haut, le Père de toutes choses ayant opéré l'Incarnation de son Fils et ayant fait apparaître ainsi une naissance nouvelle'' ('Adversus Haereses' V, 1, 3, 61 s.)
En somme, selon l'évêque de Lyon, le Nouveau Testament :
a) n'apporte aucune nouveauté doctrinale, tout avait été annoncé par la Loi et les prophètes ;
b) seule est nouvelle la présence du Verbe incarné et la réalisation de ce qui se rattache à cette présence.
En même temps, toujours selon saint Irénée :
a) tout est nouveau et , en tant que tel, prophétisé dans l'Ancien Testament ;
b) nouvelle était la génération virginale du Verbe incarné par rapport à la génération normale, ancienne, connue depuis les jours d'Adam ;
c) nouveau l'Esprit de Dieu, parce que répandu sur les hommes d'une manière nouvelle (par de nouvelles voies, dans une mesure et avec une efficacité plus grandes, supérieures quantitativement et qualitativement) comme Esprit d'adoption ;
d) nouveau également le coeur du croyant qui, ayant reçu l'Esprit de filiation, abandonne sa condition servile pour devenir doux et libre ;
e) nouveaux enfin les mystères du Christ, annoncés présentement par le Baptiste... »

(Antonio Orbe s.j., 'Introduction à la théologie des IIe et IIIe siècles', t. 1, p. 767, Cerf 2012).
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Écrit par : PP / | 24/11/2012

> Merci de votre article sur le livre de Josef Ratzinger-Benoît XVI. Ayant lu les deux précédents ouvrages je ne doute pas un instant du grand intérêt de celui-ci.
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Écrit par : Edmée Cazanoles / | 24/11/2012

FAIRE LIRE LE LIVRE

> Merci PP pour cet article. En le lisant, j'ai fait la réflexion suivante. Vous dites que le livre est bref. Il me semble pourtant que pour la plupart des gens, il contient 190 pages de trop. Comment donc les faire passer dans notre culture faite de slogans et du tout tout de suite? En saucissonnant les idées du livre par des pubs ou des tweet ? En proposant une lecture commune en paroisse, par petits groupes ?

Th.


[ De PP à Th. - Par tous les moyens, même légaux ! Et l'idée de soirées-débat dans les paroisses est excellente. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Théophile / | 24/11/2012

LA TRADUCTION AURAIT PU ÊTRE MEILLEURE

> La pensée du pape est une fois encore profonde et lumineuse. Sans vouloir faire le grincheux, je trouve cependant la traduction (réalisée à trois) proprement catastrophique. Par moments, on est à la limite du barbarisme. Mais que cela n'empêche personne de le lire, la vérité dépasse les jugements esthétiques.
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Écrit par : JG / | 26/11/2012

P.A.L.

> Merci !!
Je sais maintenant quel livre ajouter à ma P.A.L. à ma prochaine visite en librairie...
(à moins que ce ne soit de la gourmandise que de vouloir déguster autrement ces évangiles ???
Oups pardon, c'est une digression de celle qui étudie "les sept péchés capitaux" en ce moment ;-) )
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Écrit par : picokoa / | 26/11/2012

@ Théophile

> Vous avez vraiment mis le doigt là où cela coince depuis pas mal d'années de mon très humble avis (ce n'est pas nouveau que les gens ne lisent pas les textes, alors qu'ils ont soif qu'on leur parle et explique).
Que le pape ou les hautes instances de l’Église fassent des écrits longs et difficiles, c'est normal: ce sont des textes de référence, et chaque phrase a son importance.
Maintenant, comment faire descendre à tout un chacun, plus difficile.
C'est encore complexifié par un sens logique du respect et de la crainte de dénaturer le sens premier.
L'idée de soirée-débat énoncée ne résout pas tout mais semble plutôt positive. En plus c'est un moyen sympa de faire se rencontrer et dialoguer les chrétiens ailleurs qu'à la messe. Et de faire revenir certains qui n'y vont plus. Mieux, des non croyants pourraient venir par curiosité aiguisée. Rêvons.
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Écrit par : JClaude / | 26/11/2012

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