Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/11/2012

Quand on emploie le mot "crétin"

christianisme


... il faut le faire intelligemment :

 


Ce n'est pas tout à fait le cas de l'article Théologien sans être crétin, publié dans Libération d'hier par Raphaël Picon (doyen de la faculté de théologie protestante du boulevard Arago à Paris) : ici

Relisons-le :

Un constat (exact en partie seulement)

«Les médias français n'aiment pas la théologie […] En la matière, aucun autre pays d'Europe, n'est aussi sectaire que la France. » Exact. Mais ce que les médias de 2012 reprochent à la théologie, c'est de reposer sur la foi religieuse (celle-ci étant un frein au consumérisme libéral-libertaire). Les médias ne reprochent plus à la théologie – comme le croit M. Picon – d'être « synonyme d'idéologie, de discours alambiqués, de vieilles querelles byzantines » : cela, c'est ce que les journaux reprochaient à la théologie en 1912 ; on s'étonne de voir une idée aussi vieillotte sous la plume d'un homme né en 1968.

Une énormité

« Certes, la théologie n'a pas toujours brillé par son intelligence. Et les propos homophobes de quelques évêques n'arrangent rien à l'affaire... » Où M. Picon a-t-il vu un évêque français tenir un propos homophobe* ? D'où vient chez le doyen de la faculté protestante ce soudain relent de cathophobie ? On se croyait à l'ère de l'oecuménisme, mais M. Picon a d'autres priorités :

Un désir médiatique

« Pour parler dans les médias des caricatures sur le religieux, on invite sociologues, anthropologues, commentateurs professionnels... Chacun a son mot à dire. Mais jamais un théologien au Grand Journal de Canal+  ! » Raphaël Picon a envie d'aller au Grand Journal ? a-t-il idée de l'hilarité qu'il y aurait, sur le plateau, face à un propos de théologien quel qu'il soit ?

Une théologie canalo-compatible

Picon compte éviter les rires de Canal grâce à une théologie compatible avec l'émission :

- « Des théologiens ont, eux aussi, été frappés par quelques Lumières qui les ont libérés de l'obscurantisme... » Quel est leur Dieu canalo-compatible ? Ce Dieu est bisexué : « Il(elle) n'est jamais réductible à ce qu'on peut faire de lui(elle) », écrit M. Picon. Ce mot « il(elle) » ne nous rajeunit pas : c'est un très tardif écho des anti-théologies genre Boquen 1974, à l'époque où on disait aussi « la Esprit Sainte »... En outre le terme « il-elle » est contre-indiqué : si M. Picon veut montrer (à juste titre) que Dieu n'est jamais « réductible » à ce qu'on peut faire de lui, le meilleur moyen n'est pas de le réduire, justement, à la parité** selon la loi du 6 juin 2000.

- « Nombre d'entre eux [ces théologiens] ont Nietzsche pour maître, se passionnent pour Marx et lisent Freud ». Décidément c'est la machine à remonter le temps ! On a l'impression d'entendre un dominicain du Centre Saint-Yves nous parlant des « maîtres du soupçon » un soir de 1971. On est navré de devoir rappeler que : a) Nietzsche est un génie, mais l'avoir « pour maître » signifie récuser l'économie de la Rédemption*** ; b) se « passionner » pour Marx fut aussi le fait de Joseph Ratzinger, théologien de la foi plénière (dans la statuette duquel M. Picon doit planter des épingles tous les soirs) ; c) « lire Freud » mène à condamner le mariage gay : attitude que M. Picon qualifierait d'homophobe ! Un peu de cohérence ne serait pas inutile.

- « Qu'ils soient juifs, chrétiens ou musulmans, ils [les théologiens cool] enseignent à déconstruire sans réserve leurs mythes et leurs textes fondateurs... » C'est vrai des juifs et des chrétiens (et le livre du pape sur l'enfance du Christ en est un exemple admirable). Mais c'est faux des musulmans, et tout le monde sait que là est l'obstacle au dialogue inter-religieux. M. Picon n'est-il pas au courant de cette difficulté bien connue ?

- « S'ils avaient une chance d'être entendus » (c'est-à-dire d'aller se faire foutre d'eux par les invités de Canal+), « seuls les penseurs du monothéisme des Lumières » (?) « pourraient construire un autre rapport au religieux... » On s'interroge sur ce rapport qui pourrait bien consister en une dissolution du religieux, process mettant évidemment fin aux difficultés : si la théologie de notre temps est une sortie de la théologie, ça va faire des vacances aux théologiens... Rappelons que M. Picon est un fan d'Emerson, « figure fondatrice de la culture américaine, qui dresse un violent réquisitoire contre un christianisme engoncé dans le carcan dogmatique d'un temps révolu. Il lui oppose un hymne à la nature, à la confiance en soi, à l'âme humaine devenue parcelle de Dieu et de l'univers...»**** Mais si l'âme humaine est « une parcelle de Dieu », on n'est plus dans le christianisme ni dans la Bible ! Emerson est l'un des grands ancêtres des Unitariens, micro-groupe protestant bostonien qui rejette la Trinité et prêche aujourd'hui la fusion-confusion globale de toutes les spiritualités. C'est d'eux qu'est venue, il y a quelques mois, la mystification du « Christ marié » (fondée sur un papyrus qui n'est qu'un faux, d'après les experts).

Conclusion de M. Picon : « On découvrira alors [quand Picon sera allé sur le plateau de Canal ?] qu'on peut être croyant sans être crétin. Et qu'on peut être religieux tout en préférant les nourritures terrestres aux dissertations sur le sexe des anges ». M. Picon a l'air de croire que jusqu'à lui et aux autres théologiens cool (que l'on aimerait connaître), la théologie chrétienne était gnostique ou manichéenne : d'un côté « les anges » et leur monde, de l'autre le monde des « nourritures terrestres » ! Cette vision des choses n'a rien à voir avec le christianisme, né de l'Incarnation et nourri des sacrements ; mais si l'on ne croit ni aux sacrements ni même dans la Trinité, je ne sais plus très bien de quoi nous parlons ici. Conseillons à M. Picon de bâtir d'autres argumentaires s'il veut continuer à traiter de « crétins » les théologiens depuis deux mille ans.

 

_________


* à moins de qualifier d'homophobe toute critique de la revendication LGBT, bien sûr : auquel cas M. Pïcon mériterait pour sa part l'appellation de conformiste.

** Oui, on sait depuis saint Irénée que toute la Création, donc aussi la sexuation (donc les deux sexes), est en Dieu Créateur ! Mais précisément Dieu n'est pas soumis aux lois de la Création dont Il est l'auteur ! L'appeler « il(elle) » est une réduction, légèrement ridicule, et qui n'obtiendrait que l'ironie du plateau de Canal.

*** J'en sais quelque chose, comme je l'évoquais dans une note récente. Au temps (les seventies) où j'avais Nietzsche « pour maître », je ne me prétendais pas chrétien ! On ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre et l'âme de la crémière.

**** Discours aux étudiants en théologie de Harvard, par RW Emerson, préface de Raphaël Picon (éd. Cécile Defaut 2011). La faculté de théologie de Harvard était contrôlée par les Unitariens.


 

christianisme

Raphaël Picon.

Commentaires

BOSTON

> On connaît le 'Covenant' des Unitariens, secte bostonienne :
"we believe in the fatherhood of God, the brotherhood of Man, the leadership of Jesus".
Ce qu'un humoriste américain a transposé ainsi :
"they believe in the fatherhood of God, the brotherhood of Man and the neighbourhood of Boston."
Excellent calembour quoiqu'intraduisible.
______

Écrit par : lookaway / | 21/11/2012

EPOQUE

> J'ai un temps lu Emerson, et surtout Thoreau.
Paradoxalement, c'est Thoreau qui m'a amené à l'écologie puis ramené à la foi catholique.
Comme quoi...
Quant à ce bon monsieur Picon, il est malgré tout bien de son époque.
______

Écrit par : PMalo / | 21/11/2012

MESSAGE DE JEAN MERCIER

> Je viens de lire le texte de Raphaël Picon, et non seulement j'ai vraiment peur pour l'oecuménisme (l'accusation des évêques homophobes), mais j'ai franchement honte d'être diplômé de l'IPT Paris. M. Picon, qui se délecte d'inviter un pasteur athée boulevard Arago, est effectivement bien placé pour se targuer de déconstruire les mythes et les textes fondateurs. Le problème est qu'aujourd'hui, les étudiants qui arrivent à l'IPT (dixit un collègue de Picon, qui ne pourra le nier) n'ont plus rien de construit. Alors, si l'on prend son plaisir à déconstruire, il ne reste plus rien du tout. Cette rhétorique était valable, et encore, dans les années 70, mais aujourd'hui c'est de la folie... C'est avec de tels discours qu'on vide les églises. Apprendre aux gens à faire de la théologie est leur donner les moyens de transmettre un patrimoine d'intelligence et de foi bimillénaire, pas d'apprendre à jouer les intéressants du haut d'une chaire avec des idées qui ne sortent que de leur tête.
Par ailleurs, je m'inquiète de la soif de reconnaissance médiatique de Raphael Picon. Un théologien ne sera jamais un commentateur médiatique patenté, ou il perd son âme (c'est arrivé à certains). Picon a sans doute envie de briller en société. Mais je ne lis nulle part dans l'Evangile que ce soit un précepte.
______

Écrit par : Jean Mercier / | 21/11/2012

LA PRESSION MONTE

> La violence verbale des personnes favorables au projet de loi instituant le « mariage pour tous » est en train de monter d’un cran, notamment en agitant toujours plus haut le drapeau noir de l’« homophobie ».
Le temps serait-il venu de rouvrir le débat sur le terme lui-même et ce qu’il véhicule ?
Il est clair que des militants LGBT voudraient conférer définitivement à l'accusation d'homophobie une charge intellectuelle, historique et symbolique digne de l'accusation d'« antisémitisme ». La manœuvre est grosse.
Le gouvernement s’apprêterait-il à y prêter la main ?
Mme Vallaud-Belkacem a évoqué mardi 20 novembre à l’Assemblée nationale un « plan très ambitieux » pour lutter contre l’homophobie, et « agir en profondeur sur la société » à ce sujet.
Les mesures, précise la ministre, en seront dévoilées dans les prochains jours.
Je pose d'ores et déjà la question aux partisans du « mariage pour tous », et à leurs avocats.
Si je me déclare choqué par l’exhibition d’homosexuels(les) s’embrassant en public – particulièrement en présence d’enfants –, et si j’en témoigne, aimablement cela s’entend, autour de moi, suis-je coupable du délit d’homophobie ?
______

Écrit par : Denis / | 21/11/2012

PAS DE MELANGE DE SUJETS

> SVP, pas de mélanges de sujets. Le lobby LGBT est à traiter sous les notes concernant le mariage. Ici la note concerne la théologie !
______

Écrit par : PP / | 21/11/2012

BENOIT XVI

> Je suis bien d'accord avec ce que vous dites.En tant que protestante, je déplore vraiment (et c'est une euphémisme) l'enseignement théologique de ITP. Mais pourriez vous préciser ce que vous entendez par le fait que Benoït XVI ferait de la déconstruction ? J'imagine que cela ne correspond pas ce qu'affirme Raphaël Picon. Mais je ne vois pas à quoi vous faites allusion.
Bravo pour votre blog courageux.
Edmée, la baptiste de service, benoitseizophile!!!


[ De PP à Edmée - Si vous lisez le nouveau livre du pape, 'L'Enfance de Jésus", vous verrez comment il décortique Luc et Matthieu : fond et forme, texte et contexte, contenu et construction. C'est remarquable, même si ça n'a évidemment rien à voir avec ce que Picon - du fond de sa navrante banalité commerciale - croit être la "déconstruction". ]

réponse au commentaire

Écrit par : Edmée Cazanoles / | 21/11/2012

UN DISCOURS QUI DATE

> Le christianisme passe mieux dans les médias une foi débarassé de vieilleries comme la Résurrection du Christ et l'existence de Dieu, c'est certain !
Mais ce " christianisme " libéral est l'instrument de sa propre perte : plus personne ne pratique plus rien, ne croit plus rien et les assemblées sont désertées plus encore que chez les catholiques. Chacun est convié à retourner à son business, au cocooning avec sa nouvelle épouse et à essayer sa dernière voiture.
Le " théologien libéral " - le seul véritable dieu sur terre - reste seul avec son " paganisme chrétien ". Et on en parle plus !
Entre parenthèses : son discours me rappelle effectivement ma jeunesse (1970). J'ai donné, je ne suis plus intéressé !
______

Écrit par : Roque / | 21/11/2012

UNE IMAGE FAUSSE DU PROTESTANTISME

> J'ai peur que Raphaël Picon donne une image fausse auprès des catholiques de ce qu'est le protestantisme en général. Ce théologien est isssu d'une tradition ultra-libérale, un courant qui a toujours été très minoritaire mais qui est aujourd'hui en train de disparaître, faute d'adhérents. Sa religion, c'est moins le christianisme que les Lumières. Son discours prétentieux pourrait être comparé à celui du serpent dans la Genèse qui veut à tout prix qu'on l'écoute, lui, le grand théologien, plutôt que Dieu, au nom d'on ne sait quelle raison lumineuse. Cela a sans doute l'air intelligent, mais nos doctrines et notre foi même sont réduites à des mythes dont on pourrait se passer. En revanche, Raphaël Picon nous suggère effectivement de garder Nietzsche, Marx et Freud. Et de surcroît, on retrouve le vieil anticatholicisme primaire dans cette phrase ridicule évoquant "les propos homophobes de quelques évêques" (lesquels ? quand ? où ?). Protestant et ancien étudiant de l'IPT, je ne suis pas vraiment surpris. Le texte de Raphaël Picon est choquant, mais il ne représente pas grand monde. Il vaut mieux le prendre comme une illustration tragique d'un courant intellectuel en train de mourir. Le vrai protestantisme continue. Merci à Patrice de Plunkett pour son texte.
______

Écrit par : Harald / | 21/11/2012

PAS LE PAPE

> Edmée, ce n'est pas le pape qui déconstruit, c'est Picon et les théologiens libéraux en général.
______

Écrit par : Jean Mercier / | 22/11/2012

SIX ANS DE SALAIRE

> Benoît XVI est in, la preuve: on en parlait sur NRJ hier matin: si si, et pour faire rire, mais sans moquerie, de mémoire: "hé patron, tu me dois 6 ans de salaire, on n'est pas en 2012 mais en 2018, si si, c'est le Pape qui l'a dit", et explication de l'animateur sur la datation de la naissance de Jésus, bien né en décembre, mais 6 ou 7 ans plus tôt.
______

Écrit par : Anne Josnin / | 22/11/2012

@ Denis

> Tant que vous n'avez pas reconnu la supériorité des LGBT sur le restant ringard de l'humanité esclave des vieux tabous, vous serez étiqueté homophobe, il faut que nous nous y fassions.
L'intervention de la petite Vallaud-Belkacem est très inquiétante, c'est une promesse de lavage de cerveaux des enfants.
______

Écrit par : Pierre Huet / | 22/11/2012

> Pas faciles, les relations oecuméniques avec ce genre de personnage!
______

Écrit par : Pierre Huet / | 22/11/2012

DES ALPES

> N'oublions pas surtout que crétin veut dire chrétien.
C'était ainsi que l'on nommait les gens atteints de ce qui est devenu le "crétinisme des Alpes" : de bons chrétiens, disait-on, parce qu'ils étaient idiots mais gentils.
Ça me va tout à fait comme définition.
______

Écrit par : JG / | 23/11/2012

CHIC

> Quand on vient de voir la façon dont le Grand Journal vient de traiter Frigide Barjot (en principe très à l'aise dans ce genre d'émission), on imagine comment un intello de fac de théologie se ferait rouler, lui, dans le goudron et les plumes !
L'interlocutrice de Barjot avait l'attitude caricaturale de la représentante bobo chic officielle, face à un(e) invité(e) jugée "incorrecte" donc socialement inférieure. Elle lui parlait avec un sourire de mépris et d'irritation et en regardant ailleurs. Quand Barjot arrivait à en placer une, l'autre se tournait vers l'assistance, l'air de dire : "vous voyez ce qu'on ose me dire". L'aristocratie de télé dans toute son horreur.
______

Écrit par : emmeline / | 25/11/2012

Les commentaires sont fermés.