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03/10/2012

Découvrir le concile Vatican II

vatican 2,catholiquesC'est l'heure de la récapitulation, à égale distance de ceux qui s'obstinent (pour de mauvaises raisons inverses) à rejeter ce concile ou à revendiquer un "Vatican III" :

 


Le catholicisme a du mal à se faire entendre, parasité qu'il est par deux clans médiatiques : celui qui rabâche depuis le siècle dernier son allergie au concile, et celui qui agite le mirage d'un « Vatican III » au lieu de vivre ce qu'a voulu Vatican II. (Les deux clans ne pardonnent pas à ce concile d'avoir ignoré leurs idéologies respectives).

Les exigences ou les allergies sont incompatibles avec le sens de l'Eglise...

La tâche des catholiques est plus simple et moins vaniteuse. C'est de mettre en oeuvre les orientations – réellement prophétiques – données par Vatican II ; en se souvenant que les fruits des conciles mettent longtemps à éclore.

Comme je le rappelais lundi après-midi au débat organisé par Michel Field sur LCI (j'y participais avec Philippe Levillain, Isabelle de Gaulmyn et Christine Pedotti), en 1970-1980 les conservateurs taxaient la constitution conciliaire Gaudium et Spes (1965) de « naïveté utopiste » à cause des passage évoquant :

§ 4, «de profonds et rapides changements s'étendant progressivement au monde entier », « une véritable transformation sociale et culturelle qui exerce ses effets jusque sur la vie religieuse » ;

§ 6, « de nouveaux moyens de communication sociale » diffusant les opinions et les sentiments « le plus rapidement et le plus largement possible » ;

§  30, la nécessité (malgré la tendance de l'époque) « de dépasser une éthique individualiste » ;

§ 54, « l'accroissement des relations entre les divers peuples et les divers groupes sociaux », préparant « une forme plus universelle de la culture humaine » ;

§ 55, le lien entre « l'unification du monde » et « le devoir qui nous est imposé de construire un monde meilleur dans la vérité et la justice » (« un nouvel humanisme pour lequel l'homme se définit avant tout par sa responsabilité à l'égard de ses frères et à l'égard de l'histoire ») ;

§ 56, des questions cruciales : « que faut-il faire pour que les échanges culturels plus fréquents, qui devraient conduire a un dialogue vrai et fructueux entre les divers groupes et les nations, ne bouleversent pas la vie des communautés, ne causent pas la ruine de la sagesse ancestrale, et ne mettent pas en danger le génie propre de chaque peuple ? » ; « comment l'éclatement si rapide et toujours croissant des disciplines particulières peut-il être concilié avec la nécessité d'en réaliser une synthèse et de sauvegarder chez les hommes la faculté de contemplation et d'admiration qui conduit à la sagesse ? » ; « comment reconnaître comme légitime l'autonomie que la culture revendique pour elle-même, sans que l'on aboutisse à un humanisme purement terrestre, voire hostile à la religion ? »;

§ 58, l'indépendance de l'Eglise par rapport aux cultures particulières : « l'Eglise, envoyée à tous les peuples de tous les temps et de toutes les régions, n'est liée, de façon exclusive et indissoluble, à aucune race ou nation, à aucun genre de vie particulier, à aucune coutume ancienne ou récente » ;

§ 62, ce préalable de toute évangélisation : « que les fidèles vivent en union étroite avec les autres hommes de leur temps, et qu'ils s'efforcent de saisir à fond leurs manières de penser et de sentir » ;

§ 63, la mise en garde à l'encontre de « l'économisme » dans les pays riches : «  au moment où le développement de la vie économique, pourvu qu'il soit géré et coordonné de manière rationnelle et humaine, pourrait réduire les inégalités sociales, il conduit au contraire trop souvent à leur aggravation et même, ici ou là, à une détérioration de la condition sociale des faibles et au mépris des pauvres... » ;

§ 64, une mise en garde à l'encontre du productivisme : «la finalité fondamentale n'est pas l'accroissement pur et simple des biens produits ni le profit ou la puissance, mais c'est le service de l'homme, de l'homme tout entier, eu égard à l'ordre de ses besoins matériels et des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse, de tout homme, disons-nous, et de tout groupe d'hommes, des hommes de toutes races et de toute région du monde. C'est pourquoi l'activité économique doit s'exercer, selon ses méthodes et ses lois propres, dans les limites de l'ordre moral*, de sorte que se réalise le dessein de Dieu sur l'homme » ;

 etc.

Ce texte écrit en 1965 avait vingt-cinq ans d'avance sur la mondialisation marchande, dont il décrivait d'avance les pouvoirs et les dangers. Ses intuitions ont été tournées en ridicule (et le sont encore : chose effarante) par les tenants du passé. Et elles sont tues par ceux qui réclament un Vatican III, espérant ce qui n'adviendra jamais : l'alignement de l'Eglise sur la dérégulation mentale et morale propre aux pays riches. Ces deux clans, les passéistes et les  « progressistes », poursuivent des fins séculières extérieures à la foi... même s'ils empruntent une partie de son vocabulaire.

D'où l'urgence de remettre en lumière la vérité de Vatican II. C'est à quoi répond, entre autres, le « Congrès international d’études sur le Concile Vatican II à la lumière des archives des Pères conciliaires » réuni à Rome du 3 au 5 octobre, sous la houlette du P. Bernard Ardura, président du Comité pontifical des sciences historiques, et de Philippe Chenaux, directeur du Centre d’études et de recherches sur Vatican II.

Ce concile a été un « événement » (dit Chenaux) qui marque « une sorte de césure dans l’histoire de l’Eglise » : césure « si forte qu’elle rend possible l’identification d’un "avant" et un "après" Vatican II ». Le concile a marqué pour le christianisme la fin d’une époque « post-tridentine » et même « post-constantinienne »... Néanmoins, interpréter le concile comme une « clé de rupture » n’est pas sans « présupposés idéologiques » : c’est « objectivement l'interprétation de ceux qui continuent à faire référence à un "esprit" du concile plus qu’à la "lettre" des documents conciliaires ». Chenaux souligne que cette lecture n’est pas celle du magistère de l’Eglise, qui voit le concile « non dans la rupture, mais dans un renouveau dans la continuité ».

Il faut donc que les historiens du concile se posent la question « fondamentale » de « réconcilier ces deux lectures opposées de l’événement conciliaire et de ses décisions, en évitant d’instrumentaliser l’histoire du concile pour des fins extérieures à elle-même ».

S'il y a rupture conciliaire, ce n'est pas avec la foi, c'est avec une phase historique révolue de l'histoire du christianisme : portant un regard lucide sur sa position au XXIe siècle, l'Eglise ne s'appuie désormais que sur l'Esprit Saint (et les hommes de bonne volonté) pour évangéliser un monde livré au paganisme matérialiste mercantile.

Et cette «rupture» est en fait une continuité : une fidélité renouvelée, ressourcée, au noyau de la foi chrétienne comme le soulignait le discours d'ouverture du concile par Jean XXIII. C'était le 11 octobre 1962, il y a presque cinquante ans aujourd'hui.


_________

* "Dans les limites de l'ordre moral" (v.o. : "intra fines ordinis moralis") veut dire : a) que l'activité économique ne saurait être illimitée, ce qui exclut le productivisme ; b) qu'elle est subordonnée au "service de l'homme tout entier"  alors que, selon le libéralisme réel (tel qu'il s'est réalisé dans l'histoire), l'activité économique ne connaît d'autre but qu'elle-même... et subjugue tous les autres domaines.

 

Commentaires

> « Pères (héritiers du concile), gardez-vous à droite ! Pères, gardez-vous à gauche ! »
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Écrit par : Denis / | 03/10/2012

SURENCHERE DANS LE CLERICALISME

> Les laïcs qui demandent un Vatican III font de la surenchère dans le cléricalisme, et passent à côté de leur vocation spécifique.
Ils ont une excuse: nous sommes très nombreux à être tombés dans le piège du mimétisme, (un fond de jalousie?), et à avoir vu dans la valorisation de notre vocation de laïc l'occasion de plagier, version "light et in", les ordres religieux.
Au lieu de nous plonger avec une ardeur décuplée dans la pâte de notre monde pour y être levain, nous nous sommes insensiblement mis à part, en nous retrouvant entre nous via les communautés nouvelles notamment, (moi la première!),en prenant bien garde de ne pas nous frotter à nos contemporains dans les clubs associations, syndicats,etc non confessionnels (il fallait éviter et les tentations, et surtout la faute de goût) on s'est mis à part même de nos paroisses, il est vrai peu édifiantes souvent, ou mieux on y a édifié des chapelles invisibles, où le pratiquant de base de fait ne pénétrait pas.
Toutes tendances confondues, on a édifié autour du curé un rempart de laïcs qu'il n'avait pas nécessairement demandé, et qui l'ont coupé de ses brebis plus qu'ils ne l'ont épaulé, on a décliné des appelations religieuses en mode laïc: aumônier(ère), comme si on ne pouvait pas inventer les nôtres...bref on a vu le laïcat comme l'école de la seconde chance, la petite porte pour la grande école de la sainteté, la profession religieuse par cours du soir,et secrètement la grande revanche sur nos renoncements non assumés à une vocation religieuse adolescente(plus encore si on nous regardait, parce qu'on était pieux et sage au catéchisme, comme la "vocation" de la famille). Honnêtement, combien parmi nos laïcs hyper engagés de l'après Vatican II avaient vécu leur mariage comme une sorte de trahison, par faiblesse ( aimer un métier,tomber amoureux!), alors que la famille,la paroisse, les regardaient déjà comme la relève brillante du clergé?
L'accueil de l'altérité est d'abord à travailler chez nous catholiques, le renoncement à l'envie-imitation de l'autre pour accepter de devenir pleinement moi-même, en mode authentique, radicalement original. Parce que dès l'origine, à l'instant même du mystère de la fécondation, Dieu m'a fait advenir d'un désir unique. Nous sommes choqués de voir des personnes homosexuelles se travestir, que ne le sommes-nous par nos propres travestissements, quand le laïc joue au curé, le curé au laïc, le père de famille au moine, la moniale à la cadre supérieure ou à l'ouvrière? Je crois que nous faisons un peu vite la leçon à nos contemporains, à qui nous balançons comme une tarte à la crème l'accueil de la différence, comme si notre hétérosexualité affichée nous dispensait de travailler aussi sur cette vertu d'abord biologique, oui, mais bien plus encore ontothéologique. Ce qui s'y cache de fragilité identitaire chez nous, de blessures dans notre histoire, c'est le moment de le mettre à la lumière bienfaisante du Saint Sacrement. Nous avons aussi des outing à faire, non devant la presse, mais en communauté.
Ensuite de quoi il nous reste à inventer notre mission propre de laïc dans le monde, sous ce grand vent de liberté de Vatican II, en entrant dans ce mouvement d'émerveillement amoureux et gratuit les uns envers les autres,-que c'est beau, que c'est beau!- émerveillement amoureux et gratuit qui nous rend déjà mystérieusement participant de la Vie même de la Trinité.
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Écrit par : Anne Josnin / | 03/10/2012

VATICAN III

> pour info : par "vatican III" vous désignez le fameux soit-disant "esprit du concile" ou c'est encore autre chose ?

Z.

[ De PP à Z. - Les plus francs disent sans fard qu'ils veulent un Vatican III qui ferait ce que Vatican II "aurait dû faire" (liquidation du dogme, mariage des prêtres, démocratie parlementaire dans l'Eglise, ralliement aux nouvelles moeurs, etc). Les plus diplomates feignent de se soucier du dysfonctionnement de la Curie (indéniable) pour dire que seul un concile pourrait la réformer... ]

réponse au commentaire

Écrit par : zorglub / | 04/10/2012

LA CESURE DE VATICAN II

> Je suis parfaitement d'accord avec cette analyse. La césure de Vatican II n'est bien sûr pas d'ordre dogmatique mais relationnel: le Concile, en retournant aux sources bibliques et patristiques, a redéfini quelle devait être la relation de l'Eglise avec le monde et a en effet renoncé à la nostalgie de la chrétienté. A la peur du modernisme a succédé une invitation au dialogue. Il est marquant que dans son discours d'ouverture le pape Jean XXIII ait souhaité un Concile sans condamnations. Un récent document de la Commission théologique internationale ("A la recherche d'une éthique universelle, nouveau regard sur la loi naturelle") aborde dans le ch.4 le thème de la loi naturelle et de la Cité. Un extrait significatif:
"Longtemps des formes de théocratie ont pu prévaloir dans des sociétés qui s'organisent selon des principes et des valeurs tirées de leurs livres saints. Il n'y avait pas de distinction entre la sphère de la révélation religieuse et la sphère de l'organisation de la Cité. Mais la Bible a désacralisé le pouvoir humain, même si des siècles d'osmose théocratique, y compris en milieu chrétien, ont obscurci cette distinction essentielle entre ordre politique et ordre religieux." (N°93). "L'ordre politique n'a pas pour vocation à transposer sur terre le Royaume de Dieu à venir. Il peut l'anticiper par ses avancées dans le domaine de la justice, de la solidarité et de la paix. Il ne saurait vouloir l'instaurer par la contrainte." (N°95). "Les osmoses politico-religieuses du passé comme les expériences totalitaires du XX°s ont conduit, en vertu d'une saine réaction, à remettre aujourd'hui en valeur le rôle de la raison en politique, conférant ainsi une nouvelle pertinence au discours aristotélico-thomiste sur la loi naturelle." (N°98).
Voilà bien ce qui manque au monde musulman, l'équivalent d'un Concile Vatican II qui remette les choses à leur juste place...
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Écrit par : Robert Culat / | 04/10/2012

A Anne

> Et toute cette confusion pose un autre problème : quid du diacre permanent, clerc dont on ne sait pas trop ce qu'il est ? "Sous-prêtre" (comme souvent en France) ou "super-laïc" qui se voit accorder une sorte de maréchalat en fin de carrière ?
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Écrit par : Feld / | 04/10/2012

@ R. Culat

> Sur votre dernière remarque: par contraste, cela montre la sagesse (divine!) de la structure de l'Eglise. Car me monde musulman peut aussi difficilement faire un concile que les nouveaux courants évangéliques! il est émiètté et sans autorité régulatrice. Il y avait autrefois le Califat, calqué sur la papauté le calife étant textuellement le vicaire (du Prophète) il s'est englué dans le temporel, règlant la question du sacerdoce et de l'empire par.... la fusion des deux!
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Écrit par : Pierre Huet / | 04/10/2012

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