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26/09/2012

"Le catholicisme américain est très divers"

De notre correspondant à Washington :



<< Pour ce qui est du catholicisme américain, la première chose à souligner est qu'il est extrêmement divers. Sa base historique est celle des populations immigrés irlandaises, polonaises, allemandes et italiennes, qui se sont concentrées en Nouvelle-Angleterre et dans la région des Grands Lacs. Les hispaniques, en progression constante en Californie, Arizona, Nouveau-Mexique et Texas, lui redonnent un nouvel élan démographique. Depuis le XIXe siècle, l'Eglise catholique romaine est la première confession chrétienne américaine, devant la Southern Baptist Convention et la United Methodist Church, avec 70 millions de fidèles, soit 24 % de la population.

Il y a un large phénomène de conversions (très naturel dans un pays où un Américain change en moyenne trois fois d'Eglise dans sa vie) de protestants vers le catholicisme. Cela touche tant le simple US Marine, évangélique charismatique devenu amoureux de Thérèse de Lisieux parce que "she's awesome !", à la candidate républicaine pour le Sénat dans l'Etat de New York. L'Eglise catholique romaine exerce un fort pouvoir d'attraction sur des franges du protestantisme traditionnel, notamment luthérien et anglican "episcopalian", qui est confronté à de graves crises internes à cause de la direction libérale, pro-LGBT et relativiste prise par leurs autorités religieuses. (L'Eglise épiscopale, branche de l'anglicanisme aux Etats-Unis, défile à la Gay Pride, ordonne des femmes évêques, tolère ses prêtres qui enseigne que Jésus était homosexuel et envoie la communion à ses fidèles âgés par colis postal: de nombreuses paroisses ont fait sécession, et se sont réfugiées dans l'Ordinariat de la Chaire de Pierre, récemment crée au sein de l'Eglise catholique, ou dans une situation transitoire, entre les deux rives, comme l'Anglican Catholic Chruch, qui offre un bon compromis aux washingtoniens séduits par une liturgie quasi-tridentine mais attachés à la Réforme).

En outre, il existe une initiative appellé "Catholics come home !", lancée après le scandale des abus sexuels, qui a fait revenir à la foi catholique plus de 200 000 personnes dégoûtées de l'Eglise.

Traditionnellement, les foyers catholiques votent démocrate, tant par loyauté envers un parti ouvert aux minorités (et moins identitaire-protestant que le parti républicain), que par souci de justice sociale ("de gauche"), eu égard à la population catholique ouvrière et modeste. La tendance s'est néanmoins inversée lors de la réélection de George W. Bush, en 2004 : alors que le parti démocrate tendait l'oreille aux revendications LGBT naissantes et au lobby pro-avortement, des catholiques pratiquants ont rallié le "combat des valeurs" du parti républicain. Si les catholiques non pratiquants restèrent fidèles aux démocrates, les pratiquants furent plus nombreux à voter républicain.

Après l’élection de Barack Obama, ce mouvement  a pris  de l’ampleur avec la perte d’influence des démocrates conservateurs, les Blue Dogs, et la compromission de responsables catholiques du parti de l’âne avec des politiques opposées à l’Eglise. Parmi les nombreux exemples de « CINOs » (Catholics in Name Only) : le vice-président Joe Biden, l’ex-speaker de la Chambre des représentants Nancy Pelosi ou le gouverneur de l’Etat de Washington Christine O’Grady Gregoire, qui milite pour le mariage gay.

Faut-il pour autant croire que l'enrôlement des catholiques par le parti républicain est inéluctable ? Probablement pas. Les évêques ont pris soin de ne pas trop s'afficher aux côtés d'un camp en particulier, malgré les agitations du cardinal Timothy Dolan, présent à la convention de Tampa, et qui est finalement allé aussi au rassemblement des démocrates. Selon Mark Henrie (Intercollegiate Studies Institute), les évêques "jouent la carte transpartisane : ils ont refusé de généraliser la menace d'excommunication pour ceux qui votaient et militaient pour les démocrates, lancée en 2004".

Le cardinal de Boston, Sean O'Malley, livre quant à lui le fond de sa pensée: aucun des deux partis n'est "catholique", car le combat pro-vie de l'un n'enlève pas son bellicisme extérieur et son mépris pour la justice sociale, et la complaisance pro-LGBT et pro-avortement de l'autre doit entraîner une condamnation lucide.

Il existe donc une multitude de positions au sein des catholiques américains. Des groupes comme Family-Tradition-Property* soutiennent le parti républicain et se réjouissent de l'échec de la Conférence de Rio sur le climat ("les fanatiques du réchauffement climatique ont mordu la poussière !"). Mais il y aussi des catholiques engagés dans l'administration démocrate, comme ce jeune conseiller à la Maison-Blanche, rencontré à une adoration en l'église St-Patrick de Washington, qui confesse être soumis à une pression pro-LGBT intense, mais préfère être de ce côté-ci que chez les républicains, en ajoutant: "Il ne faut pas qu'il y ait de parti chrétien. Il faut qu'il y ait des chrétiens partout."

La dernière bataille des évêques américains contre l'Obamacare a certes été très suivie (et particulièrement relayée par les conservateurs). Mais il existe des nuances importantes entre la mobilisation épiscopale contre les velléités d'imposition de la contraception par l'administration, et un soutien à Mitt Romney.

Par exemple cette discussion entre catholiques américains à propos de la campagne de Catholic Vote (lobby républicain):

- "Où est la recherche sur les embryons ? Les républicains catholiques sont-ils embarrassés à ce point, pour ne pas mentionner la position très problématique de Romney sur ce sujet ?", commente une diplômée de théologie plutôt à droite.  Elle ajoute : "lisez surtout la position officielle des évêques**. Ce n'est pas un appel à voter Obama, c'est ce que l'Eglise enseigne !"

A propos de la subsidiarité, concept de la doctrine sociale catholique transformé en slogan et vidé de son sens par les libéraux (au sens économique du terme), les intervenants persiflent :

- " Ces clowns verraient encore de la subsidiarité si elle était nue ou peinte en rouge !", dit l'un d'eux.

- " C'est amusant, ils veulent en fait revenir au vieux ghetto ouvrier catholique qui ne votait qu'en fonction de l'économie: ils ne votent toujours qu'en fonction de l'économie, mais cette fois, en fonction de la 'liberté d'entreprendre' déguisée en subsidiarité...", estime un ingénieur.

Addendum: Lors d'une discussion au National Right to Life Committee, première organisation pro-vie des Etats-Unis, j'ai posé aux dirigeants la question suivante:

"Vous dites que la cause principale des avortements sont les conditions sociales. Or, vous soutenez les républicains, mais ne craignez-vous pas que leur politique économique aggrave ces conditions sociales ?"

Long silence.

"Oui et non", finissent-ils par répondre. "Les républicains sont les moins pires, car ils ne sont pas totalement noyautés par des lobbies féministes radicaux, comme les démocrates le sont. Mais pour être honnête, certains coups viennent de chez eux. Quand Newt Gingrich, à la tête de la Chambre, a proposé une loi pour réduire la taxation sur les ménages de moins de deux enfants, ce fut un crime qui a certainement poussé des milliers de familles à avorter..." >>

 

L'article ci-dessus est de notre correspondant à Washington.


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* Tradition-Famille-Propriété (« TFP ») : secte d'extrême droite fondée naguère par le Pr Plinio Correa da Oliveira au Brésil, où elle était financée par l'aile la plus obscure de l'oligarchie. Malgré plusieurs désaveux et mises en garde de l'Eglise catholique (cf. un article de Famille chrétienne il y a dix ans), des personnages de la TFP  - l'un d'eux est assez connu - continuent en 2012 à vibrionner à Rome et en France.

** http://usccb.org/issues-and-action/faithful-citizenship/upload/Forming-Consciences-Faithful-Citizenship-bulletin-insert.pdf

 

Commentaires

COUP DE SONDE

> Bon coup de sonde. A en croire le buzz en France les cathos US seraient devenus l'annexe des désinformateurs pétroliers ! Je vois avec joie que c'était faux.
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Écrit par : Lenvorné / | 26/09/2012

AUSSI

> Le catholicisme américain a aussi une solide tradition irlando-cabocharde peu compatible avec les tabous GOP. Que les hispaniques dérangent pas mal aussi.
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Écrit par : molly maguire / | 26/09/2012

MOINS DE DEUX

> "Quand Newt Gingrich, à la tête de la Chambre, a proposé une loi pour réduire la taxation sur les ménages de moins de deux enfants" : je ne comprends pas très bien cette phrase ? En quoi serait-ce horrible de réduire la taxation sur des ménages avec enfants ?
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Écrit par : JG / | 26/09/2012

> Ca veut dire : avantage fiscal aux ménages qui ne feront pas plus de deux enfants. D'où indignation de catholiques américains accusant cette mesure d'être une incitation "anti-life" et même pro-avortement.
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Écrit par : chsw / | 26/09/2012

NAZE

> TFP : rien que le nom est naze
"tradition" : laquelle ?
si c'est la culture, c'est sympathique mais il y a plus fondamental, notamment pour un mouvement se disant catholique. le combat catholique n'est pas culturel il est spirituel
Ou si c'est la tradition catholique alors cela désigne l'un des "terreaux" sur lesquels on développe l'Eglise et cela n'a rien à voir avec une culture locale perçue comme ce qu'il faut reproduire par peur de l'avenir
Mettre la tradition catholique sur le même plan que la propriété est pitoyable.
Quand j'entends ça je vois cette TFP comme une association dont le but est de maintenir une situation sociale ds laquelle on trouve son avantage : "les riches c'est fait pour être très riche et les pauvres très pauvres"
Oui le catholicisme US est très divers et le français aussi. Pour que la diversité ne soit pas une division comme c'est trop souvent le cas, il faut se réunir, au moins chaque dimanche, se former et agir ensemble.
Les catholiques se nourrissent au même pain et au même vin et ne font pas leurs soupes dans leur coin.
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Écrit par : zorglub / | 26/09/2012

BLANCHE-NEIGE

> Ce dont on ne se rend pas toujours bien compte au sujet du catholicisme aux Etats-Unis, c'est que c'est Blanche-Neige et les 1000 nains. Nos frères protestants voudront bien, je l'espère, pardonner cette comparaison un peu cavalière, mais le fait est là: à eux seuls, les catholiques représentent près du double de la somme des fidèles des 10 plus grandes dénominations protestantes réunies (mormons compris). Ce qui à mon avis pourrait aussi expliquer l'effet de sur-médiatisation des affaires de pédophilie touchant le clergé catholique: il y avait au moins autant de cas dans les autres dénominations chrétiennes, mais, prises séparément, chacune pesait beaucoup moins en valeur absolue.
Autre enseignement intéressant: les épiscopaliens, dont parle l'article, et qui sont en pointe sur "l'ouverture tous azimuts au monde" sont aussi ceux dont les effectifs diminuent le plus rapidement. Comme quoi, à rebours de ce que réclament certains, ordonner évêque des lesbiennes en couple n'est peut-être pas LA solution pour enrayer la chute de la pratique.
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Écrit par : Luc2 / | 26/09/2012

FRANCAIS

> Peut-être devriez-vous faire la même étude sur le catholicisme français... enfin, j'dis ca, j'dis rien...

CC

[De PP à CC - Pour parler des déformations claniques qui obscurcissent le témoignage de foi ? C'est un peu ce que nous faisons ici tous les jours ! ou en tout cas... souvent. Et on nous le reproche assez ! ;) ]
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Écrit par : Clément Cassiens / | 27/09/2012

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