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09/09/2012

La cathophobie libérale a envahi les jeux vidéo

libéralisme,cathophobie

Le jeu australien BioShock (Rapture), diffusé mondialement depuis quatre ans : c'est l'utopie cauchemardesque d'Ayn Rand devenue divertissement ludique.  "L'objectif initial de la cité sous-marine Rapture était de créer une société capitaliste libérée de la religion et du gouvernement, où tout citoyen peut réaliser pour son propre profit, plutôt que pour l'accomplissement altruiste du besoin d'autrui..."


http://www.youtube.com/watch?v=_IcTHrUuLuA


 

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Commentaires

LUDIQUE

> Oui, et... ?
Dans ce jeu, Rapture est une utopie qui a échoué. Le héros est coincé dans les ruines de la ville et se bat contre le résultat de cet échec. Ce n'est pas une nouvelle tentative de diaboliser les jeux vidéo ? Rassurez-moi SVP.
Jouez-y, découvrez l'ambiance delicieusement malsaine de BioShock.

Spi


[ De PP à Spi - Ravi que l'univers ultralibéral vous semble malsain. (Et que l'utopie échoue dans la seconde version, comme on peut d'ailleurs s'en rendre compte en lisant le teasing complet). Mais ça ne change rien à l'horizon idéologique proposé aux joueurs. Pensez-vous que les jeux vidéo rendent tout innocent par le seul fait qu'ils sont ludiques ? ]

réponse au commentaiire

Écrit par : Spi / | 09/09/2012

VIDEO-ANGELISME ?

> Oui, sortons du vidéo-angélisme selon lequel tout sujet deviendrait innocent et sympa par le seul fait qu'on en fait un jeu. Les jeux vidéo sont comme toutes les activités humaines :pouvant convoyer le mal comme le bien. Ne disons pas que le bien et le mal ne sont pas concernés quand il s'agit de jeu. Le jeu est comme le reste : un fait humain donc critiquable. S'il n'est pas critiquable il n'est pas humain, alors là oui il fait problème !!
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Écrit par : zrak / | 09/09/2012

LE MESSAGE DU JEU

> "sortons du vidéo-angélisme selon lequel tout sujet deviendrait innocent et sympa par le seul fait qu'on en fait un jeu"
On n'aborde pas du tout le jeu vidéo de la même façon. J'ai l'impression que vous pensez qu'un jeu vidéo est fait pour les enfants. Bioschock est interdit aux moins de 18ans car il aborde des thèmes matures. Que penser de Diablo 3 qui illustre les enfers alors ?
Bioschock n'est pas innocent et sympa. Le but d'un jeu n'est pas toujours de procurer un sentiment de joie en sautant d'arc-en-ciel en arc-en-ciel. Comparez les jeux modernes aux films plutôt. Autant critiquer Bienvenue à Gattaca par exemple.
Et je pense que vous interprétez mal le message du jeu. Jouez-y.
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Écrit par : Spi / | 10/09/2012

TROMPEUSE ?

> Spi a raison, Rapture est un échec et l'utopie ultra-libérale n'y est pas présentée sous son meilleur jour. Ainsi les références au nazisme sont explicites, et même trop. Le jeu devient vite grand-guignol, et la violence beaucoup trop étouffante. J'ai trouvé ce jeu rapidement écoeurant.
Il n'empêche, même si je n'aime pas ce jeu (il y aurait beaucoup à critiquer d'un point de vue catholique), la présentation qui en est ici faite est trompeuse.

JBB


[ De PP à JBB - Veuillez relire ma réponse à Spi... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Jean-Baptiste Bourgoin / | 11/09/2012

DEBAT

> J'ai bien votre réponse à Spi, mais elle me parait incomplète. Vous n'expliquez pas ce que vous entendez par l'horizon idéologique proposé au joueur.
Ce que je veux dire c'est que je me suis procuré Bioshock d'occasion précisément parce qu'il semblait faire (si on lit le descriptif de la jaquette) une forme d'apologie de l'idéologie de Rand. Je suis évidemment contre, mais j'étais curieux de voir jusqu'où cela pouvait aller.
J'ai beaucoup joué dans mon enfance, mais aujourd'hui je ne joue plus tellement, en revanche je m'intéresse parfois à ce qui se fait, surtout depuis que ces jeux sont devenus extrêmement populaire parmi les jeunes générations.
Pour en revenir à Bioshsock j'ai été surpris par le fait que ce qui est présenté c'est la chute d'une idéologie dans le totalitarisme. Il y a des parallèles très grossiers ("méchants" pervers aux accents "allemands" etc.) avec le nazisme par exemple.
En revanche, et c'est là où je vous rejoins, il n'est proposé comme réponse à ce désastre que la mitraillette, le massacre et la survie.
L'utopie libéralo-humaniste est démontée pour le mythe de l'homme seul qui ne fait confiance qu'à lui-même (et fait justice lui-même).
Il reste que je n'ai pas eu le courage de finir le jeu.
Par contre je serai très heureux que vous puissiez développer ce que vous aviez commencé à dire à Spi, si cela ne vous importune pas.

JPB


[ De PP à JPB - Ma réponse à Spi portait moins sur le scénario de ce jeu que sur l'argument : "on ne doit pas interroger le contenu idéologique des jeux, puisque ce ne sont que des jeux". Les jeux vidéo étant l'un des rayons privilégiés de la société marchande, et celle-ci imprégnant tout de son idéologie, il est normal et logique de souligner cela à propos d'un de ces jeux.
Quant au contenu, vous le résumez très bien : l'horizon se résume à une alternative binaire entre l'utopie Rapture ou le chaos nihiliste. Allégorie de la situation réelle aujourd'hui, quand le seul choix proposé est entre le néant d'hypermarché et le nihilisme d'une révolte vide (elle-même étant en accord inavoué avec les "valeurs" de l'individualisme postmoderne). ]

réponse au commentaire

Écrit par : Jean-Baptiste Bourgoin / | 12/09/2012

LES JEUX

> Je regrette que les joueurs aient tendance à refuser la critique et la discussion de fond sous couvert de l'argument fallacieux selon lequel le jeu ne "signifie" rien. Il est vrai cependant que le fait d'être souvent dénoncés dans les médias de masse peut mettre sur la défensive des gens qui le pratiquent comme un loisir, voire une passion.
Cela dit, je pense que votre analyse souffre d'un manque de connaissances et de références sur la manière dont les jeux fonctionnent, sur le langage qu'ils emploient. Ainsi, seul le premier degré de ce que dit le jeu transparaît dans ce que je perçois de votre critique, et encore d'une façon qui laisse sur le bord de la route pas mal de choses. Or en-deçà de cet habillage, il y a des mécaniques, une subtile articulation entre le choix et la contrainte, qui font la force esthétique du jeu et qui ont l'air d'être passées totalement inaperçues. C'est dommage.
Je ne peux prendre le temps de développer cet argument, mais peut-être pourrai-je vous inviter à lire un article sur le sujet?
En bref, si la "cathophobie" du jeu (qui est en fait une mise à distance de tous les repères, pas seulement du catholicisme, mais aussi de toute idéologie ou matérialisme, dans le but de renforcer l'isolement du personnage-joueur) est loin d'être l'aspect le plus visible, ni le plus important de Bioshock. Elle n'a en fait de valeur que dans l'introduction.
Enfin, de la même façon qu'on ne peut guère se fonder en critique de Balzac en n'ayant lu qu'un seul livre de la Comédie Humaine, je doute qu'on puisse légitimement critiquer un jeu vidéo sur la base de vidéos dont le jeu est absent, ou sur la base d'une expérience de jeu incomplète. Citer une cinématique pour appuyer votre analyse, c'est comme citer un quatrième de couverture pour commenter un livre. Embarrassant.
Je ne remets donc pas forcément en cause le fond de votre analyse, que j'aimerais voir développée,(quoique je ne suis, vous l'aurez compris, pas vraiment d'accord) mais j'estime cependant qu'il lui manque un certain nombre d'éléments pour être fondée, et avoir de l'intérêt y compris pour les joueurs. J'aimerais voir plus de dialogues entre joueurs et chrétiens (avec l'aide de ceux qui sont les deux à la fois), mais la cathophobie du jeu vidéo fait bien souvent écho à la "ludophobie" des catholiques.
Bien cordialement, et avec mes excuses si mes propos vous ont paru déplacés.

Bertrand Malien


[ PP à Bertrand Malien

- Vos propos ne sont pas du tout "déplacés" : au contraire, ils sont en plein dans le sujet.
Je n'accuse nullement les jeux d'être "cathophobes", ce grief-réflexe n'est pas notre genre ici !
Je me contente d'enregistrer des faits (comportements virtualistes dans le réel, induits par l'addiction). Le problème n'est pas dans une particulière "cathophobie", accusation creuse souvent brandi par des cathos connaissant très mal le catholicisme ; il est dans le virtualisme en général. C'est ce qu'Aurélien Bellanger confirme sans le vouloir dans son intéressant article de 'Libération' (19/03/2015), "En Californie, in iGod we trust". Je le commente dans une note que je vais mettre en ligne ce matin. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Bertrand Mallen / | 19/03/2015

BIOSHOCK ?

> Je ne suis pas sûr, même à la lecture du billet que vous avez publié, du sens que vous donnez au terme "virtualisme". Il y a eu des excès avec l'arrivée de cette technique, qui n'ont rien d'inattendu, et des réactions d'équilibrage par la suite. Aujourd'hui le monde virtuel est un prolongement de notre réalité sociale, pas un remplacement, et n'a pas (je crois) vocation à l'être. (Ça m'a rappelé l'essai 'Confucius et les Automates' de Ch-E Bouée et F Roche)
Bref, pour en revenir au jeu vidéo, je manipulerais avec beaucoup de précaution les termes de "comportements virtualistes" et "d'addiction". Pas parce qu'il risqueraient de choquer, mais parce qu'ils ne correspondent qu'à une réalité extrêmement marginale, et même dans ces cas là, la corrélation entre comportement dangereux et usage abusif du jeu vidéo n'a rien d'une causalité évidente. La "dépendance" au jeu vidéo est une construction autant médicale que médiatique. Un peu comme la supposée corruption des moeurs des jeunes filles par les romans il y a à peine un siècle.
Et du coup, à part ce problème qui n'en est pas un, ce que vous reprochez à Bioshock me paraît très obscur.
D'abord, il faut bien voir qu'en termes de genre, on se place dans un jeu de tir "horrifique", destiné naturellement à effrayer. D'où la manipulation des ombres et de la lumière du point de vue esthétique et la brouille des repères moraux entretenus le temps de l'expérience du jeu vidéo. C'est complètement attendu et il s'agit de procédés plutôt bien maîtrisés.
Cependant, le fait est que, malgré ce que vous et d'autres commentateurs affirmez, le jeu propose au personnage, manipulé depuis le début par une espèce de résistant opportuniste (Atlas, en référence à Rand, justement), de se racheter par un certain nombre de choix. Il s'agit en fait du coeur de Bioshock: les interactions avec les petites filles génétiquement modifées appelées Petites Soeurs et leurs gardiens monstrueux surnommés "Big Daddy". Les premières sont conçues pour remplir le rôle d'ouvrières de récupération sur les cadavre des anciens habitants de Rapture, tandis que les seconds les protègent sans état d'âme dans leur dangereuse mission.
Pour tracer la situation à grande ligne: dans un contexte de stress permanent et savamment entretenu, où chaque balle et chaque portion "d'Eve" et "d'Adam" (les substances qui permettent de manipuler des pouvoirs pour vaincre les adversaires ou dégager des passages) compte, on peut se mesurer à un Big Daddy pour atteindre la Petite Soeur, et le joueur a alors le choix entre la considérer comme une ressource (ce à quoi nous encouragent largement le "méchant" du jeu et la mécanique de gameplay) dont on peut absorber l'Adam pour se renforcer, ce qui la tue sur le coup, ou alors la sauver et la laisser rejoindre Tennenbaum, la savante, ancienne nazie qui les recueille (et perdre ainsi un bénéfice conséquent, sans aucune gratification immédiate).
Or selon la voie empruntée, deux fins sont possibles: la première où le personnage du joueur se sacrifie dans une lutte de pouvoir nihiliste contre Atlas, ou l'autre, dans laquelle les Petites Soeurs qu'il a sauvées l'aident à leur tour à rejoindre le monde réel, et plus important encore, lui offrent une rédemption (à lui qui était à l'origine uniquement conçu comme un outil humain, une machine à tuer inconsciente au service d'une vendetta politique). Le personnage de Tennenbaum est d'ailleurs la figure par excellence de cette rédemption. La dernière image de cette fin représente les mains du personnage principal, âgé, sur son lit de mort, que tiennent les petites filles devenues adultes et à qui il a offert une vie normale. Il est devenu l'antithèse du monstrueux "Big Daddy".
Il y a donc un réel cheminement, une ascension du personnage-joueur d'un quasi-robot anonyme à un être humain plein et entier, entouré d'une famille. Rapture "veut" que nous choisissions la voie horrifiante du gain maximal: c'est la logique libérale poussée à son paroxysme, à laquelle on peut cependant résister rien qu'en choisissant la morale contre l'intérêt. Je comprend que l'esthétique et les codes du jeu vidéo peuvent parfois sembler très lointains de l'extérieur, mais peut-on vraiment parler d'absence d'horizon ici?
Bioshock est une oeuvre comme il en existe peu dans le jeu vidéo.
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Écrit par : Bertrand Mallen / | 22/03/2015

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