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31/08/2012

Pourquoi il faudra commémorer 1914-1918 (2)

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Puisque l'enseignement de l'histoire en France fait débat, allons-y ! sortons les sujets qui fâchent les libéraux-libertaires autant que les amis de l'image d'Epinal...



  Benoît XV en 1917 :

 « pape des Boches » selon les chauvins français ?

 ou prophète du bien commun ?

 Un témoignage d'époque :

 Le Journal d'un diplomate en Russie de Louis de Robien

 (Albin Michel 1967)

 

<< Pétrograd, vendredi 17 août 1917 – On discute beaucoup l'encyclique* par laquelle le pape, s'adressant « Aux chefs des nations » qui ont si mal compris leur devoir jusqu'à présent et qui ont fait passer leurs ambitions avant les véritables intérêts de leurs pays, fait entendre au monde en folie la voix de la sagesse et de la modération. Cette lettre vient à son heure, au moment où toutes les espérances se tournent vers les deux Internationales qui, comme le disait Romain Rolland en 1914, avaient jusqu'à présent failli à leur mission : l'Eglise catholique et le socialisme, qui semblent enfin sortir de leur torpeur et chercher à faire entendre leur voix. Il serait curieux de voir ces deux doctrines ennemies, mais en réalité si proches l'une de l'autre, se réconcilier à la faveur de la plus grande catastrophe de l'histoire et se souvenir qu'après tout, au fond de l'une comme de l'autre il y a le grand principe de la fraternité humaine.

Les Russes sont furieux car le nom de la Russie n'est pas prononcé, et les propositions du pape** consacrent « la défaite russe et la déchéance du monde slave ». Ils reprochent au pape de préparer « la paix de l'Autriche ». Mais cette paix est aussi, quoi qu'on en dise, la paix de la France, qui n'a aucun intérêt à dépecer l'Autriche-Hongrie au profit des nations slaves pour voir un jour ce qui resterait de la monarchie s'unir à l'Allemagne et la rendre plus forte que jamais.

Si la voix du pape était écoutée, la paix de l'Europe serait assurée pour longtemps car ce qu'il propose, somme toute, c'est la réalisation des aspirations légitimes des peuples. Ce que j'admire surtout, dans son encyclique, d'un ton si élevé et dont les dernières phrases sont vraiment splendides, c'est son appel à l'esprit de modération et de concessions mutuelles qui n'imposerait à aucun parti une de ces humiliations qu'on ne peut pardonner et qui serait la cause de nouvelles « revanches »...

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Dimanche 26 août – La lettre du pape continue à occuper les milieux politiques, et il semble bien que les Alliés soient en train de faire une nouvelle faute. En admettant que les propositions concrètes du saint-Siège nous soient défavorables (ce que d'ailleurs je ne crois pas quant à moi), il faudrait au moins tirer parti de tout ce qui, dans sa lettre, peut entrer dans notre programme : droit des peuples, justice, désarmement, arbitrage, société des nations (ce sont presque les formules des socialistes) et surtout évacuation préalable des territoires occupés. Nous devrions nous appuyer sur tout cela pour proclamer que « le pape est avec nous ». Au lieu de cela, nous le rejetons de propos délibéré dans le camp de nos ennemis*** et nous nous croyons très forts parce que nous faisons imprimer dans nos journaux que « le pape est boche »... >>

 

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* Exhortation à la Paix, 1er août 1917.

** Le désarmement des deux parties, l'arbitrage comme moyen de résolution des conflits, l'abandon de toutes les demandes de réparation, l'évacuation totale de la Belgique et du territoire français, etc.

***  «  Les clergés nationaux ne suivent pas la politique pontificale. Par exemple, pour le clergé français, le père Sertillanges déclare lors d'une cérémonie patriotico-religieuse à Notre-Dame de Paris, le 10 décembre 1917 : « Très Saint Père, nous ne pouvons pas pour l'instant retenir vos appels à la paix. » Les catholiques mettent en avant le « martyre » subi par la cathédrale de Reims (transformée en poste d'observation par l'armée française puis bombardée en septembre 1914 par l'armée allemande), qui sera suivi en 1918 par l'obus tombé sur l'église parisienne Saint-Gervais. Les clergés nationaux créent leurs propres cellules de propagande qui contredisent le pape : en Allemagne, un manifeste Der Krieg und der Katholicismus ; en France, La Guerre allemande et le catholicisme et L’Allemagne et les Alliés devant la conscience chrétienne, du 'Comité catholique de propagande française à l'étranger' ».

 

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http://plunkett.hautetfort.com/archive/2012/07/13/pourquoi-il-faut-commemorer-le-centenaire-de-1914-1918.html#more

 

16:03 Publié dans Histoire, Idées | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : histoire, 14-18

Commentaires

CLEMENCEAU LE CATHOPHOBE

> La presse chauvine française traitant Benoit XV de "pape boche", c'était la campagne organisée par Clemenceau pour éviter toute paix séparée autrichienne. Le Tigre était obsédé d'anticatholicisme. Il voulait avant tout démembrer l'empire "clérical" des Hasbourg. Cela ne répondait à aucune géopolitique mais seulement à une phobie idéologique. On a eu le résultat : l'Anschluss et le Grand Reich.
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Écrit par : Abba Kuk / | 01/09/2012

CLEMENCEAU

> J'ai bien peur que les commémorations du centenaire de la Grande Guerre, dans deux ans, ne soient pas l'occasion de réhabiliter l'action de Benoît XV. Clemenceau, bien que "profane", reste une icône républicaine, inattaquable. En plus, il avait une "saine conception" de la laïcité. Un de ses aphorismes (moins connu que ceux sur les c...du pape ou de Lyautey), de mémoire : "Il faut rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Tout appartient à César."
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Écrit par : Feld / | 02/09/2012

GUERRE CIVILE ?

> "Ils sont fous, une guerre entre Européens, c'est une guerre civile."
C'est ce qu'a dit le général Lyautey (futur maréchal ) en août 14 quand il a appris la nouvelle de la déclaration de guerre.
"guerre civile" : cela sous-entend, avec raison, que les Européens ont entre eux des liens comparables à ceux qu'ont les habitants d'un même peuple.
Mais qu'est-ce qui constitue qu'ils ont qq chose en commun ? l'héritage de la Grèce, de Rome ? ou le christianisme ?
La philosophie grecque, affinée par st Thomas d'Aquin, l'Europe n'en parlait plus depuis longtemps : les Allemands trouvaient ça "décadent", une "philosophie pour Français efféminés" (je cite) ; en France le culte de la Révolution amène a rejeter tout ce qui est d'un autre héritage et l'on ne parlait que des Lumières qui ne sont rien d'autre qu'une philo du nombril, cette philo étant née en France, on imagine le résultat qu'elle a pu y développer.
Rome ? on ne parle que de son urbanisme, de sa puissance militaire. Dans les livres publiés sur Rome au 19e jusqu'à 14, il n'y a rien sur le droit romain ; le droit c'est ce qui définit le juste et l'injuste c'est donc à lui qu'on peut mesurer une civilisation; en n'en parlant pas, on ne dit donc rien sur ce qui fait Rome.
Le christianisme ? allons donc, la mode et au libéralisme et on accuse le christianisme d'avoir retardé le développement économique et humain ; on ne cesse de répéter que le bonheur vient de l'aisance matérielle ce à quoi une France domine par l'anticléricalisme et une Allemagne dominée par sa partie nord, industrielle et protestante, sont très sensibles.
En France l'anticléricialisme fait flanquer les congrégations à la porte, on fait la guerre à l'Eglise, on surveille les officiers catholiques ; en Allemagne, on lance le kulturkampf : l'Eglise catholique est perçue comme le cheval de Troie de Rome, Rome qui a humilié les empereurs du Saint Empire ne peut qu'être contre l'unité allemande (ce n'est pas une analyse perso, Bismarck y pensait et a déclaré lorsqu'il a fallu régler le problème avec le pape : "nous n'irons pas à Canossa" ; nach kanossa gehen wir nicht).
Alors on flanque des prêtres et des évèques en taule. Pendant ce temps, on célèbre Nietzsche et son surhomme, on fonde des groupes "d'études germaniques" d'un paganisme ridicule
Comment cela n'aurait-il pas de conséquences ?
Le christianisme, la seule chose qui pouvait rappeler que les Européens, comme tous les hommes, étaient frères, a été combattu à partir de la seconde moitié du 19e dans toute l'Europe !
Si Dieu est absent, l'homme s'adore lui-même et considère son adversaire comme le mal qu'il faut exterminer. Étonnons-nous de la guerre totale, de la guerre d'extermination
La guerre de 14 est la conséquence d'un sourd déracinement culturel de l'Europe et de sa déchristianisation.
C'est une guerre totale, pas seulement du fait que les armes sont plus destructrices mais voulue totale (c'est pourquoi on a développé ces armes justement).
La France éduquée par l'enseignement public ds le culte de la Levée en Masse, des (pseudo)volontaires de 92, du "sang impur qui abreuve les sillons", une France où des bouchers comme Saint Just, Desmoulins et même Robespierre et Danton sont cités en exemple dans les écoles, où l'on présente leurs tueries comme "seules solutions", cette France fait face à une Allemagne où la domination prussienne a imprégné les Allemands d'esprit de domination. L'empire allemand est autoritaire et libéral (son cas montre que ce n'est pas incompatible du tout).
Il fallait faire preuve de beaucoup d'indépendance d'esprit en 14/18 pour parler comme Benoît XV, Stefan Zweig, Lyautey ou l'empereur Charles.
Leur langage n'était pas pacifiste "la paix à tous prix" mais pacifique : la juste paix, heureux les apaiseurs.
Mais la politique était devenue complètement passionnelle.
L'Allemagne faisait peur à tout le monde et parlait un langage à côté duquel celui de Bush en 2003 paraîtrait innocent : "nous sommes forts donc nous pouvons donc nous devons". Mais l'Allemagne de son côté, était persuadée qu'elle était encerclée, qu'un complot se tramait contre elle entre Rome Paris et St Petersbourg : délirant ! mais allez expliquer ça aux ligues nationalistes. Ses conseillers avaient proposé au Kaiser de rendre l'Alsace Lorraine à la France pour désarmer les rancoeurs ; pris au piège de son héritage guerrier, ce complexé de Guillaume II avait refusé.
La guerre de 14 a commencé bien avant par la guerre des couloirs de chancelleries, des publications haineuses.
Chacun est pris au piège du nationalisme, sous-produit du paganisme. Il aurait fallu des hommes d'Etat pour ne pas se laisser aller à la fièvre.
En 14, les Allemands étaient persuadés de se défendre et de mener une guerre préventive en attaquant la Russie, la France, (et en aplatissant la Belgique). À partir de ce moment, il est trop tard car les Belges et les Français attaqués doivent se défendre. Il fallait donc une autorité morale neutre.
Jusqu'au 18e siècle, on n'était pas déshonoré d'arrêter les combats avant le pire. Le totalitarisme belliciste est né, en apparence paradoxalement, du nombrilisme humaniste des Lumières : pas de Dieu ou alors un Dieu lointain; donc la volonté de l'homme fait la loi. La foi en Dieu d'amour demande de faire la paix ; la foi en l'Homme demande de ne pas perdre la face.
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Écrit par : zorglub / | 04/09/2012

LE JE ET LE NOUS

> Dans son dernier livre ("Une autre vie est possible"), Jean-Claude Guillebaud écrit : "Quand on dit aujourd'hui que le patriotisme et le souci des autres sont passés de mode, c'est indirectement de cette gabegie initiale que l'on parle. Après elle, le "je" l'aura durablement emporté sur le "nous", et le souci de soi aura prévalu sur la générosité sacrificielle, tant cette dernière fut honteusement manipulée à Verdun, aux Eparges ou ailleurs."
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Écrit par : Feld / | 11/09/2012

ALSACE ET LORRAINE

> "L'évacuation totale du territoire français" incluait-elle l'Alsace-Lorraine ?

GP


[ De PP à GP - Benoît XV pensait à une consultation des populations locales. Perspective évidemment inadmissible du point de vue de Clemenceau et du sang versé... mais peut-être pas déraisonnable, à en juger par les problèmes créés en Alsace dans les années 1920 par la politique de Paris - notamment en matière religieuse. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 12/09/2012

PAS SI SIMPLE

> Pas si simple, la question alsacienne ! Sur le terrain on était assez loin de la version Hansi
et du caf'conc' revanchiste parisien ("ils ont brisé mon violon / car il avait l'âme française...").
Mon avis intime est que l'Alsace aurait dû être suisse.
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Écrit par : pfui / | 12/09/2012

À METZ

> à Metz en 1910, on agaçait les Prussiens en leur parlant du " französische Zeit". En 1920,
on agaçait les Français de l'intérieur en leur disant : "ach, du temps allemand..."
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Écrit par : montigny / | 12/09/2012

HARKIS LES CAMPS DE LA HONTE : lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news

> En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.
35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.
Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)
Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net
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Écrit par : louanchi / | 19/09/2012

LE CENTENAIRE DE 1914

> Commémoration très importante...qui commence très fort :
http://www.marianne.net/blogsecretdefense/Le-gouvernement-veut-il-casser-le-centenaire-de-1914_a801.html
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Écrit par : Feld / | 20/10/2012

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