03/08/2012
Le libéralisme dévitalise l'agriculture : l'étau agro-industriel se resserre sur les paysans français
...avec la complicité active de la classe politique :
Le Monde, 3/07 – Garder une fraction de la récolte pour les semis de septembre : cette pratique dite « semence de ferme » (42 % des semences plantées en France) est doublement menacée par l'emprise des semenciers industriels :
1. au nom d'un concept ultralibéral (la propriété intellectuelle sur les variétés), le ministre de droite Le Maire a instauré en 2011 une loi obligeant les paysans à verser aux semenciers industriels une redevance sur les semences de ferme. La Confédération paysanne et la Coordination rurale demandent l'abrogation de cette loi. Mais elle est soutenue à bloc par Xavier « Agricultor » Beulin (FNSEA)... Fillon n'a pas osé prendre les décrets d'application ; Ayrault osera-t-il ? On peut l'envisager, sachant que le ministre Le Foll est sur la même ligne que son prédécesseur le Maire – et que c'est la ligne Beulin.
2. Déjà interdite pour toutes les espèces sauf une vingtaine (chiffre destiné à se réduire encore), la pratique des semences de ferme est vouée à l'étouffement par la gauche et la droite acquises aux intérêts agro-industriels. « L'étau se resserre d'année en année », explique le président du Syndicat des trieurs de semences* : « pour accroître les rendements, les semenciers ont axé leurs recherches sur les variétés hybrides, dont les résultats baissent si on les sème plusieurs années de suite. Ce qui oblige en réalité à en racheter tous les ans. » Les semences de ferme de maïs ont déjà disparu ; « les hybrides se développent pour le colza et les travaux se multiplient sur les hybrides de blé... »
Le 12 juillet, sur demande de l'industrie semencière, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu un arrêt contre l'association Kokopelli (défense de la biodiversité et de la liberté agricole par la diffusion des semences potagères anciennes). Cet arrêt, soulignons-le, a été imposé par les juges de la CJUE contre l'avis de l'avocate générale elle-même, et au nom de « l'amélioration de la productivité ». Belle notion judiciaire !
La suzeraineté des industriels sur les élus semble par ailleurs inexorable. D'ici à la fin de l'année, annonce l'Union française des semenciers, Bruxelles obtiendra que Paris renforce encore les titres de propriété de l'industrie « au détriment des droits des paysans ».
Ce n'est qu'un début. Derrière les semenciers industriels européens arrivent les multinationales du transgénique, Monsanto en tête, qui sont en train de transformer le vivant en propriété privée brevetée.
Si ces choses se produisent, c'est la fin de la biodiversité agricole (avec conséquences agronomiques et alimentaires), et c'est l'étranglement de la paysannerie. Admirable résultat de votre système, pourrait-on dire aux libéraux ; à ceux du moins dont la surdité n'est pas incurable.
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* à la journaliste Laurence Girard (Le Monde, ib.).
16:56 Publié dans Ecologie, Social, Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : agriculture, productivisme, industrie agro-alimentaiure, ogm
Commentaires
TAXER LES SEMENCES INDUSTRIELLES
> Ce ne sont pas les semences fermières qu'il faut taxer. Il faut faire l'inverse. Taxer les semences industrielles !
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Écrit par : le balp / | 03/08/2012
CULTURE DE VIE
> je suppose que tous les défenseurs de la "culture de vie" vont comprendre que le néolibéralisme est la "culture de mort" ?
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Écrit par : Nati / | 03/08/2012
> Compte là-dessus, Nati.
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Écrit par : arf / | 03/08/2012
JACQUERIE
> Y a-t-il des moyens de résistance? Et nous simples citoyens-consommateurs, pouvons-nous nous y associer? S'il faut entrer en jacquerie et se faire contrebandiers, les agriculteurs auront besoin de toute la population, et alors sus aux gabelous du libéralisme!
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Écrit par : Anne Josnin / | 03/08/2012
LE LIBERALISME CONTRE LES LIBERTES
> Je serais intéressé si quelqu'un pouvait m'expliquer où est le libéralisme dans l'interdiction des semences de ferme. En effet de mon point de vue (ultra?)libéral, le paysan est propriétaire de sa récolte, la loi, l'Etat ou quelque institution que ce soit n'a pas à lui dire s'il doit la vendre, la resemer ou en faire des suppositoires.
J'avoue ma perplexité.
B.
[ De PP à Baratheon - Ceci prouve simplement que... vous n'êtes pas un libéral ! Il y a confusion dans le vocabulaire. Vous partagez l'erreur de beaucoup de Français : confondre le libéralisme avec la liberté d'entreprendre (y compris agricole).
Le libéralisme n'est pas la liberté d'entreprendre. C'est le casino financier et la jungle des grands prédateurs. Le système ultralibéral (ou néolibéral), qui a fabriqué cela, est le stade suprême de l'idéologie libérale de toujours. Imposé à l'économie réelle depuis les années 1990, ce système la malmène et l'étouffe - comme la crise mondiale nous le montre abondamment. Il ne profite qu'aux multinationales, aux prédateurs bancaires et au casino spéculatif global... dont les méfaits sautent aux yeux.
L'interdiction des semences de fermes par la législation n'est pas un effet de "l'Etat", mais de la soumission de l'Etat (et des institutions bruxelloises) au complexe industriel agro-alimentaire (multinationales).
L'idée d'interdire les semences de ferme ne serait venu à aucun gouvernement avant 1990. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Baratheon / | 06/08/2012
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