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26/07/2012

"L'Ecologiste" pourrait mieux faire

...lorsqu'il rend compte des initiatives catholiques :


 

Les lecteurs de L'Ecologie de la Bible à nos jours* connaissent la lettre du cardinal Ratzinger à L'Ecologiste (2004) : remerciant cette revue de sa recension du livre L'esprit de la liturgie**, le futur Benoît XVI écrivait :

 « Je vous exprime ma gratitude pour votre belle présentation de mon approche sur la liturgie cosmique. J'espère que cette publication servira à un approfondissement du dialogue entre la théologie catholique et les diverses pensées écologiques, et éveillera au sein de l'Eglise une décisive prise de conscience de la responsabilité envers la Terre, devant le Créateur.

 Joseph, cardinal Ratzinger. » 

 

 Cette lettre a de quoi horrifier les intégristes. Le futur Benoît XVI y indiquait en effet la nécessité d'une conscience écolo chez les catholiques, dont beaucoup étaient – sont encore – inconscients dans ce domaine. Il constatait l'intérêt de L'Ecologiste envers le livre L'esprit de la liturgie (chapitre 2 : Liturgie, cosmos, histoire). Et il appelait au dialogue entre la théologie et les « diverses » pensées écologiques : ce qui incluait leurs courants non-chrétiens, dont celui de feu Teddy Goldsmith – fondateur de The Ecologist dont la revue française est l'une des éditions, associant à d'excellents dossiers factuels un goût culturel pour les visions chamaniques de l'univers. D'où la démarche ratzingérienne : si les chrétiens ne dialoguaient pas avec les non-chrétiens, avec qui dialogueraient-ils ?

Ce dialogue n'est pas toujours facile. Chez beaucoup de cathos français, le réflexe de droite fait prendre l'écologie pour une foutaise. Chez beaucoup d'écologistes français, le réflexe de gauche fait prendre les cathos pour des phobiques.

Le numéro d'été de L'Ecologiste*** recense le livre de la CEF Enjeux et défis écologiques pour l'avenir (Cerf 2012), mais pour déplorer que les évêques français n'y prennent pas position sur « le nucléaire, les OGM, les pesticides ». (Exact, et d'autres secteurs de l'Eglise sont en avance là-dessus : par exemple en Inde, où des évêques demandent l'interdiction totale des OGM pour protéger les petits paysans. Ou au Vatican, où le cardinal Turkson a eu des mots sévères à l'égard du « business » des OGM et de la « dépendance » qu'il installe dans le monde...) Mais L'Ecologiste ne dit presque rien de l'avant-propos du livre de la CEF par Mgr Stenger, et je dirai ci-dessous en quoi ce silence de la revue est significatif.

Dans le même article, L'Ecologiste signale la lettre pastorale de Mgr Rey intitulée Peut-on être catho et écolo ? (Artège 2012) : la revue admet que « sa réponse est franchement positive et développe une théologie catholique ainsi qu'un appel à l'action concrète » ; mais elle reproche à l'évêque de ne pas réclamer « l'arrêt urgent des politiques natalistes », et je dirai aussi en quoi ce reproche est significatif.

Enfin, l'article recense le numéro 41 de Kephas « dont le dossier de 110 pages 'Catho et écolo : faut-il choisir ?' plaide vigoureusement pour l'écologie ». Sur ces 110 pages, L'Ecologiste ne voit apparemment qu'une seule chose critiquable : une phrase de la page 3 qui met l'Eglise « en première ligne sur le front de l'écologie ». Ceci a « un côté méthode Coué », dit L'Ecologiste, qui n'a pas l'air de juger probant le succès des premières assises chrétiennes de l'écologie organisées en novembre 2011 par le diocèse de Saint-Etienne : 1500 personnes pendant trois jours, venues des divers courants du catholicisme français pour participer à des ateliers aux thèmes souvent « écologistes radicaux »... Mais 1500 personnes pendant trois jours dans une ambiance amicale, des débats constructifs, une radicalité sans divisions ni sectarismes : ce n'est pas rien – si l'on compare avec d'autres réunions en France sur ce type de questions !

Allons au fond du différend.

- Quand L'Ecologiste dit que le livre de la CEF esquive les sujets durs et préfère parler des types de moquette respectueux de l'environnement, il oublie que le livre pose le problème écologique dans sa vraie perspective radicale : la critique du système économique actuel. Premières lignes du livre : «  le modèle de croissance de la consommation des pays développés et depuis quelques années des pays émergents n'est pas 'durable'. Il conduit à l'épuisement des ressources naturelles, au changement de climat, à la perte de la biodiversité et à la destruction des écosystèmes... » (pas question de moquette). Les évêques font leur métier en appelant les catholiques français à ouvrir les yeux sur le système qui saccage le monde et blesse l'humanité ; c'est aux laïcs catholiques de prendre des positions cohérentes et combatives. Et c'est à la naissance de cela qu'on assiste, avec un retard dû à la pesanteur proprement française dans ces domaines.

- Dire que Mgr Rey s'en prend « aux écologistes » sur la question de la population, c'est faire comme si l'écologie était nécessairement anti-natalité. Ce qui n'est pas le cas... Journal écologiste s'il en est, La Décroissance ne partage pas les positions malthusiennes d'Yves Cochet ou de L'Ecologiste. Ce qui est nuisible n'est pas l'homme, c'est le productivisme économique... (On aimerait aussi savoir où la revue voit des « politiques natalistes », alors que la contraception est soutenue dans la plupart des pays depuis les années 1980).

La question du modèle économique est la clé de tout : prétendre la contourner par le malthusianisme ou la rêverie chamanisante, serait enfermer l'écologie dans la caricature qu'en font les écolophobes. Or la question du modèle économique est posée par l'Eglise catholique. Elle la pose à sa manière, mais elle la pose ; peut-être plus que certains écologistes.


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*  L'Oeuvre.

**  Ad Solem.

***  Revivre à la campagne : économie, nature, pratique, culture.


 

écologie,christianisme,catholiques

Commentaires

PAS TRÈS

> Le pauvre Teddy Goldsmith n'est pas très aimé à La Décroissance..., c'est un euphémisme!
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 26/07/2012

SUR MA FAIM

> Le livre de la CEF m'avait laissé un peu sur ma faim. S'il remettait en cause "le modèle de croissance de la consommation" il me paraissait, de fait, un peu général, peut-être pour garder un consensus. Y était-il même question du libre-échange international? je ne crois pas. Et en lisant le long, très long, trop long appendice sur les mesures à prendre dans les rassemblements de foule, il était sûr que la CEF se ferait canarder par des critiques.
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Écrit par : Pierre Huet / | 26/07/2012

'LA DECROISSANCE' CONTRE TEDDY GOLDSMITH

> Voici un article de 'La Décroissance', octobre 2009, qui prenait ses distances avec Teddy Goldsmith et - du même coup - la revue The Ecologist :
« Non, feu Teddy Goldsmith n’est pas notre pape »
http://www.decroissance.org/?chemin=textes/goldsmith
Ce qui est visé, au-delà de la personne de Goldsmith (le "Tartuffe de l'écologie"), c'est un «modèle de société […] réactionnaire […] une société foncièrement inégalitaire.»
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Écrit par : Blaise Join-Lambert / | 26/07/2012

COMPRENDRE À QUI PARLENT LES EVÊQUES FRANCAIS

> Le regard à porter sur le document de travail de la CEF dépend du point de vue qu'on adopte. Pour les objecteurs de croissance convaincus, il ne comporte rien de nouveau et apparaît limité dans l'analyse. Mais pour ceux qui ne connaissent rien à ces problématiques ou qui les ignorent avec la meilleure volonté, il a une allure de brûlot révolutionnaire. Les évêques de France ne cherchent pas à prêcher des convaincus mais à sensibiliser tous les non-convaincus parmi les catholiques français, qui sont nombreux. C'est sous cet angle qu'il faut lire ce rapport pour comprendre en quoi il détonne dans le paysage catholique français.

Mahaut


[ De PP à Mahaut - Vous avez entièrement raison, et merci de cette précision indispensable.
La revue 'L'Ecologiste' ne mesure pas (ou ne veut pas mesurer) à qui parlent les évêques français, ni quelles pesantes réticences le public catho hexagonal a nourries depuis des dizaines d'années à l'encontre de ce qu'il croyait être l'écologie... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Mahaut / | 26/07/2012

LE POLITIQUE EST LE DIFFERENTIEL

> Le politique est le différentiel. Ceux qui se dérobent à l'analyse économique donc politique de la crise environnementale tombent dans le bisounours ou l'imposture. Mais une fois qu'on a vu ça, reste le problème principal : comment faire éclore un mouvement de masse alors que tout va contre en ce moment ?
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Écrit par : louis rossel / | 26/07/2012

LE MERCANTOUR

> Il faudrait faire lire le document des évêques à tous ceux qui s'indignent qu'on puisse être verbalisé pour l'organisation d'un rassemblement non autorisé (une messe) dans un espace naturel riche, protégé et fragile (le Parc national du Mercantour), afin qu'ils comprennent pourquoi ces rassemblements sont soumis à autorisation et pourquoi on ne se pose pas où on veut comme on veut dans un espace naturel protégé, même avec les meilleures raisons du monde.
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Écrit par : Mahaut / | 27/07/2012

> Il y en a qui ont crié à la "cathophobie" ?
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Écrit par : arf / | 27/07/2012

> Pour le Mercantour, oui, et pas qu'un peu... Entre ceux qui réclament des exceptions à la législation pour les riverains et ceux qui pensent que pour des catholiques on peut bien assouplir un peu la législation, les premières réactions montrent toute l'attention portée aux problématiques des parcs naturels nationaux.
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Écrit par : Mahaut / | 27/07/2012

@ Mahaut et arf

> Vu la photo et l'article sur le site de Nice Matin: 2 prêtres et 22 fidèles ayant largement passé l'âge d'être des casseurs, une cérémonie ayant lieu depuis 15 ans. Le site est un pré de montagne enchassé dans une forêt, ce n'est pas de la végétation rare de haute altitude.
http://www.nicematin.com/faits-divers/mercantour-1500-%E2%82%AC-damende-pour-une-reunion-cultuelle.944054.html
Une semonce verbale eut peut-être suffi en un premier temps. Si on veut ridiculiser la protection de nos grand sites et la rendre odieuse, il faut continuer comme cela.
Peut-être y a-t-il effectivement un zeste de cathophobie.
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/07/2012

@ Pierre Huet

> La réglementation des parcs naturels nationaux n'est pas là pour embêter les gens, elle est faite pour protéger la nature. Il est probable que la réponse à une demande officielle de l'association de pouvoir célébrer une messe en plein air aurait été positive de la part des gestionnaires du parc, qui se seraient concertés avec les deux prêtres pour que la messe se déroule dans les meilleures conditions..
Même s'il n'y a pas de plantes rares dans le pré de montagne où la messe a été célébrée, se lever, s'asseoir, se déplacer, s'agenouiller à vingt-deux peut endommager un site et ses occupants invisibles à l'œil nu. Cessons de penser que le grand public est plus habilité que les spécialistes, qui connaissent les espaces protégés et les espèces qui les peuplent, à définir les comportements sans impact. La protection de la nature est un métier et ne s'improvise pas. Les règlements des espaces protégés ne sont pas des lubies mais sont faits sur la base des préconisations des scientifiques qui ont étudié ces espaces et sont, grâce à leurs connaissances et leur formation, à même de dire ce qui va réellement détériorer les écosystèmes. Si un espace naturel fait l'objet d'une protection, c'est précisément parce que nous ne sommes pas capables de voir de nous même ce qui doit être protégé et pas davantage capables d'adopter un comportement respectueux de la nature.
Et, encore une fois, il est probable que l'autorisation de célébrer la messe aurait été accordée. C'est le principe de s'installer où on veut dans un espace protégé qui a fait l'objet d'un procès verbal, ce qui est normal. À partir du moment où une zone naturelle est définie comme sensible, personne ne peut y faire ce qu'il veut.
Par ailleurs, le Parc Naturel du Mercantour a publié les précisions suivantes:
"Suite à l'article paru ce jour dans Nice Matin et aux erreurs qu'il contient, le Parc national du Mercantour tient à préciser que sa mission de police s'exerce principalement dans le cœur du parc, qui bénéficie d'une réglementation spécifique que les garde-moniteurs sont chargés de faire appliquer : en ce sens, toute manifestation publique en cœur de parc doit faire l'objet d'une autorisation préalable du directeur (et non du maire, s'agissant du cœur du parc). Par ailleurs il convient de relativiser les annonces faites dans cet article : à ce stade, les organisateurs n'ont fait l'objet d'aucune sanction ou amende, seul un procès-verbal pour "manifestation publique en cœur de parc sans autorisation" a été dressé. Ce PV n'est en aucun cas lié au caractère cultuel de la manifestation. Par la suite, seul le procureur, qui doit instruire ce procès-verbal, aura autorité pour poursuivre ou non l'infraction (il peut dans certains cas la classer sans suite). Dans le cas d'une poursuite, c'est lui qui fixera le montant de l'amende. A ce stade, le PV n'a pas encore été traité donc le titre de l'article est tout à fait inexact."
Cela remet en contexte l'article de Nice-Matin et corrige les erreurs qu'il contient.
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Écrit par : Mahaut / | 27/07/2012

@ Mahaut

> Merci pour ces précisions. Sur le fond, je suis tout à fait d'accord pour qu'on préserve sérieusement nos grands sites et la vie qu'ils abritent. On peut toutefois penser qu'un avertissement de la direction du parc eut été plus adaptée dans ce cas précis. C'est bien là un attitude trop courante de nos administrations: on laisse faire pendant quinze ans et tout d'un coup, on brandit le gros bâton.
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/07/2012

COHABITATION

> Cohabitation des Parc nationaux, c'est à dire l'Etat, avec les communes: éclairage concret intéressant de la revue et de la réflexion sur l'Anarchisme de J. de Guillebon et F. van Gaver.
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/07/2012

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