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05/07/2012

"Les voix de la foi", de François Huguenin (Perrin 2012) : c'est un livre de chevet pour aujourd'hui

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Vingt siècles de catholicisme par les textes !




Offrir « en quelques deux cents textes, une vision historique générale du catholicisme », c'était sans précédent : et c'était urgent parce que le Français d'aujourd'hui ne sait rien de la foi ni de la culture catholiques.

C'était aussi « une gageure » (souligne François Huguenin dans son introduction), sachant que le catholicisme a produit « des dizaines de milliers de textes qui mériteraient d'être portés à la connaissance du public ».

Huguenin a réussi. Ce livre de plus de huit cents pages permet à la fois de découvrir les fondements de la pensée catholique, et de comprendre l'évolution du catholicisme : la même dynamique spirituelle – l'Evangile – agissant pendant deux mille ans dans les esprits et créant sans cesse du nouveau, à travers les configurations changeantes de la société et de la culture.

Du coup, le livre Les voix de la foi devient le livre de chevet de tout catholique conscient.

Il est structuré en quatre parties :

1. Les temps apostoliques et patristiques : les fondations de l'Eglise indivise, de saint Jean l'Evangéliste à saint Maxime le Confesseur (vers 630)

2. La construction de l'Eglise d'Occident, de Charlemagne (789) à Nicolas de Cues (1439)

3. Réformes, renaissances et révolutions, de sainte Catherine de Gênes (début du XVIe siècle) à Henri-Dominique Lacordaire (1860)

4. Vers un nouveau rapport au monde, de Charles de Montalembert (1863) à Jean Vanier (2005) – ou plus précisément à saint Jean l'Evangéliste, qui ouvrait le livre avec sa première lettre et qui le clôt avec l'Apocalypse.

C'est une traversée spirituelle de l'histoire, des textes-clés aux textes-témoignages, le tout aimanté par l'eschatologie : d'où la puissance de ce recueil. Puissance pour le lecteur catholique, qui s'y ressource ; puissance également pour le non-catholique, qui peut y découvrir une richesse et une verdeur permanente qu'il ne soupçonnait pas. « Il s'agit en effet de raconter l'histoire d'une religion, le catholicisme, par des textes, de provenances et de genres différents, qui, replacés dans une perspective historique, s'inscrivent dans un mouvement dont ils constituent chacun un moment », explique Huguenin. Trois grandes thématiques traversent ces textes, se croisant parfois au sein d'un même extrait : l'intelligence de la foi ou le ''développement du dogme'' pour reprendre l'expression de Newman ; le rapport au monde et aux autres (notamment tout ce qui a trait à la sphère politique et sociale) ; la relation intime à Dieu, c'est-à-dire la mystique, qui constitue en quelque sorte la ''basse continue'' de cet ensemble. »

« Nombre des auteurs présents dans cet ouvrage ont été suspectés d'hétérodoxie à un moment donné avant d'être réintégrés dans la réflexion de nombreux théologiens et du magistère lui-même, souligne Huguenin : par exemple, Origène, Eckhart, et, plus près de nous, Lagrange, Lubac, Balthasar ou Teilhard de Chardin... »

Impossible à résumer de par sa nature même et sa variété, ce recueil (dont chaque extrait est précédé d'une mise en perspective rédigée par Huguenin) est une thérapie dans le malaise actuel du catholicisme français. Sa lecture crayon en main peut guérir une maladie de l'esprit : celle qui consistait à croire que Vatican II avait opéré une rupture. Les uns (par exemple aujourd'hui les religieuses américaines athées) s'en félicitent pour se rallier aux dérives de la société ambiante ; les autres (les ultracatholiques en France) s'en affligent pour s'enfermer dans un bunker. Or la « déchristianisation des terres historiques du catholicisme occidental », comme dit Huguenin, n'est pas due à Vatican II mais à des causes sociologiques multiples ; et la réponse de l'Eglise catholique à un « monde qui change » est d'y maintenir « la foi des Pères en s'y adaptant, sans toutefois s'y dissoudre ». Ce fut la volonté de Paul VI, de Jean-Paul II, et c'est celle de Benoît XVI, chacun à sa manière. Le livre Les voix de la foi apporte une masse d'éléments à l'appui de cette difficile navigation de l'Eglise dans la postmodernité.

Analyser l'Eglise d'aujourd'hui « en termes de déclin ou de renouveau » a ses limites, constate Huguenin : « si un catholicisme sociologique a manifestement cessé d'exister dans les terres qui l'ont vu naître et où il fut tout-puissant », la foi catholique peut faire naître « une instance critique » dans la société du capitalisme tardif* où la négation de Dieu conduit à la négation de l'homme « dans ce qu'il a de plus profond ».

Mais d'où naît cette foi ? Toute la question est là, et le livre y répond avec ampleur en mettant l'accent sur la première période de l'Eglise, notamment sur ses Pères : excellente façon de venir au secours du catholique moyen, désarçonné par l'offensive médiatique des quinze dernières années contre la divinité du Christ et l'authenticité des Ecritures.

Parlant de la « vibration commune partagée au delà des frontières et des siècles » par les si nombreux auteurs qu'il met en lumière dans son recueil, Huguenin conclut :

« Ce parcours pourrait convaincre le lecteur, croyant ou non, que le catholicisme, dans l'histoire des religions, revêt depuis deux mille ans trois constances qui font sa singularité : être une religion qui, plus que toute autre, a cultivé l'intelligence, participé à l'élaboration d'une grande culture et mis en oeuvre le dialogue entre la foi et la raison ; proposer une ''Bonne Nouvelle'' universelle et, en dépit des prismes culturels par lesquels le catholicisme s'est développé, la diffuser sans discrimination de race, de statut et de richesse ; mettre au coeur de l'existence humaine cette intimité avec Dieu qui est affirmée comme étant le but de la vie éternelle, mais aussi de toute vie terrestre. »

 

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*  Précision de PP : cette définition est de moi, non de l'auteur.